Les 19 Firecat de la Sécurité Civile française

Entré en service comme bombardier d’eau en 1982 pour la Sécurité Civile, le Grumman Tracker, dans ses versions Firecat et Turbo Firecat, a officiellement terminé sa brillante carrière française en 2020 après 37 saisons passés à défendre les forêts du sud de la France. Au cours de ces presque quatre décennies, 19 avions différents ont été utilisés, les voici :

Le secteur Tracker, au petit matin, à Nîmes.

T01, le pionnier

CS2F-2 DH57

Le premier d’entre-eux, T01, a connu une histoire extraordinaire. Il est construit par De Havilland Canada dans son usine de Downsview à Toronto en 1958.

En service dans la Royal Canadian Navy, Il est modifié comme avion de développement pour la version CS2F-3. Il fait partie des 10 premiers avions de ce type retirés du service à la toute fin des années 60. En septembre 1970, il est revendu à l’Ontario Ministry of Natural Resources qui le confie à la société Field Aviation pour conversion à la lutte anti-incendie. Immatriculé CF-OPZ, il est le premier avion de ce type à devenir bombardier d’eau.

Le CF-OPZ au Canada, muni de sa soute, en 1971. (Photo : L. Alexander)

Après avoir servi pour le développement et la promotion du Tracker de lutte anti-incendie, il est mis en service comme Tanker 59 dans l’Ontario et opère sur les feux canadiens jusqu’en septembre 1977. Arrêté de vol, il est vendu à Conair qui le transforme en Firecat pour le compte de la Sécurité Civile. Sous ce nouveau standard, il arrive à Marignane en mai 1982 en tant que T1, en même temps que le T2, inaugurant ainsi le secteur Tracker. Il est immatriculé F-ZBAZ.

En septembre 1994, il traverse à nouveau l’Atlantique pour débuter son chantier de turbinisation chez Conair dont il revient en tant que T01 début juillet 1995.

Le 10 août 1998, juste après le décollage, il est victime d’un blocage de la SERA (1), ne laissant à son pilote, Alain Huet, que le choix de l’atterrissage forcé, dont il se sort indemne. L’avion est stocké à Marseille puis transféré par route en juin 2000 à Nîmes chez AOM Industries, où il est réparé. Il reprend le service en 2001.

L’ancêtre de tous les Tracker de lutte contre les feux de forêt en action lors de la JPO de l’IIUSC1 de Nogent-le-Rotrou en juin 2010.

Le F-ZBAZ est resté opérationnel jusqu’en décembre 2019, ayant été, avec T20, l’un des deux avions autorisés à reprendre l’air en novembre après l’accident du T12 à Béziers qui entraîne quelques semaines plus tard la retraite anticipée de la flotte. Ironie de l’histoire, le premier de tous les Tracker de lutte anti-incendie, le premier Tracker français fut aussi l’avion du dernier vol.

Il termine son histoire opérationnel avec environ 12 000 heures de vol (*). Il est transféré aux Ailes Anciennes de Toulouse pour exposition statique à Blagnac en septembre 2023. .

T2

CS2F-1 DH32

Il est construit par De Havilland Canada en janvier 1958 et entre en service dans la Royal Canadian Navy. Il est transféré au Maritime Command des Forces armées canadiennes en juin 1970. Il est désigné alors CP-121 et reçoit l’immatriculation 12133 puis 1533. En 1972, il est transféré au Ministère des Ressources Naturelles de l’Ontario et il est modifié par Field Aviation. Il entre en service comme Tanker 56, immatriculé CF-OPW. Il est racheté en 1980 par Conair après l’arrêt des Tracker de l’Ontario.

Transformé en Firecat, il est livré à la France en mai 1982, en même temps que T1 mais très peu de temps après son entrée en service, le 16 juin, il est victime d’un grave accident au décollage à Marseille. Juste après la rétraction du train, l’avion s’enfonce et se « vautre » sur la piste. L’équipage composé de Jean-Louis Delaunay et de Daniel Gaby est sain et sauf. L’avion est réparé et reprend son service après 4 mois de chantier.

A Marignane en octobre 2005, le dernier des « pistons » a encore une saison à faire.

