Aerial Firefighting Europe 2017

La nouvelle édition du cycle de conférences Aerial Firefighting Europe s’est déroulée au cœur de la base du Groupement d’Avions de la Sécurité Civile à Nîmes, profitant des installations inaugurées en mars dernier. Ces nouveaux bâtiments, destinés aussi à offrir à la Sécurité Civile française un rayonnement international, ont montré-là tout leur intérêt.

La nouvelle base de Nîmes vient d’accueillir les conférences Aerial Firefighting et Search & Rescue.

Les conférences, nombreuses et d’un très haut intérêt, se sont tenues dans l’amphithéâtre construit entre le bâtiment de commandement et les premiers hangars. D’une capacité de plus de 200 places, il s’est avéré d’une acoustique très agréable et, à l’instar de l’autre bâtiment, parfaitement insonorisé, les avions pouvant opérer sur la piste toute proche sans gêner les intervenants.

L’amphithéâtre de la nouvelle base de Nîmes, un outil parfaitement adapté aux besoins de ce genre de manifestation.

Dans le hangar attenant, faisant office en temps normal d’escale pour les équipes embarquant à bord des deux Q400MR ou pour stocker le fret en attendant de le charger à bord, de nombreuses entreprises du secteur avaient monté leurs stands pour présenter leurs produits et leurs compétences.

Elles étaient nombreuses et souvent représentées par leurs patrons en personne, signe que pour elles, venir à la rencontre des clients (et aussi des concurrents) n’est pas pris à la légère. Neptune Aviation, Conair, Air Spray, Global Supertanker, Coulson Aviation, Viking, Airbus Group, Air Tractor Europe, BAe Systems, Babcock, DynCorp, Sabena Technics, 10 Tankers, Biogema, Standard Aero, Héli Union, Simplex, entre-autres, et de multiples opérateurs de drones avaient chacun leur espace pour recevoir les délégations et les congressistes afin de présenter leurs produits et services.

Neptune Aviation et Air Spray tenaient stand commun avec BAe Systems pour mettre en valeur le BAe 146 et le RJ85AT en tant que tanker de l’avenir. Conair avait son stand juste à côté.

Plus d’une quarantaine de stands, c’est le signe que la manifestation AFF est désormais bien établie et que les entreprises concernées ont compris qu’elles avaient là un salon spécialisé en petit comité bien plus efficace et rentable que les manifestations majeures dans lesquelles les PME du secteur sont bien souvent invisibles. Les longues pauses entre les conférences, indispensables pour aller à la rencontre de ces professionnels, se sont avérées parfois… bien trop courtes.

Le deuxième jour, une heure et demie de démonstrations en vol était prévue avec en « clou du spectacle » une manœuvre internationale effectuée par un CL-415 croate, deux CL-415 italien et un CL-415 espagnol venus pour l’occasion.

Le Canadair 23 des Vigili del Fueco italiens en très courte finale lors de son arrivée à Nîmes le 15 octobre.

Ils devaient opérer conjointement avec des avions français, malheureusement cette démonstration a été annulée à la dernière minute. L’explication, non officielle, qui a parcourue les allées de l’AFF, était qu’en raison du nouveau drame touchant le Portugal, il aurait été très malvenu, voire déplacé, de faire voler les avions pour faire le spectacle. Les avions français ont d’ailleurs failli partir pour la péninsule ibérique selon la procédure d’urgence européenne, mais la météo sur le chemin, avec notamment un fort risque de givrage, a fait que les équipages sont finalement restés à Nîmes après une longue attente.

CL-415 croates, italiens, espagnols et français étaient visibles au statique uniquement. Notez le Casa de l’aviation portugaise en train d’arriver sur le parking.

Néanmoins, deux Air Tractor, un AT-802F et un FireBoss, dont un des avions utilisés dans l’Hérault par le SDIS 34 cet été, ont assuré le show pour la partie « ailes fixes ».

Un des trois AT-802F, ici le biplace, opérés en été par l’Hérault est venu effectuer deux largages de démonstration.

L’amphibie FireBoss venu d’Espagne au retour de sa démonstration.

La partie « voilure tournante » a donné lieu à un show étonnant d’un superbe Écureuil de la société Chamonix-Mont-Blanc Hélicoptères (CMBH) qui a assuré en un laps de temps très court plusieurs largages avec un « bambi bucket », l’acheminement de matériel et de sapeurs pompiers, faisant la démonstration de la polyvalence des hélicos dans la lutte contre les feux.

Le « B3 » de Chamonix-Mont-Blanc Hélicoptères, porteur d’une spectaculaire livrée, peut assurer de multiples missions dans le cadre des opérations feux de forêt.

Un Bell d’Héli Protection a également montré ses capacités grâce à son kit de largage.

Bell 212 doté d’un kit HBE. La précision de son pilotage lui permet de pomper sa charge dans des points d’eau d’une surface très réduite. L’aspect un peu terne de cette photo est lié au contre-jour… et au sable soulevé par le rotor !

Appareil rare dans les cieux européens, le Kmax a été la vedette des démos en vol de l’AFF. Celà se traduira-t-il par des contrats feux de forêt ? L’avenir le dira !

De l’aveu du pilote, le Kmax est bien plus stable avec un bambi Bucket sous une « long-line » qu’avec un kit ventral.

Mais c’est le Kaman Kmax de la société suisse Rotex qui a effectivement été la grande vedette de l’AFF. Avec sa configuration inédite de rotors entrecroisés, son niveau sonore relativement faible et surtout sa capacité d’emport, largement supérieure à sa masse à vide, l’appareil monoplace a fait sensation.

Le Kmax, produit à peu d’exemplaires, une soixantaine environ, est un appareil extrêmement spécialisé. Il a vu sa production s’interrompre quelques années. Elle a désormais été relancée car cet hélicoptère, dont une version dronisée a été utilisée par l’armée américaine en Afghanistan, possède effectivement des capacités uniques pour les opérations de travail aérien, notamment pour le levage, mission pour laquelle il est principalement utilisé par Rotex en milieu forestier. Il est aussi utilisé sur feux aux USA avec un certain succès.

Ces démonstrations ont été complétées par celles de deux drones, l’un de reconnaissance, l’autre, plus étonnant, capable de soulever une lance à eau à une hauteur supérieure à celle d’une grande échelle de pompiers pour opérer sur des immeubles grande-hauteur, par exemple, mais aussi, pourquoi pas, contre des arbres en feu.

Le multirotor d’Aerones est capable de soulever un homme. Il peut aussi lever une lance à incendie.

Au cours du dîner de gala offert aux congressistes le premier soir, le Walt Darran International Fire Fighting Award a été décerné à l’ancien pilote de la Sécurité Civile, Jacques Bonneval.

