Le TU-154M « Supertanker » Iranien !

L’Iran vient de dévoiler sa nouvelle arme pour lutter contre les feux de forêt, un Toupolev TU-154M modifié avec une soute à retardant. L’appareil vient d’effectuer ses premiers largages d’essais.

Largage de démonstration pour le premier TU-154M modifié pour la lutte anti-incendie en Iran.

En 2013, les visiteurs du salon aéronautique de l’île de Kish en Iran avaient pu assister à une démonstration d’un Il-76 du corps des Gardiens de la Révolution équipé d’une soute VAP-2 effectuant un largage. En flânant dans les stands, le visiteur curieux pouvait tomber sur un stand proposant une conversion Tanker du Tu-154. L’observation de la petite maquette montre un système de soutes en série, sans doute pressurisées, donc un principe similaire à celui qui équipe le Boeing 747 Supertanker.

Présentation du projet Tu-154M au salon aéronautique de l’île de Kish en 2013. (Photo : DR)

Le Toupolev TU-154 est un triréacteur moyen courrier pouvant accueillir jusqu’à 180 passagers qui a fait son premier vol en 1968 et qui a été produit à un peu plus de 1000 exemplaires. La version M est apparue au début des années 80 et comporte un grand nombre d’améliorations, notamment des réacteurs D-30KU plus puissants et une charge utile accrue. 320 exemplaires, environ, ont été produits jusqu’en 2006.

Cet avion, à la carrière dense, largement exporté en dehors de l’URSS et de la Russie, possède néanmoins une réputation sulfureuse, marquée par un grand nombre d’accidents. Le plus spectaculaire fut celui du 10 avril 2011, lorsqu’un des deux TU-154M de l’aviation militaire polonaise s’écrasa dans le brouillard près de l’aérodrome de Smolensk faisant 96 morts dont le Président Lech Kazynski et un grand nombre de personnalités polonaises se rendant aux cérémonies commémoratives du massacre de Katyn.

En 2011, après plusieurs accidents, les autorités aéronautiques russes recommandèrent le retrait de service du type, néanmoins une poignée d’appareils continuent d’être opérationnels à travers le monde.

Un Toupolev TU-154M de la compagnie Air Tours en 2010, peut-être un de ceux destinés à devenir des « Supertanker » à la mode Perse. (Photo : K. Talebzadeh)

En Iran, plusieurs compagnies ont utilisé le type, marqué, là aussi, par un grand nombre d’accidents, dont la compagnie Air Tours. Fondée en 1973 comme filiale d’Iran Air pour les vols intérieurs, Air Tours a été dotée de TU-154 jusqu’au retrait du type en Iran en 2011. 14 de ces avions ont donc été stockés sur différents aérodromes et plusieurs d’entre eux ont été sélectionnés pour être transformés en « Tanker » par Iran Aircraft Manufacturing Industrial Company (HESA).

Le premier vol du premier appareil modifié s’est déroulé au mois de juillet 2018. Les  essais de largage initiaux ont eu lieu le 28 septembre suivant à Ispahan.

Destinés à travailler au retardant pour le compte de la flotte nationale de lutte contre les feux de forêt, mise en place en 2015 en Iran, cinq à six autres appareils doivent être convertis selon les déclarations du ministère de la Défense iranien.

Selon une agence de presse locale, l’avion dispose bien d’un système de soute sous-pression pouvant contenir 18 tonnes d’eau ou de retardant. Le largage peut prendre 5 secondes.

L’Iran possède quelques zones forestières, sur les plaines côtières de la mer Caspienne et dans la région des Monts Zargros. Les zones de steppes, et notamment des steppes arborées sont par contre plus vastes, essentiellement dans le nord et le nord-ouest du pays, et à ce titre peuvent effectivement constituer des zones à risque pour les feux de forêt.

A gauche, Aboulfazl Mehregan-Far, ancien pilote de chasse sur F-14, commandant de bord du TU-154M. (Photo via B. Taghvaee)

L’émergence d’un nouveau type de Tanker, dans un secteur considéré traditionnellement, et sans doute trop rapidement, peu impacté par les feux de forêt est une preuve de plus d’une prise en compte internationale de ce risque écologique.

Le choix du Tu-154 est surprenant, au regard du passif accidentogène de l’appareil mais s’inscrit aussi sur un choix économique similaire à celui qui dicte le choix des appareils pour les opérateurs privés US. On verra donc si cette seconde carrière fera du triréacteur Toupolev une autre grande légende des pompiers du ciel !

 

 

Merci à Alexandre Dubath pour ses informations.