Pélicandrome(s)

L’intérêt des Tanker est de pouvoir utiliser du retardant, liquide onéreux, certes, mais polyvalent et très efficace. Le retardant a surtout le désavantage de ne pas se trouver à l’état naturel, il n’est donc pas envisageable de l’écoper quelque part (ou alors, la Méditerranée est bien plus polluée que ce qu’on veut bien nous raconter !). Il doit donc être pompé jusque dans les soutes des avions.

La présence d’avions travaillant au retardant au sein du dispositif national a entraîné la création d’un réseau de stations de remplissage. Ici celui de Nîmes en 2019.

En France, ces différentes stations sont baptisées « Pélicandrome ». Elles tirent bien évidemment ce nom de l’indicatif radio historique des avions de la Sécurité Civile, porté successivement par les Catalina, les CL-215 et les CL-415, mais aussi par les DC-6 dans les années 80. Elles auraient pu aussi s’appeler « Trackerodrome » et désormais « Milandrome » mais il s’avère que les CL-415 les utilisent aussi de temps en temps même si le retardant n’est pas leur armement primaire

Il arrive que les « Pélican » passent au Pélicandrome, mais ce n’est pas là leur vocation première, ici à Marseille.

Les pélicandromes en France

Les pélicandromes fixes sont des installations permanentes avec des réserves de retardant installées sur différents aérodromes, positionnés stratégiquement essentiellement sur le pourtour méditerranéen (12 stations) et la Corse (rien moins que 5 plateformes.)

A celles-ci viennent s’ajouter les installations de Cahors, Valence, Aubenas, Bordeaux – décisif pour les opérations dans les Landes – et Limoges, la station retardant fixe la plus au nord. Pour la plupart, ces stations sont conçues et entretenues par la société qui assure aussi la fabrication du retardant, la Biogema.

Quelques cas particuliers

Le pélicandrome de Nîmes est le seul à être maintenu opérationnel tout au long de l’année, notamment pour les entraînements et la formation des personnels au sol. Il est doté de deux points de ravitaillement en eau et de quatre au retardant.

Plus efficace que l’eau seule, le retardant implique une doctrine d’emploi adaptée et une infrastructure spécifique. (Photo : Alex Dubath)

Il est équipé de grilles permettant aussi la reprise (le déchargement) du retardant et son recyclage en cas de besoin. Il était armé par les équipes du SDIS 30 jusqu’en 2020 où il est passé à des équipes de la Sécurité Civile.

Le pélicandrome de Marignane, qui fut longtemps le plus actif de France quand la BASC y était basée jusqu’en 2017, reste régulièrement mis à contribution au milieu de l’ancienne base désormais déserte. Il est armé par des équipiers issus du SDIS 13 bien que l’aéroport est couvert, autant pour la sécurité incendies des installations, des aéronefs ou le secours aux personnes, par des équipes spécialisées du Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille.

Le premier Dash à Marseille en 2005.

De nouvelles installations pourraient être créées prochainement dans la partie sud de l’emprise aéroportuaire, un appel d’offres vient d’être passé en ce sens et ces nouvelles installations pourraient être opérationnelles dès 2022.

La station de remplissage de Béziers est un autre cas particulier car elle est aussi la base principale des ABEL sous contrat avec le Conseil Général de l’Hérault mais elle est aussi régulièrement fréquentée par les moyens nationaux.

Le Pélicandrome de Béziers-Vias est utilisable autant par les avions de la cellule départementale de l’Hérault, qui y sont basés pour la saison, que par les avions du dispositif national.

Les pélicandromes mobiles

C’est sans doute un concept promis à un bel avenir. La Sécurité Civile, en particulier l’UIISC 1 de Nogent le Rotrou, en collaboration avec le SDIS du Morbihan, dispose d’un pélicandrome mobile constitué principalement d’un camion citerne chargé de prémélange de FireTroll 931 et des accessoires, pompes et tuyaux, permettant d’établir rapidement un pélicandrome mobile pouvant remplir les Dash là où le besoin pourrait s’en faire sentir. Les UIISC disposent de détachement DIR (Détachement d’Intervention Retardant) et sont familiers de l’usage de cette substance même si les produits ne sont pas exactement les mêmes que ceux largués depuis les avions. Une première expérience de déploiement fut organisée sur la Base Aérienne de Tours en 2018.

Comme démontré à Tours en 2018, un pélicandrome peut s’organiser relativement facilement sur un parking d’aérodrome, près d’un poteau d’incendie. (Photo : F. Arnould)

Ce dispositif a été déployé à Angers pour l’été 2020 et a été activé le 14 septembre pour que le Milan 76, prépositionné là en raison des risques sur la région, puisse effectuer plusieurs largages à Salbris dans le Loir et Cher. Quelques jours plus tard, l’avion intervenait à nouveau à quelques km au sud du Mans, prouvant tout l’intérêt de cette installation.

Milan 76 lors de son premier remplissage opérationnel le 14 septembre 2020 sur le pélicandrome mobile d’Angers. (Photo : Cyril Defever)

L’aéroport d’Angers permet de disposer d’une base opérationnelle pour la défense du secteur nord-ouest. En cas de  besoin, on peut très bien imaginer le pélicandrome être déployé ailleurs, les aérodromes compatibles, civils comme militaires, ne manquant pas (Deauville, le Havre, Évreux, Orléans, Lille voire Poitiers pour n’en citer que quelques uns).

C’est dans cette même logique qu’un Dash est aussi venu tester les capacités de la plateforme d’Epinal-Mirecourt en avril 2021 puisque cet aérodrome a été choisi pour qu’y soit déployé un pélicandrome, mobile dans un premier temps, en cas de risques sur les forêts des Vosges.

Arrivée du Milan 76 à Epinal en avril 2021. (Photo : Hervé Toutain)

Pour le déploiement à Angers, les équipiers étaient issus des pompiers du département du Morbihan. Pour leur formation, ils disposent, sur l’aérodrome de Vannes-Meucon, d’une zone pouvant temporairement être gréée en pélicandrome temporaire. Pour des raisons d’entraînement, les remplissages ne s’y font qu’à l’eau.

Inauguration du Pélicandrome mobile d’entraînement de Vannes-Meucon en 2016 avec le T11. (photo : Aéroport de Vannes)

L’installation a été inaugurée en 2016 avec des Tracker. Désormais, chaque printemps, la Sécurité Civile déploie un de ses avions en Bretagne pour une séance de formation indispensable. En 2021, les équipiers ont ainsi travaillé autour du Milan 77 tout juste entré en service.

Milan 77 s’avance sur le Pélicandrome de Vannes. (Photo : N. Georgelin/SDIS 56)

Dans le courant de l’été 2020, la presse s’est faite l’écho de la future installation d’un pélicandrome ambitieux à Chateauroux. L’implantation très centrale de cet aéroport, avec son trafic assez peu dense, permet d’envisager de nouveaux scénarios en défense de la zone région parisienne notamment. Une zone devrait être réhabilitée pour accueillir des réserves importantes de retardant ce qui va nécessiter d’importants travaux. En attendant, Chateauroux est également éligible à l’accueil d’une station mobile.

Les pélicandromes désaffectés

Le maillage du réseau de pélicandromes français a cependant  évolué au cours des ans.

Des remplissages à l’eau étaient envisageables depuis l’aéroport de Saint-Étienne. Les personnels du SDIS 42 disposaient d’une remorque contenant tout le matériel nécessaire pour remplir un avion depuis un poteau d’incendie. Ce système, qui ne peut charger les avions qu’en eau, ce qui limite son intérêt, a été, au cours de son histoire, utilisé depuis Bron, Le Puy ou Vichy.  Il semble avoir peu été sollicité ces dernières années et son statut réel mériterait d’être confirmé.

Le retrait de service des Tracker en 2020 a entrainé de facto l’arrêt des installations dédiées du Cannet/Le Luc dans le Var et celui d’Alès dans le Gard situés sur des aérodromes où les pistes sont trop courtes pour les Dash. Ces plateformes étant situées près de Hyères et de Nîmes, respectivement, ceci modifie peu les opérations.

Deux autres pélicandromes ont été aussi précédemment fermés, celui de l’aéroport de Nice créé en 1977 et qui a été délaissé après la saison 1997 et l’ouverture de celui de Cannes l’été suivant puis, plus récemment, celui d’Aix en Provence (créé en 1985).

Les capacités

Les capacités des PEL sont différentes d’une installation à l’autre, nombre d’avions pouvant être accueillis, quantité de retardant immédiatement disponible. Par exemple, le PEL de Bordeaux, qui n’accueille qu’un avion à la fois, dispose d’un réservoir de 60m3 de prémélange ce qui permet d’assurer plusieurs journées d’activité. Celui de Cannes, de son côté, qui pouvait accueillir deux Tracker simultanément, dispose d’une capacité de 100 m3.

Pour ne pas endommager les soutes des avions en ayant un débit supérieur à la résistance des réservoirs, les pompes utilisés pour les remplir ne peuvent pas débiter plus de 1800 litres par minute. Le débit moyen est néanmoins réglé à plus de 1000 litres minutes puisque, en général, le remplissage complet d’un Dash 8 (10 000 litres/10 tonnes de capacité) se fait entre 6 et 8 minutes.

Les personnels des Pélicandromes

Les équipiers sont des pompiers, volontaires comme professionnels confirmés, ainsi qualifiés au cours d’un stage de deux jours effectué directement sur la BSC de Nîmes. Une fois la qualification dite « PEL » acquise, elle est entretenue par un entraînement spécifique en début de saison effectué cette fois sur le Pélicandrome du SDIS concerné en présence d’un avion de la Sécurité Civile dont l’équipage joue un rôle essentiel dans la transmission des méthodes et des spécificités des appareils.

Une équipe type est composée de trois personnes qualifiées, un équipier est en charge des vannes (il est donc appelé le « vannier »), qu’il ouvre et ferme aux ordres pour charger la quantité demandée en fonction des opérations, un deuxième a pour rôle d’amener le tuyau jusqu’à l’avion, de le brancher et débrancher en fin de ravitaillement.

Ces deux équipiers PEL1 sont sous la supervision d’un chef d’équipe, qui a suivi un stage complémentaire PEL2, chargé de guider les avions pour les positionner sur la plateforme et de diriger l’ensemble de la manœuvre de ses équipiers notamment par gestes. Lui seul dispose d’une radio VHF FM pour prendre directement les consignes de l’équipage.