L’AFF a été suivi de deux jours de conférences concernant le Search & Rescue. Si le salon était plus modeste, ce cycle n’en étant qu’à sa troisième édition mais ne demande qu’à se développer sur le modèle de l’AFF, les conférences étaient également d’un très haut intérêt comme celle offerte par le Colonel Thierry Carret sur les opérations de secours après le drame de l’A320 de la German Wing ou celle de Damien Olivier sur la privatisation du SAR britannique.

Deux hélicoptères étaient exposés à l’occasion, un magnifique S-92 britannique et un H225 d’Héli Union. Un Partenavia P68 « Observer » était également présent.

Le retrait de service des Sea King a entraîné la privatisation du SAR britannique et la mise en service des Sikorsky S-92A.

Héli Union, exploitant majeur de voilures tournantes, a présenté un de ses H225 à Nîmes.

Aucune démonstration en vol n’a été effectuée mais les congressistes ont été invités de l’autre côté de la piste à assister au soixantenaire du Groupement Hélicoptère de la Sécurité Civile et aux répétitions des démonstrations en vol de la journée portes-ouvertes qui s’est déroulée le lendemain.

Les avions de la Sécurité Civile, deux Tracker et deux Canadair ont répété leur démonstration la veille de la journée portes-ouvertes.

Parce que l’organisation d’évènements de cet importance peut désormais se faire au plus près de la piste de Garons, sans interférer avec l’activité quotidienne des avions de la Sécurité Civile, tout en disposant d’un vaste espace abrité pour les stands et d’un amphithéâtre bien adapté pour les conférences, Tangent Link a annoncé que le prochain AFF Europe, en 2019, se déroulera également à Nîmes.

Le Q400MR remplacera les Turbo Firecat

Le 14 juillet 2016, alors que les avions du défilé traversaient le ciel de Paris, le Bulletin Officiel des Annonces des Marchés Publics a mis en ligne un appel d’offre émanant de la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises (DGSCGC) et portant sur l’acquisition d’avions répondant à désignation MRBET, « Multirôle, Bombardier d’eau et Transport. »

12 ans après une entrée en service polémique, le Q400 s’impose dans un rôle clé pour la Sécurité Civile.

Aujourd’hui, 25 juillet 2017, à l’occasion d’une visite aux moyens déployés en Corse pour lutter contre les feux, le Ministre de l’Intérieur a donc annoncé l’acquisition de 6 Dash 8Q400MR qui seront livrés à un rythme qui n’a pas été précisé mais qui pourrait être d’un appareil par an pour laisser le temps à la société Conair d’entreprendre les conversions. Il n’a pas été précisé si les cellules avaient été déjà sélectionnées et si il s’agissait d’avions d’occasion, ce qui semble probable, ni, donc, leur origine.

Cette annonce était attendue. Elle était même prévue bien plus tôt. Car en dehors de la construction de la nouvelle base de Nîmes, l’autre dossier urgent sur le bureau du directeur de la Sécurité Civile était bien celui de la succession des Turbo Firecat.

Le remplacement des Turbo-Firecat, un dossier de longue haleine qui vient de trouver son épilogue.

Construits au milieu des années 50 pour l’US Navy ou la marine Canadienne, transformés ensuite par Conair en avions de lutte contre les feux pour entrer en service en 1982 en France, ces appareils ont ensuite été modernisés dans un premier temps avec le remplacement de leurs moteurs à pistons par des turbines PT-6, puis ont subi un important chantier de rénovation, le plan 20-20, destiné à leur assurer une longévité suffisante pour atteindre 2020. Désormais réduits à 9 exemplaires depuis les accidents de 2005 et le retrait du dernier exemplaire à moteurs à pistons l’année suivante, ces avions ont bien mérité leur retraite.

Le T2, dernier des Firecat à moteurs à pistons utilisé en France, a été retiré du service en 2006, laissant le secteur à seulement 9 avions.

Le remplacement du Tracker en France a été un vrai feuilleton avec en 2013 l’expérimentation de deux AT-802F qui ont été considérés comme trop lents et avec une charge utile trop faible pour pouvoir espérer emporter le marché.

L’AT-802F, évalué pendant l’été 2013, capable d’emporter 3000 litres, soit un peu moins que le Firecat, n’a pas été retenu en raison de ses performances insuffisantes pour les besoins de la Sécurité Civile française.

Il a même été proposé la la solution du Tracker par Dyncorp puisqu’un avion de ce type est en train d’être reconstruit à Sacramento d’après le STC dont le Cal Fire est propriétaire et dont les performances sont nettement supérieures à celles des Turbo Firecat de Conair mais remplacer un avion vieux de plus de 60 ans par un appareil du même type, même si un peu plus récent, a été considéré comme difficile à faire admettre en dépit d’un prix attractif estimé à 8 millions de dollars pièce.

Le S2T utilisé en Californie a été proposé. Sa capacité de 4200 litres, supérieure à celle des Firecat, et son coût raisonnable n’ont pas compensé le fait qu’il s’agit toujours de cellules maintenant anciennes.

Voici les caractéristiques principales voulues pour ce MRBET :

  • Avion bi-moteur à turbopropulseurs neuf ou d’occasion.
  • Dimensions maximum de l’appareil : envergure 42 mètres, hauteur 12 mètres, longueur 44 mètres.
  • Capacité sur zone d’au moins 2,5 heures, pour les missions de GAAr (Guet Aérien Armé).
  • Vitesse de croisière supérieure à 220 kt IAS (Indicated Air Speed).
  • Capacité IFR (Instrument Flight Rules) approche GNSS (global navigation satellite system) et P-RNAV (Precision Aera Navigation, le P-RNAV étant l’équivalent du RNAV pour l’Europe).
  • Capacité de bombardement d’eau ou de retardant (capacité au minimum de 7 tonnes) avec largage total ou partiel.
  • Ces appareils assureront, en tant que bombardiers d’eau, principalement des missions de Guet Aérien Armé contre les feux naissants, missions assurés aujourd’hui par le TRACKER qui seront retirés progressivement du service. Ils assureront également de manière significative des missions de : bombardier d’eau transport de fret, transport de passagers,transport mixte de passagers et de fret, transport EVASAN (EVAcuation SANitaire).

Airbus pouvait proposer le Casa 295M, qui remplit l’ensemble de ces paramètres avec l’avantage de disposer d’une rampe de chargement arrière bien pratique pour les opérations sur les aérodromes dépourvus de moyens logistiques comme c’est souvent le cas après une catastrophe naturelle ; néanmoins l’expérimentation en bombardier d’eau effectuée en 2013 semble n’avoir pas été poursuivie au-delà de quelques largages de démonstration.

Le Casa 295M lors d’un largage de démonstration en octobre 2013.

Le Q400MR, en service en France depuis 2005, faisait donc office de favori tant cet appel d’offres semblait écrit pour lui.

C’est donc au Q400 de prendre la relève des Firecat pour les missions de GAAr, ce qu’il effectuait déjà. Sa polyvalence et ses performances ont bien fini par convaincre.

