Retour sur le Paris Air Show 2015 (1/2)

Au cours de la grande semaine de l’aviation internationale de Paris au mois de juin, la presse généraliste a largement couvert la grande actualité du Salon, ses nouveautés exceptionnelles, ses annonces révolutionnaires et ses contrats signés à coups de milliards. Elle a aussi largement interviewé les responsables commerciaux et les équipages avant de consacrer le dernier weekend aux passionnés et aux curieux qui se sont agglutinés par dizaines de milliers le long des barrières pour assister au show aéronautique le plus époustouflante de l’histoire de l’aéronautique.

twin otter 400

Une « vieille » nouveauté, le Viking DHC-6-400 Twin Otter, nouvelle version modernisée du célèbre avion de brousse et qui connaît, à nouveau, un succès commercial certain.

A10

Un A-10 était exposé sur le statique. Un avion dont l’USAF n’arrive pas à se défaire tant il a été de tous les combats depuis 25 ans.

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Autre nouveauté du salon, le P-8 Poseidon, successeur désigné du P-3 Orion.

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Les Russes étaient là, discrètement, avec le nouvel Antonov 178.

Qatar en force

La grande démonstration de force du Salon a été l’oeuvre de Qatar Airways avec pas moins de 5 avions sur le statique : A319, A320, A350, Boeing 787 et A380 !

scorpion

Autre nouveauté, l’avion de combat Textron Scorpion.

Mais le ressenti des habitués du lieu a été bien différent. Si le statique était correctement garni, on sent bien que le côté Air Show n’est plus la priorité ni des constructeurs ni des organisateurs, tout au plus un passage obligé et spectaculaire qui va drainer la foule et les médias ; un « alibi culturel » ni plus, ni moins. Le constat est amer, mais jamais le programme des démonstrations en vol n’a été si pauvre et si réduit. On peut pointer du doigt le contexte mondial, sécuritaire, économique et géopolitique,comme facteur décisif, mais il appartient à l’organisation du salon de convaincre les industriels de maintenir le Salon du Bourget à son rang.

 

9 juillet 2015 : le Hawaii Mars a revolé !

Comme le montre cette vidéo postée sur Youtube le Hawaii a revolé, un peu moins de deux ans après sa mise en retraite méritée.

De toute façon, il fallait bien que l’appareil fasse au moins un vol d’essais ne serait-ce que pour préparer le contrat pour les pilotes d’essais chinois, mais c’est aussi un message fort envoyé au Gouvernement de Colombie Britannique avec lequel Coulson Flying Tankers vient de signer un contrat « Call When Needed ».

Il ne faudrait donc pas longtemps pour que l’appareil puisse répondre présent en cas d’alerte générale sur le front des feux de forêts.

Des pistes pour l’avenir de la flotte aérienne de la Sécurité Civile

Lors de sa visite à Marseille le 25 juin dernier, le Ministre de l’Intérieur a fait trois annonces majeures pour l’avenir de la BASC devant une délégation de personnels de la base.

La première est donc liée au remplacement des 9 Tracker. Avec une mission vitale, le Guet Aérien Armé (GAAR), leur fin de carrière prévue pour la fin de la décennie (un joli score pour des avions construits au milieu des années 50) constitue un des dossiers majeurs pour la Direction de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises et de son ministère de tutelle. Après l’évaluation, non concluante, des monoturbines AT-802F au cours de l’été 2013, aucune piste ne voyait vraiment le jour alors que l’échéance approche inexorablement.

Selon le Ministre, la succession des Tracker se fera par une augmentation des deux autres flottes de la Sécurité Civile, les Bombardier 415 et les Q400MR, ces derniers pouvant reprendre à leur compte les missions de patrouilles aériennes au-dessus des zones à risque avec une capacité d’emport augmentée – avec 10 000 litres de charge utile, le Dash emporte presque trois fois plus qu’un Tracker – et à une vitesse supérieure. Il confirme ainsi ce qu’il avait annoncé lors de sa précédente visite à Marignane fin juillet 2014 où il avait confirmé la doctrine de la Sécurité Civile, l’attaque des feux naissants, domaine où le GAAR est sans rival.

Tracker Firecat

La succession du Tracker Firecat se précise enfin. Mais les bons avions sont toujours difficiles à remplacer.

Cette solution est somme toute assez logique et faisait déjà plus ou moins l’objet de rumeurs comme nous le signalions le 12 juin.  Il reste néanmoins un « mais » d’importance. à 30 millions d’Euros l’avion (environ), on est loin de la solution économique qu’a constitué le Tracker au début des années 80 (*). A l’heure où le Cal Fire va relancer la transformation de S-2E/G en S-2T, on pourra continuer à regretter que le Tracker n’ait pas été remplacé par un autre Tracker plus performant.

