Les Lead Planes (1ère partie)

C’est un spectacle courant dans l’ouest des USA. Un feu ravage des collines boisées, un petit bimoteur arrive alors, émet une courte fumée blanche et quelques secondes plus tard, un Tanker délivre sa charge de retardant à cet endroit précis. L’avion guide ou  « Lead Plane »  est un concept typique du continent américain. Ces avions, et leurs équipages, jouent un rôle de toute première importance dans les opérations de lutte contre les incendies.

Un King Air guide un P-3 Orion sur un feu au Nouveau-Mexique en 2011. (Photo : K. Greer/USFS)

L’existence de ces appareils de guidage, ou Lead Plane, est dictée par une triple nécessité. La sécurité en premier lieu car ces avions légers reconnaissent les secteurs de largages ; la fluidité des opérations car ils permettent aux avions chargés de la lutte contre les feux de ne rester dans la zone que le temps nécessaire à leur action ; et l’efficacité puisque c’est aux équipages de Lead Plane d’évaluer les largages, de faire remonter l’information aux équipages concernés et aux suivants avec pour seul objectif d’améliorer l’efficacité et la sécurité des opérations.

Comme les avions de lutte anti-incendie relèvent principalement d’entreprises privées sous contrat avec les autorités locales, le coût de chaque heure de vol, de chaque litre de retardant, pèse directement sur les contribuables, il est donc nécessaire d’en faire usage le plus efficacement possible.

La FTA

Coupe schématique de la Fire Traffic Area (FTA) applicable sur les feux aux USA. (Document FAA)

Le Lead Plane opère à l’intérieur de la FTA, Fire Traffic Aera, la zone aérienne d’opérations centrée sur l’incendie, qui est aussi une zone d’exclusion pour les appareils non concernés par l’incendie.

Au sommet de la zone, un avion, l’Air Attack, orbite. Son travail est de coordonner l’engagement des moyens aériens en fonction des besoins des équipes au sol, ou, dans les cas où les opérations se déroulent sans pompier – les feux aux USA peuvent intervenir dans des secteurs très isolés, les avions jouent là un rôle encore plus indispensable – selon ses propres observations.

A bord de l’Air Attack, en plus du pilote, se trouve un pompier spécialement formé aux opérations aérienne, l’ATGS, Air Tactical Group Supervisor.

En contact avec les hommes au sol, en particulier l’Incident Commander, le responsable de l’ensemble des opérations sur l’incendie en question, et les pilotes, l’ATGS, qui doit surveiller un nombre incroyable de fréquences tout en assurant l’observation visuelle de l’incendie, participe à déterminer les objectifs. Ceux-ci définis, l’ATGS briefe par radio le Lead Plane, autorise le Tanker à pénétrer dans la FTA et lui donne la fréquence pour contacter le Lead Plane qui lui est affecté à ce moment-là.

Petit briefing au pied de l’avion pour ce Lead Plane Pilot de l’USFS. (Photo : U.S. Air Force)

Les tactiques

Le Lead Plane, en action dans la FTA, a généralement déjà reconnu le secteur et s’est assuré de la sécurité des futures passes en identifiant les dangers éventuels comme des lignes électriques ou des antennes. Il a aussi repéré les « portes de sorties » que le Tanker pourra emprunter pour s’échapper en sécurité du relief. Le pilote connaît les performances de l’avion qu’il doit guider et doit constamment s’y adapter. Il donne le signal du largage avec un dispositif fumigène dont son avion peut-être équipé pour effectuer cette mission. Il peut aussi donner un « top » à la radio ou profiter d’un repère distinctif au sol pour indiquer, verbalement, l’endroit choisi.

Une  fois le largage effectué, l’ATGS autorise le Tanker à retourner au remplissage – l’expression « Load and Return » est devenu une sorte de cri de ralliement des équipages de Tanker – ou à se mettre en attente au sol, « Load and Hold », si il estime l’opération terminée. Le Lead va alors prendre en compte un nouveau Tanker chargé ou bien reconnaître un nouveau secteur. Il peut aussi se mettre en attente.

Pour la passe de largage, le Lead Plane dispose, en fait, de trois tactiques possibles.

1 – « Show me »

Le Lead Plane évolue devant le Tanker et effectue le circuit de largage complètement, pour démontrer la trajectoire qu’il va falloir adopter, le Tanker reste en attente mais doit évidemment conserver le visuel. Les deux appareils rassemblent ensuite pour opérer en utilisant ensuite une tactique de poursuite ou de guidage, mais le Tanker peut aussi, très bien, procéder seul au largage.

2 – « Chase Position »

Sur certains secteurs, le Lead Plane se met en arrière du Tanker. Il peut alors lui donner des indications de trajectoire par radio ce qui peut être moins précis. Néanmoins cette position permet d’évaluer immédiatement la qualité du largage. Dans le vocabulaire des pilotes de Tanker, cette méthode est dite du « Bird Dog ».

Les tactiques « Show-me » (à gauche) et « Chase », aussi appelée « Bird Dog » (à droite), utilisées par les Lead Planes dans 20% des cas. (Doc : USDA)

3 – « Lead »

Circuit adoptés pour la tactique utilisée dans 80% des cas, le « Lead ». (Doc : USDA)

C’est la tactique la plus fréquente, 80% des cas, alors que théoriquement elle est réservée aux opérations où la visibilité est moyenne ou l’objectif difficile à décrire. Le Tanker se place en arrière du Lead Plane et largue sur son ordre. La distance entre les deux appareils doit être d’environ 400 mètres.

Les contraintes du Lead Plane sont assez importantes lorsqu’il est en charge d’un Tanker. Ils parlent d’ailleurs dans leur jargon, alors, d’avion « in tow », en cours de remorquage. Ils ne doivent pas effectuer de virages à plus de 45° d’inclinaison et sont tenus de prévenir le pilote du Tanker quand il faut dépasser 30°. Le taux de descente doit être le plus constant possible et la vitesse sur cible doit être inférieure à 130 kt. Le largage doit être effectué à 150 ft au-dessus du sommet de la végétation. Comme c’est généralement du retardant, les textes sont clairs : « il est important que le retardant pleuve sur la zone avec le moins de mouvement horizontal possible. »

La sortie de zone doit s’effectuer à 130 kt et les virages ne doivent pas dépasser 1,5 G. En cas de nécessité, le tanker peut dépasser le Lead par la droite ou par l’extérieur du virage. Si le terrain ne le permet pas, le Tanker dépasse le Lead par le haut. Au moment de la séparation, après le largage, le Lead offre l’option de sortie la plus facile pour le Tanker et dégage de son côté en profitant de la maniabilité de son appareil.

Ensuite, le pilote du Lead Plane fait son évaluation du largage auprès de l’ATGS, des pompiers et du Tanker concerné, l’objectif étant de tenir compte des éventuelles difficultés de la passe pour améliorer les suivantes.

Formation et qualification des pilotes

Les Lead Planes relèvent des organismes qui les activent, US Forest Service (USFS), Bureau of Land Management (BLM), Department of the Interior (DOI) ou Cal Fire par exemple. Leurs pilotes appartiennent aux organismes concernés. Ils sont qualifiés commandant de bord selon les normes civiles mais ont, en plus, suivi un cursus spécifique pour obtenir la qualification Lead Plane qui les autorise à évoluer ainsi à moins de 160 mètres du sol (500 ft AGL).

Mike Lynn, pilote de Lead Plane pendant 20 ans pour l’USFS et le BLM avait, auparavant, effectué 20 ans comme pilote de Tanker. Il est un des pilotes les plus respectés du milieu.

Ils sont formés par des instructeurs spécifiques, expérimentés dans la profession, et testés par des Lead Plane Check Pilot. La qualification initiale nécessite au moins 10 missions sous la supervision de l’instructeur. Pour parfaire sa connaissance du domaine, le candidat peut être amené à effectuer plusieurs missions comme observateur à bord d’un Tanker.

Une fois la formation initiale validée, elle est automatiquement renouvelée lorsque le pilote peut justifier de 30 missions réelles, avec largages, au cours des trois ans écoulés. Si ce chiffre n’est pas atteint, le pilote doit effectuer une mission de prorogation, sur feux, avec un pilote examinateur (Lead Plane Check Pilot).

Chaque année, une session d’entraînement pour tous les pilotes concernés est effectuée avant le début de la saison feu. Elle comprend des cours théoriques, au sol, et au moins trois heures de vol par pilote où sont passés en revue des points essentiels comme l’évaluation de la taille des feux, la technique de description des cibles, les communications, les trajectoires de dégagement et les procédures d’urgence. Un dernier vol, effectué avec un LP Check Pilot permet ensuite de valider l’entraînement.

Quelques Lead Planes de l’USFS rassemblés à Fox Field, en Californie pour une session de « Training » en mars 2018.

Les pilotes de Lead Plane expérimentés peuvent être qualifiés Air Tactical Pilot. Ils peuvent alors voler avec un ATGS spécialement formé pour le travail en équipe, Air Tactical Supervisor, et effectuer alors des missions ASM (Aerial Supervision Module) autorisé à  effectuer simultanément les missions d’Air Attack et de Lead Plane.

L’emploi des Lead Planes

Officiellement, l’emploi des Lead Plane n’est pas obligatoire étant donné que les commandants de bord des Tankers sont qualifiés IA, Initial Attack, ce qui signifie qu’ils sont aptes a reconnaître eux-même le secteur et opérer de façon indépendante ou sous la seule supervision d’un ATGS.