L’annonce du Ministre de l’Intérieur aujourd’hui, alors même que le sud du pays est très durement touché par les feux et que l’aide de bombardiers d’eau supplémentaires a été demandé par la procédure européenne, ne tombe pas par hasard. Le nombre annoncé, 6 exemplaires, est même le chiffre maximum stipulé dans l’appel d’offres alors que le chiffre de 4 avions avait circulé. Le choix de l’option haute est donc assez révélateur alors même que les restrictions budgétaires vont peser sur le budget du nouveau gouvernement.

Les Tracker vont donc enfin pouvoir commencer à quitter le service actif, le premier devant même cesser de voler sans doute à l’issue de la prochaine saison feu. Ce retrait se fera donc progressivement et comme prévu s’achever en 2022.

Il va falloir s’habituer à ce que cette silhouette sympathique soit de moins en moins familière…

L’acquisition de 6 nouveau Q400MR est un investissement conséquent, cette annonce est donc un excellente nouvelle et démontre qu’après la construction de la nouvelle base de Nîmes, la lutte contre les feux de forêt ne fait pas office de parent pauvre. Prochain dossier, la succession des CL-415, mais les annonces récentes feront que la décision pourrait être plus simple encore.

Deux heures en bord de pistes à Marignane

De passage dans la région marseillaise, pourquoi ne pas se détendre une paire d’heures en bord de piste de Marignane ? Certes, hors-saison estivale, l’activité n’y est pas très intense, mais parmi les courts et moyens courriers qui desservent la plateforme, on peut y croiser quelques machines tout à fait intéressantes. Si cela peut ne pas s’avérer suffisant, on peut toujours compter sur les compagnies cargo, les militaires ou les industriels pour apporter de l’inédit à saisir à coup de longues focales.

A Marseille, comme sur la plupart des aéroports français, Air France est particulièrement présent. La sobriété totale de la décoration de ses avions n’enchante plus guère les spotters mais tout est largement compensé et amélioré par la splendide lumière printanière matinale azuréenne !

Airbus A321-212 F-GTAP Air France

Les filiales du groupe, dont la compagnie Low Cost Hop ! desservent aussi la plateforme.

Embraer ERJ-190 F-HBLI Hop !

Puisque nous sommes dans le registre des compagnies à bas-coût, la plus célèbre d’entre-elle, et sans doute la moins fréquentable à plus d’un titre, a largement fait parler d’elle à Marseille, dans le viseur de la justice française pour plusieurs accusations graves comme celle de travail dissimulé qui lui a valu une lourde condamnation en 2013. Elle demeure très présente sur l’aéroport marseillais qui dispose d’un terminal spécifique pour ces compagnies, le MP2.

Boeing 737-8AS(WL) EI-DLO Ryanair

Autre compagnie « Low-Cost », Easy Jet dispose également d’une escale à Marseille au terminal MP2.

Airbus A319-111 G-EZBX Easy Jet

L’aéroport est également desservi par de nombreuses compagnies nationales venues de pays du pourtour méditerranéen, en voici quelques exemples.

Boeing 737-8F2(WL) TC-JHR Turkish Airlines

Boeing 737-8HX(WL) 4X-EKF El Al

Airbus A-320-214 TS-IMP Tunisair

Boeing 737-6D6 7T-VJR Air Algérie

Embraer ERJ-190LR CS-TPS TAP Express

Bombardier CRJ-1000 EC-LKF Iberia Regional

D’autres compagnies dites « Major » acheminent leurs lots de passagers vers la grande ville française.

Airbus A320-232 G-EUYB British Airways

Airbus A319-114 D-AILK Lufthansa.

Heureusement, il n’y a pas que ces avions monocouloirs, relativement courants, à photographier à Marseille.

Il faut désormais s’y faire, signe que l’appareil vieillit, les conversions d’ATR en cargo sont de plus en plus nombreuses. Cet ATR-42 opéré par la compagnie espagnole Swiftair en est un exemple.

ATR 42-300(F) EC-IVP Swiftair

Il n’est pas, non plus, inhabituel de croiser des avions légers à Marignane. En effet, cet aéroport héberge également l’aéroclub Marseille-Provence auquel appartient ce DR-400-120 démontrant que la cohabitation entre les avions commerciaux et de loisir est tout à fait possible.

Robin DR-400-120 F-GLDC Aéroclub Marseille-Provence.

En dehors de son aéroport, Marseille-Marignane se distingue par la présence de l’industriel Airbus Helicopters (autrefois Sud Aviation, Aérospatiale puis Eurocopter) qui dispose là de son siège et d’un de ses principaux centres de production. De nombreux appareils effectuent là leurs vols d’essais et de réception en sortie de chaîne.

NH90 TTH destiné à l’aviation militaire grecque.

H130 (ex EC-130) sous immatriculation temporaire d’essais et en attente de son passage en atelier peinture.

Deux H175 en stationnaire tandis qu’un 737 de Ryanair se pose.

Un nouveau Tigre destiné à l’ALAT et équipé de lanceur de roquettes de 68mm.

Il n’y a pas que les hélicoptères militaires à fréquenter l’aéroport. Les avions cargos y sont très fréquents. En cette fin mars 2017, la vedette a été ce Boeing C-17 Globemaster III appartenant au Heavy Airlift Wing du Strategic Airlift Capability (SAC), un programme de l’OTAN regroupant 12 nations et utilisant 3 C-17 en pool commun pour leurs besoins logistiques. Ces avions sont basés à Pápa, en Hongrie.

Le C-17 F-207/SAC-1, msn 50208 a été le premier Globemaster III affecté au SAC en 2009.

Les USA, la Suède, la Slovaquie, la Roumanie, la Pologne, la Norvège, les Pays-Bas, la Lituanie, la Finlande, l’Estonie, la Bulgarie et donc la Hongrie, participent au programme SAC et peuvent disposer des capacités hors-normes de cet avion.

Mais l’évènement marquant du jour fut le dernier départ de deux CL-415 de la Sécurité Civile qui quittaient leur base historique de Marignane pour rejoindre leur nouvelle base de Nîmes à l’issue de leur mission d’entraînement. Bien sûr, ces avions seront amenés à revenir régulièrement à Marseille, pour leurs missions d’entraînement ou pour intervention, mais c’est un chapitre long de plus d’un demi-siècle d’histoire de l’aérodrome qui se refermait alors.

Un avion de ligne chargé de passagers attendant que décollent les pompiers du ciel, une image qui sera désormais moins fréquente.

Un dernier passage, un dernier salut, un au-revoir et un chapitre de presque 54 ans qui se ferme.

En bord de pistes, il y a toujours quelque chose à voir… il s’y passe toujours quelque chose.

La nouvelle BASC de Nîmes a été inaugurée !

C’est un jour historique pour la Base d’Avions de la Sécurité Civile. Monsieur Le Premier Ministre et monsieur le Ministre de l’Intérieur, ce matin, ont inauguré officiellement ses nouveaux locaux sur l’aérodrome de Nîmes-Garons (1) en présence du commissaire européen en charge de l’aide humanitaire et du Directeur général de la Sécurité Civile et de la gestion des crises. Après 54 ans de présence dans les Bouches-du-Rhône, les bombardiers d’eau français quittent donc Marignane.

