DHC-2 Beaver

Cet avion n’est pas qu’un assemblage de tôles à peine mises en forme. C’est une pure légende de l’aviation. Il n’a pas l’aura d’un Warbird, la technicité d’un avion de ligne mais c’est un peu plus qu’un avion de tourisme et c’est tout ça en même temps. Il incarne l’extrémité ultime de la branche des avions sympas, l’avion de brousse.

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L’avion des régions nordiques, mais aussi des archipels. (Photo : Pacific Island Air)

Certes, comme d’autres, la totale absence de recherche esthétique au moment de son dessin lui donne ses formes brutes de fonderie, mais aussi un charme, celui de la rusticité. En fait, le Beaver, rien qu’en le regardant, on sait qu’on va pouvoir lui en demander beaucoup, et peut-être même plus !

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A l’aise partout ! Sur piste, sur terre, sur neige et sur l’eau, le Beaver est un vrai omni-terrain ! (Photo : Island Aero Services)

Des avions les plus fantastiques, il a les quelques signes qui ne trompent pas à commencer par son moteur en étoile, hérité en ligne directe de l’aviation triomphante des années 30, où les ingénieurs aéronautiques ont sans doute conçu les machines les plus attachantes de l’histoire. Bien sûr, certains proposent le remplacement du Pratt & Whitney par une turbine, mais ce n’est vraiment pas obligatoire. Si on ajoute qu’il est aussi à l’aise sur ses roues que sur des flotteurs ou des skis, ce n’est qu’une confirmation que cet avion a un petit supplément d’âme en dépit d’un air un peu pataud.

Son histoire, également, n’est pas négligeable, même si il n’a que peu participé à la « grande histoire », il conserve une place à part, parce qu’il a lui aussi ouvert d’autres horizon et c’est tout sauf le hasard si il est aujourd’hui l’avion emblématique du grand nord canadien ou de l’Alaska, régions où voler relève autant de l’exploit que de la nécessité impérieuse.

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Oui, le Beaver c’est solide et fiable, les habitants les plus rustres (et poilus) d’Alaska vous le diront ! (DR)

Un avion aussi ancien, ça ne soit pas coûter si cher que ça, c’est ce qui pourrait expliquer qu’il en reste autant ! Pourtant, avec le DHC-2, c’est juste l’inverse !

Aujourd’hui, un beau Beaver en bon état, c’est 500 000 $. Acheté à ce prix-là, bien entretenu et pas accidenté, quelques années plus tard, ça se revend le même prix, et peut-être même avec une plus-value. Si vous êtes un particulier, il vous a permis de voyager là où c’est impossible avec un agrément de pilotage qui, bizarrement, se discute. Certains disent que ses commandes ne sont pas homogènes, d’autres expliquent que son pilotage est le plus simple du monde, peu importe. Si vous êtes une entreprise de transport aérien du nord de l’Amérique ou des îles du Pacifique, cet avion vous a fait gagner de l’argent.

Les petites compagnies aériennes qui font du transport dans les zones où ce genre d’avion, pas trop cher à exploiter, facile à réparer avec les moyens du bord, qui sait encaisser sans broncher les pistes improbables (quand il y a une piste), transporter une charge utile significative, à une vitesse raisonnable, et sur une distance appréciable, savent ce que cet avion peut leur apporter, si bien que dès qu’un Beaver potable est annoncé à la vente, il est rapidement préempté.

Certains propriétaires privés reçoivent régulièrement des offres qu’il est parfois difficile de refuser. Ainsi, le propriétaire du Beaver N28S a toujours refusé de vendre son appareil. Ce n’est pas trop compliqué pour lui, il gagne très bien sa vie à Hollywood…

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Le pilote et propriétaire du Beaver N28S. Si sa tête vous dit sans doute quelque chose c’est que vous l’avez peut-être vu aux commandes du Millenium Falcon ! (Photo : Neil Aird)

Alors, oui, le Beaver ne bouleverse pas les foules, nos étagères ne croulent pas sous les livres à son sujet, mais il a une vraie place au Panthéon des avions sympas.

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Au milieu de nulle part. (photo : Mountain Flying Service)

Bref, si j’étais riche, j’aurais un Beaver dans mon hangar !

En flânant sur Google Earth

Le logiciel Google Earth est un outil de découvertes extraordinaire. Avoir à sa disposition une couverture photographique aussi complète de notre planète est un atout fabuleux pour les étudiants, les chercheurs, les curieux, et même les passionnés d’aviation !

En cherchant autour du Boeing 747SP SOFIA de la NASA, je me suis demandé si  cet avion unique était visible sur sa base habituelle de Palmdale en Californie. De 747SP, je n’ai point trouvé de trace, mais, visible en juillet 2008, sur le parking trônait une silhouette étrange, pouvant éventuellement évoquer un C-130. Mais la forme curieuse des moteurs, l’allure générale de l’avion ne collait pas tout à fait.

YC-15 Palmdale 07 2008

Il ne s’agit effectivement pas d’un C-130, ni même du très rare L-300, la version civile du C-141 (la longueur du fuselage ne correspond pas) que Lockheed rêvait d’imposer  et qui continua à voler comme observatoire volant depuis cet aérodrome, justement, avant d’être remplacé par le 747 SOFIA. Non, il s’agit du premier des deux YC-15, avions précurseurs du C-17 Globemaster III, et qui fut remis en vol à la fin des années 90 en lien avec ce programme. Il connût rapidement un sérieux problème en vol et fut cloué au sol. Stocké à Palmdale pendant plusieurs années, il a rejoint depuis Edwards AFB, à une trentaine de km au nord-est, où il est exposé au sein du  Air Force Flight Test Center Museum. L’autre YC-15, bien que conservé un temps à quelques centaines de mètres du Pima Air Museum à côté de la célèbre base de stockage de Davis Monthan dans l’Arizona a été ferraillé en 2012 comme on le constate également sur GE.