Les équipiers du pélicandrome de Valence à l’entraînement avec un Tracker en 2018. (Photo : SDIS 26)

En dehors du pélicandrome de Nîmes, les autres installations sont activées lorsqu’un feu survient et qu’il faut pouvoir ravitailler les appareils en action dans la région. Les équipiers affectés à ce poste pour la journée sont alors prévenus et se rendent sur l’aérodrome où il se préparent à recevoir les avions.

Certains jours de gros feux où les rotations s’enchaînent, le travail peut être réellement éprouvant car effectué dans un environnement difficile et stressant, avec le bruit des turbines, les avions restant moteurs tournants pour ne pas perdre de temps, et la chaleur mais aussi le danger permanent que représentent les pales des hélices en rotation.

Côté pilote

Lors des opérations sur pélicandrome, les équipages sont donc aux ordres du chef d’équipe qui guide l’avion. Une fois en place, les hélices sont mises en drapeau pour ne pas souffler les équipiers qui doivent circuler à hauteur de la soute pour brancher et débrancher le tuyau d’alimentation.

L’équipage a préalablement déterminé la quantité de retardant à charger en fonction du carburant restant pour ne pas dépasser la masse maximale autorisée au décollage de leur appareil. Ces indications sont communiquées par radio et/ou par les lampes du panneau de la soute en fonction de l’équipement de l’avion.

Le panneau des lampes de la soute d’un Q400MR. (Photo : B. Grison)

On le voit, l’usage du retardant nécessite bien plus que des avions, mais s’inscrit dans un système complexe faisant intervenir un grand nombre d’entités. Il faut des infrastructures fonctionnelles et des personnels formés et ceci ne s’improvise pas. Ce mode de fonctionnement, cette doctrine générale de lutte contre les feux, faisant appel à des moyens complémentaires a largement fait ses preuves depuis de nombreuses décennies.

Même si le ballet fascinant des Canadair à l’écopage peut paraître une arme absolue, elle n’est pas la seule ; le travail au retardant n’en possède pas moins de sérieux atouts opérationnels d’autant plus que, désormais, c’est un système parfaitement rodé dans notre pays.

La saison des feux reprend en Australie

Si le pic des feux en Australie ont fait les gros titres en février dernier, avec une émergence de sinistres géants aux conséquences désastreuses, la nouvelle saison est d’ores et déjà lancée et les moyens aériens de renfort arrivent sur place.

Le Bomber 141 de Conair sur l’aérodrome de Bundaberg. (Photo : B. Sutton/ Conair)

L’état du Queensland a loué le premier Dash 8 Q400AT de Conair (même réservoir que les Q400MR en service en France, mais sans aucun aménagement de transport de passagers ou de fret), le Bomber 141 qui a effectué ses premiers largages opérationnels il y a quelques jours.

De son côté, La Nouvelle-Galles du Sud a déjà engagé à plusieurs reprises son Boeing 737 Fireliner acheté l’an passé, revêtu d’une nouvelle livrée.

L’ex Tanker 138 de Coulson en action comme Bomber 210 en Australie. (Photo : M. Oblati)

Toujours pour cet état, six hélicoptères lourds Erickson Aircrane sont en cours d’acheminement. Le premier, le N189AC « Gipsy Lady », qui a fait la saison des feux en Grèce a été livré ce 12 octobre par un Antonov 124 de Volga-Dniepr qui l’a convoyé depuis Athènes.

Déchargement à Sidney de l’Aircrane arrivant d’Athènes à bord d’un Antonov. (photo : C. Matei/ Kestrel Aviation)

Lors de la terrible saison 2019-2020, 17 millions d’hectares avaient été dévastés principalement en Nouvelle-Galles-du-Sud. Outre des centaines de millions de tonnes de CO2 rejetés dans l’atmosphère, ces feux avaient aussi causé plus d’une trentaine de morts dont les trois hommes de l’équipage du C-130 Tanker 134. Le rapport d’étape publié il y a quelques jours ne donne pas encore de cause précise au drame mais aucune défaillance technique de l’appareil n’a été décelée à cette étape de l’enquête.

Ainsi, la nouvelle saison des feux a débuté. Elle pourrait être très longue si on en juge par l’expérience des mois passés et par la situation dramatique de la Californie, où des surfaces record ont encore été dévorées cet été encore. (1,7 millions d’hectares brûlés à ce jour dont plus de 500 000 pour le seul August Fire qui fait rage depuis mi-août). Beaucoup d’avions et d’hélicoptères sont encore engagés dans de durs combats devenant, de fait, indisponibles pour se rendre de l’autre côté du Pacifique. Une situation inconfortable aux conséquences potentiellement catastrophiques.

Les MD-87 d’Erickson Aero Tanker

C’est en 2013 que la compagnie Erickson Aero Tanker (EAT) fait voler son premier MD-87 modifié pour la lutte anti-incendie. Au mois d’avril, Brent Connor et Doug Griffith, à bord du futur Tanker 101, qui n’était pas encore revêtu de la livrée de la compagnie, effectuent les premiers essais de largages à l’eau. La modification de l’avion a été sous-traitée à une compagnie faisant aussi partie de la holding de Jack Erickson, Precision Aircraft Solutions, également basée à Hillsboro, non loin de Portland, Oregon.

Un des MD d’EAT en cours de conversion, aux côtés d’un 757 que la compagnie transforme en avion cargo. (Photo : Precision Aircraft Solutions)

Le choix du MD-87 est clairement lié aux considérations économiques. Avec seulement 75 exemplaires construits entre 1987 et 1992, la version courte de la famille, prévue pour 114 à 139 passagers n’a clairement pas connu le succès escompté. Au début des années 2000, ces avions quittent donc le service et, peu recherchés, peuvent être acquis à bon prix par les sociétés de travail aérien. Erickson achète donc 7 cellules disposant encore d’un bon potentiel.

Le système de largage est constitué d’une soute pouvant contenir jusqu’à 4000 gallons (15 000 litres) de retardant et d’un système « constant flow » ventral à deux portes ouvert au niveau de l’emplanture de l’aile pour l’évacuation de la charge.

Avant même que les essais s’achèvent et le STC (supplemental type certificate) validé, la compagnie se voyait attribuer un premier contrat pour la saison 2014 pour les Tanker 101 et 105 et une réserve pour le Tanker 103 au cas où sa conversion serait achevée rapidement et qu’il pourrait alors participer aux opérations estivales. Il leur était promis un contrat à 4 000 $ par jour et 7 111 $ par heure de vol effectuée.

Il faut dire qu’après la résiliation unilatérale du contrat des P-3 Orion d’Aero Union en juillet 2011, l’USFS avait besoin de renouveler en urgence ses effectifs et des contrats furent proposés à tous les opérateurs susceptibles de pouvoir fournir à l’organisme fédéral les avions dont il avait tant besoin.

Les deux MD-87 entrent donc en service au début de l’été 2014  mais ils sont retirés des opérations au bout de seulement quelques semaines. Le positionnement des trappes de largages fait qu’une partie du retardant est aspiré par les réacteurs, au risque de causer une double extinction, aux conséquences potentiellement catastrophiques.

Le Tanker 101 en action au cours de l’été 2014 aux USA. Notez qu’à l’époque les largages s’effectuaient trains rentrés. (Photo : Inciweb)

Ce n’est qu’a l’orée de la saison 2017 qu’un STC amendé est validé et que les avions reviennent en opérations. Le système de largage a été modifié avec un pod ventral permettant de sortir le retardant de la couche limite et de réduire ainsi les risques d’absorption par les propulseurs.

Le Tanker 107 au décollage de McClellan au cours de la saison 2018. Le nouveau pod de largage ventral est particulièrement visible. (Photo : Jim Dunn)

Néanmoins, ce deuxième STC (ref ST14727LA-T) s’accompagne d’une obligation, celle d’opérer trains sortis dès que les volets sont abaissés à 40° ou plus. Visiblement le nouveau pod ventral entraîne un comportement non conforme de l’avion lors du décrochage, ce qui a été constaté lors de ces essais : « Bien que l’avion MD-87 comporte désormais un système d’alerte de basse vitesse (faisant aussi l’objet d’un STC), l’exemption autoriserait l’avion ainsi modifié à effectuer ses largages de retardant dans une configuration qui ne serait pas totalement conforme aux impératifs de caractéristiques de décrochages exigées par la réglementation. »

Erickson a tenté d’obtenir une dérogation, arguant que le travail des pilotes de Tanker est principalement la prévention du décrochage lors de la phase de largage, mais s’est heurté à un refus net de la FAA. Dans un courrier officiel de 2017, Aaron J. Morris, pilote de MD-87 ayant effectué 75% des vols de re-certification du MD-87 après l’ajout du système de largage extérieur confie : « Je pense, qu’en aucun cas, avoir le train baissé n’augmente la sécurité du MD-87 au cours d’un largage sur feu ; Au contraire, ceci nous oblige à effectuer deux actions supplémentaires, le baisser avant le largage et le remonter ensuite, ce qui augmente singulièrement notre charge de travail. »

Pour la FAA il existe des inquiétudes sur le comportement de l’avion en cas de décrochage et il est donc nécessaire de suivre strictement les procédures établies lors de la certification. En l’occurrence, si les volets doivent être descendus à 40° ou plus, afin d’atteindre la vitesse de largage optimale tournant autour de 135 kt, « les trains se doivent d’être abaissés« . L’autre facteur prévalant au maintien de la position de la FAA est que que l’acceptation de cette exemption pourrait créer un précédent juridique dans lequel bien des exploitants pourraient s’engouffrer.

Néanmoins la compagnie EAT semble vouloir poursuivre l’équipement de ses avions de différents systèmes de prévention et d’alerte du décrochage afin de pouvoir convaincre la FAA de lui concéder cette exemption, l’affaire n’est donc pas close.

En attendant les prochains rebondissements de l’affaire, les MD-87 opèrent donc leurs largages trains sortis pour se conformer aux caractéristiques certifiées de ces appareils et pour respecter les consignes claires de la FAA.

Pour des raisons notamment réglementaires, les MD-87 effectuent désormais leurs largages trains sortis. (Photo : Erickson Aero Tanker)

Aujourd’hui, EAT aligne 5 MD-87 et un sixième appareil pourrait être transformé sous peu. Cet été, les 5 avions disponibles sont sous contrat avec l’USFS, en contrat NextGen ou en Call When Needed et opèrent actuellement au Colorado (Tanker 101), en Californie (Santa-Maria pour les 102 et 105, Sacramento McClellan pour le 104) et dans le Nevada pour le 103, mais les appareils peuvent être déplacés en fonction des besoins et même revenir temporairement à leurs bases pour des opérations de maintenance. A noter que ces appareils sont désormais utilisés avec une capacité de 3000 gallons uniquement (11 400 litres).