Premier lever des couleurs, la BASC de Nîmes est née. (Photo : B. Guerche/DICOM)

Pour l’inauguration, pour la première fois, les avions français ont procédé à un splendide largage tricolore. (Photo : Alexandre Dubath)

Si le bâtiment a été inauguré aujourd’hui, la base n’est pas encore totalement opérationnelle pour autant. Les Canadair, Tracker,  Dash et Beech vont rejoindre le Gard dans les jours qui viennent et, normalement, devraient être totalement opérationnels début avril, à temps pour la saison à venir. Pour leurs équipages et les personnels qui les gèrent ou les entretiennent, c’est un bouleversement important.

Le chantier de la BASC en septembre 2016. Elle sera bien identifiable, même depuis le ciel. (Photo : A. Domas)

Ce déménagement, à environ 80 km vers l’ouest, va aussi modifier la façon d’utiliser et de déployer les moyens aériens nationaux. Le détachement de deux Tracker en saison à Carcassonne serait menacé, tandis qu’un détachement de deux Canadair pourrait être renvoyé à Marignane les jours de forts risques, et ce, à la demande des élus de la région, inquiets de l’éloignement des moyens de secours après le feu d’août 2016 (2).

Plan de masse de la nouvelle BASC. On notera l’entrée particulière de la base et la position du Pélicandrome.

Cette nouvelle base de Nîmes, dont le coût est d’environ 18 millions d’Euros, soit environ la moitié du prix d’un Canadair neuf, comprend donc deux bâtiments, conçus par le cabinet A+ Architecture de Montpellier. Cette entreprise a  aussi été le maître d’œuvre du projet, lequel implique une quinzaine d’entreprise du BTP qui ont fait émerger de terre ce projet en à peine plus d’un an .

Le toit du bâtiment principal, dit « bâtiment de commandement » de 3200 m² est peint pour identifier la BASC même depuis les airs. Au rez de chaussée se trouve l’accueil, les espaces de restauration et de détente, des salles de réunion, les locaux du service médical de la base et ceux des syndicats ainsi que les services techniques. A l’étage, les trois secteurs opérationnels disposent de leurs zones de travail aux côtés des « ops » et de la direction.

Organisation des deux étages du bâtiment principal de la BASC de Nîmes.

Le deuxième bâtiment, côté cour, semble plus modeste. Il est pourtant au cœur du projet phare de cette nouvelle BASC, celui d’un ambitieux « centre d’excellence » pour les opérations aériennes de secours et de lutte contre les feux de forêts. A ce titre, il sera un pôle de recherche et développement et un pôle de formation et de simulation, l’objectif étant de faire de cette base un centre incontournable pour le travail d’uniformisation des méthodes et des procédures de lutte contre les feux de forêts en Europe et sur le bassin méditerranéen. Un de ces outils, inauguré ce jour, est le Simulateur d’Entrainement a la Coordination Aérienne de Sécurité (SECOAS), projet développé par l’Entente Interdépartementale de Valabre et mis en place à Nîmes.

Un des postes de simulation du SECOAS, inauguré aujourd’hui. (Photo : Entente Valabre)

Ce bâtiment héberge également un amphithéâtre de 150 places, offrant ainsi une vocation presque « académique » au site.

Plans du bâtiment « Pôle d’Excellence ». A gauche, le rez-de-chaussée, à droite, l’amphithéâtre de 150 places qui occupe une partie du premier étage et  l’intégralité du second.

En complément de ces infrastructures, une zone d’évaluation des empreintes de largage sera installée et exploitée par le Centre d’Etude et de Recherche de l’Entente (CEREN). Ainsi, il sera possible de tester concrètement les nouveaux systèmes de largage aéroportés, sans doute à partir du fameux test des « pots de yaourt » dont le principe est simple ; Une zone est couverte de récipients parfaitement positionnés et identifiés. Une fois le largage effectué, il suffit d’analyser la répartition du liquide dans les récipients pour connaître l’empreinte réelle de l’intervention de l’aéronef. C’est donc un outil unique en Europe dont va se doter la Sécurité Civile et qui pourra bénéficier aux industriels du secteur mais aussi aux autres opérateurs européens.

Le nouveau « pélicandrome », la station de remplissage en retardant des avions « terrestres », situé au sud des installation peut accueillir quatre avions simultanément pour le remplissage au retardant, le double des capacités du « pélicandrome » de Marseille. Il comporte également 2 points de remplissage à l’eau, indispensables pour les missions d’entraînement. Ces installations seront opérationnelles toute l’année.

17 février 2017, le Pélican 42 effectue la première visite du nouveau Pélicandrome. (Photo J. Hr)

Une station de rinçage des avions amphibies a été prévue afin d’accélérer ce processus indispensable pour préserver les coques de la corrosion, en particulier après avoir été en contact avec l’eau salée. Un traitement particulier des eaux de lavage et du « pélicandrome » a été prévu afin que ces opérations soient des plus respectueuses pour l’environnement

Cette nouvelle base a été visiblement construite avec un vrai souci des normes environnementales puisque le maître d’œuvre annonce que les deux bâtiments ont des performances énergétiques supérieures aux exigences HQE (Haute Qualité Environnementale) et qu’ils sont conformes au référentiel des Bâtiments Durables Méditerranéens. Un effort particulier a été porté sur l’acoustique du bâtiment, la proximité du parking avion étant un facteur de nuisances sonores difficile à nier. A ce niveau-là, le confort des équipes devrait être largement amélioré si on le compare aux installations marseillaises.

La BASC vue depuis le sud des installations. Les deux bâtiments sont clairement identifiables. (DGSCGC/Communication)

Mais ces données sont celles des constructeurs. Cette première saison sera forcément celle de l’essuyage des plâtres et seul l’usage permettra de voir si cette nouvelle BASC est aussi parfaitement adaptée à la mission qu’annoncé. Dans le cas contraire, les équipes de la Sécurité Civile devront faire avec… de toute façon !

Ces nouvelles installations vont être mises à contribution cet automne puisque c’est à Nîmes que se déroulera les 16 et 17 octobre prochain, la conférence internationale Aerial Fire Fighting Europe qui revient en France après avoir fait escale en Croatie en 2015. Cet évènement extrêmement attendu et particulièrement riche sera suivi les 18 et 19 octobre par la conférence  Search & Rescue International. Ces deux opérations organisées par la société Tangent Link tireront parti du choix délibéré de faire de la base française un site allant bien au-delà de la mise en œuvre et de l’entretien de la flotte des bombardiers d’eau et des hélicoptères de la Sécurité Civile.