Il demeure, à partir de 1998, le dernier avion à moteurs à pistons de la Sécurité Civile. A la  fin de sa carrière il est essentiellement considéré comme un avion de renfort et on lui confie régulièrement des mission de PC aérien.

Il effectue son dernier vol aux mains de Jean-Louis Meyer, pilote, et de Bernard Servières, mécanicien navigant, le 25 septembre 2006. Il compte alors 8 629 heures de vol dont 4 671 depuis sa transformation en bombardier d’eau.

Le 30 novembre suivant, il est acheté aux Domaines par la mairie de Saint-Victoret pour les collections du musée aéronautique de la ville qu’il intègre quelques semaines plus tard. Exposé à l’intérieur jusqu’en 2018, il est présenté désormais près du Pélican 46 à l’extérieur du musée. Nous espérons qu’il puisse retrouver rapidement une place bien à l’abri.

T2, impeccable dans son musée à Saint-Victoret en 2017. Il est exposé depuis à l’extérieur, solution qu’on espère temporaire.

T3

CS2F-1 DH29

Il sort de l’usine de Downsview à Toronto en novembre 1957 et intègre la Royal Canadian Navy qu’il sert jusqu’en novembre 1970 date à laquelle il est retiré du service.

Il est très vite revendu à l’Ontario Ministry of Natural Resource et modifié pour la lutte anti-incendie par Field Aviation. Immatriculé CF-OPT, il devient Tanker 53 jusqu’à l’arrêt des Tracker de l’Ontario en 1979. Au cours de cette période il aurait essentiellement servi de réserve de pièces détachées.

Il est vendu ensuite à Conair en 1980 pour être converti en Firecat. Il est livré ensuite à la Sécurité Civile en juillet 1982.

Le 24 septembre 1990, au cours d’une intervention près de Galéria, en Corse, il s’écrase entraînant la mort de son pilote Philippe Gallet.

T4

S2F-1 BuNo 136504

Sorti de l’usine de Bethpage en janvier 1958 il intègre l’US Navy. Il est modifié ensuite en US-2A de liaison. Il est retiré du service et placé en stockage longue durée en octobre 1980 à Davis-Monthan. Il en ressort deux ans plus tard, revendu à Conair.

Il est livré à la Sécurité Civile en juin 1983 en tant que T4 F-ZBEG. Le 4 septembre 1985, alors qu’il décolle de Carcassonne, François Peter perd la roue gauche, ce qui l’oblige à se poser sur le ventre, sous la protection des pompiers. L’avion est endommagé mais réparé rapidement.

Le T4 F-ZBEG au milieu des années 80.

Le 18 juin 1989, alors en mission GAAr, le T4 touche une crête près de Saint-Martin-Vésubie et s’écrase, tuant son pilote Christian Lallement.

T5

S2F-1 BuNo 136451

Ce Tracker dont la construction s’achève en février 1956 intègre les flottilles de l’US Navy. Il est modifié ensuite en US-2B de liaisons et affecté à la VT-28 de la base d’Oceana puis on le retrouve affecté à Naples en 1971 puis à Rota, en Espagne, en 1976. Il est placé en stockage à Davis-Monthan en octobre 1980 mais il est très rapidement revendu à Conair.

Le Firecat T5 au cours de sa courte carrière française (1983-1989).

Il est livré en France en tant que Firecat T5 en juin 1983, immatriculé F-ZBEH.

Il est racheté par Conair en mars 1989. Il devient le T74 C-FEFK et opère ensuite au Canada parmi les autres avions de ce type exploités par la compagnie canadienne jusqu’en juillet 2012. Retiré du service, il est stocké en plein air à Abbotsford.

T6

S2F-1 BuNO 136448

Ce S2F-1  sort d’usine en février 1957 et intègre l’US Navy. On le retrouve modifié en US-2B à Jacksonville où il sert jusqu’en août 1981, date à laquelle il est convoyé jusqu’à Davis-Monthan. En juin 1982, il est acheté par Conair.

Un peu plus d’un an plus tard, devenu le Firecat T6, il est livré à Marignane en juillet 1983. Il est immatriculé F-ZBEI.

Le T6 à Marignane.