On se souvient aussi que les Tanker 102 et 103 sont intervenus au début de l’année sur les feux géants qui ont ravagé l’Australie.

Aux côtés des Boeing 747, 737, RJ-85, BAe 146 et autres C-130, les MD-87 représentent donc un autre pan de ces nouvelles générations de Tanker à réaction en action principalement sur le continent américain. La particularité de leurs largages trains sortis ne manque pas d’interpeller les observateurs, leur offrant l’occasion d’échafauder des tas de théories complexes. La réalité est, pour une fois, plus simple, et, plus que les impératifs opérationnels, c’est bien l’aspect réglementaire qui prévaut .

Et faire écoper les Tanker ?

C’est le discours habituel dès qu’on évoque les avions qui se rechargent au retardant : « quelle perte de temps. » Certes ! Mais le discours, pour autant restrictif qu’il soit n’en est pas moins quelque peu logique dans nos contrées où les plans d’eau écopables ne manquent vraiment pas.

Le passage au Pélicandrome, une perte de temps ? ça peut se discuter mais s’en passer avec des avions comme les RJ-85AT, ça va pas être simple !

Mais serait-il envisageable de permettre aux avions terrestres d’écoper, afin de combler cette « lacune » et de profiter de leurs coûts d’exploitation plus faibles que ceux des avions amphibies et avions spécialisés pour améliorer ainsi un petit peu leur productivité  pour peu qu’on oublie que le travail au retardant a aussi son importance ?

L’idée n’est pas si saugrenue. Faire écoper des avions non-hydravions, non-amphibies a même été exploré et expérimenté !

En 1965 l’ingénieur français Roland Payen, célèbre pour son travail sur les ailes delta, avait présenté un projet de perche plongeante pour équiper un Noratlas pour lui permettre d’écoper jusqu’à 8 tonnes d’eau. Le système avait été pensé pour équiper éventuellement le Transall ensuite.

Le Noratlas de lutte anti-incendie avec sa perche d’écopage pensée par Roland Payen. (Dessin : Cyril Defever, extrait du livre de Xavier Capy « Le Noratlas », éditions Escale 1997)

Le projet n’alla pas au-delà de la planche a dessin, le Noratlas n’eut jamais à combattre des feux et quand ce fut au Transall de le faire, il fut doté d’une soute de largage au remplissage conventionnel.

Au début des années 80, la société Britten Norman proposa un avion agricole, le Fieldmaster qui ne connut pas un très grand succès avec seulement une dizaine d’avions construits. Néanmoins au moins un appareil de ce type, le prototype G-NRDC, doté d’une soute de largage de 2000 litres, fut utilisé comme bombardier d’eau dans le département des Alpes Maritimes.

Le prototype du Fieldmaster présenté au salon de Farnborough en 1984 muni de sa perche d’écopage. (Photo : S. Fitzgerald)

Le constructeur en profita pour procéder à des essais d’écopage avec une perche plongeante sans doute inspirée du projet Payen. Au delà de quelques vols expérimentaux, le projet resta sans suite.

Le Britten-Norman Field Master et sa perche d’écopage lors des expérimentations du système dans les années 70. (Photo : DR)

On pensait que ce genre d’idée était désormais remisée mais il n’en est rien. Dans le cadre du développement du C-27J Fire Fighter une startup néerlandaise, Scodev est en train de développer un système d’écopage pour tanker et espère pouvoir le certifier  dès 2020. Son coût final est néanmoins estimé à 1,5 millions $.

Principe d’installation de la sonde d’écopage sur un C-130 Hercules. Document Scodev.

La sonde permettrait de prélever l’eau en volant à environ 30 mètres au-dessus de la surface du plan d’eau écopable. Des essais ont été menés, dans un premier temps, à partir d’un hélicoptère mais le système est pensé pour pouvoir s’adapter à un grand nombre d’appareils dont l’A400M.

Néanmoins la réussite de ce système n’est pas garantie et beaucoup de réticences seront à vaincre… Il faudra sans doute passer par des procédures de sécurité spécifiques sur les plan d’eau – il ne faudrait pas que le système de sonde s’accroche à un obstacle semi-immergé ou bien s’envase. Il faudra envisager aussi des procédures pour pallier un éventuel problème technique. On peut aussi imaginer passer par la mise en œuvre d’un système de flottabilité de secours mais tout nouveau surcoût fait le jeu des « écopeurs » naturels que sont les amphibies ou les voilures tournantes.

Essais de la buse d’écopage Scodev depuis un hélicoptère. (Photo : Scodev)

Faire écoper un avion non-amphibie nécessite donc un équipement spécialisé mais surtout d’inventer des procédures de sécurité. On pourrait imaginer que ces systèmes, si ils parvenaient au stade opérationnel, pourraient concurrencer sérieusement le marché des amphibies spécialisés, beaucoup plus onéreux, à l’achat comme à l’exploitation. Néanmoins il ne faudrait pas oublier que le retardant joue un rôle essentiel dans le combat contre les flammes… et qu’il ne s’écope pas !

Surtout, ces projets ne changeront pas la donne dans les secteurs où les Tankers sont utilisés en raison de l’absence de plans d’eau assez vastes épaulés par les hélicos pour l’attaque directe à l’eau qui trouvent plus facilement de quoi recharger leurs soutes.

Il ne faut guère de surface et de profondeur pour qu’un plan d’eau soit utilisable par un HBE. (Photo : US Navy)

L’histoire de l’aviation regorge de ces projets révolutionnaires. Certains aboutissent, d’autres pas. La réussite du projet Scodev ne passera que par une acceptation pleine et entière des opérateurs et des équipages.

Australie, saison 2019-2020 : les moyens aériens

Décembre se termine et déjà le bilan des feux de forêt en Australie est terrible. Une dizaine de personnes, dont deux pompiers de Nouvelle-Galles du Sud le 19 décembre, sont morts victimes des flammes. Des milliers d’habitations et de bâtiments ont été dévastés et des surfaces immenses de territoires naturels ont été dévorées. Même si on est encore loin du bilan catastrophique de 2009 et des 173 victimes du « Black Saturday » du 7 février de cette année-là, les fumées qui étouffent Sidney et toute la côte pourraient avoir des conséquences humaines lourdes.

Le Tanker 162 en action en Australie lors de la saison 2015-2016. (Photo : Country Fire Authority)

Les feux de forêts et d’espaces naturels en Australie sont des phénomènes qui ont toujours existé. Ce sont les États de la côte Est, le Queensland, La Nouvelle-Galles du Sud, la Province de Victoria au sud et la Tasmanie et le South-Australia (Australie-Méridionale) dans sa partie côtière qui sont les plus sensibles à ces phénomènes .

Ce sont les régions de l’est et du sud de l’Australie qui sont les plus sensibles aux feux.

Même si la première intervention attestée de moyens aériens pour lutter contre les feux remonte à 1967 dans l’État de Victoria, il ne s’agissait que de deux Piper Pawnee agricoles, aux capacités limitées, envoyés larguer de l’eau sur un départ de feu, en quasi-désespoir de cause, par leur propriétaire. Mais il avait ouvert une voie que ses confrères se sont empressés de suivre.

Pendant plusieurs décennies ce sont donc les avions agricoles et les hélicoptères bombardiers d’eau qui ont assuré l’appui aérien des pompiers confrontés à des feux couvrant des surfaces immenses mais dans des territoires majoritairement déserts. Néanmoins, ces phénomènes touchaient parfois les secteurs habités, menant à de cruelles situations.

Les industriels du secteur ont souvent espéré que les besoins australiens en vecteurs aériens anti-incendies se transforment en Eldorado. Tous vinrent faire la démonstrations de leurs outils, quadrimoteurs Douglas modifiés, plateforme MAFFS, écopeurs Canadair puis Bombardier. En dépit des qualités de leurs produits, aucun ne parvint à ce que les bourses australiennes se délient (1), et pour cause. Les autorités australiennes ont visiblement toujours considéré ces moyens comme peu efficaces et peu adaptés à la topographie des zones à risques qui se caractérisent par de longues distances à franchir et l’immensité des surfaces à défendre.

2009 a tout changé et les moyens aériens australien n’ont cessé de se renforcer à l’aide d’appareils lourds loués aux USA ou au Canada. La saison 2019-2020 a déjà pris une tournure spectaculaire.

Sidney suffoque des fumées des incendies alentours. (Photo : J. Carrett)

Fin décembre, on comptait déjà 3,7 millions d’hectares dévastés dont 2,7 pour la seule Nouvelle-Galles du Sud. Au 19 décembre au matin, 97 feux étaient identifiés dans l’état dont 50 n’étaient pas contenus par les 1700 hommes se trouvant sur le terrain. Ce jour là, en raison des vents forts, deux hommes perdirent la vie dans ce combat.

La carte des feux au matin du 19 décembre 2019 pour la côte du NSW et la ville de Sidney.

Le plus important est un sinistre qui a éclaté fin octobre dans la Gospers Mountain  à 100 km au nord-ouest de Sidney et qui s’est transformé en « méga » feu et on sait qu’il continuera à brûler jusqu’aux premières pluies qui ne sont pas attendues avant fin janvier.

Le rôle des aéronefs, alors, est d’aider à contenir le sinistre, protéger les habitations et offrir assez de temps à la population de se mettre à l’abri.

Comme pour les USA, la structure administrative de l’Australie complexifie quelque peu la compréhension de l’organisation générale des secours. Schématiquement, chaque gouvernement prend en charge cette lutte au sein de son territoire. Les moyens aériens relèvent bien souvent de compagnies privées locales sous contrat avec ces autorités territoriales qui sont le NSW Rural Fire Service pour la Nouvelle-Galles du Sud, le Country Fire Authority pour le Victoria, le Queensland Fire and Emergency Services, le South Australian Country Fire Service et le Tasmania Fire Service.

Néanmoins, en 2003, l’Australie s’est doté d’une agence nationale, le NAFC (National Aerial Firefighting Centre) dont le rôle est de centraliser les demandes d’appui aérien et de promouvoir la coopération entre les différentes agences impliquées. Le NAFC peut louer et activer ses propres moyens et les mettre à disposition des agences locales en plus de leurs moyens propres.