Après quelques années d’activité réduite, le site de Nîmes-Garons retrouve donc un utilisateur principal. Autour de l’aérodrome, la communauté d’agglomération Nîmes Métropole cherche à développer un parc d’activité, l’Actiparc Mitra, destiné à accueillir des entreprises œuvrant dans les domaines de la logistique, de l’aéronautique et de la gestion des risques en particuliers environnementaux, un projet d’une indéniable ambition et pour lequel la BASC va servir, forcément, de « produit d’appel ».

Projet du parc d’activité Actiparc Mitra que la communauté d’agglomération nîmoise cherche à promouvoir auprès des entreprises de l’aéronautique, de la logistique et de la gestion des risques. (Document : Openîmes)

En 1963, à leur arrivée en France, les équipes des pionniers de la Protection Civile avaient aussi choisi un site que la Marine venait de libérer, la base navale de Berre. L’histoire se répète donc, même si les Catalina étaient vite allés, ensuite, se réfugier au sec à Marignane, de l’autre côté de l’étang. Mais les locaux que la BASC occupaient, faits de bric et de broc au fur et à mesure de son expansion, nécessitaient plus qu’une rénovation. L’emplacement de Marseille, au cœur de la zone à risques et juste à côté d’un plan d’eau avait des qualités que le nouveau site de Nîmes n’a pas, et auquel il va falloir s’adapter.

Les images des avions jaunes ou rouge et blancs garés non loin de l’étang de Berre appartiennent désormais au passé. Aujourd’hui, une page d’histoire se tourne.

Les avions de la Sécurité Civile alignés devant leur base en juin 2013 pour le cinquantenaire. Une image désormais historique.

La BASC de Marignane vue depuis un avion léger au décollage en 2011. L’étroitesse du site, la faible surface des bâtiments et des deux hangars sont parfaitement visibles.

(1) Où se trouve également l’aéroport Nîmes-Alès-Camargue-Cévènes, de l’autre côté des pistes, à côté des installations de Sabena Technics sous-traitant de la Sécurité Civile pour l’entretien de la flotte Canadair, le bâtiment du Groupement d’Hélicoptères de la Sécurité Civile et ceux de la société AvDef. L’école de pilotage Airways College dispose également d’un centre de formation (du PPL à l’ATPL) sur l’aérodrome. A côté de la BASC, dans les installations laissées par la Marine en 2011, se trouve la caserne du 503e régiment du train dit « de Camargue » et ses 1000 militaires.

(2) Ces mêmes élus qui auraient pu vraiment se battre pour maintenir la BASC à Marseille si ça avait été si important, mais on ne les a pas beaucoup entendus alors… De même, ces avions sont des moyens nationaux, pas des moyens à la seule disposition des Bouches-du-Rhône, ce que certains ont une lourde tendance à oublier.

Remplacer les Canadair ? Ok ! Mais par quoi ?

Le sujet est revenu au premier plan à plusieurs reprises ces dernières années, en particulier cet été après le problème de train d’atterrissage sur le Pélican 42 en plein cœur de la saison des feux : « nos Canadair » vieillissent et il serait temps de songer leur offrir un successeur ! Bonne idée ! Mais il y a-t-il vraiment urgence et quelles sont les solutions possibles ?

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En service depuis plus de 20 ans au sein de la Sécurité Civile, le CL-415 est-il un avion irremplaçable ?

Le 1er août dernier, le CL-415 « Pélican 42 » était victime d’une rupture du train d’atterrissage droit lors d’un roulage à Ajaccio. Cet accident a entraîné l’interdiction de vol temporaire de l’ensemble de la flotte des « Canadair » français pendant quelques jours, le temps que de minutieuses inspections soient menées pour déterminer la cause précise de cet évènement afin d’éviter que le problème ne survienne sur un autre appareil.

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Accidenté à Ajaccio le 1er août dernier, le Pélican 42 devrait être disponible à nouveau pour la saison prochaine. Cette image, prise sur la base de Marseille-Marignane, sera alors entrée dans l’histoire après le déménagement vers Nîmes.

Depuis, les commentateurs continuent de s’interroger : et si il était temps de remplacer ces avions ?!

Dans un premier temps, et en attendant les conclusions de l’enquête technique, rien ne dit que l’accident du 42 est la conséquence d’une usure et que l’âge de l’avion est en cause dans l’évènement. L’interdiction de vol temporaire qui leur a été imposée pendant quelques jours était un choix opérationnel fort de leur exploitant car contrairement à ce qu’il peut parfois se passer dans des circonstances souvent bien plus dramatiques, le certificat de navigabilité des avions CL-215-6B11 n’a pas été levé, ce qui explique que les appareils en service dans les autres pays ont pu continuer leurs missions habituelles.

Les avions français sont parmi les plus anciens en service. La flotte française de CL-415 est composée de 12 appareils livrés entre 1995 et 1997 (Pélican 31 à 43) dont trois exemplaires ont été détruits en 1997 (P43), 2004 (P41) et 2005 (P36) puis trois appareils commandés pour combler les pertes, reçus entre 2004 et 2007 (P44, 45 et 48). La majeure partie de la flotte a donc une vingtaine d’années de service mais les plus récents ont une décennie de moins.

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Tableau d’effectif des CL-415 français (1995-2014)

Ces avions volent relativement peu en raison de la nature de leur activité et de sa saisonnalité. En fait leur activité est comparable à celle des avions de combat d’une force aérienne occidentale. En 2003, année de canicule où 74 000 hectares de forêts sont partis en fumée, les 11 CL-415 français alors en service ont effectués un total record de 5 542 heures de vol soit une moyenne de 503 heures par appareil. L’année suivante, beaucoup plus calme avec 12 500 hectares brûlées, les 11 appareils ont effectué un total de 2 746 heures de vol soit 249 heures par avion. En 2011, autre année moyenne (9 400 hectares), le total du secteur Canadair a été de 2 848 heures, soit 237 pour chacun des 12 avions en ligne.

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Opérant en noria, les « Canadair » français ont depuis longtemps fait la preuve de leur efficacité.

Pour autant, l’usure n’est pas le seul critère à devoir être pris en compte pour l’analyse de l’âge de la flotte car les opérations de maintenance ont lieu tout autant en fonction d’un temps de vol défini que d’échéances calendaires précises.

En général, un aéronef a une carrière qui est de l’ordre d’une trentaine d’années, mais les avions capables d’aller au-delà sont innombrables. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour ceux-là ? Le prédécesseur CL-215 prouve que, bien entretenu et bien utilisé, dépasser le demi siècle de service est tout à fait possible, et que dire des Firecat dont les cellules ont été construites il y a 60 ans ? Cependant, lorsqu’une flotte arrive à la vingtaine, c’est le bon moment pour s’interroger sur la succession sans être dans l’urgence. Gouverner c’est prévoir. Quelles sont les solutions et les successeurs possibles ?

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Dernier appareil livré à la France en 2007, le Pélican 48 a été numéroté ainsi car les numéros de coque 46 et 47 avaient déjà été portés auparavant par des CL-215.