Le 20 août 1985, Michel Brousse et Charles Daussin, à l’issue d’une mission GAAr, sont en finale sur Marseille lorsqu’un feu est signalé près de Gignac à deux minutes de vol. La soute encore pleine de retardant, ils proposent leurs services et se déroutent immédiatement. L’avion s’écrase à proximité de la ville, peut-être à la suite d’une panne de carburant. Son équipage est tué.

T07

S2F-1 BuNo 136491

Le T07 est sorti de l’usine Grumman de Bethpage sur Long Island en juillet 1957. Sa carrière militaire s’étale jusqu’en 1973, date de son arrivée pour stockage à Davis- Monthan AFB dans le désert de l’Arizona.

Il est ensuite vendu à Conair, en 1983, qui le transforme en Firecat avant de le livrer à la Sécurité Civile en juillet 1984 comme T7. En octobre 1995, à l’issue de la saison des feux, il est convoyé vers le Canada pour être converti en Turbo Firecat. Le chantier effectué, il est de retour à Marignane en juillet 1996 et devient T07, toujours immatriculé F-ZBEY.

T07 à la Ferté-Alais 2015

En 2012, le T07 est choisi pour porter la livrée spéciale commémorative des 30 ans du Firecat en France, décoration qu’il porte toujours. Il termine sa carrière en septembre 2019 à environ 16 000 heures de vol. Il est destiné à être exposé à Aubenas, près du pélicandrome de l’aérodrome de Lanas, à l’initiative de l’association SOS Tracker 07.

T8

S2F-1 BuNo 136409

Sorti d’usine en mai 1957, on le retrouve comme S-2B à la VS-32 puis, en 1978, il est devenu US-2B affecté à la base de Glenview. Retiré du service, il est placé en stockage à Davis-Monthan en novembre 1980 où il est racheté par Conair.

Modifié en Firecat, il est livré à la Sécurité Civile en juillet 1984 comme T8 et immatriculé F-ZBEZ.

Le T8 à Marseille.

Le 23 juin 1987, alors qu’il participe à un exercice avec des pompiers près de la Roque d’Anthéron, il touche un arbre et s’écrase sans laisser la moindre chance de survie à son pilote Marc Favallelli.

T11 « Miss T11 »

S2F-1 BuNo 136712

Construit en novembre 1958, il vole pour la VS-29 affectée à l’USS Kearsarge. il est ultérieurement modifié en TS-2A puis US-2B, c’est à dire une version dont les équipements militaires ont été déposés, permettant d’installer 4 à 5 sièges dans le compartiment arrière pour des missions de liaisons. Il est affecté à la base de Whitbey Island puis à celle de Moffett Field près de San Francisco avant de voler, à partir de 1977, avec la VX-4.

Il est stocké à partir de juin 1979 à Davis-Monthan. C’est là qu’il est récupéré par Conair qui le rapatrie pour en faire un Firecat. Il est livré à la Sécurité Civile en mai 1987 et devient le T11.

T11 avant de devenir un Turbo-Firecat.

Le 13 avril 1992 lors de sa course de décollage à Marignane, Charles Marchioni est victime d’une très rare collision ovine dont l’avion sort indemne. On déplore cependant le décès de l’agneau qui divaguait sur l’aérodrome, tué sur le coup.

Au mois de septembre suivant, T11 s’envole à son tour pour le Canada et en revient avec des PT-6 en juillet 1994.

Le T11 en vol, une image désormais historique.

Le F-ZBEW a arboré quelques années un petit nose art « Miss T11 ». Il est le premier Turbo Firecat arrêté de vol et mis à la retraite en octobre 2018. Il a accumulé lors de ses différentes carrières environ 17 000 heures de vol. Il est partiellement démantelé car devait partir au Camp des Garrigues pour servir de cible sur le champs de tir (!!). L’arrêt des vols du type en 2020 semble avoir modifié singulièrement son destin car finalement l’appareil va servir de cellule d’exercice pour les pompiers de l’aéroport de Nîmes.

T12

S2F-1 BuNo 136658

Construit en avril 1957, ce Tracker intègre l’US Navy. On le retrouve affecté à la VS-29 du groupe embarqué CVSG-53 du porte-avions CVS-33 USS Kearsage entre 1960 et 1963 notamment. Il termine sa carrière dans le désert de l’Arizona, à Davis-Monthan, en stockage longue durée, c’est là qu’il est acquis par Conair au cours des années 80.