On dénombre dans le pays environ 500 aéronefs pouvant être mobilisés pour ces missions anti-incendies mais qui se relaient en fonction des territoires touchés et des contrats alloués. Début décembre, quelques 160 d’entre eux étaient déjà engagés contre les feux.

Parce que le nombre est fluctuant, il est donc difficile de faire un recensement exact de ces flottes, néanmoins, voici les principales machines rencontrées et leurs rôles :

SEAT, Single Engined Air Tanker

Les moyens de base sont constitués de monoturbines agricoles parmi lesquels on retrouve des PZL  Dromader, des Thrushmaster mais ce sont les Air Tractor qui sont les plus nombreux. Le NAFC recense 42 AT-802F mobilisables pour ses propres besoins et 2 Fireboss, leur version amphibie.

Un Air Tractor civil au remplissage retardant sur une base de la RAAF par des personnels militaires. (Photo : RAAF)

A noter que les appareils écopeurs ne semblent vraiment pas du tout faire partie des plans opérationnels de l’île-continent.

HBE légers et moyens

Les types utilisés sont extrêmement variés, comprenant des « Twin Squirrel » des BK-117 et EC-145. Les Bell sont néanmoins les plus courants, avec les modèles 202, 205, 214 et 412.  Deux UH-60A ont déjà rejoint aussi les moyens de lutte. Beaucoup de compagnies sont donc impliquées dans ce combat, comme Wildcat ou Valhalla Helicopter.

Deux Bell 212 HBE de Wildcat à l’entraînement sur la base RAAF Richmond en 2010. (Photo : RAAF)

Au cours de cette saison, deux appareils, les Bell Helitak 229 et 404 ont été accidentés mais heureusement, leurs équipages s’en sont sortis sans trop de dommages.

Le NAFC disposait, pour la saison 2018-2019, de 66 hélicoptères, une flotte qui comprenait notamment 20 AS350 Écureuil et 14 Bell 214B.

HBE lourds

Cette catégorie comprend 9 appareils, 6 Erickson Aircrane et 3 S-61. Certains de ces appareils sont stationné à demeure en Australie où ils servent de grues volantes pour les exploitations agricoles, forestières ou industrielles, et donc, en saison, comme HBE lourds.

Il est allé pomper où sa charge, celui-là ? (Photo : NSW)

Les 3 S-61 relèvent du groupe Coulson et c’est à partir de ces appareils qu’ont été menées les expérimentations d’interventions et largages de nuit.

Un des S-61 de Coulson lors des essais de largages nocturnes. (Photo : Coulson)

Au cours des années précédentes, les différentes provinces australiennes, par l’entremise du NAFC ont fait appel aux américains et aux canadiens pour disposer de matériels lourds.

LAT (Large Air Tanker) et VLAT (Very Large Air Tanker)

Après le désastre de 2009, l’Australie a donc commencé à s’intéresser de plus près aux Tankers. Convair 580 et DC-10 furent alors évalués mais au cours de saisons plutôt calmes dont peu représentatives. C’est à partir de 2015 que les choses sérieuses ont commencé avec dans un premier temps l’envoi d’un C-130Q équipé d’une soute RADS, le Tanker 131 de Coulson et d’un RJ-85AT d’Aero Flite. Depuis Hercules, RJ-85 et bientôt DC-10 sont des acteurs réguliers des saisons feu.

Trois Tanker utilisés en Nouvelle-Galles du Sud en 2018-2019 et leur Lead Plane sur la base aérienne de Richmond. (Photo : RAAF)

Pour la saison 2019-2020 sont présents sur le territoire : 2 C-130Q (Tanker 131 et 134 de Coulson), 2 RJ-85, deux Boeing 737 et un DC-10. Ces appareils sont répartis entre le NSW et le Victoria mais peuvent être amenés à intervenir ailleurs, c’est ainsi que le RJ-85AT affecté à l’État de Victoria a fait récemment un court détachement en Tasmanie.

C’est en Australie que le premier Boeing 737 Fireliner a effectué son premier largage opérationnel. Il faut croire qu’il a su répondre aux attente puisque quelques semaines plus tard, la province de Nouvelle-Galles du Sud prenait la décision d’acheter le Tanker 138 qui opère donc « Down Under » en compagnie du Tanker 137, en contrat de location et amené à rentrer aux USA après la saison.

Un Fireliner pour la Nouvelle-Galles-du-Sud

Coulson dispose de quatre autres Boeing 737 à convertir et vient d’annoncer l’acquisition de nouveaux C-130. Déjà largement implanté en Australie par sa filiale hélicoptères, on peut imaginer le groupe canadien parvenir à implanter d’autres LAT dans les années à venir.

Le Tanker 134 a effectué la saison des feux australiens 2018-2019 avant de recevoir sa livrée « Coulson-Unical » avec laquelle il a fait ensuite la saison des feux en Californie. (Photo : NSW)

Les auxiliaires

La présence de moyens venus du continent américain avec leurs équipages a entraîné une diffusion des méthodes d’action. Ainsi les LAT et VLAT sont engagés avec des Lead Planes, indicatif « Bird Dog. »

Comme aux USA, les VLAT suivent un Lead Plane pour leurs largages, ici un des TC-690 du NSW. (Photo : RAAF)

Le NAFC exploite ainsi un Piper PA46 Meridian, un King Air 200, un AC500 et trois TC-690B. Ces appareils sont très appréciés pour les missions de guidage mais, à l’occasion, peuvent aussi servir pour effectuer des missions d’observation et de reconnaissance rapide, ainsi que des missions de transport ou de liaisons ponctuelles.

La fiche technique du TC-690B diffusée par le NAFC.

Les missions d’observation et de pointage des sinistres, essentielles pour bien répartir les moyens terrestres aux endroits stratégiques et assurer aussi leur protection, sont effectuées avec des hélicoptères EC-120 mais aussi avec des avions légers comme des Cessna 182.

Les missions de supervision et de coordination « Air Attack » sont assurées par des Cessna 337G ou des Cessna 208B Caravan. Ces appareils peuvent aussi servir pour des missions de transport.

Trois Learjet 35 et 36A, équipés infra-rouge et scanner multispectral assurent des missions topographiques et cartographiques « Firescan » à haute altitude pour le NAFC principalement pour les gouvernements du Victoria et de Nouvelle-Galles du Sud.

Les militaires.

La RAAF met à disposition plusieurs bases pour les tankers civils, RAAF Richmond en particulier, ce qui implique aussi, forcément, du personnel au sol. Néanmoins, et ce fut le cas cet été, des moyens techniques peuvent être engagés directement dans les opérations. Ainsi, il y a quelques semaines, deux hélicoptères Tigre ARH (Armed Reconnaissance Helicopter) de l’école d’aviation de l’Army d’Oakey près de Brisbane ont mené plusieurs missions de reconnaissances nocturnes sur des feux dans le Queensland en utilisant leurs moyens optroniques.

Un Tigre australien déployé à Rockhampton dans le Queensland de retour d’une mission de reconnaissance sur un feu dans le secteur côtier de Yeppoon.  (Photo : Australian Army)

Deux Blackhawk du 6 Aviation Regiment ont aussi été utilisés pour faire des relevés topographiques et la cartographie des feux.

La contribution des militaires prend aussi une autre  tournure :  deux Blackhawk retirés du service de l’Australian Army vont rejoindre le NWS Rural Fire Service pour être convertis en HBE. Les appareils, qui étaient espérés cette année seront opérationnels pour la saison 2021-2022.

La marine australienne, de son côté, a vu 11 de ses anciens S-70B Seahawk rejoindre  Skyline Aviation Group (NSW) pour subir également une transformation en Firehawk et le premier, qui vient d’être immatriculé VH-XHJ, ne devrait pas tarder à entrer en service.

En réaction à la demande de plusieurs hauts responsables des opérations de lutte contre les désastres naturels, qui a fait grand bruit dans le pays, eu égard la situation globale, le gouvernement fédéral australien a annoncé, mi décembre, augmenter le budget de l’aviation anti-incendie de 57%. Le budget national va donc passer de 14,6 millions $ à 26 millions, une rallonge de 11 millions qui fait débat localement, bien en dessous des attentes de la population. Néanmoins, l’Australie faisant appel à des avions de location, un tel accroissement de budget pourrait permettre de louer des LAT supplémentaires pour le reste de la saison.

Un RJ-85AT en action dans le relief australien et consolidant une barrière de retardant. (Photo : CFA)

Car le plus inquiétant, c’est bien que le pic des feux en Australie arrive généralement en janvier-février et que des records ont déjà été battus fin décembre !!

 

 

(1) la situation particulière de l’Australie et les nombreuses tentatives d’y implanter des avions de lutte anti-incendies ont été détaillés dans le hors-série VIM en 2017.

 

Coulson obtient le contrat pour les soutes des C-130 du Cal Fire

Sans surprise, c’est le Groupe Coulson qui a été sélectionné pour équiper les C-130 du Cal Fire. Ces appareils, anciens des Coast Guard, ont passé quelques saisons exploités directement par l’US Forest Service équipés d’une seule soute MAFFS. Ils ont été ensuite transférés à l’aviation de lutte contre les feux de forêt Californienne et vont donc être équipés de soutes RADS-XXL de 15 000 litres de capacité.

Un des deux premiers C-130 du Cal Fire à McClellan. Le Tanker 118 sera donc équipé d’une soute RADS fabriquée par Coulson. (Photo : Cal Fire)

Lors de leur bref passage au sein de l’USFS, un contrat avait déjà été attribué à Coulson pour l’équipement de ces avions mais il n’avait pas été confirmé et l‘USFS avait finalement renoncé à exploiter ces appareils. Il n’est guère surprenant que la Californie se prononce en faveur de ce matériel éprouvé et fiable.

Le Tanker 116 a été aussi transféré des Coast Guard à l’USFS puis au Cal Fire. Il a opéré sur feux équipé d’une soute MAFFS dont on voit la buse dépassant de la porte arrière. (Photo : Jim Dunn)

La soute RADS (Retardant Aerial Delivery System) nécessite qu’une ouverture soit pratiquée dans le plancher du C-130 pour l’installation du système de portes à ouverture régulée. La partie supérieure du système, la soute à retardant proprement dite, est amovible, permettant de pouvoir libérer l’appareil pour une mission de transport classique en cas de besoin.

Les différents modèles de soutes RADS, conçues initialement par Aero Union, sont utilisées en position interne sur les C-130 mais aussi en position ventrale sur les P-3 Orion, les Lockheed Electra et sur certains hélicoptères AirCrane. Ce sont des systèmes à débit constant comme on en retrouve sur les tankers et les HBE les plus récents. Coulson exploite 4 Hercules (2 L-382G/L-100-30 et 2 ex-EC-130Q) ainsi équipés pour ses contrats aux USA et en Australie.