Partons du principe que, pour ne pas déroger à la règle de complémentarité écopeur-tanker qui a fait le succès de la Sécurité Civile, le remplaçant du CL-415 devrait être un écopeur. Or, cette catégorie d’aéronefs ultra-spécialisés ne comporte qu’une poignée de types d’appareils en production ou disponibles.

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Livré en 2006, le Pélican 45 fait partie des aéronefs les plus récents de la flotte actuelle.

En premier lieu se trouve le Fire Boss, version à flotteur de l’AT-802F, monoturbine d’une capacité de 3 000 litres environ, ses capacités d’emport, et donc de frappe, demeurent largement inférieures à celles d’un CL-415. Appareil peu onéreux, son prix d’achat tourne autour de 3,5 millions $, il est très répandu au Canada, aux USA, en Espagne, en Croatie ou en Italie, par exemple.

En 2013, dans le cadre du projet de remplacement des Firecat, deux AT-802F « terrestres » ont été longuement évalués à Marseille. Trop sensibles au vent, très lents, monomoteurs, ces avions n’ont clairement pas convaincus comme aéronefs d’intervention à l’échelle nationale. La version à flotteurs est légèrement plus lourde d’une tonne ce qui impacte sur sa charge utile. La traînée des flotteurs réduit également sensiblement sa vitesse. Ses chances de pouvoir prétendre à prendre le relais des CL-415 français sont donc très faibles.

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Version amphibie de l’Air Tractor AT-802F évalué au cours de l’été 2016, le Fire Boss a peu de chance de pouvoir prétendre à la succession du CL-415 en raison de ses performances très en retrait.

Deux ans plus tôt, pendant l’été 2011, c’était le Beriev 200 qui était présent à Marseille pendant un mois. Avec des performances alléchantes, 12 000 litres, 700 km/h, le jet russe semblait clairement très prometteur et pendant longtemps, grâce à une campagne de presse extrêmement efficace, l’avion a fait figure de successeur idéal pour l’amphibie canadien. Las, les pilotes français qui l’ont patiemment essayés ont noté des lacunes importantes. Choix impératif entre carburant et charge d’eau, consommation effrénée de carburant en basse couche, programmation inadaptée des commandes de vol électriques, absence d’aérofrein entre autres ont relégué le Beriev parmi les solutions secondaires. De plus, à l’époque, la production de l’appareil était interrompue. Cette situation a évolué depuis avec plusieurs avions commandés pour Emercom, actuellement en cours de construction, et une récente commande chinoise pour au moins deux avions. On parle toujours d’une possibilité de production sous licence aux USA, une idée qui est régulièrement relancée par ses promoteurs qui estiment pouvoir proposer un prix unitaire de 40 millions $ par amphibie, ce qui n’a rien d’extravagant.

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Appareil aux performances alléchantes, le Beriev 200 demeure encore un échec commercial évident.

Si les lacunes identifiées par les pilotes français sont prises en compte pour une éventuelle version « occidentalisée », le Beriev pourrait redevenir une option solide, d’autant plus que 80% des plans d’eau écopables en France sont compatibles avec le jet russe ce qui ne bouleverserait pas trop les méthodes d’emploi. Mais depuis l’évaluation de 2011, le Beriev ne fait plus tout à fait figure de remplaçant désigné aux CL-415.

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Pendant plusieurs années, des Twin Otter disposants de flotteurs spécifiques ont assuré la protection des forêts de l’Ontario. (Photo : D. Kennedy)

On sait que le Twin Otter équipé de flotteurs adaptés a longtemps servi de bombardier d’eau dans l’Ontario. Or cet appareil est toujours en production, après une longue interruption, et connaît depuis un succès notable depuis que la société canadienne Viking Air en a lancé une version modernisée, DHC-6-400, au prix unitaire de 6 à 7 millions $. Si l’option « lutte anti-incendie » était initialement proposée, elle n’a pas trouvé preneur.

Là encore, on est en présence d’un avion connu pour sa robustesse et sa fiabilité, mais il est peu rapide, 150 kt en croisière, et sa charge utile, de l’ordre d’une tonne, peine à être comparée avec celle du « Canadair ». L’appareil a donc peu de chances de convaincre même si, là encore, une certaine polyvalence de la cellule, utilisable pour le transport à courte distance, peut constituer un avantage.

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En 2016, Viking a enregistré la 100e commande pour son Twin Otter modernisé. L’option bombardier d’eau est possible mais n’a pas trouvé preneur pour le moment.

Or, c’est cette même société Viking Air qui a racheté les droits de la famille CL-215/415 à Bombardier cette année. On sait que, dans un premier temps, la société canadienne va assurer le suivi réglementaire et technique des flottes existantes et sans doute se lancer dans la conversion de certains CL-215 en CL-215T. Une éventuelle reprise de la production du CL-415 reste une question en suspens et va surtout dépendre de la demande. On sait que Bombardier a arrêté la production pour recentrer le groupe, en difficulté, sur des produits plus rentables immédiatement. Une société de moindre envergure comme Viking pourrait avoir une souplesse industrielle plus compatible avec une production en petite série avec un rythme lent. Si des commandes fermes pour de nouveaux CL-415 venaient à être notifiés de la part de clients sérieux, et la Sécurité Civile française, par sa tutelle étatique, en est un, cette solution serait sans doute à privilégier. Et du coup, pourquoi ne pas proposer alors une version mise au goût du jour avec, par exemple une nouvelle avionique, à défaut de pouvoir nettement faire progresser les performances de l’aéronef ?

La possibilité d’acquisition par la France de CL-415 d’occasion semble moins évidente bien qu’elle a été évoquée de façon tout à fait officieuse. Ceci ne résoudrait que partiellement le problème de vieillissement de la flotte et surtout, aucun de ces avions ne semble actuellement disponible à la vente.

Deux autres appareils ont été annoncés comme d’éventuels futurs trouble-fêtes sur ce marché. Le premier est loin d’être un inconnu puisqu’il est en service déjà dans l’aviation militaire japonaise. Il s’agit de l’impressionnant amphibie US-2.

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Un des 6 US-2 de la Force Maritime d’Autodéfense japonaise en train de naviguer sur une mer d’huile. (Photo : DR)

Il n’a jamais été évalué en tant que bombardier d’eau, même si son prédécesseur PS-1 l’a été dans les années 70. Avion de secours en mer, il dispose de capacités marines inégalées. Pour la version bombardier d’eau, le constructeur envisage une « constant flow » de 15 000 litres. mais il y a un bémol, et de taille, en dehors du fait qu’il n’a pas encore été évalué avec une soute : son prix estimé à 90 000 000 $. Sa production est aussi confidentielle puisque la marine japonaise a pris livraison de seulement 6 appareils tandis que le contrat avec l’Inde pour 12 machines n’a pas encore été officialisé.