Initialement l’apport des Lead Plane était réservé aux opérations délicates, par visibilité réduite, au dessus des zones urbaines et dans les reliefs difficiles. L’apport de sécurité et d’efficacité des avions légers l’a, de façon tout à fait pragmatique, rendu pratiquement systématique. Il est aussi souvent souhaitée par les équipages de Tanker qui, si ils disposent des radios nécessaires, bénéficient ainsi de intermédiaire de l’ATGS et du pilote du Lead Plane pour ne pas avoir à  discuter directement avec les hommes au sol, ce qui allège leur tâche et simplifie les communications. Leur présence, ainsi que celle des Air Attack et des ASM, a l’avantage de maintenir des appareils sur zone pour suivre les développements du sinistre et des interventions, ce qui facilite, bien évidement, la coordination de l’ensemble des moyens.

Néanmoins, trois cas existent où l’engagement des Lead Plane est obligatoire : lorsqu’il s’agit de guider un VLAT, DC-10 ou Boeing 747. Dans ce cas, les pilotes concernés ont été spécifiquement formés et disposent d’une approbation officielle pour cela. Parmi les points à prendre en compte en plus des performances particulières de ces avions lourds, ils doivent gérer la séparation rendue nécessaire par les turbulences de sillage. C’est la raison pour laquelle, sur une opération complexe, les VLAT larguent en dernier et qu’un délai d’au moins 5 minutes est nécessaire avant de faire larguer un autre tanker au même endroit.

Les opérations avec les VLAT, ici lors d’une session d’entraînement, exigent des précautions particulières et ne peuvent être effectuées qu’avec des pilotes de Lead Plane spécifiquement qualifiés. (Photo : Tanker 10)

Les avions militaires MAFFS sont également précédés de façon systématique d’un Lead Plane. La raison est simple. Par leurs fonctions, il est difficile de qualifier « Initial Attack » les équipages militaires qui changent d’affectation, effectuent des détachements, participent aux opérations de combat. Ceci se justifie d’autant plus que les MAFFS ne sont que des renforts ponctuels. S’en remettre au talent des Lead Planes pour leur permettre de jouer un rôle est finalement assez logique.

Les pilotes qui guident les MAFFS doivent avoir effectué au moins une semaine de « training » avec eux au cours de leur formation initiale. Cette expérience, ce stage pratique, doit être renouvelé tous les quatre ans pour être prorogé.

Spectaculaire session d’entraînement « downhill » avec les MAFFS dans l’Arizona en 2009. (Photo : USAF)

Un troisième cas existe. Régulièrement, des avions canadiens sont amenés à intervenir ponctuellement, en renfort, sur le territoire US, en particulier les Convair 580 de Conair ou les L.188 d’Air Spray, les CL-415 québécois présents à Los Angeles étant un cas de figure à part. Dans ce cas, leurs interventions doivent être supervisées par un ASM ou un Lead Plane US. Néanmoins, en cas d’absence ou d’indisponibilité des avions auxiliaires US, les « avions-pointeurs » canadiens (ou Bird Dog, qui ont sans doute donné leur nom pour la manœuvre « Chase » chez les pompiers du ciel américains), sont autorisés à les guider. Ils sont même autorisés à effectuer des « Show Me » au profit des Tanker US et de suppléer à l’absence d’un ATGS pour certaines opérations.

Le nombre d’appareils utilisés comme Lead Planes est variable en fonction des saisons mais concerne généralement une vingtaine d’appareils. En 2016, l’USFS disposait de 15 avions. C’était des appareils loués en « Dry Lease », c’est à dire sans équipage, auprès de compagnies aériennes. Le BLM en avait 4 à 5 souvent utilisés en ASM, le DOI, un seul, comme le Cal Fire. Des appareils supplémentaires peuvent faire l’objet de contrats Call When Needed.

Le choix de ces appareils répond à des exigences strictes.

A suivre

A la recherche du Catalina perdu

En 2013, à l’occasion du cinquantenaire de la base de bombardiers d’eau de la Sécurité Civile à Marignane, un immense Catalina avait été offert à Claude « Loulou » Le Louarn.

« Loulou » est un personnage. Il a fait partie des pionniers de la base, mécanicien navigant, membre de l’équipe d’origine, ceux qui ont posé les deux premiers Catalina bombardiers d’eau français à Marignane en juin 1963 ! Toujours bon pied bon œil, Claude continue d’être un membre actif de l’Amicale des Pompiers du Ciel et n’a jamais rompu les liens avec son métier et ses successeurs.

Cet imposant objet, œuvre d’Emmanuelle Ramon, était alors exposé à la Base d’Avions de la Sécurité Civile (BASC).

En 2017, la BASC de Marignane a fermé et les avions ont rejoint leur toute nouvelle base à Nîmes d’où ils opèrent désormais.

Pour éviter tout problème pendant la période du déménagement, Claude a confié provisoirement le Catalina au Musée municipal de Marignane.

« Loulou » pose en compagnie de la maquette désormais manquante le 1er juin 2013, à Marignane, lors des célébrations du cinquantenaire des bombardiers d’eau français.

Il y a quelques semaines, au moment de rapatrier l’appareil vers Nîmes où un emplacement a été prévu pour son exposition, impossible de remettre la main dessus. Pourtant, avec 1,70 m d’envergure, l’objet n’était pas vraiment un « porte-clé » qu’il est facile d’égarer !

Claude a donc lancé un appel à l’aide pour retrouver ce cadeau. Il semblerait que l’objet ait été récupéré par un particulier sans doute ignorant que cette imposante maquette n’était ni sans propriétaire ni abandonnée.

Si l’intéressé lit ce message, qu’il sache qu’il n’est pas trop tard pour ramener l’objet au Musée ou à la base de Nîmes afin qu’il puisse reprendre la place qui est la sienne, au milieu des souvenirs des bombardiers d’eau français.

 

Un DC-10 au Chili

Deux ans après les incendies de la Cordillère des Andes qui avaient mené le Chili à appeler à l’aide les moyens de plusieurs entreprises américaines spécialisés et le Ministère des Catastrophes Naturelles russe, le gouvernement de Santiago du Chili semble avoir compris que les avions lourds de lutte anti-incendie ont un rôle essentiel à jouer pour amener l’eau ou le retardant là où les pompiers terrestres ne peuvent intervenir qu’avec difficulté.

Le Tanker 910 à Santiago du Chili, il y a quelques jours. (Photo : Jacdec)

Après avoir utilisé le Boeing 747-400 Supertanker et, quelque part, lui avoir mis le pied à l’étrier au point de convaincre ensuite la Californie de lui attribuer un contrat saisonnier et de lui faire connaître deux saisons-feu intenses, le Chili a fait, cette année, appel à la société Tanker 10 et a vu un des quatre DC-10 de l’entreprise arriver à Santiago il y a quelques jours. C’est le Tanker 910 qui a été envoyé sur place, un DC-10-30 entré en service en 2015 en remplacement du premier des avions modifiés par la société américaine, un DC-10-10 qui a été alors retiré du service et démantelé.

Capables d’emporter 35 tonnes de retardant, les DC-10 qui ont plus d’une décennie d’opérations à leur actif désormais, on largement fait leurs preuves aux USA et en Australie. Cet exemplaire aborde désormais un nouveau territoire d’action, très difficile puisque extrêmement montagneux. Mais l’attente des Chiliens est forte.

Comme pour le 747 il y a deux ans, c’est un C295 ACH de l’escadrille VP-1 de l’aviation navale qui lui sert de Lead Plane lors de ses opérations qui ont déjà débuté.

Il y a deux ans, l’intervention du Supertanker avait rendu l’avion emblématique et pratiquement légendaire. Est-ce que le DC-10 arrivera aussi à se rendre aussi populaire ? C’est sans doute le moins important des objectifs des équipes de Tanker 10 à l’heure actuelle.

Le 9 janvier, au retour d’une mission, un des pneus du Tanker 910 a éclaté, projetant quelques débris. Un des volets du triréacteur a été touché, immobilisant l’avion en attendant la réparation. Pour ne pas laisser le Chili démunis de moyens d’intervention, bien que le DC-10 ne soit pas le seul aéronef en action sur place, Tanker 10 a dépêché aujourd’hui le Tanker 914, l’avantage de pouvoir disposer de plusieurs avions…

La livrée des prochains Milan

La Sécurité Civile vient de rendre public le schéma de décoration des Q400MR qui devraient être livrés à partir d’avril prochain.

On s’éloigne des couleurs actuelles, héritées du constructeur Conair, proches dans leur schéma de celles des Firecat et des RJ-85 modifiés au Canada.

Version de lutte anti-incendie. (Infographie Sécurité Civile)

version de base. (Infographie Sécurité Civile)

Ce schéma se rapproche de la décoration des Beechcraft 200 rénovés, une décoration qui a fait beaucoup parler.

On note sur ces dessins l’indicatif 74 et l’immatriculation F-ZBMD qui correspondent au deuxième avion de ce type livré à la Sécurité Civile en 2005. Si il est fort probable que le Milan 75 soit livré ainsi, ce choix pourrait indiquer que l’ensemble de la flotte des Q400MR français pourrait adopter, à moyen terme, la même livrée.

Il est difficile de juger un schéma de décoration sur un dessin, il faudra donc attendre que le premier avion de cette nouvelle série sorte de chantier de conversion. Nous ne devrions pas à avoir à attendre trop longtemps…

Modifié le 25 novembre.

Les Canadair aux USA

Si la famille Canadair, par ses différents avatars, CL-215, CL-215T et CL-415, en attendant le CL-415EAF et le futur CL-515, représentent les avions phares de la lutte anti-incendie au Canada et en Europe, il est un pays, les USA, durement touché par les feux, où cette famille d’appareils n’est pas parvenue à s’imposer en dépit d’une présence remontant à des décennies et des grands espoirs de ses constructeurs. De nombreux facteurs opérationnels, structurels et économiques expliquent cette déception.