Le futur T12 en décembre 1962, alors qu’il était un banal S-2A de la VS-29 ! (Photo US Navy via René J. Francillon)

Modifié en Firecat, il est livré à la Sécurité Civile en juin 1987, immatriculé F-ZBDA, indicatif T12. Il retourne chez Conair à partir de septembre 1991 et revient remotorisé au début du mois de septembre 1992 en tant que T21, mais pour éviter les doublons avec le CL-215 Pélican 21 alors encore en service, il redevient T12.

T12 au largage pour la répétition du meeting des 60 ans du GHSC à Nîmes en octobre 2017.

Immatriculé F-ZBAP, il reste opérationnel jusqu’au 8 septembre 2019. Ce jour-là, il est victime d’une rupture de son train d’atterrissage à la sortie du pélicandrome de Béziers. Cette défaillance met à jour un problème majeur de vieillissement et de criques des trains des Tracker qui entraîne quelques semaines plus tard leur retraite anticipée. L’appareil, qui compte 17 000 heures de vol, a été partiellement démantelé. Il est demeuré à Béziers quelques mois avant d’être transféré à Nîmes par la route. Il est destiné à rejoindre l’école des sapeurs-pompiers du SDIS 13 à Velaux.

T15

S2F-1 BuNo 147559

Le S2F-1 futur T15 est sorti d’usine en novembre 1959. En 1966, il est devenu US-2A, c’est à dire que son compartiment tactique a été vidé pour lui permettre de transporter du matériel, il est affecté à la base de Willow Grove. On le retrouve ensuite dans l’US Marines Corp, sur la base d’Iwakuni au Japon. Il termine sa carrière à Alameda, près de San Francisco puis il est placé, en 1981, en stockage longue durée à l’AMARC de Davis-Monthan.

Il en ressort dès 1985, racheté par Conair. Une fois converti en Firecat, il est livré à la Sécurité Civile en juillet 1987. Il repart pour le Canada début septembre 1988 et il revient avec ses PT-6 en juillet 1989.

Le 11 septembre 2001, Régis Huillier le pose train rentré sur la piste de Cannes. Après changement des moteurs et des hélices, l’avion s’envole pour Nîmes, quelques jours plus tard, pour un chantier de réparation plus complet.

Le T-15 sur le parking à Marseille en 2008.

Le T15 F-ZBET est resté opérationnel jusqu’en septembre 2019. Il a atteint le seuil respectable de 15 000 heures de vol. Il est attribué à l’Amicale Alençonnaise des Avions Anciens le 24 août 2023. Dans l’objectif de le faire voler au titre de l’aviation de collection, sous l’immatriculation F-AYFT, les turbines du T15  ont été remises en route à Nîmes au début du mois de septembre 2023. Le premier vol de contrôle est effectué à Nîmes le 10 octobre 2023 et l’appareil est alors immatriculé provisoirement F-WYFT.

T16

S2F-1 BuNo 136510

Il sort d’usine en juillet 1956 et intègre l’US Navy. Il est racheté par Conair en 1984 et transformé en Firecat. Il intègre alors la flotte Conair et vole en tant que Tanker 70 à partir de 1985 au Canada. Il est ensuite transformé en Turbo Firecat et livré à  la Sécurité Civile en août 1988 comme T16, immatriculé F-ZBFO. Il est le premier Turbo Firecat à rejoindre ainsi la France.

Il est perdu le 25 août 1996 en Corse lorsque son pilote, Jean-Marc Aubouy, se fait piéger dans le relief après un largage.

T17

S2F-1 BuNo 136747

Achevé en janvier 1959 il entre en service dans l’US Navy.

On le retrouve modifié en TS-2A en 1965 sur la base d’Alameda avant qu’il ne soit encore transformé en US-2A. Il est retiré du service et placé en stockage à Davis-Monthan en 1971. Il est alors attribué au CDF avec l’immatriculation N437DF mais n’est pas converti en Tanker.