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Le US-2 en version bombardier d’eau tel qu’il est présenté par le constructeur. (Vue d’artiste : ShinMeiwa)

Il pourrait en être de même pour le nouvel hydravion chinois Avic AG600, successeur du Harbin SH-5, ce dernier ayant été évalué avec une soute pendant les années 70. Annoncé comme pouvant remplir la mission de bombardier d’eau, l’avion est essentiellement un appareil de patrouille maritime. En attendant son premier vol et de connaître son prix, qui en raison des performances annoncées devrait se rapprocher de celui de l’appareil japonais, il fait, lui aussi, office d’outsider improbable pour le moment.

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L’Avic 600 lors de sa présentation officielle un peu plus tôt en 2016. Annoncé comme pouvant prétendre au rôle de bombardier d’eau de grande capacité, il est plus sûrement un hydravion militaire de surveillance maritime.

Mais deux autres solutions, plus radicales peuvent être envisagées, bien qu’il s’agisse ici de scénarios improbables.

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En service depuis plus d’une décennie et en lice pour la succession du Tracker, le Q400MR incarne clairement l’avenir d’une partie de la flotte de la Sécurité Civile.

Dans le cas où aucun avion amphibie satisfaisant ne serait disponible, le choix pourrait être fait de mettre l’accent sur les avions « terrestres », autrement dit les tankers. Dans cette catégorie, les options ne manquent pas et ont, pour la plupart, l’avantage d’être abordables puisque basées sur des appareils de seconde main. Le développement de la flotte des Q400MR au delà des appareils envisagés à l’horizon 2022 dans le cadre de la succession des Tracker, ou son complément par des C-130H modifiés, n’aurait rien de ridicule.

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Relancé dans son rôle de tanker par la société Coulson, le C-130 est en train de redevenir un acteur essentiel de ce business. (Photo : Skip Robinson via Coulson)

Mais ce choix aurait pour conséquence principale d’impliquer la refonte totale des doctrines d’emplois des aéronefs et d’entraîner un redéploiement des détachements estivaux. Ceci laisserait surtout les collectivité locales, régions ou départements, dans l’obligation de procéder à une réévaluation de leurs besoins propres, ce qui pourrait alors passer par la mise en œuvre de moyens complémentaires. Dans ce cas-là, des avions comme le Fire Boss pourraient trouver leur place dans un dispositif où les contrats locaux deviendraient plus stratégiques. Mais ce serait aussi un premier pas vers une forme de privatisation d’une mission jusque là régalienne. Et ces avions pourraient être suppléés ou épaulés par des voilures tournantes.

Car la succession des CL-415 par des voilures tournantes n’est pas non plus un scénario aberrant, il est même âprement défendu dans les milieux hélicoptéristes. Il faut se souvenir qu’à la fin des années 80, des évaluations très sérieuses d’hélicoptères bombardiers d’eau (HBE) avaient été menées conjointement par la Sécurité Civile, l’Entente Interdépartementale contre les Feux de Forêts et plusieurs industriels dont Aérospatiale, devenue depuis Airbus Helicopters. Lama, Écureuil, Puma, Super-Puma avaient été longuement évalués sur plusieurs saisons et les conclusions étaient plutôt positives. Le lancement du CL-415 et le positionnement de la France comme client de lancement du nouvel appareil, assortis de conditions financières intéressantes, a clairement tué dans l’œuf le développement d’une flotte HBE nationale dotée de moyens lourds. Cependant, ces expérimentations ont conforté les départements dans leur possibilité de louer les services saisonniers de machines de « première intervention » auprès d’opérateurs privés.

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Après son  évaluation comme HBE durant l’été 2007 et bien qu’estampillé EC225, cet hélicoptère est ensuite entré en service dans l’armée de l’air comme EC725R2 (Photo : Eurocopter)

Au milieu des années 2000, la location saisonnière, de 2004 à 2008, d’un hélicoptère lourd Erickson Aircrane, capable de lever 10 000 litres de retardant, a entraîné un regain d’intérêt pour les voilures tournantes à hautes capacités. En 2007, un EC225 doté d’une soute interne de 4 000 litres a longuement été évalué par la Sécurité Civile, en particulier en Corse. Mais là encore, cette expérimentation opérationnelle n’a pas été suivie d’une mise en service de ce type d’appareil en France.

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L’hélico d’Airtelis en action sur le feu de Rognac en août 2016. (Photo : Airtelis)

Cependant, à nouveau, en août 2016, un EC225 de la société Aertelis (RTE) a été engagé lors du feu de Rognac, équipé d’un « bambi bucket », pour renforcer les moyens aériens encore incomplets après l’incident du Pélican 42. Même si cette intervention a été extrêmement ponctuelle et limitée, elle tendrait à montrer que les exploitants et les industriels ont entre les mains des outils dont le potentiel ne demande qu’à être utilisé.

L’utilisation de voilures tournantes puissantes et à la charge utile conséquente au lieu d’appareils amphibies n’a d’ailleurs rien de vraiment inédit puisque c’est ainsi que les HBE sont engagés aux USA. Mais les capacités d’emport des hélicoptères lourds de la famille H225 sont loin d’égaler celles des CH-47, S-61 et autres AirCrane en contrats saisonniers avec l’US Forest Service.

Remplacer les CL-415 par des hélicoptères lourds ne serait pas impossible, mais modifierait aussi profondément la structure de la Base d’Avions (BASC) et du Groupement d’Hélicoptères de la Sécurité Civile (GHSC) et influerait fondamentalement sur les méthodes d’emploi des moyens nationaux.

Néanmoins si ce cas de figure venait à être appliqué, il serait indispensable d’opter pour des machines de grande capacité et dotés de soutes internes afin de favoriser la vitesse d’intervention. La répartition des moyens sur l’ensemble du territoire serait aussi à repenser ce qui pourrait aussi se traduire par une diminution effective de la force de frappe instantanée comparée à celle que peut procurer une noria de Canadair.

Deux types semblent dominer les débats, les Erickson AirCrane qui sont d’anciens CH-54/S-64 reconditionnés et les CH-47 Chinook. Sur le marché de l’occasion, AirCrane ou Chinook sont très rares. Le CH-47F est toujours en production, au prix annoncé de 38 millions $ soit un peu plus cher que le prix auquel le Bombardier 415 était proposé par son constructeur. De son côté la société Erickson rencontre des difficultés financières et s’est récemment placée sous le régime du Chapitre 11 de la loi sur les faillites aux États-Unis, l’équivalent de la procédure de sauvegarde en France.

On peut supposer que les sociétés américaines bénéficient d’une certaine priorité sur l’acquisition des machines réformées des forces US et qu’une exportation vers notre pays ne se ferait pas forcément aux même conditions.

Même si les machines de production européenne n’atteignent pas les performances de ces deux appareils,  il est impossible de croire que le monde industriel et le monde politique laisseraient une mission aussi emblématique tomber dans l’escarcelle d’industriels extra européens. C’était cependant le cas avec le CL-415, mais la situation est difficilement comparable puisque cet appareil était alors sans équivalent… Et le demeure !