Bombardier CL-415 SuperScooper du Québec en virage au-dessus du Lac Castaic en Californie (Bombardier)

Lorsque Canadair lance son CL-215 à la fin des années 60, il ne fait guère de doute que le marché américain fait partie de ceux visés par la firme canadienne. Les feux y sont nombreux et les avions convertis pour lutter contre eux montrent leurs limites. Un avion spécifiquement conçu pour cette mission devrait pouvoir trouver là des débouchés commerciaux importants. Cette réflexion n’avait rien d’utopique, puisqu’un certain nombre d’opérateurs exploitaient alors des PBY Catalina, c’était le cas notamment de la société Flying Firemen ou de Hemet Valley Flying Services en Californie, mais pas seulement, et que le CL-215 visait clairement la succession de ces appareils.

Un des Super-Catalina de HVFS en Californie dans les années 70, des avions qui auraient pu être remplacés par des CL-215. (Coll. René J. Francillon)

Une des premières présences attestées du CL-215 aux USA, remonte au mois de septembre 1970 lors du feu dans les Laguna Mountains. Les Avenger, les Tigercat et les B-17 Tanker de l’époque furent cloués au sol certains jours en raison du vent. La firme canadienne envoya là bas un des premiers CL-215, au titre de démonstrateur, mais sans convaincre. Doit-on y voir un signe, mais au lieu de promouvoir l’utilisation du nouvel appareil, les feux de septembre et octobre 1970 servirent de point de départ pour la création des plateformes MAFFS de l’US Forest Service.

A plusieurs reprises, au cours des années 70 et 80, les avions du gouvernement de Québec traversèrent à nouveau la frontière sud de leur pays pour aller intervenir  ponctuellement à la demande de collectivités locales d’Arkansas, de Caroline du Nord et du Sud, de Floride, du Maine, du Tennessee ou de Virginie.

En 1979, deux CL-215 se posèrent à Los Angeles et participèrent pendant quelques semaines aux opérations contre les feux, mais l’expérience ne fut pas poursuivie en raison du coût de ces appareils.

En 1993, de gros feux éclatèrent à nouveau autour de la mégapole californienne. 500 maisons furent détruites et les dégâts se montèrent à 1 milliard de Dollar. Les moyens du CDF et les avions fédéraux s’avérèrent dépassés ou pas assez nombreux, le comté de Los Angeles, qui administre un territoire une surface de 12 300 km2 et près de 10 millions d’habitants, de Long Beach sur la côte sud à Palmdale aux portes du désert, décida de prendre les choses en main et demanda au Québec de lui fournir deux avions. Ce sont deux CL-215T qui arrivèrent pour renforcer les moyens locaux, constitués d’hélicoptères bombardiers d’eau.

A partir de 1995, ces avions font l’objet d’un contrat de mise à disposition entre septembre et décembre, période calme pour feux dans leur Province d’origine. Ces contrats, d’une durée de cinq ans ont été reconduits à échéance de façon systématique et les CL-215T ont laissé la place désormais à des CL-415.

Les deux CL-415 du Québec, encore présent en janvier 2018 sur l’aéroport de Van Nuys. (Google Earth)

Ce contrat est un accord gagnant-gagnant. Le Comté de Los Angeles dispose alors de deux avions avec de bonnes capacités, pouvant écoper notamment sur le front de mer et sur quelques plan d’eau à l’intérieur des terre autour de l’agglomération de Los Angeles. Pour le Québec, les deux avions peuvent aussi servir pour l’entraînement et la formation des équipages dans une région où les conditions météo sont favorables au vol plus de 300 jours par an.

Dans les années 90, ce contrat a néanmoins fait l’objet de contestations des opérateurs locaux car ces avions sous contrat constituaient une concurrence directe pour leurs entreprises de travail aérien. l’AAF, Associated Aerial Firefighter Association, qui avait fait plier l’USFS et l’USAF sur l’emploi des MAFFS était une fois de plus en première ligne. Plusieurs opérateurs, dont les PBY Catalina commençaient à avoir du mal à trouver des missions, faisaient valoir que leurs appareils étaient mieux adaptés que les avions canadiens et moins chers. Néanmoins, le L.A. County Fire Department ne plia pas et les Canadair restèrent.

Ces contrats restent néanmoins onéreux (2 000 000 USD environ pour la saison 2017) ce qui peut expliquer que le LACoFD a même envisagé un temps d’acquérir un CL-415 en propre. En octobre 2015 pour la toute première fois, la flotte sous contrat a été portée exceptionnellement à quatre avions ; les évènement de ces dernières semaines sembleraient montrer qu’une initiative de ce genre mériterait d’être renouvelée !

A fourth Super Scooper arrives at Van Nuys Airport the afternoon of Oct. 2.

2 octobre 2015, un quatrième CL-415 du Québec se pose à Van Nuys pour servir les pompiers du Comté de Los Angeles, une première historique puisque c’est la première fois que cet organisme  disposait d’autant d’appareils de ce type. (Gene Blevins/LACoFD)

L’expérience acquise par le LACoFD eu au moins pour conséquence d’inciter également la ville de San Diego, en octobre 2017, lors des grands feux de l’automne dernier, à émettre une demande équivalente vers le Québec et obtenir ainsi la présence de deux CL-415 pour la protection de la ville et de ses alentours immédiats.

L’expérience américaine du Canadair ne se résume pas seulement aux opérations canadiennes en Californie.

En 1999, la Division of Forest Ressources de Caroline du Nord achèta le CL-215 msn 1008 auprès du Québec. Immatriculé N215NC, le bombardier d’eau opéra régulièrement depuis sa base d’Hickory. L’avion est arrêté de vol en 2008 et radié en 2011.

De son côté, dans le Minnesota, un secteur où les lacs sont nombreux, le Department of Natural Resources s’offrait deux CL-215 d’occasion en 2001 portant les numéros de coque 263 et 266. Ces deux appareils sont revendus en 2015 pour être remplacé par des Air Tractor. Entre temps, outre les opérations dans leur État d’origine, ils ont été envoyés pour des missions ponctuelles en Alaska (en 2004) ou dans l’Arizona (2005).

La société Aero Flite de Kingman dans l’Arizona acheta trois CL-215 (1081/262 1090/264 et 1103/267) auprès de la Province de l’Ontario en 2001. Ces appareils sont remplacés par quatre CL-415 flambants neufs, parmi les derniers produits en 2015-2016 par Bombardier (2089, 2092, 2093 et 2095, Tanker 260 à 263.)

Le Tanker 261 d’Aero Flite est le CL-215-6B11 msn 2092.

Face aux difficultés des années 2000, après le bannissement de nombreux types d’appareils en 2004, l’intérêt de l’avion écopeur sembla revenir au sein de l’US Forest Service.

Un premier rapport est publié en décembre 2007 portant sur la stratégie d’équipement de la flotte fédérale avec l’objectif de développer la flotte des Large Air Tanker à partir de 2008 pour atteindre 32 appareils en 2018. Selon ce plan, les effectifs des avions écopeurs devraient être de 2 à 3 appareils, pas plus, selon l’argumentation suivante : « Les appareils de type 3 (CL-215, 215T, 415 ou FireBoss) ne peuvent égaler les avantages de vitesse, de capacité et de rayon d’action des appareils de type 1 et 2.« 

Un nouveau plan fédéral est ébauché en 2014 s’appuyant sur la présence dans la flotte de la société Aero Flite des quatre CL-415 neufs.

Un programme d’évaluation opérationnelle sur quatre saison fut engagé et les appareils concernés firent l’objet de contrats spécifiques. Deux se retrouvèrent sous contrat exclusifs et basés à Lake Tahoe Airport à la frontière entre la Californie et le Nevada, avec le lac Tahoe comme point d’écopage reconnu. Il faut dire qu’avec ses 30 km de long et 20 de large, il s’y prête tout à fait. Les deux autres avions furent sous contrat d’activation à la demande (Call When Needed).

CL-415 à Lake Tahoe en 2016. (Antoine Grondeau/Heading West)

La première leçon de cette évaluation a surtout démontré à quel point ces avions étaient coûteux : pour la saison 2016, le N389AC était loué 54 246 USD par jour auxquels s’ajoutaient 9 247 USD par heure de vol. Bien évidemment, l’explication au prix à la journée est l’amortissement nécessaire des investissements consentis pour l’achat d’un avion neuf, bien plus onéreux par nature que les machines d’occasion converties

De fait, la comparaison avec les autres appareils en service n’est clairement pas en faveur de l’avion canadien surtout quand ses coûts sont mis en regard d’autres appareils achetés d’occasion :

En 2016, le DC-10 N522AX était loué 28 387 USD par jour plus 13 005 USD par heure de vol en contrat exclusif. Son homologue N612AX, en contrat Call When Needed était activable moyennant 54 128 USD par jour et 8 058 par heure de vol. Plus modeste par ses capacités, bien que disposant d’un réservoir de retardant de 7000 litres, le P2V Neptune Tanker 43, alors au  crépuscule de sa carrière, opérait moyennant 18 387 USD et 8 495 USD par heure de vol.

Contrairement à l’Europe ou à certaines Provinces canadiennes où les moyens de lutte anti-incendies relève des moyens nationaux, les sociétés de droit privé intervenant dans ce domaine aux USA se doivent d’ être très regardantes sur le coût d’acquisition de leurs moyens afin d’être compétitives lors des appels d’offres pour les contrats saisonniers.

Néanmoins, ce n’est pas parce que les avions écopeurs sont onéreux, en neuf comme d’occasion, que leur mission n’est pas considéré comme importante. Mais d’autres moyens sont mis en œuvre pour l’accomplir.

Dès les années 80, les hélicoptères bombardiers d’eau commencèrent à se développer, équipés de réservoirs sous-élingue et de soutes spécialisées et se montrèrent à leur avantage. Pouvant recharger leurs moyens d’extinction dans des points d’eau de faible taille et de faible profondeur, totalement inaccessibles aux voilures fixes, ils pouvaient ainsi opérer au plus proche des feux. Dans certains cas, il est même possible d’acheminer des berces remplies d’eau ou de retardant pour alimenter les hélicos au contact du feu. Leur productivité est donc égale, voire supérieure, à celle d’un avion écopeur. La taille de ces hélicos n’a, de plus, cessé d’augmenter, comme leurs capacités d’emport.