L’augmentation de la flotte de Canadair est aussi un autre problème puisque le constructeur Bombardier est arrivé au bout de son carnet de commandes et a annoncé mettre sa ligne de production en sommeil. Selon nos informations, la chaîne de production ne reprendra que lorsqu’une dizaine d’appareils auront été commandés. Est-ce qu’un commande française pourrait alors participer à la relance de cette production ? Rien n’est moins sûr.

Car ces idées ne sont que des pistes. Bien sûr, un chiffre de quatre nouveaux Q400MR a été avancé de façon officieuse, de même que celui de deux Canadair supplémentaire. Le Ministre a cru bon ajouter que ces chiffres pourraient être inversés, soit 4 CL-415 supplémentaires et seulement deux Dash supplémentaires. Il faut espérer que ce soit la première option qui prenne le pas tant la mission du GAAR, telle qu’elle est pratiquée depuis plus de 30 ans dans notre pays, s’est montrée terriblement efficace et particulièrement économique qu’elle se doit de rester une priorité. Ces chiffres restent donc des « ordres d’idées » et aucun calendrier n’a été avancé tant qu’un budget n’aura pas été validé par le Ministère des Finances. Et dans la situation économique actuelle, des arbitrages peuvent s’avérer cruels.

Tracker Be200 et Q400

Tracker, Beech 200 et Q400MR, des avions sous les feux de l’actualité.

Mais ces annonces constituent un net progrès par rapport au flou artistique qui régnait jusqu’alors sur ce dossier et ainsi se dessine le profil de la flotte qui opérera à partir de Nîmes-Garons dans quelques années. Car l’autre dossier majeur sur la table du Ministre et du Directeur de la Sécurité Civile, depuis son annonce officielle en 2012, c’est effectivement ce déménagement qui est désormais prévu pour le printemps 2017. Des images d’artiste sur cette future base « au profil européen » selon Victor Devouge, Chef du Bureau des Moyens Aériens de la Sécurité Civile, commencent à circuler mais beaucoup de travail reste à effectuer.

BASC

Un Canadair devant sa base à Marignane, une image qui doit entrer bientôt dans l’histoire.

La troisième annonce concernait le recrutement de quatre nouveaux pilotes d’ici la fin de l’année afin de ramener les effectifs à leur minimum opérationnel de 76 pilotes. Reste à savoir sous quelle forme ce recrutement va avoir lieu car au moins deux des derniers pilotes recrutés en classe B (co-pilotes en CDD de 3 ans renouvelable une fois) avaient en fait, par leurs expériences d’une vingtaine d’années dans l’aviation de chasse ou de transport, des profils de pilotes classe A (pilotes à vocation commandants de bord en CDI).

Il faut noter aussi qu’un autre dossier sensible a trouvé son dénouement puisqu’après des mois de tractations, l’industriel Sabena Technics, situé à Nîmes-Garons lui aussi, s’est vu notifier la prolongation de son contrat pour l’entretien de la flotte de la Sécurité Civile pour une durée de 9 ans plus 5 autres en option, alors que la Sécurité Civile avait décidé d’y mettre fin prématurément il y a deux ans. C’est la fin d’une affaire compliquée aux nombreux rebondissements qui n’a pas été sans conséquence sur la disponibilité des bombardiers d’eau français au cours de la saison précédente.

Un dernier sujet reste désormais en suspend, celui du remplacement des trois Beech 200 King Air, utilisés pour les liaisons mais aussi pour les missions d’investigation sur feux et qui commencent à accuser leur âge. Même si le Pilatus PC-12 avait été envisagé il y a quelques années, de même que le Beech 350, solutions désormais abandonnées, il semble qu’on se dirige désormais vers un remplacement par d’autres Beech 200, neufs – puisque l’avion est toujours en production – ou d’occasion mais équipés de moyens d’observation TV et IR. Mais avec les dépenses prévues à brève échéance, il va falloir que les équipages et les équipes techniques soient très précautionneux avec les trois vieux King Air tant leur remplacement est loin d’être prioritaire.

Beech 350

Pour les 50 ans de la BASC, le représentant français de Beechcraft avait exposé un superbe Beech 350 comme remplaçant possible des Beech 200, en pure perte semble-t-il.

Avec les contrats d’entretien signés, la confirmation du calendrier du déménagement et une ligne directrice intéressante pour son évolution, le profil de la flotte de la Sécurité Civile à l’échéance 2020 apparaît désormais plus clair, ce qui va permettre aux équipages de se consacrer à leurs missions quotidiennes déjà harassantes.

(*) Des sources indiquent que les 12 premiers Tracker ont été achetés auprès de Conair pour 1,5 fois le prix d’un CL-215 neuf.. 33 ans après, on ne peut que se féliciter de cette bonne affaire qui a été l’une des meilleures de toute l’histoire de l’aéronautique française !