La partie supérieure d’une RADS, ici la RADS-XL de 3000 gallons du premier Hercules de Coulson, est facilement manipulable pour conserver au C-130 toute sa polyvalence.

Le premier C-130 Tanker du Cal Fire pourrait être opérationnel pour la saison 2020. Le contrat est géré par l’US Air Force et le chantier va se dérouler à Greenville en Caroline du Sud.

Dans le même temps, le groupe canadien annonce se porter acquéreur, pour son propre compte cette fois et pour un montant de 4,5 millions $, de 5 C-130H ayant appartenu à l’aviation militaire norvégienne jusqu’en 2008 et stockés à Davis-Monthan.

Un des 5 C-130H ex-aviation militaire norvégienne stocké dans l’Arizona et vendu désormais  à Coulson. (Photo : Aeroprint.com)

Ces appareils seront aussi modifiés avec une soute RADS-XXL et si on en croit la rumeur ce sont les contrat australiens qui seraient visés par cette spectaculaire extension de flotte.

Le retardant

Dans les guerres estivales menées par des aviateurs contre les feux de forêts, le choix des armes influe lourdement sur les méthodes de travail, les tactiques utilisées. Si l’eau reste l’outil principal de ce combat, la chimie a largement contribué à augmenter son efficacité. Les retardants « longs termes » tiennent une place à part dans les arsenaux des pompiers du ciel et méritent d’être expliqués.

Le retardant est l’arme de prédilection des Tanker.  (Photo : Wes Schultz/Cal Fire)

Il existe deux types principaux de retardants :

Les retardants courts termes sont des agents tensio-actifs (« mouillants »), émulseurs (« moussants ») ou gélifiants (Thermo-gel) (1) injectés dans les largages des aéronefs capables de puiser l’eau dans les espaces naturels donc « écopeurs » (Canadair ou hélicoptères bombardiers d’eau) qui améliorent l’action de l’eau mais dont l’effet n’est pas particulièrement durable (2).

Le retardant long terme est l’outil de prédilection des « Tankers ». Puisque ces avions conventionnels ne peuvent écoper, ils doivent remplir leurs soutes au sol, de retour à un aérodrome disposant de l’équipement nécessaire. Plutôt que de les remplir d’eau autant en profiter pour utiliser des produits qui ne se trouvent pas à l’état naturel, pensés et conçus pour mieux combattre les incendies.

Pour le remplissage des aéronefs au retardant, il est nécessaire de disposer des installations adaptées. Ici le « Pélicandrome » de Marignane.

Deux des principaux retardants utilisés en Europe et aux USA sont apparus en 1959 : le Phos-Chek® à base de phosphate d’ammonium et le Fire Trol® utilisant le sulfate d’ammonium comme principe actif. Les compositions de ces produits ont ensuite singulièrement évolué et ils ont été rejoints sur ce marché par des solutions concurrentes élaborées par d’autres entreprises.

Le Fire Trol 931 utilisé en France est aujourd’hui composé de polyphosphates d’ammonium, d’argile, d’inhibiteur de corrosion et de colorants (oxyde de fer). Sa composition s’apparente à celle d’un engrais qui après son action contre le feu va favoriser la repousse des végétaux.

Le retardant est chimiquement neutre et en grande partie biodégradable. Il n’est toxique ni pour les hommes ni pour la faune ni pour la flore mais reste un produit irritant qui ne doit pas être ingéré et doit faire l’objet de protection de base pour les personnels à son contact direct. Il est fortement déconseillé, notamment, d’en faire usage à proximité d’un cours d’eau (100 mètres).

Aux USA, certains parcs nationaux, pour préserver à tout prix le caractère naturellement sauvage et intact de leurs territoires en interdisent l’usage même lors des incendies majeurs ce qui nuit fortement à l’efficacité des moyens de lutte dans ces espaces effectivement précieux.

En France la compatibilité des produits proposés par les industriels du secteur chimique est validée notamment par le CEREN (Centre d’Essais et de Recherche de l’ENtente, liée à la Sécurité Civile) situé à Valabre près d’Aix en Provence. Ils doivent également répondre aux normes sanitaires européennes.

Remplissage des cuves de retardant dans les mélangeurs d’une base de Californie. La batte de Baseball sert à « détasser » la poudre qui sera mélangée à l’eau. (Photo : NIFC)

Le retardant est livré sous forme de poudre ou de pré-mélange qui doit ensuite être dilué pour obtenir la concentration idéale (20% de retardant prémélangé, 80% d’eau pour le Fire Trol 931) avant d’être stocké en attendant d’être chargé dans les avions. Le produit ainsi obtenu a une densité supérieure à celle de l’eau, une donnée essentielle quand il s’agit de remplir les soutes des avions.

Ainsi la soute du Dash 8 est limitée à 10 tonnes. Même si elle peut contenir 10 000 litres, le chargement maximum de l’avion sera de 9000 litres de retardant. Avec une densité idéale de 1,1 kg/litre la masse emportée sera effectivement de 9 900 kg.

Préparation du retardant à partir de pré-mélange lors d’une activation des C-130 MAFFS dans les années 2000. (Photo : USAF)

Ces produits agissent sur la pyrolyse, le mécanisme de dégradation chimique des éléments qui en fracturant les liaisons atomiques permet l’apparition des flammes. En recouvrant les végétaux, le principe actif du produit retarde la déshydratation et la décomposition de la cellulose qui constitue l’essentiel de la structure des végétaux, dont le bois. Alors que la cellulose se décompose à 150°C et brûle, le retardant offre aux végétaux une protection suffisante pour qu’il soit nécessaire d’atteindre des températures beaucoup plus élevées (certaines sources avancent la température de 700°C) avant que cette décomposition chimique n’intervienne.

Si le retardant n’est pas exposé au feu, il conserve ses propriétés même si l’eau qui compose 80 à 90% du produit déversé s’est évaporée. Ses propriétés se dégradent ensuite progressivement en fonction de son exposition au vent et à la pluie.

En quelques largages sur les flancs et en tête des flammes, le Gibraltar Fire, en octobre 2015, a été circonscrit à une trentaine d’hectares. L’intervention a été massive car ce feu aurait pu menacer les villes de Santa Barbara et Montecito. (Photo : Cal Fire)

Outre sa nature, sa consistance un peu pâteuse, qui lui permet de bien adhérer à la végétation, et sa composition, l’efficacité du retardant repose aussi sur son homogénéité et sa bonne répartition au sol pour que son effet « bouclier » ou « isolant » soit maximal. Les modes de fonctionnement des soutes des aéronefs jouent alors un rôle significatif. Sa couleur rouge, en raison de la présence d’oxyde de fer, permet aux équipages de repérer facilement les largages précédents et d’ajuster le leur en conséquence. Des systèmes existent désormais pour repérer ces positions par GPS afin que les largages suivants soient parfaitement positionnés pour ne laisser aucun trou dans la barrière.

Le retardant est également bien plus polyvalent que l’eau, même additionnée de retardants courts-termes, dans son usage : Largué directement sur les flammes il aura un effet équivalent voire supérieur à celui de l’eau en raison de sa masse et de sa viscosité supérieure. Largué en amont du front de flammes ou sur les flancs, il servira de barrière pour stopper ou canaliser le développement de l’incendie. Largué très en amont du front, il peut aussi servir de barrière de protection, une fonction très utile pour les secteurs isolés ou difficilement accessibles pour les moyens terrestres, ou d’appui pour un brûlage dirigé.

La torche que porte ce forestier américain ne laisse aucun doute sur sa mission du jour, établir un contre-feu. le P-3 Orion largue son retardant pour établir la barrière d’appui qui va protéger la végétation de l’autre côté. (Photo : NIFC)

Si on écoute les pilotes volants aux USA, ils expliquent que le retardant gagne à être largué d’assez haut. Les consignes officielles sont d’ailleurs très claires à ce sujet : « le retardant doit arriver sur le sol avec le moins de mouvement horizontal possible » (3). Il doit donc « pleuvoir » sur l’objectif. Il s’agit d’épandre le produit et non pas de le larguer dans la plupart des cas.
Le retardant largué trop bas va avoir une composante horizontale plus forte et en théorie ne recouvrir d’un pan de la végétation à protéger sur une surface plus limitée. Un largage plus haut aura de son côté le désavantage de ne pas pénétrer le couvert végétal si celui-ci a une canopée très dense. Le rôle du pilote est donc d’adapter sa hauteur en fonction de l’objectif et des conditions aérologiques du moment.

Le largage haut permet d’avoir une répartition plus homogène de la charge. (Infographie de l’auteur – qui n’est toujours pas infographiste !)

Si le travail des Tanker lourds est souvent d’établir les barrières en amont du front de flammes ou sur ses flancs, les largages directs existent et sont régulièrement pratiqués par tous les aéronefs, mais là encore, les hauteurs de largages des avions US restent visiblement supérieures à celle des largages au retardant des avions français.

Aux USA, les Tankers larguent le retardant depuis une hauteur parfois élevée pour que le produit arrive au sol avec le moins de mouvement horizontal possible. (Photo : 10 Tanker)

Au regard de sa polyvalence, le retardant n’a finalement qu’un défaut : il est coûteux. En 2014, le prix du retardant déversé sur les feux aux USA était de 50 cents le litre. En France, pour 2018, 2,4 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement ont été concédés pour l’achat de ces produits en prenant pour base la moyenne de la consommation sur la décennie écoulée (4) (5).

Livraison des sacs de retardant. L’usage de ces produits exige effectivement une certaine logistique. (Photo : RAAF)

D’autres coûts sont à prendre en compte comme celui des installations spécialisées sur les aérodromes, qui peuvent être fixes ou mobiles, et celui du personnel en charge de les entretenir et surtout de les activer car intervenir autour des avions parfois moteurs tournants demande aussi d’avoir des équipiers spécialement formés.

Installation temporaire de production de retardant en soutien des opérations anti-incendie en Australie. (Photo : CFA Discrict 13)

En France, l’utilisation du retardant remonte à l’époque des Catalina où le mélange était effectué en vol, après écopage, par le mécanicien navigant. Les PBY-6A, dont le système d’écopage fut rapidement considéré comme moins sûr que celui des PBY-5A, furent même rapidement réservés au remplissage au sol, une solution opérationnelle qui donna satisfaction.