Il est racheté par Conair dans les années 80. Modifié directement en Turbo Firecat, il est livré à Marseille en juillet 1989 comme T17, immatriculé F-ZBFE.

Il est perdu le 20 août 2005, avec son équipage composé de Régis Huillier et Albert Pouzoulet, lors d’une intervention à Valgorge en Ardèche.

T18

S2F-1 BuNo 136474

Construit en 1956, il opère notamment pour la VS-33. En 1967, il est modifié en avion d’entraînement TS-2A puis on le retrouve en US-2A de liaison pour la base d’Oceana. Il est retiré du service et stocké à Davis-Monthan à partir de février 1970.

En 1974, il fait partie des avions attribués au CDF pour lequel il reçoit l’immatriculation N421DF mais reste stocké jusqu’à son achat par Conair. Il est converti directement au standard Turbo Firecat et livré à la Sécurité Civile en juillet 1990.

Le T18, peu de temps après sa livraison en France.

le 19 septembre 1990, il est posé sur le ventre à Bastia par Charles Marchioni à l’issue d’une intervention. L’avion est remis sur son train et s’envole après changement de moteurs et des hélices pour un complément de réparation à Marseille.

Le 19 juin 1996, alors qu’il est confié à Eurocopter pour maintenance, il est détruit par un incendie causé par un court-circuit près d’une fuite d’un circuit hydraulique alors que l’avion est remorqué sur un parking. En dépit de l’intervention des pompiers qui parviennent à circonscrire l’incendie au seul compartiment d’accès, l’avion est déclaré irréparable. Eurocopter, à titre du dédommagement, finance alors l’acquisition du T77,  livré au mois d’août suivant et qui devient ensuite le T23.

T19

S2F-1 BuNo 136717

Ce S2F-1 est livré à l’US Navy. Il est transformé en US-2A et affecté à Willow-Grove en 1975. Il est retiré du service et placé en stockage à Davis-Monthan en 1980.

Il est racheté par Conair en 1985 et modifié en Firecat. Il est livré à Marseille en juillet 1986 sous l’indicatif T10, immatriculé F-ZBBL

Le futur T19 a commencé sa carrière comme T10.

Il retourne chez Conair en 1990 pour être modifié en Turbo Firecat, chantier dont il ressort en juin 1991 comme T19.

Le T19 à Marignane en 2001.

Il est détruit le 19 juillet 2005 lorsque Patrick Calamia touche la cime d’un arbre masquée par la fumée lors d’un feu près de Taradeau dans le Var. Miraculeusement, le pilote sort vivant et indemne de la carcasse de son avion et échappe au feu tout proche.

légèrement au nord-est de la forêt brûlée, la petite clairière causée par le crash du T19 est encore bien visible en août 2006. (Google Earth)

Le T19 avait 12 445 heures de vol.

T20

S2F-1 BuNo 136501

T20 est construit en septembre 1957. Il est pris en compte par l’US Navy et vole pour l’escadrille VS-31 au sein du CVSG-52 de l’USS Wasp. Il est ensuite converti en avion d’entrainement TS-2A puis en US-2A et utilisé sur la base de Monterey avant d’être placé en stockage à l’AMARC de Davis-Monthan en 1974.

Il est attribué ensuite au California Department of Forestry avec l’immatriculation N435DF. L’avion aurait été acheminé jusqu’à Fresno (CA) dans l’attente d’une éventuelle conversion, mais il est revendu à Conair vers 1985. Il est livré à la Sécurité Civile une fois modifié en Turbo Firecat en juillet 1991. Il devient le T20 et il est immatriculé F-ZBEH.

Le T20 se présente au pélicandrome de Marignane en 2005.

Il est opérationnel jusqu’en 2019. Après l’arrêt des vols consécutifs à l’accident du T12 à Béziers, il est, avec le T01, l’autre Tracker autorisé à reprendre ses missions le 25 novembre ce qu’il fait jusqu’en décembre et l’arrêt définitif des opérations aériennes du secteur Tracker.

Il a accumulé un total d’environ 13 000 heures de vol. Désormais arrêté de vol, l’appareil devrait rester à Nîmes où il pourrait être exposé comme stèle à l’entrée de la base.