Le HBE Lourd est le concurrent le plus rude pour les avions de lutte anti-incendie amphibie.

Aujourd’hui Aircrane et CH-47 Chinook ont des capacités d’emport équivalentes aux tanker de type I (3000 gallons) soit une fois et demi la capacité d’un Canadair, environ, avec une souplesse d’emploi inégalable, un cout d’achat faible et des coût d’exploitation équivalents.

Pour  les CL-415, ces hélicoptères sont de redoutables concurrents. A titre d’illustration, en 2016 le CH-47D N947CH, était loué en contrat exclusif par l’USFS pour la somme de 28 800 USD par jour et 7 394 USD par heure de vol.

En ce qui concerne les performances, avec une capacité théorique de 12 998 litres et une vitesse de 130 kt en croisière, ce CH-47D n’a pas à rougir face au 150 kt et aux 6200 litres d’un CL-415.

Mais un des freins plus étonnant à l’expansion de l’emploi des avions  amphibies est venu, assez récemment et de façon très paradoxale, des mouvements environnementaux et écologistes, notamment en Californie où la préservation du patrimoine naturel est devenu un enjeu sociétal et politique majeur.

En Europe, les amphibies écopent au plus près du feu à traiter en fonction de facteurs habituels, opérationnels ou météorologiques, en privilégiant les points d’eau douce pour préserver l’outil de travail. En Californie, pour éviter que des espèces endémiques d’un lac n’aillent perturber les espèces endémiques du lac d’à côté, les avions ne peuvent utiliser qu’un nombre limité de points d’eau et avec la consigne de ne pas changer de point d’écopage sans repasser par un aérodrome pour le rinçage de la coque. Pour des raisons de même ordre, le nombre de lacs autorisés à l’écopage est également limité, pour les régions où ce genre de point d’eau existe, bien évidemment.

Un CL-415 du Québec en train d’écoper sur le Lac Castaic près de Los Angeles, un des rares sites possibles pour cette opération dans la région. (Bombardier)

Ainsi les avions opérant à Los Angeles n’ont que trois points d’écopages possibles. : Le littoral, mais où la houle peut être forte et l’eau salée attaque les avions, ce qui oblige à des rinçages de précaution précis au retour du vol, le lac Castaic, une retenue d’eau pour un barrage située au nord du secteur, au-dessus de Santa-Clarita, et le Santa Fe Dam recreationnal Aera, une autre retenue d’eau de seulement 1200 mètres de long.

Les deux Canadair québécois à l’écopage en août 2015 sur le Santa Fe Dam, le bonheur pour un spotter !

Même si le rapport final de l’évaluation opérationnelle des Canadair d’Aero Flite a reconnu que ces appareils, lorsqu’ils étaient utilisés à proximité de plans d’eau permettant des rotations rapides, étaient viables, la comparaison avec les hélicoptères de type 1 a entraîné la relégation des deux avions sous contrats exclusifs à des contrats CWN. Néanmoins, la saison 2018, violente et mortelle, a vu ces avions être utilisés parfois intensément, notamment autour de Los Angeles et de Malibu.

Un autre facteur semble devoir être pris en considération : Si, en particulier en France, l’utilisation conjointe de plusieurs avions de ce type va de soi, il n’en est pas de même outre Atlantique.

Une vision stupéfiante pour un californien et une façon d’opérer inconnue là-bas, mais pour des raisons logiques.

La noria, qui permet à chacun des intervenants de profiter de l’efficacité du largage précédent pour augmenter l’effet du sien ne peut s’envisager qu’avec un nombre important d’avions, l’unité de base française étant souvent de quatre appareils en patrouille, ou avec la proximité immédiate du plan d’eau écopable.

Or, l’action simultanée de plusieurs avions est un concept peu mis en œuvre aux USA où les Tanker doivent être pris en compte par un Lead Plane et où les écopeurs ne sont pas assez nombreux pour permettre ce genre d’action. D’autant plus que la taille du théâtre d’opération oblige clairement un éparpillement des moyens. Là aussi, la notion de coût ne peut être mise de côté. Mais n’est-ce pas une piste à creuser pour les secteurs où ce mode d’action pourrait se révéler décisif, quitte à adapter les modes opératoires ?

Les avions écopeurs n’ont-ils vraiment aucune chance dans l’ouest des USA ? Certainement non, surtout si on en juge la présence grandissante des amphibies FireBoss et si on se souvient que, en 2007-2008, la présence du Martin Mars en Californie avait vraiment interpellé les pouvoirs publics.

Les avions écopeurs n’ont pas dit leur dernier mot aux USA comme le prouve la présence grandissante des amphibies Air Tractor, comme ceux-ci, relevant de la compagnie Air Spray.

Une autre annonce montre que l’intérêt pour les amphibies canadiens n’est pas mort puisque Viking a dévoilé il y a quelques semaines le nom du client pour lequel trois CL-215 série 5 vont être convertis au standard CL-415EAF.

Projet pour les CL-415EAF de Bridger Aerospace Group, dans le Montana (infographie : Craig Barnett/Viking Air)

Il s’agit de la compagnie Bridger Aerospace, dans le Montana. Pour le moment la destination de ces avions n’a pas été dévoilée, car on ne sait pas si ces appareils vont viser des contrats locaux ou bien s’aligner pour des contrat fédéraux. Un quatrième appareil pourrait venir compléter cette flotte dont la date de livraison n’a pas été précisée encore.

Culturellement, dans l’ouest des USA, les amphibies ont donc du mal à devenir aussi indispensables qu’ils le sont en Europe, concurrencés par les hélicoptères lourds et ne pouvant atteindre les performances des tankers, notamment en vitesse de croisière, une donnée importante quand on connaît les distances à couvrir. C’est peut-être sur ce dernier facteur que la société Seaplane Global Air Services, qui a commandé 4 Beriev 200 et  6 en options pour des missions feux de forêt peut essayer d’argumenter.

Le CL-415EAF et le futur CL-515 de Viking pourront-t-ils changer le sens de l’histoire des avions Canadair aux USA ? (Infographie Viking Air)

On peut imaginer que lorsqu’il sera officiellement lancé le futur CL-515 sera présenté aux différents opérateurs de bombardiers d’eau aux USA. Si cette nouvelle version ne bouleversera peut-être pas l’échiquier opérationnel local on peut aussi penser que les évènement de cet hiver, les dizaines de morts du Camp Fire, peuvent faire bouger les lignes et que, au niveau fédéral comme au niveau local, un regain d’intérêt pour multiplier les solutions de lutte contre les feux pourrait bénéficier au nouveau venu ! Personne n’aurait à s’en plaindre !

Feux en Californie, un pilote témoigne !

Dans son émission de du 12 novembre 2018, Matthieu Belliard, sur Europe 1, a reçu Jérôme Laval, pilote du Cal Fire, de retour en France après sa saison mais sur le point de redécoller en direction de Santa-Rosa, sa base d’affectation, afin de prêter main forte à ses collègues engagés dans la lutte contre le « Camp Fire » au nord, qui est devenu le feu le plus mortel de l’histoire de la Californie avec une quarantaine de victimes à l’heure actuelle, et le « Woolsey Fire », au sud.

http://www.europe1.fr/emissions/votre-grand-journal

L’intervention qui nous intéresse débute à 11″28 et s’achève à 19″10, en voici la retranscription pour ceux qui auraient envie d’aller au principal rapidement :

Jérôme, à bord de son avion, au-dessus de la Californie.

Speak : Il est français, pilote de bombardier d’eau et de retardant, il repart en Californie, vous entendrez Jérôme Laval sur Europe 1 !

Matthieu Belliard : Vous avez forcément vu ces images, peut-être sur les chaînes d’information, la Californie et ses incendies, d’abord autour de Paradise, on est à une heure et demie au nord de San Francisco, puis la région de Malibu. On est sur un bilan d’une trentaine de morts, le bilan le plus lourd aux États-Unis depuis 1933 et pour parler de ces incendies, je vous propose un invité qui est avec nous en studio, Jérôme Laval, bonsoir !

Jérôme Laval : Bonsoir !

MB : Bienvenue dans les studios d’Europe 1, vous êtes pilote de Canadair, d’avions bombardiers aux États-Unis.

JL : Pas vraiment des Canadair, c’est des Tracker, c’est pas exactement la même chose mais on fait partie de la même équipe, c’est à dire qu’on est en avion et qu’on essaye d’aider les pompiers au sol à se battre contre les feux.

« Pas vraiment des Canadair, c’est des Tracker, c’est pas exactement la même chose ! »

MB : Vous êtes français, mais vous travaillez aux États-Unis comme saisonnier ?

JL : C’est ça, je fais ça depuis 23 ans et les saisons, je m’aperçois qu’elles durent de plus en plus longtemps. Au départ, c’était trois, quatre mois, et maintenant, on en est à six, sept mois d’affilé ! Et avec ce qu’il se passe en ce moment, en fait, c’est une répétition, un peu, de l’année dernière, où les feux les pires arrivent en fin de saison voire même au début de l’hiver, novembre, voire décembre.

MB : vous y étiez, aux États-Unis, il y a encore une dizaine de jours, une semaine…

JL : une semaine !

MB : et là, on vous a rappelé pour y retourner en fin de semaine.

JL : oui, parce que les pilotes tournent et donc, voilà, faut que j’y retourne !

MB : parce qu’ils ont besoin de renforts !

JL : oui, tout à fait !

MB : ça veut dire aussi qu’on sait déjà qu’aujourd’hui lundi qu’on aura encore besoin de vous en fin de semaine ?