La Protection Civile a utilisé du retardant depuis ses Catalina dès les années 60. (Photo : DR, Coll. F. Marsaly)

L’arrivée des DC-6 et des Tracker n’a fait que confirmer la complémentarité des attaques directe à l’eau par les avions écopeurs et l’usage du retardant au cours des missions GAAr, Guet Aérien Armé, ou par les frappes massives.  Fokker 27, C-130 de location et désormais les Q400MR ont assuré ces missions sans interruption. Une telle expérience sur une période aussi longue serait insensées si elle n’avait pas fait concrètement ses preuves ! Il est même aussi possible, parfois, de voir des CL-415 français affectés à des missions GAAr larguer au retardant !

La France utilise du retardant depuis les années 60 et a évalué son premier Tanker en 1978, un DC-6. Les Q400MR d’aujourd’hui sont dans la continuité de cette histoire. (Photo : Alexandre Dubath)

L’usage du retardant, systématique aux USA et extrêmement fréquent en France, répond à des besoins spécifiques. Son efficacité à moyen ou long terme apporte une efficacité différente aux largages des aéronefs. Il est indissociable de l’usage des « Tankers » même si les « écopeurs » peuvent aussi en recevoir sans contre-indication. Moins médiatisé en France que les norias des Canadair, il constitue cependant une arme de premier choix, le budget qui lui est consacré chaque année en atteste. Les tâches écarlates laissées par les avions de lutte anti-incendie sur les forêts démontrent qu’il s’agit bien d’une arme de toute première importance dans ce combat.

 

 

(1) Le « Thermo Gel » a été notamment employé par le Martin Mars en Colombie Britannique. De son côté, la société française Advantagri avait reçu la médaille d’or catégorie « biomatériaux » au salon de l’Agriculture 2007 pour son retardant court terme « Gel Feu » à base de fécule de pommes de terre mais qui ne semble pas avoir été commercialisé.

(2) La durée de l’efficacité de ces retardants est inférieure à la demi-heure.

(3) Interagency Aerial Supervision Guide (IASG) 2011, Chapter 9 p101 – Tactical Aircraft Operations : « It is important for the retardant to “rain” vertically with little or no forward movement. »

(4) Avis sur le projet de loi de finances pour 2018 ; Sénat, 23 novembre 2017. La quantité de produit ainsi financée n’est pas indiquée.

(5) « Quant au retardant, il coûte environ 2 000 euros la tonne. » Rapport du Sénateur Jean-Pierre Vogel, 25 septembre 2019. Il s’agit du prix du prémélange facturé par le fabriquant.

 

Voici un nouveau sujet où l’auteur aurait été bien seul et bien démuni… Donc, encore merci à Jérôme, Francis, Cyril et Franck… un peu comme toujours !

Une bonne frayeur pour un équipage de Neptune Aviation

La vidéo date du 1er juillet 2019. Elle montre le BAe 146-200 Tanker 01 ( N473NA, MSN E2045) de Neptune en opération sur un feu au Nouveau Mexique pour le compte de l’US Forest Service. De toute évidence c’est un pompier qui filme.

 

Le jet approche d’un feu très peu virulent, on ne voit que quelques fumées blanches éparses, à une altitude qui semble normale et avec une attitude standard, les ailes à plat. Le largage débute et semble s’interrompre. L’avion effectue une ressource  modérée mais l’ombre de l’avion sur la colline ne laisse aucun doute sur le peu de marge de hauteur restante, les arbustes soufflés non plus.

Il s’en est sans doute fallu que de quelques mètres pour qu’une catastrophe s’ajoute à une saison déjà marquée par plusieurs accidents.

Le retour d’expérience du commandant de bord a été publié. Ce dernier explique qu’il est descendu trop bas ; victime d’un effet « tunnel » il s’est focalisé sur le largage – il précise qu’il restait un trou dans la barrière de retardant qu’il lui fallait combler – au détriment de son environnement immédiat ce qui a conduit à une situation quasi-catastrophique. Il n’est pas fait mention de la présence, ou non, d’un Lead Plane.

D’une manière générale, par leur usage du retardant, qui doit recouvrir de façon homogène et continue la végétation à protéger, les Tanker US larguent à des hauteurs sensiblement supérieures à celles qui sont pratiquées généralement en Europe où le travail à l’eau est la norme. Cette courte séquence revêt donc un caractère exceptionnel en plus de son aspect spectaculaire.

T10 montre les 5 buses de largages ventrales, deux en amont du train principal, trois en aval. (Photo : Neptune Aviation)

Les jet BAe 146 sont entrés en service chez les pompiers du ciel US en 2011. La société Neptune a progressivement transformé une dizaine d’appareils de même type. Si les premiers ont été convertis en Tanker par Tronos, un sous-traitant, depuis le Tanker 15 livré en mai 2017, les avions sont préparés entièrement chez Neptune, une opération de 18 000 heures de travail au total.

Le système des avions Neptune est une soute interne à gravité qui déverse le retardant par des buses à clapets situées en amont et en aval du train d’atterrissage. Ils diffèrent donc nettement des RJ-85 modifiés par Conair.

Le système de largage de Neptune a évolué au fil des années, le voici dans sa configuration initiale avec les seules buses arrières. (Photo : Neptune Aviation)

Finalement, l’incident ainsi filmé n’est pas sans rappeler la mésaventure du DC-10 Tanker 910 du 25 juin 2007 (1) où le triréacteur avait scalpé quelques arbres, endommageant sérieusement l’extrémité de son aile gauche.

Il est heureux que l’équipage du Tanker 01 a eu une réaction assez rapide et suffisamment de puissance pour se sortir de ce mauvais pas alors même que le relief ne semblait pas trop difficile.

T01, au premier plan, n’est pas passé loin de la catastrophe. (photo : Neptune Aviation)

Il reste une vidéo particulièrement spectaculaire qui démontre, une fois de plus, que les situations mêmes les plus simples peuvent être piégeuses dans ce domaine si particulier de la lutte contre les feux.

 

Merci à Benjamin Gilbert.

 

(1) : à ce sujet, lire mon article : Les DC-10 de 10 Tanker dans Airways n°14, actuellement en kiosques.

L’accident du Tanker 490

Le 22 juin dernier, en milieu de journée, le Tanker 490, un Lockheed L.188 Electra de la société Air Spray a déclaré une « emergency » et il est revenu se poser à sa base de Red Deer. Trains rentrés, le quadriturbines a glissé sur sa soute et s’est arrêté quelques centaines de mètres plus loin sur la piste. L’avion a été endommagé mais les quatre personnes à bord sont sorties de l’appareil saines et sauves.

L’ampleur des dégâts et l’origine de l’incident ne sont pas connus. L’avenir de l’appareil est aussi en question.

Le Tanker 490 en piteuse posture sur la piste de Red Deer, le 22 juin 2019. (Photo : Sean McIntosh)

Cet atterrissage sur le ventre, parfaitement négocié, n’est pas sans rappeler celui, plus compliqué, du P2V Neptune Tanker 55 à Minden (Nevada) le 3 juin 2012. Dans son cas, une jambe était restée bloquée et avait entraîné un sévère cheval de bois. Le Tanker 55 n’a plus jamais volé et la société qui en était propriétaire, Minden Air, a cessé son activité depuis. Ces accidents ne sont donc pas sans conséquence.

Le Tanker 490 était, à l’origine, un L.188C construit en 1959 pour PSA (MSN1091). Il vole au sein de cette compagnie jusqu’en 1968 sous l’immatriculation N171PS. Il est utilisé ensuite, jusqu’en 1974 par Holidays Airlines comme N971HA avant de reprendre son immatriculation d’origine à son retour chez PSA. En 1979, il est vendu à Evergreen International Airlines où il est converti en cargo et immatriculé N5539. Il arrive chez Channel Express Air Services en 1992, immatriculé G-CEXS. Au début des années 2000, il fait partie des L.188 sur lesquels Air Spray a fait main-basse. Il devient donc le Tanker 490 C-GZCF vers 2003.

Pour ses missions feux, le Tanker 490 est équipé d’une soute RADS de 3000 gallons, du même modèle, à quelques menues différences près, que celles qui ont été installées sous les ventres des P-3 Orion par Aero Union en Californie.

Arrivée du Tanker 481 à McClellan pour l’AFF2018.

Air Spray dispose d’une dizaine d’exemplaires de ces avions. Plus important, elle dispose de cellules stockées pour pièces mais, qui, en fonction du « devis » de remise en état de l’avion accidenté pourraient très bien être mis en ligne moyennant un chantier important.

Cet incident, qui prive néanmoins une compagnie et une Province d’un outil stratégique, est également un rappel que les avions utilisés pour ces difficiles missions ne sont pas toujours de première jeunesse et que la successions de ces grandes légendes de l’aviation est une question permanente. C’est dans ce cadre que la suite des essais du BAe 146 Tanker 170 de la filiale US de la société de travail aérien revêt une importante considérable.

Le Tanker 170 au largage lors de sa présentation au public à Sacramento en mars 2018. Ces appareils pourraient succéder aux Electra de la compagnie.

 

Les Lead Planes (et consorts – 2e partie)

Au cours de l’histoire des Lead Planes, de très nombreux types d’avions ont été utilisés pour cette mission. En dresser la liste exhaustive serait particulièrement ardu, néanmoins voici quelques exemples éclairants sur les nécessités qu’impose cette mission difficile mais indispensable.

Le Neptune Tanker 55 en action derrière son Beech King Air Lead Plane. (Photo : Minden Aviation)

Dans un premier temps, au début de l’aventure des premiers avions de lutte anti-incendie, ce sont les avions existants et disponibles, peu importe la catégorie, pour peu qu’ils soient maniables et adaptés à la mission, qui sont utilisés. Les biplaces monomoteurs T-6 et T-28 trouvèrent dans ce nouvel univers civil une mission proche des opérations d’appui rapprochés et des missions de contrôle aérien avancé dans laquelle ils se sont distingués sous l’uniforme.

Mais le plus étonnant est peut-être le P-51D Mustang de la société Hillcrest Aviation, basée dans l’Oregon, qui est réputé avoir été utilisé comme Lead Plane, notamment en Alaska, au milieu des années 60.

Avant de tomber entre les mains de Clay Lacy et de devenir un célèbre racer, le P-51D « Pink Lady » fut, quelques saison, un avion Lead Plane. De quoi faire rêver les pilotes actuels, non ?! (Photo : Coll. Clay Lacy)

Cet avion, qui a participé à de nombreuses courses aériennes des années 70 vole toujours aujourd’hui, revêtu d’une étonnante livrée rose tirant sur le mauve.