T22

S2F-1 136547

Il sort de l’usine Grumman en juin 1958. Il est utilisé par différentes flottilles de lutte anti-sous-marine jusqu’en 1967 où il est transformé en avion de transport US-2A et affecté à la base de Pensacola jusqu’en 1974. Il est retiré alors du service et convoyé jusqu’au désert de l’Arizona. C’est là que Conair l’achète en 1985.

Transformé en Firecat, il arrive à Marignane en juin 1987 comme T14. Il retourne au Canada mi-septembre 1992 pour sa conversion en Turbo Firecat. Il est de retour à la BASC en juillet 1993 mais sous le nouvel indicatif T22.

T22 au largage lors du meeting d’Aix les Milles en juin 2013 organisé pour les 50 ans de la BASC.

Le 2 août 2019, le T22 est victime d’un accident au cours d’une intervention à Générac dans le Gard, tuant son pilote Franck Chesneau. L’avion avait accumulé environ 15 000 heures de vol au cours de sa carrière.

T23 « Garfield »

CS2F-2 DH94

Il construit par De Havilland Canada à l’usine de Downsview en mars 1958. Il est ensuite converti en CS2F-3. Il est opérationnel au sein de la Royal Canadian Navy jusqu’en juin 1970, date à laquelle il est transféré au Maritime Command des Forces armées du Canada où il est redésigné CP-121 Mk.3.

Le DH94 en août 1986 lorsqu’il était le CP-121 Mk 3 12195 des Forces Armées Canadiennes. (Coll. René J. Francillon)

En 1987, alors au Maritime Reconnaisance Squadron MR880, il reçoit une livrée spéciale pour commémorer les 30 ans du CS2F au Canada.

Le DH94 en 1987, survolant Toronto et la célèbre Tour CN. (Photo : Forces Armées Canadiennes)

Il est retiré du service en mars 1990 pour être acquis par Conair deux ans plus tard et devenir le Turbo Firecat Tanker 577 C-FKUF. Il entre alors en service au Canada et pourrait être le seul Turbo Firecat a avoir été exploité sur feux par Conair.

Il est livré à la Sécurité Civile en août 1996 comme T77. L’acquisition de cet avion a été financée par Eurocopter pour compenser la perte du T18 lors d’un incendie en cours de maintenance le 18 juin précédent. En 1997, il change d’indicatif pour devenir le T23.

Le T23 au départ d’Aix les Milles en 2013.

Le F-ZBCZ. porte sous la vitre du cockpit un petit nose art représentant le chat Garfield avec un casque de pompier sur la tête et une lance à incendie dans les mains.

Il est arrêté de vol en septembre 2019 et affiche quelques 19 000 heures de vol. Il sera transféré au Lycée Frédéric Mistral de Nîmes où il servira de support pédagogique pour les filières aéronautiques.

T24

S2F-1 BuNo 136552

Ce S2F-1 sorti d’usine en janvier 1957 est affecté à la base de Willow-Grove avant d’être transféré chez les Marines à Quantico. En décembre 1980, il intègre les réserves stockées à Davis-Monthan. En 1984, il est revendu à Conair pour une conversion au standard Firecat.

Il est convoyé jusqu’à Marignane où il arrive en juin 1985 en tant que T9 F-ZBEX.

Le 24 février 1988, l’avion, avec à bord un équipage composé de Marc Foyet et Christian Le Flanchec est lourdement endommagé en Corse après avoir heurté une ligne à haute tension. Le fuselage lacéré mais les moteurs encore tournants, l’équipage parvient à le poser en urgence à Bastia. L’avion est réparé.

Il retourne à Abbostsford en septembre 1998 pour sa remotorisation, mais il ne revient qu’en juillet 2000, devenu le F-ZBMA T24.

Le T24 porteur de la livrée commémorative de 2002. (Photo CEIPM)

En 2002, il est choisi pour recevoir la décoration spéciale commémorative des 20 ans du secteur Tracker qu’il garde relativement peu de temps.

T24 à Marignane en 2005.

En 2018, le T24 affichait un total respectable de 16 000 heures de vol. Il reste opérationnel jusqu’en septembre 2019 et l’arrêt des vols consécutifs à l’accident du T12 à Béziers.