JL : probablement, je dirai deux-trois semaines facile !

MB : deux trois semaines ?!

Carte du « Red Flag Warning » diffusé par le Cal Fire pour la journée du 12 novembre 2018. Les zones en rouge sont en risque majeur d’incendie.

JL : En fait, la clé : ils attendent la pluie ! Tant qu’il n’y a pas la pluie ils vont armer tous les avions pour être prêts pour attaquer ces feux-là, plus les autres. Il y a ce qu’on appelle un « red flag warning » sur toute la Californie. Ils attendent du vent. C’est un « Mistral » en gros, qui n’arrange rien à la situation, qui en fait est le déclencheur principal de ces feux.

MB : Est-ce que vous avez, parce que nous, nous sommes très impressionnés par les images qu’on voit ici, est-ce que vous avez déjà vu des incendies de ce genre dans le cadre de vos missions ?

JL : Oui, oui !!

MB : C’est toujours similaire, toujours aussi impressionnant ?

JL : Tout à fait !

MB : On a des témoignages de pompiers au sol qui sont poignants, qui sont touchants parce que là, on parle de vies humaines, on voit des maisons calcinées, des zones résidentielles complètement détruites !

JL : Moi, j’ai habité Paradise pendant deux ans. J’ai appelé un copain, qui répondait pas. Et puis finalement il a fini par répondre. Il m’a dit : « je suis parti avec ma famille, on est monté dans la voiture, on est parti, la maison était en feu, donc on a tout perdu sauf les vêtements qu’on portait. »

MB : Dans ces cas là, dans ces cas là on part ?

JL : On part !

MB : on ne se pose pas de question ?!

JL : le feu va tellement vite, c’était trois ou quatre terrains de foot à la minute, donc ça va très vite.

MB : Alors, vous, normalement;  vous travaillez sur une certaine saisonnalité et là, si ils vous rappellent, est-ce que ça veut dire que cet incendie-là, normalement, ne devrait pas avoir lieu au mois de novembre, mi novembre ?

JL : En fait, je dirais, depuis 2014/2015, il y a un changement et les saisons qui étaient typiques qui sont en train de changer et elles sont en train de s’allonger. On ne commence plus en juin mais en mai, on ne finit plus en octobre mais en novembre-décembre, dans le nord de la Californie. Dans le sud de la Californie, les pilotes sont à l’année. Depuis deux ans, il restent à l’année.

L’Arsenal du Cal Fire comprend aussi les OV-10 Bronco, qui ont un rôle primordial dans les missions de lutte contre les incendies en assurant la coordination des moyens terrestres et aériens.

MB : on a besoin d’eux tout le temps !?

JL : tout le temps !

MB : on risque ce genre d’incendie 12 mois sur 12

JL : tout à fait. Ce qui est intéressant, c’est qu’au début de cette année, j’ai beaucoup volé. Je suis dans le nord, j’ai beaucoup volé, sur plein de feux, alors que dans le sud, c’était très calme. Jusqu’à la semaine dernière. Jusqu’à ces feux de Malibu.

MB : De votre expérience, d’ailleurs, je voulais vous poser la question, est-ce qu’on travaille différemment aux États-Unis qu’en Europe ?

JL : Avec la France, la Californie a la même doctrine, la même philosophie d’attaque initiale c’est à dire des avions qui réagissent très vite, et on arrête les feux dans les 5, 10 ha. 97% des feux sont arrêtés à moins de 10 ha. Mais ça, on en entend jamais parler, et d’ailleurs, c’est très bien.  C’est à dire que le job est fait, pas de problème ! Les trois pour cent, c’est les feux catastrophe, c’est le ras de marrée, c’est la catastrophe, donc là…

MB : … On perd le contrôle !

JL : C’est la nature qui prend le contrôle surtout, et nous, on fait ce qu’on peut !

MB : La nature… Et on entendu aussi, aux USA, que Donald Trump commence à s’agacer un petit peu auprès des organisations fédérales, de mettre en cause un peu l’organisation, que ce soit dans la gestion des forêts ou dans la gestion écologique sur place ?!

JL : Aux États-Unis, c’est pas comme la France ; Donald Trump, c’est pas comme le Président Macron, les États-Unis c’est plus une fédération. Le Gouvernement, c’est le gouverneur de Californie, c’est l’équivalent du Président. Sa « Sécurité Civile », en Californie, moi, je pense qu’elle est bien, et en plus elle est en train de s’équiper avec des avions plus gros (NDT : Les C-130 ex Coast Guard/USFS) et changer les hélicoptères, donc ils vont dans le bon sens. Évidemment, comme c’est un État c’est difficile à gérer, l’anticipation n’est pas forcément là, et donc, il sont un peu en retard, mais comme tout le monde, comme tous les états en fait.

MB : Est-ce qu’il n’y a pas un problème avec toutes ces sécheresses à répétitions, un problème de gestion des forêts. En Californie, est-ce que ce débat-là existe ?

JL : Oui, ça existe, effectivement, les américains sont pro-nature, donc ils veulent laisser les forêts telles quelles. Je sais qu’en France, on fait très attention, on nettoie les forêts  beaucoup plus qu’aux États-Unis, et voilà, c’est un choix. Soit on laisse la forêt telle quelle et on risque des feux, soit on habite au milieu avec le risque de voir sa maison brûler soit…

MB : notre correspondant, Benoit Clair, qu’on entendra un peu plus tard dans ce journal, me disait que certains assureurs ne veulent plus assurer des maisons qui sont près de la forêt.

JL : C’est le grand débat actuel en Californie, c’est à dire que maintenant, les assureurs, je pense, vont faire le tour de chaque maison et vont dire: « maintenant, si vous ne coupez pas tel arbre, tel arbre, tel arbre, on assure pas la maison, les arbres sont trop près. » Les maisons sont en bois, déjà y’a un côté..

MB : classiquement…

JL : …anti-sismique, car c’est un pays où il y a des tremblements de terre, donc, c’est compliqué !

MB : Dernière question, Jérôme Laval, sur votre métier, du danger qu’il représente : est-ce qu’il y a beaucoup de pertes chaque année,dans les pilotes. Les hommes au sol, évidement, on le sait, on le déplore…

JL : Alors effectivement, moi, j’ai perdu de très bons copains. En France aussi. C’est un métier, je dirais, « à risque », c’est à dire que ce n’est pas la guerre, les missions de guerre, là, y’a du danger, y’a des gens qui veulent vous tuer, c’est autre chose. C’est risqué, c’est à dire qu’il ne faut pas faire d’erreur, et les marges d’erreur, elles sont assez faibles, donc on s’entraîne beaucoup, on recrute des gens expérimentés, et on les forme. On regarde que les gens, que les pilotes, fassent leur métier du mieux possible, on ne prend pas des gens tout fous, on prend des gens qui ont la qualité de regard, de recul, et en même temps d’action.

Le Tanker 85, l’avion de Jérôme, face au 747 Supertanker, également engagés par le Cal Fire. Ces deux appareils ont un rôle complémentaire, attaque initiale pour l’un, appui massif pour l’autre.

MB : Merci beaucoup Jérôme Laval, on a profité de votre venue dans les Studios d’Europe 1, de votre présence sur le sol français, puisque Jérôme vous le disait, il est rentré il y a une dizaine de jours et repart déjà pour les États-Unis à la fin de la semaine. (…) Merci mille fois Jérôme Laval !

Le TU-154M « Supertanker » Iranien !

L’Iran vient de dévoiler sa nouvelle arme pour lutter contre les feux de forêt, un Toupolev TU-154M modifié avec une soute à retardant. L’appareil vient d’effectuer ses premiers largages d’essais.

Largage de démonstration pour le premier TU-154M modifié pour la lutte anti-incendie en Iran.

En 2013, les visiteurs du salon aéronautique de l’île de Kish en Iran avaient pu assister à une démonstration d’un Il-76 du corps des Gardiens de la Révolution équipé d’une soute VAP-2 effectuant un largage. En flânant dans les stands, le visiteur curieux pouvait tomber sur un stand proposant une conversion Tanker du Tu-154. L’observation de la petite maquette montre un système de soutes en série, sans doute pressurisées, donc un principe similaire à celui qui équipe le Boeing 747 Supertanker.

Présentation du projet Tu-154M au salon aéronautique de l’île de Kish en 2013. (Photo : DR)

Le Toupolev TU-154 est un triréacteur moyen courrier pouvant accueillir jusqu’à 180 passagers qui a fait son premier vol en 1968 et qui a été produit à un peu plus de 1000 exemplaires. La version M est apparue au début des années 80 et comporte un grand nombre d’améliorations, notamment des réacteurs D-30KU plus puissants et une charge utile accrue. 320 exemplaires, environ, ont été produits jusqu’en 2006.

Cet avion, à la carrière dense, largement exporté en dehors de l’URSS et de la Russie, possède néanmoins une réputation sulfureuse, marquée par un grand nombre d’accidents. Le plus spectaculaire fut celui du 10 avril 2011, lorsqu’un des deux TU-154M de l’aviation militaire polonaise s’écrasa dans le brouillard près de l’aérodrome de Smolensk faisant 96 morts dont le Président Lech Kazynski et un grand nombre de personnalités polonaises se rendant aux cérémonies commémoratives du massacre de Katyn.

En 2011, après plusieurs accidents, les autorités aéronautiques russes recommandèrent le retrait de service du type, néanmoins une poignée d’appareils continuent d’être opérationnels à travers le monde.