Le Martin Mars pourrait sortir de sa retraite !

Cloué au sol à la fin de son dernier contrat avec la Province de Colombie Britannique en septembre 2013, le dernier Martin Mars opérationnel, le Hawaii, attendait patiemment de connaître son sort. Contrairement à son compagnon d’écurie, le Philippine, promis au Musée de Pensacola, le Hawaii était alors encore en parfait état de vol, seul son âge et son coût ayant entraîné cette décision.

Martin Mars (Coulson Group)

Arrêté de vol en 2013, le Hawaii Mars pourrait reprendre du service bientôt. (Photo : Coulson Group)

Au cours de l’été 2014, alors que l’île de Vancouver connaissait quelques épisodes incendiaires sérieux, les habitants ont alors lancé une pétition pour inciter le gouvernement local à signer un nouveau contrat pour le Martin Mars, afin qu’il puisse venir en renfort des moyens déployés dans la région, en particulier des quatre AT-802F de la société Conair, destinés à le remplacer.

Change.org

En réaction, le 22 juillet 2014, le Gouvernement de Colombie Britannique publiait un document factuel relatif à la flotte de bombardiers d’eau de la Province et du Martin Mars en particulier :

BC Airtanker Fleet and the Martin Mars

Les arguments, dont certains sont effectivement irréfutables, n’ont pas, pour autant, fait plier les habitants, convaincus que seul le Mars, et ses 27 000 litres de capacité d’emport, était la solution au problème des feux dans le secteur.

Le début de l’été 2015 n’a pas dérogé à la règle et la région de Sproat Lake a été durement touché par d’important feux. Voir le Martin Mars encore au sec et noyé dans la fumée de ces incendies a tout simplement confirmé les supporters de l’hydravion dans leurs convictions.

La pétition, toujours en ligne et active, finit par dépasser les 18 000 signatures et de nombreux groupes facebook ont relayé l’envie pressante tandis que sur twitter, le débat faisait rage.

Surtout que le statut de l’avion a évolué récemment : Au début de l’été l’avion est redevenu opérationnel, non pas pour des feux de forêt, mais son exploitant a signé un contrat pour quelques dizaines d’heures de vol, devant être effectuées à partir de la mi-juillet, afin de participer à la formation de pilotes d’essais chinois au maniement d’hydravions de grande taille, au bénéfice du programme Avic 600.

Le coup de théâtre est arrivé le 7 juillet lorsque le Groupe Coulson annonça avoir signé un contrat avec la Colombie Britannique pour l’emploi du Martin Mars comme bombardier d’eau. Il s’agit d’un contrat « Call When Needed », c’est à dire un protocole d’accord de mise à disposition des moyens à la demande de l’autorité. Il faut juste que l’autorité en question active ces moyens, ce qui reste à sa seule discrétion.

Wayne Coulson, Président du Groupe Coulson ajoute : « Nous avons notifié à la province nos tarifs et nous avons désormais un contrat, nous n’attendons plus que les ordres du Gouvernement pour mettre le Mars en place. »

La Province de Colombie Britannique activera-t-elle le vénérable hydravion et ses 27 000 litres de capacité ? Rien n’est certain à cette heure.

Wayne Coulson 2015

Wayne Coulson, Président de Coulson Group, invité de la conférence Aerial Fire Fighting 2015 en mars à Zadar en Croatie.

L’autre Martin Mars, le Philippine, a fait aussi les gros titres de l’actualité canadienne. Inutilisé depuis 2007, l’appareil est destiné à rejoindre le musée de l’US Navy à Pensacola en Floride. Repeint aux couleurs de son premier exploitant, l’avion a été remise en état de vol en prévision de son convoyage, lequel a été repoussé à plusieurs reprises.

Il y a quelques semaines, des représentants conservateurs canadiens ont estimé que l’appareil faisait partie du patrimoine canadien, eu égard ses 50 années passées au service des forêts de Colombie Britannique, et qu’à ce titre, l’appareil ne pouvait pas être exporté. Ces avions ayant été construits aux USA et utilisé par l’US Navy jusqu’au milieu des années 50, l’argument a été, de fait, très contesté. Wayne Coulson, de son côté, a appelé au respect de sa propriété privée.

Coulson Group crew

Les tenues de vol de l’équipage du Tanker 131 de Coulson Flying Tankers montrent bien à quel point le Martin Mars fait partie de l’ADN de l’entreprise.

Plus de 70 ans après leur sortie d’usine, ces deux avions continuent donc de faire parler d’eux. Ces rebondissements ne font que confirmer les deux Martin Mars dans leur statut de véritables légendes de l’histoire de l’aéronautique.