Il est attribué à l’Amicale des Pompiers du ciel qui entend l’exploiter comme avion de collection en collaboration avec le Musée Européen de l’Aviation de Chasse de Montélimar.


A l’heure du bilan

En achetant ses premiers Firecat en 1982, la Sécurité Civile faisait une affaire puisqu’elle doublait sa flotte d’avions de lutte anti-incendies pour un montant raisonnable. Néanmoins les chantiers de remotorisation puis le plan 20/20 ont fait qu’au final, des sommes importantes ont été investies dans la flotte des Firecat et Turbo Firecat. Mais, et ce n’était pas l’objectif initial, la présence de cet avion rapide, à l’heure de vol peu couteuse, a permis de mettre en œuvre une tactique sur laquelle aujourd’hui la sécurité civile continue de s’appuyer, le guet aérien armé (GAAr) permettant de combattre efficacement les feux naissants.

Bien sûr, de trop nombreux drames ont émaillé cette histoire mais ils ne doivent pas faire oublier à quel point cet avion, né pour traquer les sous-marins russes depuis  les porte-avions d’escorte de l’US Navy, s’est approprié avec succès cette nouvelle mission, signe de ses grandes qualités.

L’histoire opérationnelle du Tracker est donc terminée en France. Après trois longues années de stockage, les appareils vont donc rejoindre leurs destinations finales et être ainsi préservés. Tous ne seront pas accessibles au public mais l’essentiel est qu’il ne subiront pas le triste sort qui avait été réservé aux CL-215. Surtout, deux d’entre eux, le T15 et le T24 vont être préservés en état de vol et rapidement devenir des vedettes de meetings aériens.

Cet article est un complément au dossier paru dans le numéro 585 d’août 2018 du magazine Le Fana de l’Aviation.

*) : toutes les heures de vols données dans cet article sont les heures de vol effectuées au sein de la Sécurité Civile.

1) : Single Engine Rudder Assistance. Compensateur additionnel de dérive qui permet de maintenir l’avion pilotable avec un moteur en panne.

 


On discute Tracker sur le plateau de #Jumpseat ce 12 septembre 2023.


Bernard Servières, mécanicien navigant à la Sécurité Civile de 1980 à 2006 et pilier de l’Amicale des Pompiers du Ciel a été l’auteur principal du livre Des Pélicans et des Hommes, lequel est une des sources principales de cet article.

Il m’ouvrit les portes de la Base de Marignane au début des années 2000 et fut, à de nombreuses reprises, d’une aide inestimable pour mes travaux sur l’histoire des bombardiers d’eau français.

Bernard nous a quitté brutalement en février 2018. Cet article consacrés aux Firecat, sur lesquels il a volé une décennie, est donc dédié à sa mémoire.

Un grand pilote doit pouvoir s’appuyer sur un grand mécanicien navigant, c’est ce que Jean-Louis Meyer (à droite) fait sur cette photo, prise à l’issue du dernier vol de T2 en 2006, qui fut aussi le dernier vol de Bernard Servières, à gauche. (Photo David Bouissou)

Article mis à jour le 21 août 2018, le 4 août 2020 puis le 16 septembre 2023

5 réflexions sur « Les 19 Firecat de la Sécurité Civile française »

    • Si, ils sont plusieurs à avoir changé de numéros… le tableau en fin d’article le montre. Si j’ai bien compris, ils ont reçu leur numéro en fonction de leur ordre d’arrivée, et puis après, y’a eu les doublons, les remotorisations. Un beau bordel !

  1. Que deviennent les Firecats apres leur arret en France ?
    Revendus au Canada / Conair ?
    Pourquoi ne pas avoir achetés d’autres trains d’atterissages en stock ou renovés, voir de nouveaux,. cela aurait été plus economique que les Dash -8.

    • le retrait des Tracker était annoncé pour 2022 de toute façon et le contrat des Dash déjà passé (oui parce que des avions de 60 ans, il faut aussi les remplacer un jour) Acheter des trains neufs, ça aurait été, quelque part, une dépense inutile.

      Les avions sont stockés à Nîmes pour le moment en attendant de rejoindre les musées qui ont fait des demandes pour les accueillir. On aura l’occasion d’en reparler d’ici peu.

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