Un Toupolev TU-154M de la compagnie Air Tours en 2010, peut-être un de ceux destinés à devenir des « Supertanker » à la mode Perse. (Photo : K. Talebzadeh)

En Iran, plusieurs compagnies ont utilisé le type, marqué, là aussi, par un grand nombre d’accidents, dont la compagnie Air Tours. Fondée en 1973 comme filiale d’Iran Air pour les vols intérieurs, Air Tours a été dotée de TU-154 jusqu’au retrait du type en Iran en 2011. 14 de ces avions ont donc été stockés sur différents aérodromes et plusieurs d’entre eux ont été sélectionnés pour être transformés en « Tanker » par Iran Aircraft Manufacturing Industrial Company (HESA).

Le premier vol du premier appareil modifié s’est déroulé au mois de juillet 2018. Les  essais de largage initiaux ont eu lieu le 28 septembre suivant à Ispahan.

Destinés à travailler au retardant pour le compte de la flotte nationale de lutte contre les feux de forêt, mise en place en 2015 en Iran, cinq à six autres appareils doivent être convertis selon les déclarations du ministère de la Défense iranien.

Selon une agence de presse locale, l’avion dispose bien d’un système de soute sous-pression pouvant contenir 18 tonnes d’eau ou de retardant. Le largage peut prendre 5 secondes.

L’Iran possède quelques zones forestières, sur les plaines côtières de la mer Caspienne et dans la région des Monts Zargros. Les zones de steppes, et notamment des steppes arborées sont par contre plus vastes, essentiellement dans le nord et le nord-ouest du pays, et à ce titre peuvent effectivement constituer des zones à risque pour les feux de forêt.

A gauche, Aboulfazl Mehregan-Far, ancien pilote de chasse sur F-14, commandant de bord du TU-154M. (Photo via B. Taghvaee)

L’émergence d’un nouveau type de Tanker, dans un secteur considéré traditionnellement, et sans doute trop rapidement, peu impacté par les feux de forêt est une preuve de plus d’une prise en compte internationale de ce risque écologique.

Le choix du Tu-154 est surprenant, au regard du passif accidentogène de l’appareil mais s’inscrit aussi sur un choix économique similaire à celui qui dicte le choix des appareils pour les opérateurs privés US. On verra donc si cette seconde carrière fera du triréacteur Toupolev une autre grande légende des pompiers du ciel !

 

 

Merci à Alexandre Dubath pour ses informations.

Visite du 747 Supertanker

Véritable vedette de l’exposition statique de l’Aerial Firefighting Event en mars dernier, le Boeing 747 Supertanker de la société Global Supertanker Services était accessible aux visiteurs. A l’heure où il a rejoint les opérations en Californie voici à quoi ressemble, de l’intérieur, le plus gros « camion de pompiers » volant de l’histoire.

Le Supertanker à son arrivée à Sacramento-McClellan le 11 mars 2018.

Ancien « Liner » de Japan Airlines, le futur N744ST a été mis ensuite au standard cargo (BCF pour Boeing Converted Freighter) pour la compagnie Evergreen International Airlines. A la faillite de celle-ci en 2013, il est racheté par son propriétaire actuel, une société formée essentiellement par des anciens d’Evergreen désireux de poursuivre l’exploitation du concept de Boeing 747 de lutte anti-incendie qu’ils avaient développé depuis le début des années 2000.

Le Supertanker sur le parking de Sacramento, bien entouré.

Alors que les deux précédents Supertanker, qui attendent désormais leur sort dans le désert, n’avaient connu que quelques opérations épisodiques étalées sur une décennie, le nouveau 747, qui a effectué son premier largage test au printemps 2016, a vécu une première année d’opérations plus trépidante qu’espéré, intervenant en Israël en novembre, au Chili de janvier à février 2017 puis en Californie, pour le compte du Cal Fire, du début de l’été à la fin des opérations en décembre. Au total, l’avion a effectué aux alentours de 150 largages opérationnels sur feux pour sa première année de service.

Après un court hiver passé en maintenance à Colorado Springs, sa base principale, l’appareil a été déployé à Sacramento McClellan dès le mois de juin 2018. Il a été activé ensuite à plusieurs reprises par la Californie pour combattre les feux au sud comme au nord de l’état, et le 21 juillet, il a effectué son premier largage en Oregon, à son tour frappé par plusieurs gros feux, une mission ponctuelle effectuée pour le compte du Department of Forestry (ODF) et qui a donné lieu à trois sorties.

La décoration résolument contemporaine du Supertanker est directement inspirée de la livrée « maison » utilisée par Boeing pour ses démonstrateurs.

Orné d’une décoration élégante et contemporaine, le Tanker 944 ne passe pas inaperçu. On accède à son bord par la porte avant gauche qui débouche directement sur le pont principal où se trouvent les deux rangées de réservoirs qui constituent l’ensemble de largage.

Le système est celui qui a été construit et installé pour le premier Supertanker, un 747-200F qui disposait d’une porte cargo dans le nez. Le 747-400BCF ne dispose que d’une porte cargo située à l’arrière, le système capable d’emporter environ 75 000 litres de retardant a donc été modifié pour pouvoir être installé à bord.

Les réservoirs du Supertanker. Les deux circuits sont indépendants et pourraient même être chargés de produits différents, une possibilité qui n’a pas été exploitée jusqu’à présent. A droite, l’échelle sommaire pour accéder au pont supérieur.

Le système de réservoirs et de mise sous pression occupe presque tout le pont principal ce qui fait que le Supertanker conserve les trois compartiments cargo se trouvant sous le plancher du pont principal, bien pratiques pour transporter le matériel nécessaire pour un déploiement. Le compartiment avant peut toujours recevoir deux conteneurs ULD (Unified Loading Device, en français conteneur LD3) et le dévidoir utilisé pour le chargement du retardant. Le compartiment cargo arrière est occupé par les quatre buses de largage et ne peut plus servir qu’à ranger la barre de remorquage de l’avion. Le troisième compartiment, tout à l’arrière, est réservé au vrac et peut aussi continuer à être utilisé pour transporter des pièces de rechange supplémentaires.

Une échelle métallique permet d’accéder au pont supérieur. On est loin de l’escalier des versions passagers. La bosse caractéristique des 747 constitue la « zone vie » du Supertanker avec à l’avant, le poste de pilotage.

Le cockpit du Supertanker ne diffère pas, dans son aménagement, de ceux des appareils de même version utilisés pour des missions plus classiques.

Pour celui qui le découvre, le cockpit d’un Boeing 747 est surprenant. Alors que l’avion affiche des dimensions particulièrement généreuses, le poste de pilotage n’est pas si spacieux, avec un plafond finalement assez bas. Mais il reste assez large pour être confortable. Il est situé relativement en haut et bien en avant du train principal ce qui demande une certaine rigueur pendant les roulages.

Sa planche de bord, avec ses cinq écrans multifonctions lui donnent un aspect très familièrement contemporain. C’est oublier que le premier vol d’un 747-400 remonte à 1988 et qu’il s’agissait, à l’époque, d’une avancée considérable pour la gestion des systèmes en vol. A l’origine, l’équipage des premières versions du 747 était composé d’au moins trois hommes, pilote, co-pilote et ingénieur de bord, les version tardives comme le 747-400 ont été conçues directement pour un équipage à deux.

Néanmoins, la spécificité des missions feux a conduit GSS à créer un nouveau rôle à bord, le DSO, Drop System Operator, assis sur le « jump seat » central et qui dispose d’une console latérale pour gérer l’ensemble du système de largage pendant que les deux autres gèrent l’avion et sa trajectoire.

Le siège du DSO, en arrière de l’équipage, et sa console latérale lui permettant de gérer les circuits du système de largage sous pression.

Le principe du système de largage du Supertanker est d’utiliser de l’air sous pression contenu dans 8 des réservoirs du pont principal. Pour des raisons de centrage, ce sont les réservoirs les plus en arrière, ceux contenant le retardant étant au dessus du centre de gravité de l’avion. Un système de tuyaux permet ensuite à cet air de venir chasser la charge qui se déverse alors par quatre buses situées juste en arrière de l’aile. Pour mettre ces réservoir sous pression, il est nécessaire d’employer un compresseur haute pression externe. L’une des évolutions possibles du Supertanker sera d’ailleurs de pouvoir disposer d’un compresseur interne pour être encore plus autonome lors de ses déploiements. Lors du largage, l’air passe par un système de régulation et en jouant ainsi sur la pression et sur le nombre de buses utilisées, le DSO est en mesure de faire varier la densité du largage (coverage level de 2, faible densité, à 10, forte densité). Le rôle du troisième homme d’équipage est donc crucial.

Derrière eux se trouve la cabine équipée d’une douzaine de sièges de première classe, extrêmement confortables, permettant à l’appareil de se déployer avec son équipe au complet, mécaniciens et équipage de relève. Le système de divertissement en vol qui existait du temps de son exploitation chez JAL a été enlevé lors de sa conversion au rôle de cargo, seule différence notable entre cette « première classe » et celle d’une compagnie régulière.

Le pont supérieur est aménagé avec une douzaine de sièges de première classe, extrêmement confortables.

Car si le pont cargo principal est dépourvu de toutes décorations et fioritures, le pont supérieur est lui, resté au standard d’un avion de ligne, ce qui en fait un espace agréable. Contrairement à beaucoup d’avions de lutte anti-incendies qui sont dépouillés de toutes les traces de leur passé commercial, pour gagner en masse, le 747-400 a tellement de marge sur ce point que GSS a pu se permettre ce luxe, y compris celui de conserver le tissu de revêtement des parois. Juste avant d’entrer dans le cockpit, on y découvre d’ailleurs la remarquable collection de patches obtenus auprès des unités avec lesquelles le Supertanker a travaillé !

Souvenirs du Chili, d’Israël et des opérations en Californie… une belle collection qui ne demande qu’à grandir !

Le fond de la cabine a conservé son « galley » ce qui permet d’assurer un minimum de services lors des vols de convoyage comme ce fut le cas pour relier Colorado Springs, sa base principale, et Tel Aviv ou Santiago lors de ses deux premiers déploiements à très longue distance.