Quelques Lead Planes de l’USFS

D’autres avions, militaires comme civils, trouvèrent là de nouvelles missions. Ce fut le cas en particulier du Beechcraft T-34, version biplace d’entraînement extrapolée du Bonanza, qui fut longuement exploité notamment au sein de l’US Forest Service. Sa configuration en tandem permettait à un observateur en place arrière de disposer d’une vue exceptionnelle.

Le besoin d’avions-guides s’est fait très tôt sentir. Le Beech T-34 fut longuement utilisé pour les missions de l’USFS. (Infographie : C. Defever)

Plus original encore, on trouve également deux Pilatus PC-7 utilisés par les services forestiers de l’Alaska dans les années 2000. Au moins un de ces appareils a été ensuite revendu sur le marché des avions de collection et se trouve désormais basé près de Los Angeles.

Un des deux Pilatus Lead Plane d’Alaska, à Redmond dans l’Oregon en 2008. (Photo : C. Defever)

Pour de nombreuses raisons, désormais, les missions Air Attack, Lead Plane et ASM sont tenues par des bimoteurs. Les avions à moteurs à pistons comme le Piper Navajo, ont longtemps eu les faveurs des entreprises concernées mais c’est, une fois de plus, un Beechcraft qui s’est imposé auprès des organismes officiels puisque pendant les années 90, c’est le Baron qui a été l’outil de référence au sein de l’US Forest Service.

Baron 58P au-dessus de l’Oregon en 1992. (Photo : René J. Francillon)

En 2002 la flotte des Lead Planes de l’USFS comprenait 19 modèles Baron 58P, pressurisés. Après cette terrible saison, marquée par les accidents de deux Tankers, et l’audit du Blue Ribbon Panel, ces avions furent pointés également du doigt pour leurs nombreux problèmes techniques. Leur potentiel initial de 5000 heures de vol fut réduit par une Airworthiness Directive (AD) applicable à partir du 15 novembre 2007 qui limitait désormais à 4500 heures les appareils engagés pour les missions à basse altitude. Les Baron sont donc alors retirés progressivement du service et remplacés par des Beechcraft King Air relevant de compagnies sous contrats, les équipages restant de l’USFS.

Les Bronco du BLM

De son côté le BLM, Bureau of Land Management, confronté aux mêmes besoins sur ses secteurs a récupéré 7 OV-10A Bronco auprès de l’US Marines Corps en 1994. Ces appareils, conçus à l’époque de la guerre du Vietnam étaient parfaitement adaptés aux missions de contrôle aérien avancé, c’est à dire au survol des zones de combat avec l’objectif de désigner aux chasseurs bombardiers les cibles à traiter, il était donc logique de les évaluer pour une mission civile finalement assez proche dans ses contraintes.

Puissant, maniable et manœuvrant, disposant aussi d’un armement conséquent, l’appareil, par sa configuration en tandem et son immense verrière, offrait des atouts considérables pour ces missions civiles. En outre, les Bronco sont équipés de série d’un fumigène leur permettant de marquer l’endroit survolé, un dispositif depuis largement adopté pour les missions feu de forêt. Pour le BLM, les sièges éjectables ont été neutralisés et l’armement déposé.

Un des Bronco du BLM à l’entraînement avec un C-130E MAFFS du 146th AW en mai 1996. (Photo : René J. Francillon)

Le BLM exploita donc ces avions pour des missions Lead Plane pendant quelque saisons. Un appareil est détruit le 10 juin 1997. En 1999, essentiellement pour des raisons politiques, le programme est annulé mais les avions sont transférés au CDF où d’autres Bronco commencent à remplacer les Cessna O-2 Skymaster. Les 6 avions du BLM servent principalement de stock de pièces détachées mais l’un d’eux est préservé dans un musée néanmoins revêtu à nouveau d’une livrée militaire.

En Californie

Au cours des années 70, le California Department of Forestry  (CDF) finit par créer sa propre flotte d’avions de lutte anti-incendie après avoir longtemps fait appel à des sociétés sous contrat. Pour épauler ses avions, des Grumman Tracker, des Cessna O-2 Skymaster, prédécesseurs de l’OV-10 Bronco pour les missions FAC au Vietnam, sont alors exploités.

Un Cessna O-2 du Cal Fire à Redding en août 1992. (Photo : René J. Francillon)

Au CDF, ces avions sont prioritairement utilisés pour les missions Air Attack, surveillance des feux et coordination des moyens engagés. Lorsque les militaires retirent leurs Bronco après la guerre du Golfe  le CDF en profite pour acquérir une quinzaine, environ, d’exemplaires de la version OV-10A.

Au sein du CDF (désormais Cal Fire), ces avions sont modifiés et adaptés pour leur nouveau rôle. Allégés et modernisés ils sont adorés par leurs équipages. Ils sont répartis sur l’ensemble du territoire à raison d’un exemplaire par base, en compagnie d’un ou deux Tracker en fonction du secteur. Lorsque l’alerte est lancée, le Bronco décolle avec les Tankers. En place arrière se trouve un ATGS californien ce qui permet à l’Air Attack de jouer son rôle, coordonner les moyens aériens.

Photographié à McClellan à l’occasion d’une session d’entraînement, l’OV-10A AA330 est normalement affecté à la base de Ramona, la base la plus au sud de l’état.

En fait, les Air Attack californiens opèrent vraiment comme le concept ASM l’exige. Leur mission principale est clairement la coordination comme leur indicatif radio l’indique, mais quand la météo est difficile, quand la visibilité est mauvaise, ou, tout simplement, quand le pilote du Tracker le demande, le Bronco peut descendre et le guider. La fonction Lead Plane n’est donc pas systématique mais bien possible. Ceci varie aussi en fonction de l’expérience et des qualification des équipages qui ne sont pas tous au même stade de leurs évolutions professionnelles.

Le poste arrière de l’AA120, basé en saison à Rohnerville au nord de la Californie, dispose désormais d’un écran tactique.

Depuis leur entrée en service, ces appareils ont aussi bien évolué : Les hélices ont été changés, passant de trois à désormais cinq pales, à la grande satisfaction de l’exploitant. Mais ce sont les systèmes embarqués, notamment au profit de l’ATGS en place arrière, qui se sont perfectionnés et qui progressent continuellement.

En 2010-2011, le Cal Fire récupère auprès du Département d’Etat, deux OV-10D utilisé jusqu’alors en Colombie pour l’épandage de défoliant sur les plantations de coca.

L’unique OV-10D du Cal Fire en 2014. En 2018, il a reçu les mêmes hélices à 5 pales qui équipent les OV-10A californiens.

Le premier est remis en état de vol et aux couleur du Cal Fire tandis que l’autre est toujours stocké sur l’aérodrome de McClellan à Sacramento et qui est la base principale du Cal Fire. C’est là que l’AA 505 est désormais aussi basé. Il est réservé aux missions Lead Plane au profit des Tanker lourds (LAT, C-130, MD-87, BAe 146) et très lourds (VLAT, DC-10 et Boeing 747) loués par le Cal Fire pour la saison et qui sont aussi basés là pour la saison.  L’OV-10D, dispose d’une autonomie moindre que celle des OV-10A mais grâce à ses turbines T76 d’une version plus puissante, il est, de l’avis général, très bien adapté à sa mission.

Le roi King Air

Produit depuis plus de 50 ans dans ses différentes versions, le biturbopropulseur Beechcraft King Air s’est largement imposé dans l’aviation d’affaires et les missions spéciales. Sans être le plus performant des appareils de cette gamme, le King Air possède une excellente réputation de fiabilité, de maniabilité, de confort, tout en étant d’une exploitation raisonnablement économique.

C’est donc sans surprise qu’il a été choisi par l’USFS comme plateforme Lead Plane de référence a partir du moment où les bimoteurs Baron ont été retirés du service. Pour la saison 2018, les tarifs de location des appareils en « Wet Lease » étaient de 652 $ par heure de vol pour les Beech 90 et 767 $ pour les Beech 200, le carburant et l’équipage étant fournis par l’organisme fédéral.

Le « roi » King Air, la plateforme Lead Plane de prédilection et pour encore longtemps.

Leur comportement à basse altitude et leurs plages de vitesse les rendent compatibles avec tous les Tankers, des plus lents au plus rapides, les largages s’effectuant autour de 130 kt pour les LAT et 150 kt pour les VLAT. Ces appareils opèrent sous l’indicatif radio « Lead » suivi d’un numéro à deux chiffres.

En janvier 2018, l’USFS a attribué un marché de 142 millions $ à Textron, le groupe dont Beechcraft dépend désormais, pour la livraison de 20 King Air 250 spécialement équipés pour cette mission, notamment au niveau des radios. Les livraisons ne semblent pas avoir encore débuté pour le moment.

Aero Commander pour l’Air Attack

Pour les missions Air Attack, l’USFS fait confiance aux TC-690, des avions Aero Commander turbinisés, rapides et puissants qui sont parfois extrêmement bien équipés, comme les appareils de la société Courtney Aviation. Cette société basée à Columbia, dispose de trois TC-690 équipés de caméras et liaison de données, pouvant communiquer avec un véhicule de commandement spécialement aménagé.

Un des trois TC-690 Air Attack de Courtney Aviation avec le camion de commandement dans leur hangar de Columbia.

En plus de la coordination des moyens aériens, ces appareils peuvent cartographier une zone de sinistre, communiquer les informations pertinentes aux différents intervenants, en l’air comme au sol, et détecter les dangers même à travers la fumée. Ils constituent des outils particulièrement impressionnants. Ces avions en particulier sont, au gréé des contrats obtenus, opérés pour l’USFS, le BLM ou le Cal Fire.

D’autres vecteurs AA/ASM relevant d’autres entreprises et pouvant être équipés différemment sont aussi sous contrats.

L’expérience Cessna Citation

Une des expériences les plus étonnantes de ces dernières années a débuté avec le BLM en 2014. Avec l’arrivée des tankers à réactions, incarnés dans un premier temps par les VLAT puis par les BAe 146 à partir de 2011, suivis par les RJ-85, les MD-87 et les Boeing 737 tous anciens avions de ligne à réaction, s’est posé la compatibilité des avions du moment, en termes d’évolution et de vitesse, lors des phases de largage.

Des Cessna CitationJet CJ1, comme cet exemplaire relevant de la société Conair, ont été provisoirement utilisés comme Lead Plane en raison de l’arrivée de Tanker à réaction. L’expérience a cependant été de courte durée.