YC-14 et 15

capture GE 1/4/2008. Le YC-15 se trouve sur « l’allée des célébrités » à Davis Monthan (AZ) non loin de son concurrent YC-14.

Un peu plus au nord

Du côté de Moffett Field, aérodrome à l’histoire passionnante, près de San Francisco, on distingue, en date du 23/3/2015, la silhouette de ce quadriréacteur difficile à identifier au premier abord mais qui n’est pas sans rappeler le YC-15.

DHC-5 Buffalo Moffett

Il s’agit du N715NA, un C-8A (DHC-5) Buffalo modifié dans le cadre du programme Quiet Short Haul Research Aircraft (QSRA) de la NASA et qui attend d’être intégré au Moffett Museum Airpark.

Les performances à l’atterrissage et au décollage ont toujours été cruciales pour les avions commerciaux et militaires. La NASA, qui ne se consacre pas qu’à la conquête spatiale, a énormément travaillé sur ce thème. Dans les années 70, elle a donc récupéré ce C-8A auprès du National Center for Atmospheric Research (NCAR) et Boeing Commercial a obtenu le contrat pour le modifier dans son usine à Everett. L’appareil a fait son premier vol dans cette nouvelle configuration le 6 juillet 1978 et a intégré la flotte de la NASA du Ames Research Center, basé à Moffett Field justement, le 3 août suivant.

Il est équipé de quatre réacteurs YF-102. Lorsque le Fairchild A-10 a été préféré par l’USAF à son concurrent Northrop A-9A, les deux prototypes malheureux ont été confiés à la NASA, avec un important lot de pièces. L’organisme s’est donc trouvé en possession de six réacteurs Lycoming YF-102 et en a donc installé quatre sur l’appareil expérimental.

Dotés d’un système de contrôle de la couche limite BLC et de surfaces portantes soufflées le C-8A QSRA dispose aussi de commandes de vol électriques pour la profondeur et le lacet. Ses performances en atterrissage court lui ont même permis d’effectuer des essais à bord du USS Kitty Hawk en 1980. Il était présent également au salon du Bourget 1983.

Comme le nom du programme l’indique, il a aussi été utilisé pour étudier et améliorer les performances sonores des appareils à atterrissage et décollage court. A noter que les réacteurs YF-102 ont donné naissance à la famille de réacteurs ALF 502 installés en particulier sur les BAe 146, avions particulièrement discrets.

Un peu plus loin…

A une trentaine de km de Sharm El Sheik,de l’autre côté de l’entrée du Golfe d’Aqaba, sur la rive saoudienne du détroit de Tiran, se trouve une épave d’avion posée sur la plage et en bien piteux état, extrêmement bien visible sur GE.

Catalina Saoudien

Il s’agit des restes du PBY-5A Catalina BuNo 48397 qui, dans les années 50, fut aménagé pour servir d’avion privé pour la famille de l’homme d’affaires américain Thomas W. Kendall et immatriculé N5593V. En 1959, il entreprit avec toute sa famille un tour du monde aérien prévu pour durer une année.

Le 22 mars 1960, profitant des capacités amphibies de l’appareil, ils firent escale dans le Golfe de Tiran pour passer la nuit à l’ancre. Le lendemain matin, ils furent attaqués par des bédouins saoudiens. L’avion fut très durement touché par les tirs, obligeant ses occupants, dont David Lees, un photographe du magazine Life qui avait embarqué en Égypte pour couvrir une partie de cette aventure, à l’évacuer. Ils furent détenus quelques jours, histoire de prouver qu’ils n’étaient pas des commandos israéliens…

L’avion, très endommagé, demeura sur place, échoué sur une plage désertique et depuis 55 ans se dégrade doucement, inexorablement. Le récit de l’attaque a été publié dans le Life du 30 mai 1960. Aujourd’hui, c’est une épave emblématique et célèbre, objet de très jolies photos, un peu tristes toutefois.

Ce ne sont que quelques exemples de ce qu’il est possible de découvrir en observant attentivement certains aérodromes ici et là sur la planète. Sans quitter son bureau, on peut donc « spotter » virtuellement des appareils étonnants, de retrouver des machines à l’histoire marquante. Google Earth est un outil aux capacités hors-normes et si certaines de ses applications sont discutables au nom du respect de la vie privée, ces quelques lignes sont la preuve que c’est aussi un outil adapté à la curiosité utile.

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Note : pour retrouver ces vues, il peut être utile de connaître l’utilisation de la barre de temps du logiciel, qui permet de faire défiler les images d’un site au fur et à mesure des différentes mise à jour du logiciel et des acquisitions d’images par l’éditeur.

GE chrono

En cliquant sur l’horloge, GE affiche une barre chronologique. Centrée ici sur l’aérodrome de Palmdale en Californie, elle permet de remonter de très nombreuses images aériennes de cette endroit prises depuis 1989. En fonction des endroits, cette barre donne accès même à des photos de reconnaissance de la seconde guerre mondiale. (Capture Google Earth)