Pour les longs vols, les passagers disposent même d’un galley. notez l’issue ouverte pour permettre la circulation d’air dans l’avion exposé en plein soleil.

Marcos Valdez, volubile pilote, ne tarit pas d’éloges sur son avion qu’il manie avec une dextérité certaine. Son approche et son atterrissage à KMCC, au mois de mars, façon encadrement, en vol à vue et sans toucher au pilote automatique, semblait aussi simple qu’à bord d’un Cessna… mais avec un avion dont la masse dépassait les 200 tonnes !

Scène commune autour d’un aérodrome californien. Un avion en finale tandis que le suivant débute son circuit d’approche.

D’ailleurs, quand on l’interroge sur les problèmes que pourrait avoir cet avion à intervenir dans le relief, il répond, non sans provocation que, quelque soit l’appareil, à une vitesse donnée et un angle identique, le rayon de virage sera toujours le même. Ayant lui-même piloté l’avion lors des interventions dans la Cordillères des Andes et dans les montagnes californiennes, il ne semble pas préoccupé par le côté soit-disant « suicidaire » de son métier. Il en est de même pour ses collègues puisque plusieurs équipages se relaient sur l’avion en cours de saison.

Marcos Valdez, pilote du Tanker 944, en train d’expliquer son outil de travail préféré. Notez les réservoirs qui occupent tout l’espace derrière-lui.

Le 747-400 en configuration Tanker n’est jamais exploité à sa masse maximale. En cas de problème, le largage de la charge en urgence est toujours possible et ne prend que quelques secondes. Ainsi allégé, l’avion, qui dispose d’une réserve de puissance phénoménale même sur trois réacteurs, pourra toujours reprendre de l’altitude ce que beaucoup d’avions pourtant considérés comme plus adaptés à la mission auront plus de mal à faire en performances dégradées même si son utilisation dans le relief nécessite, bien sûr, un indispensable travail d’anticipation des trajectoires.

Néanmoins, vers 170 kt, le 747 largue à une vitesse supérieure à celle d’un CL-415 en croisière. Mais à partir du moment où le Lead Plane prend en compte les spécificités du « Tanker » qui le suit, l’intervention peut se faire en toute sécurité.

La vue dominante offerte depuis le pont supérieur du 747 est étonnante. Notez à droite le second 737-300 Fireliner de Coulson.

Surtout, les techniques de largage du retardant, qui n’exigent pas que l’avion soit collé au terrain pour être efficace, assurent au Supertanker une vraie marge de manœuvre.

Ainsi, si le 747 ne peut pas effectuer un largage direct sur les flammes au creux d’une vallée trop étroite, il pourra, en fonction des conditions météo, larguer sur les crêtes pour empêcher le feu d’envahir la vallée d’à côté ou bien de le stopper à la sortie de la vallée avec le retardant établi en barrière.

Le Supertanker à l’ouvrage en 2017 en Californie.

Les quatre buses de largages du Supertanker 944

Si le scepticisme était de mise lorsque les DC-10 et 747 sont arrivés sur le marché de la lutte anti-incendie, il y a un peu plus de dix ans, aujourd’hui, ils ont, par leurs actions contre les feux, fait taire une grande partie des critiques à leur égard. La réponse aux inquiétudes ayant pris la forme de longue bandes rouges sur les collines noircies de Californie et d’ailleurs. Désormais on peut dire que les hommes du Cal Fire et des autres corps de pompiers qui combattent les feux au sol comptent vraiment sur eux.

Pour les spécialistes, le système utilisé à bord du Supertanker, d’une mise en œuvre complexe, est loin d’être aussi efficace sur feux que peuvent l’être les systèmes à gravité « constant flow » par exemple. Pour les interventions que le Supertanker a été amené à conduire lors de ses différentes missions aux USA, la pose de barrières de retardant, le système a été considéré comme tout à fait acceptable. Néanmoins, lors de ses interventions au Chili, où il est devenu iconique, et où il a travaillé avec du retardant court-terme et en largage direct, son action a été reconnue comme sensiblement moins efficace que les autres avions engagés sur les mêmes feux, le BAe 146 de Neptune Aviation et l‘IL-76 VAP-2 d’Emercom.

Au cours des conférences, plusieurs responsables des pompiers californiens ont toutefois souligné l’action décisive des VLAT en contrat avec le Cal Fire, sur les immenses feux qui ont touché l’état l’année dernière avec un hommage particulièrement appuyé au Boeing 747 dont c’était pourtant la toute première saison.

Face à face entre le Tanker 944 et le Tanker 85 du Cal Fire. Des appareils aux performances opposées mais, finalement, terriblement complémentaires.

On se souvient que ce sont les contrats accordés par l’État de Californie au DC-10 qui ont ainsi permis au triréacteur de faire ses preuves sur le terrain et de convaincre ensuite l’USFS de lui accorder des contrats d’emploi exclusifs, permettant alors à la flotte de la société 10 Tanker de se développer. L’histoire ne serait-elle pas en train de se répéter, cette fois-ci au profit de GSS ?

 

merci à Marcos et Bob pour l’accueil !

MAFFS (Modular Airborne Fire Fighting System)

Doter un avion d’un système lui permettant de déverser eau ou retardant sur les feux de forêt sans avoir à lui faire subir de modifications profondes, voilà l’idée qui prévalut à la naissance du Modular Airborne Fire Fighting System (MAFFS) dans les années 70. Malheureusement, ce système ingénieux a souffert, et souffre encore, de lacunes techniques et de contraintes administratives qui l’ont relégué au rang d’outil de renfort alors que le projet était porté par d’autres ambitions.

Un C-130E Hercules du 146th Airlift Wing, en action avec son MAFFS sur le Simi Fire en Californie en 2005 . (Photo : USAF)

Un des aspects les moins reluisants de la guerre du Vietnam fut la guerre chimique menée par l’USAF avec ses avions chargés de l’épandage de défoliants dont l’Agent Orange, devenu tristement célèbre. Les C-123 de l’opération « Ranch Hand » étaient, pour cela, équipés d’un système de réservoirs et de rampes A/A457-1. Aux USA, une filiale du groupe FMC Corporation, nommé Defense Technologie Laboratory travaillait, au début des années 70, sur son successeur, le PWU-5/A Modular Internal Spray System (MISS).

Image iconique de la guerre du Vietnam, un C-123 procède à l’épandage de défoliant sur la jungle. Paradoxalement, ces systèmes de destructions des forêts furent à l’origine du MAFFS, chargé de la protection d’autres forêts. (Photo : USAF)

Le destin du MISS bascula en septembre 1970 lorsqu’un feu éclata près de San Diego  et que les Tankers et bombardiers d’eau alors en service se révélèrent handicapés par le vent et ne purent contrecarrer efficacement le développement du sinistre. Au final, il dévora 70 000 ha en deux semaines et tua 16 personnes. Face à ce désastre le Congrès, le 26 février 1971, demanda à l’US Air Force de se doter d’outils de lutte anti-incendie pour équiper ses aéronefs, notamment pour défendre les territoires dont elle est chargée, soulageant ainsi les moyens habituels.

La société FMC Corporation, qui avait senti l’opportunité venir, avait modifié son MISS, alors sur le point d’entrer en phase de test, pour faire évoluer sa vocation d’épandage de défoliant vers l’épandage de retardant et l’avait présenté au ministère de la Défense pour cette nouvelle mission. Sans surprise, le 1er mai 1971, FMC signa un contrat pour développer le Modular Airborne Fire Fighting System.

Le prototype contenait deux réservoirs de 500 gallons (1890 litres) installés en série et d’un système sous pression pour pousser la charge à se déverser par deux buses fixes qui débouchaient par les portes latérale d’un C-130 Hercules, avion de transport tactique destiné à en devenir le vecteur standard.

Rare photo des essais du prototype du MAFFS avec ses deux buses passant par les portes latérales. (Photo : USAF)

L’ensemble était installé sur une plateforme mobile afin de pouvoir être glissé d’un seul bloc à l’intérieur de la soute des C-130 et ainsi pouvoir les utiliser pour cette nouvelle mission sans avoir à modifier quoi que ce soit à bord.

Des essais furent menés en Californie au cours de l’été et conduisirent à une modification du système qui passa à 5 réservoirs pour un total de 3000 gallons (un peu plus  de 11 000 litres) et un agrandissement du diamètre des buses de largage pour en accélérer le débit. Le positionnement des deux buses a été également revu. Devenues pivotantes, elle débouchaient désormais par la rampe arrière pour le largage. Relevées, elle permettaient donc la fermeture de la porte cargo, une situation bien plus confortable pour l’équipage en vol vers un feu.

Le principe du MAFFS illustré en une seule photo. Comment transformer en une poignée d’heures un C-130 standard en Tanker. Notez la position des buses de largage qui sont abaissés au moment de l’ouverture de la rampe. (Photo : USAF)

Le premier largage opérationnel fut effectué le 9 août 1973 près de Missoula et le 1er septembre 1974, l’US Forest Service commanda 7 autres MAFFS qui furent construits par la société Aero Union à Chico. Les 8 plateformes, puisque le prototype fut admis au service actif, furent réparties par paires au sein de quatre unités volant sur C-130 dans l’Air National Guard et l’Air Force Reserve, le 153rd Airlift Wing dans le Wyoming, le 146th AW en Californie, le 145th AW en Caroline du Nord et le 302nd AW dans le Colorado.

Comme tous les tankers lourds, les MAFFS opèrent derrière un Lead Plane. (Photo : USAF)

Le MAFFS subit alors les foudres des compagnies sous contrat avec l’USFS qui virent dans cette intrusion des forces armées dans leur activité la naissance d’une concurrence déloyale en contradiction avec l’Economy Act de 1932 interdisant aux militaires d’effectuer des tâches déjà confiées à des entreprises privées. Un compromis fut alors trouvé et les MAFFS cantonnées depuis au rôle de renfort, ne pouvant être activées que lorsque les moyens habituels se trouvent débordés.