Dans un première temps, deux avions d’affaires à réaction Cessna CitationJet, ont été loués. D’autres l’ont été ensuite par l’USFS au cours des saisons suivantes jusqu’à ce qu’un constat soit dressé. Si, en termes de comportement à basse altitude, il n’y avait guère à reprocher à ces appareils, la consommation de carburant et la réactivité de la motorisation ont fait que les King Air restaient tout aussi adaptés et moins coûteux. Les contrats de locations des Citation n’ont donc pas été renouvelés après la saison 2017.

Quelques cas particuliers

D’autres aéronefs interviennent sur feu. Il peut s’agir des HBE, Hélicoptères Bombardiers d’eau, les SEAT, Single Engined Air Tankers, c’est à dire les monomoteurs ou monoturbines bombardiers d’eau comme les AT-802F et les FireBoss, et bien sûr, les Scoopers, les « écopeurs », c’est à dire principalement les CL-415.

Les hélicoptères et les écopeurs travaillent de la même façon, ils sont affectés à un point d’eau et multiplient les largages. Ils sont néanmoins supervisés par un Air Attack mais qui leur laisse une grande autonomie dans leurs opérations. Quand plusieurs hélicoptères opèrent de concert, l’Air Attack affecte le rôle d’Helco (Helicopter Coordinator) à l’un d’eux, en fonction des qualifications. En Californie ce rôle peut-être tenu par un des Huey du Cal Fire.

Pour les SEAT, les pilotes étant qualifiés Initial Attack, le besoin de Lead Plane se réduit à quelques situations exceptionnelles de visibilité difficile ou de secteur de largage malaisé à repérer. Ce sont des situations que les pilotes des Beech savent gérer même si l’avion qu’ils doivent guider est plus lent que le leur –  en général, c’est le contraire !

Le 185 d’Air Spray peut éventuellement servir de Lead Plane pour les FireBoss de la compagnie.

Dans certains secteurs et en fonction des contrats, ce sont les opérateurs qui peuvent fournir les Lead Planes, ainsi, même si ce n’est pas sa mission principale, le Cessna 185 amphibie d’Air Spray, destiné à familiariser les pilotes de Fireboss de l’entreprise aux opérations sur flotteurs, a été parfois utilisé comme Lead Plane, mais c’est une situation exceptionnelle.

Sécurité des vols

L’apport de sécurité des Lead Planes dans les opérations des Tankers ne souffre d’aucune discussion. Jusqu’au 1er juillet 2012, aucun Tanker n’avait jamais été perdu alors qu’il était « in tow » pour une passe de largage.

Ce jour-là, alors que le C-130H MAFFS #7 du 145th AW, était guidé par un Lead de l’USFS, ils ont rencontré un phénomène de rafales descendantes et si le Beech 90 a pu s’en échapper – l’équipage ayant juste eu le temps de prévenir son suiveur – le Hercules a été plaqué au sol en quelques secondes tuant 4 des 6 membres d’équipage.

Le C-130H MAFF 7 perdu en opérations en 2012. (Photo : USAF)

Auparavant, le 21 juin 1995 près de Ramona dans le sud de la Californie, le C-54 Tanker 19 était entré en collision avec son Lead Plane, au milieu de la fumée d’un incendie alors qu’ils tentaient de se rejoindre.

D’autres accidents ont touché cette catégorie d’avions mais dans des circonstances particulières. L’OV-10A perdu par le BLM en 1997 l’a été parce que le pilote, peu expérimenté sur le type, s’était engagé dans des manœuvres acrobatiques à basse hauteur. Et, lorsque le CDF perdit le AA410 le 6 septembre 2006, celui-ci était visiblement à très basse hauteur en train de chercher les traces d’un incendiaire qui venait d’opérer dans le secteur. Celui-ci, arrêté peu après, a été condamné à 15 ans de prison ferme, sa responsabilité ayant été reconnue dans la mort de l’équipage du Bronco. En plaidant coupable, il a ainsi échappé à la perpétuité.

D’autres avions Lead ou Air Attack ont connu d’autres péripéties, atterrissages non contrôlés ou trains rentrés, quelques incidents graves mais non mortels. Dans un domaine où le risque est omniprésent, ces résultats sont la preuve du bien fondé d’une doctrine et du professionnalisme de ceux qui la mettent en œuvre.

Au Canada

Le Canada fait également appel à des avions guides et de coordination pour ses avions de lutte contre les incendies. Ils sont appelés Bird Dog dans les provinces anglophones et Avions Pointeurs ou Aero-pointeurs au Québec. Ils sont engagés d’une façon similaire aux ASM américains. Les doctrines sont tellement compatibles que lorsque les avions canadiens sont amenés à intervenir aux USA, les Bird Dog peuvent se substituer aux Lead et Air Attack américains en fonction des circonstances.

En plus des trois tactiques utilisées par les Lead US, les Bird Dog et avions pointeurs peuvent en utiliser une quatrième. Lorsque le Tanker, ou avion-citerne, effectue sa passe de largage, l’appareil guide se range sur le côté, légèrement étagé en hauteur et en retrait par rapport à lui. Ainsi, l’équipage de l’avion le plus léger dispose d’une bonne vue sur la trajectoire et les éventuels obstacles tout en pouvant constater directement la qualité du largage.

Les types d’avions utilisés sont variés. Au Québec, à la SOPFEU, on trouve de puissants Cessna 310. Dans d’autres provinces, les TC-690, sont extrêmement appréciés. Pour certaines mission, on trouve même des Cessna 208 Caravan ou des Piper Aerostar.

Conair 802F (Air Tractor) small

La société Conair utilise des Cessna Caravan et des Piper Aerostar pour guider ses bombardiers d’eau. (Photo : Conair)

Un des cas les plus intéressant a été celui du Martin Mars en Colombie Britannique. Par son envergure et sa manœuvrabilité marginale si il existait un avion qui nécessitait d’être guidé, c’était bien lui. Au début de sa carrière et jusque dans les années 80, c’est un amphibie Grumman Goose qui a été utilisé. Lors de ses missions aux USA en 2008, c’est un Cessna 206 sur flotteurs et à turbine Soloy qui a été employé. Ensuite, c’est un Sikorsky S-76, baptisé « Firewatch » qui a été mis au service de l’immense hydravion.

Firewatch 76

Le S-76 de Coulson Flying Tanker, mis en service pour le Martin Mars et exploité au profit des C-130 de l’entreprise.

Équipé d’une boule FLIR, l’hélicoptère ne se contentait pas de le guider mais permettait aussi d’analyser les développements de l’incendie et d’optimiser ainsi les largages. Lorsque le Martin Mars a été mis à la retraite, le Firewatch a été utilisé au profit des C-130 de la compagnie pour l’analyse des incendies et des largages, en complément des moyens de guidage de l’USFS ou du Cal Fire.

En Australie

L’île-continent a longtemps été réticente à l’engagement des Tankers. Mais lorsque les collectivité locales ont changé leur fusil d’épaule, ils se sont adressé aux Canadiens (Coulson et Conair) ou au américains (Tanker 10) pour obtenir les avions dont ils avaient besoin. Ceux-ci sont arrivés avec leurs tactiques et donc avec les concepts de Lead Plane, d’Air Attack et d’ASM.

Les Lead Planes australiens ont adopté les tactiques des bird dogs canadiens. (Photo : Country Fire Authority)

Ce sont les TC-690 qui sont utilisé prioritairement comme Lead Plane mais les Air Attack peuvent être variés. Cessna Grand Caravan ou 337 Skymaster accompagnent les C-130, RJ-85AT, DC-10 et autres Boeing 737 qui luttent contre les feux en fonction des provinces et des saisons.

Au Chili

Ce pays, qui est régulièrement confronté à des feux de grande ampleur ne disposait pas, jusqu’à peu, de moyens d’intervention lourds. Face à une situation terrifiante fin 2016, et grâce au financement d’une fondation caritative, le Chili a vu débarquer le Boeing 747-400 Supertanker pour une mission qui s’est avérée décisive, à la fois pour le Chili, mais aussi pour l’exploitant du Jumbo. Un BAe 146 de Neptune Aviation et un IL-76 VAP2 d’Emercom sont également intervenus dans la Cordillère des Andes et c’est un Casa 295 de la Marine chilienne qui leur a servi de guide. Il est sans doute le plus imposant des avions jamais utilisés dans ce rôle.

Le Casa 295 de la Marine chilienne à l’issue d’une longue journée de lutte contre les feux. L’avion dispose d’une boule FLIR permettant de filmer et d’analyser les feux et les largages des tankers. (Photo : Armada de Chile)

En 2019, ce fut au tour des DC-10 de bénéficier d’un contrat à Santiago du Chili, le Tanker 910 épaulé ensuite par le Tanker 914. Le Casa de la Marine a donc repris son rôle, de façon plus efficace car l’expérience de la saison 2016/2017 a porté ses fruits. L’armée de l’air s’est aussi investi dans ces missions en mettant à disposition des DC-10 un Cessna Citation CJ1.

En France

En France, le concept de Lead Plane n’existe pas. Les Beechcraft King Air 200 de la Sécurité Civile sont utilisés pour la coordination et l’investigation, ce qui les approche des fonctions d’Air Attack ; le futur équipement d’une boule caméra TV/IR va considérablement augmenter l’intérêt opérationnel de ces appareils.

Dragon et Pélicans

Les EC-145 de la Sécurité Civile peuvent être utilisés pour pointer les zones à traiter par les bombardiers d’eau, mais il ne s’agit pas là de la mission principale de ces hélicoptères.

Néanmoins, si les « Bengale » ne guident pas les avions, il est parfois fait appel aux hélicos pour qu’ils se positionnent à hauteur du site du largage demandé pour le désigner aux bombardiers d’eau. C’est une des missions qui peuvent être confiée aux EC-145 Dragon par exemple. Avec une flotte qui comptera bientôt 8 Q400MR, la mission des Bengale pourrait-elle alors évoluer ? On verra !

Le principe des Lead Plane, étendu aux avions Air Attack et au concept ASM, est d’une efficacité démontrée. Fruit des spécificités et des procédures établies pour les opérations des Tanker lourds, il permet de sécuriser et d’optimiser les missions, de maintenir un contact avec les troupes au sol tout en suivant le développement de l’incendie. Les Lead Planes sont, d’une certaine façon, l’expression du caractère pragmatique du nouveau continent.

Merci à Cyril, Franck et Jérôme… un peu comme d’habitude !