Néanmoins, les plateformes ne restèrent pas à rouiller au fond des hangars. Avec des feux de plus en plus durs et des moyens aériens lourds de plus en plus limités, les activations furent très régulières, notamment dans les années 2000. En juillet 2008, en Californie, les 8 plateformes furent même engagées sur le même feu, une situation impensable initialement.

Instant rare, les 8 MAFFS opérant ensemble depuis Sacramento McClellan en juillet 2008. 7 sont visible sur cette photo, le 8e devant être en vol. (Photo : USAF)

Entre 1974 et 2009, date de leur retrait de service, les MAFFS de l’USFS de première génération furent engagés dans 6500 missions, procédant au largage de 75 000 tonnes de retardant sur les feux aux USA.

Mais les feux de forêts ne sont pas qu’un problème américain et le C-130 étant un avion très bien exporté, certains opérateurs se portèrent acquéreur du système. Des MAFFS furent utilisés par l’aviation militaire du Portugal (1983-1995), en Italie (1978-2000) et 9 plateformes de première génération demeurent en service, deux au Brésil, en Tunisie, au Maroc et en Turquie, une seule en Thaïlande. Le système fut également évalué par la Grèce, l’Australie et le Chili mais aussi par la France en 1993.

Le MAFFS de l’aviation militaire de Thaïlande en action. (Photo : USAF)

Par l’ingéniosité de son principe, le MAFFS inspira d’autres systèmes concurrents comme ceux installés à bord des Il-76 d’Emercom ou celui développé par MBB pour le Transall à la fin des années 70. Mais c’est le SAA (Sistema Aeronautico Antincendi) italien, dont 5 exemplaires ont été utilisé sur les Fiat G.222 entre 1976 et 2000 qui s’en rapproche le plus. Ne disposant que d’un seul réservoir de 6300 litres sous pression, le SAA, aussi dénommé SAMA pour Sistema Aeronautico Modulare Antincendi, développé par Silvani et commercialisé par Finmeccanica, tenait du MAFFS par ses deux buses, identiques à celles du système américain, permettant le largage par la rampe ouverte. Un exemplaire se trouvait à bord du G.222 MM62131 lorsqu’il fut perdu avec son équipage de quatre homme le 29 août 1985 au cours d’une mission en Sardaigne.

Le SAA en service dans l’aviation italienne était directement inspiré du MAFFS. (Aeritalia)

Le MAFFS remplissait sa mission en transformant un C-130 en Tanker par son installation rapide à bord mais le système utilisé était contraignant. La mise sous pression du système nécessitait l’utilisation d’un compresseur au sol, opération qui se faisait en parallèle du remplissage du retardant. Surtout, la densité du produit ainsi répandu restait faible (1,6 litre/m²) et, contrairement aux autres avions anti-incendie, n’avait aucun effet d’impact au moment du largage, un élément essentiel pour l’efficacité des attaques directes contre les flammes.

Le système du MAFFS nécessite de mettre le système sous pression, avec un compresseur adapté et aérotransporté, en parallèle au remplissage du retardant. (Photo : USAF)

Une autre limite de l’efficacité des MAFFS reste liée aux équipages, formés pour les missions habituelles de transport de leurs avions mais qui ne bénéficient que d’une ou deux semaines d’entraînement spécifique à cette autre mission dont les paramètres sont très particuliers et où l’expérience du feu joue un rôle prépondérant. Les rotations dans les unités concernées font que l’expérience des équipages MAFFS n’y est jamais très importante.

Alors que la première génération des MAFFS approchait sa fin de carrière, Aero Union planchait sur un successeur baptisé AFFS pour Airborne Fire Fighting System, d’une contenance supérieure, 3400 gallons (12 800 litres environ) en un seul réservoir, et disposant d’un système de mise sous pression intégré permettant d’effectuer l’opération en vol.

Chargement d’une MAFFS II à bord d’un C-130 du 153rd Airlift Wing de la Garde Nationale du Wyoming. Notez l’insigne de l’USFS sur le réservoir. (Photo : USAF)

Le déversement de la charge s’effectue cette fois par le biais d’une buse unique débouchant de la porte arrière gauche à travers une porte spécialement conçue ce qui permet de laisser l’avion fermé en permanence, pour le plus grand confort de son équipage.

Premiers essais au sol du futur MAFFS II et de sa buse latérale, chez Aero Union, à Chico, le 19 mars 2008. (photo: U.S. Forest Service)

L’AFFS ne corrige pas, néanmoins, le problème d’impact du MAFFS et son « coverage level » qui reste faible. Ses barrières de retardant ne sont pas les plus denses donc pas les plus efficaces, même si l’opérateur embarqué dispose, cette fois, d’un outil de régulation du débit lui permettant de faire varier cette couverture mais jusqu’à un maximum de 3,18 litre/m² là où les systèmes par gravité dépassent souvent les 4 litres/m². L’épandage du produit par une buse unique entraîne également une certaine étroitesse des barrières de retardant ainsi déposées.

Un MAFFS II a poste à bord d’un C-130. Notez les sièges des opérateurs et la porte rouge particulière, indispensable pour laisser passer la prise d’air (en haut) et la buse de largage (en bas). (Photo : USAF)

En plus de la porte adaptée, les C-130 pouvant emporter l’AFFS, doivent disposer d’un tableau électrique spécifique ce qui constitue une modification structurelle, mineure néanmoins, mais qui limite le nombre d’avions disponibles pour cette mission au sein des unités concernées.

Largage à l’eau pour une session d’entraînement avec un C-130H. La buse latérale, qui distingue le MAFFS I du II, est clairement visible ici. (Photo : USAF)

Le prototype de l’AFFS vole en 2006 et l’USFS réceptionne son premier exemplaire de série en juillet 2007. Il est longuement testé avant d’être confié pour mise à disposition au ministère de la Défense, en janvier 2009, qui le baptise MAFFS II. 9 plateformes sont commandées, 8 en service, une en secours, qui viennent remplacer les plateformes de la génération précédente au fur et à mesure de leurs livraisons.

Le C-130 dispose d’une visibilité vers l’extérieure très confortable. C’est un avion également très apprécié pour ses innombrables qualités. Notez devant le pilote le panache fumigène de son Lead Plane qui lui indique où débuter son largage. (Photo : USAF)

L’entrée en service du MAFFS II se fait lors de l’intervention de deux C-130J du 146th AW de l’Air National Guard de Californie sur le Skinner Fire près de Riverside le 15 juillet 2010.

Le 1er Juillet 2012, le C-130H 93-1458 du 145th AW opérant comme MAFFS 7 dans le Dakota du Sud s’écrase, plaqué au sol par un courant rabattant d’une force extraordinaire. Sur les six membres d’équipages présents à bord, quatre perdent la vie.

Le C-130H 93-1458 MAFFS 7 lors du training annuel en avril 2010, perdu en opérations deux ans plus tard.  (Photo : USAF)

A partir de 2015, les unités militaires n’opèrent plus que 7 plateformes puisque la 8e équipe alors un des deux HC-130H de l’USFS hérités de l’US Coast Guard, Tanker 116 et Tanker 118, depuis Sacramento McClellan.

En septembre 2017, le 145th AW de la Garde Nationale de Caroline du Nord, abandonne la mission MAFFS, en raison de sa future transformation sur C-17, et confie son unique plateforme restante aux bons soins du 152nd AW de l’Air National Guard du Nevada, basé à Reno. Cette unité devrait récupérer, à l’issue de la saison 2018, la plateforme utilisée par l’USFS à Sacramento à la fin de l’expérience menée avec les deux Hercules, avions dont l’avenir n’a pas été encore précisé.

L’US Forest Service dispose de deux HC-130H hérités de l’US Coast Guard, mais d’une seule plateforme MAFFS II pour les équiper. (Photo : Jim Dunn)

Avec la faillite d’Aero Union en 2011, les droits des plateformes MAFFS sont désormais entre les mains d’une société justement nommée MAFFS Corp, qui continue de construire ces plateformes pour les clients à l’export, qui assure le suivi technique des systèmes en service et qui a procédé à une modification de la buse de largage afin d’élargir le trait de retardant largué, selon la demande de l’USFS.

En avril 2017, MAFFS Corp a livré à l’aviation militaire colombienne une plateforme MAFFS II qui est entrée en service au sein du Grupo de Transporte Aéreo 81 basé à Bogota. Il s’agit de la première exportation du nouveau système.

Ingénieux mais d’une efficacité discutée, le MAFFS, dans ses différentes versions n’en demeure pas moins un outil de renfort appréciable, notamment pour les pays ne connaissant que des épisodes incendiaires limités et ponctuels. Le MAFFS, dans ce cadre-là, apporte une vraie polyvalence aux moyens militaires et pourtant, quelque soit la version, il s’est finalement moins exporté qu’on aurait été en droit de l’imaginer.

Avril 2018, les équipages MAFFS des différentes unités concernées participent avec leurs C-130H et C-130J au training commun organisé à Sacramento McClellan. (Photo : Jim Dunn)

Son utilisation par les Gardes Nationales et la réserve de l’USAF est plus discutée car les activations de ces moyens de renfort sont extrêmement couteuses, la faute, entre-autres, aux équipes pléthoriques que les unités mettent en place pour l’exploitation de leurs avions. Pour les opérateurs privés, l’investissement consenti dans ces moyens onéreux et peu efficaces serait bien mieux employé au développement de la flotte sous contrat, disponible en permanence avec des équipages très expérimentés volant sur des avions à l’efficacité généralement démontrée. Le débat existe depuis les années 70 et ne devrait pas se terminer de sitôt !