Mais, surtout, doter la Sécurité Civile d’hélicoptères de transport lourd alors que nos forces armées n’en disposent pas, même si ce besoin est identifié depuis de nombreuses années, pourrait être ressenti comme une véritable provocation et ne manquerait pas de provoquer de sérieux remous.

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CH-47 bombardier d’eau en remplacement des CL-415 ? Un scénario improbable mais qui ne manquerait pas de rendre jaloux l’ALAT qui rêve d’hélicoptères lourds depuis des décennies. (Photo : InciWeb)

La solution du remplacement des CL-415 français est donc un problème épineux car aucune solution évidente ne semble se dessiner pour le moment. Mais il n’est pas encore d’une urgence absolue. Il est juste temps de commencer à le préparer. Les investissements consentis pour la succession des Firecat, avec un appel d’offre publié pendant l’été 2016 pour 4 à 6 avions polyvalents, la construction de la nouvelle base de Nîmes représentent des investissements lourds. Ils prouvent bien que, même en ces temps budgétairement tendus, des efforts important sont consentis pour cette lutte importante et médiatique.

Ce dossier se retrouvera en haut de la pile à traiter lorsque celui du remplacement des Tracker sera en cours. Quelle solution sera adoptée ? Il trop tôt, bien évidemment, pour le dire et rien ne laisse penser que les différents scénarios proposés ici seront encore d’actualité.

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Le CL-415, et si on en reprenait pour 30 ans ?

Pour autant, une des clés de cette histoire est évidemment entre les mains de Viking Air. En l’absence de remplaçant « naturel » et évident, une relance de la production du CL-415 permettrait, d’une part, de remplacer les avions progressivement, ce qui lisserait l’investissement sur une période large, et d’autre part, d’assurer cette succession avec un matériel connu et éprouvé. Ce scénario serait évidemment le plus simple, le plus évident et pas forcément le plus couteux. Il a donc tout l’air de la solution idéale, d’autant plus que la Sécurité Civile n’est sans doute pas la seule organisation à se poser des questions à l’heure actuelle. Est-ce réaliste pour autant ? La question est posée !

Le feuilleton ne fait donc que commencer !

Des chiffres et des lettres, les bombardiers d’eau de la Sécurité Civile depuis 1963.

Depuis sa fondation en 1963, la flotte d’aéronefs dédiés à la lutte contre les feux de forêts a grandement évolué. Voici quelques tableaux simples destinés à replacer les avions dans leur chronologie. Pour l’ensemble des appareils traités, en jaune, les avions possédés en propre par la Protection Civile puis la Sécurité Civile, en bleu, les avions en prêt, en location ou en évaluation.

Les avions sont identifiés de plusieurs manières. Chez leur constructeur par un numéro de série puis par leur immatriculation, cette dernière devant être lisible sur l’appareil. Les avions de la Sécurité Civile sont tous immatriculés dans la tranche F-ZB.. qui leur est réservée. Par simplicité, et suivant en cela bien d’autres exploitants d’aéronefs de lutte anti-incendie, les bombardiers d’eau reçoivent un numéro de coque d’identification rapide afin que les équipes au sol puissent savoir à qui ils ont affaire et être plus précis dans leurs communications. La numérotation des avions français relève d’une certaine logique que nous allons tâcher d’expliquer dans ses grandes lignes.

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Catalina (1963-1970)

Le choix du Catalina en 1963 est indiscutable. A partir du moment où, en raison de la topographie du sud de la France et des très nombreux plans d’eau écopables le choix d’un appareil amphibie a été fait, ce type d’appareil, déjà connu en France aussi bien en utilisation militaire que civile, s’impose de lui-même. Cependant, la possibilité d’un achat de Beaver, d’Otter, monomoteurs avec des capacités inférieures, a été envisagé car d’un coût moins élevé. Dans un article publié au début des années 60, il s’avère que le Martin Mars avait été évoqué, mais avec seulement quatre avions encore existant, cette solution, moins souple et plus coûteuse, n’était guère réaliste.

En 8 saisons, les Catalina ont fait la démonstration de l’utilité de l’appui aérien et des atouts apportés par les avions amphibie. Dès lors, l’engagement de moyens aériens n’a plus vraiment été contesté. A noter que les PBY-6a ont été souvent utilisés en les remplissant au sol avec du retardant.

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Le G-PBYA qui vola dans le sud de la France entre 1966 et 1967. Il est le dernier Catalina de la Protection Civile à demeurer en état de vol. Il a été photographié ici lors du meeting aérien célébrant les 50 ans des bombardiers d’eau français en juin 2013 à Aix en Provence.

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Deux avions ont été détruits pendant leur service au sein de la Protection Civile (1) mais un seul mort, Bernard Humbert, fut seulement à déplorer. Les circonstances de sa disparition a entraîné la modification des tenues de vol des équipages qui ont ensuite arboré cette traditionnelle couleur orange, toujours en vigueur 50 ans plus tard.

Les Catalina étaient identifiés par une bande de couleur à l’arrière du fuselage, une solution dont les limites pouvaient être rapidement atteintes, à moins d’accepter d’avoir un jour un Pélican Taupe ou un Pélican Saumon.

Canadair CL-215 (1969-1996)

Pour succéder aux Catalina, le choix du nouveau Canadair s’est imposé de lui-même car les équipes françaises de la Protection Civile ont largement participé à la définition du premier avion jamais conçu comme pompier du ciel. Entré en service en 1969, le Canadair est rapidement devenu un avion emblématique, voire même légendaire. Retirés du service après 27 ans, les avions français ont connu un sort bien peu enviable. Plusieurs ont cependant été préservés et un seul poursuit désormais sa carrière en Turquie, preuve que l’histoire aurait pu s’écrire autrement.

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Le Pélican 46 désormais exposé à St-Victoret, juste à côté de l’aéroport de Marignane, depuis le 4 février 2005. Après plus d’une décennie d’exposition aux intempéries, un petit nettoyage ne serait pas de trop.

Chronologie des CL-215 français. La séparation entre 1975 et 1976 indique le passage de la Protection Civile à la Sécurité Civile.

En 27 ans de service, trois appareils ont été détruits en opérations, causant la mort de 6 membres d’équipage. Un quatrième appareil a été coulé après un marsouinage lors d’un écopage en baie de Sagone en Corse. L’équipage a heureusement réussi à évacuer l’avion à temps. Les trois premiers avions perdus ont été remplacés. Après l’accident de 1983, la flotte s’est maintenue à 11 appareil jusqu’à l’arrivée de son successeur.

Les avions étaient identifiés par leur numéro de série constructeur. Le Pélican 01 était donc le tout premier CL-215 construit, le Pélican 47, le 47e.

Tracker Firecat (1982-2020)

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Le Tracker 22 a intégré la flotte française en 1987 comme Tracker 14.

Après la terrible saison 1976 où les Canadair se sont retrouvé insuffisants contre des feux immenses causés par une sécheresse que personne n’a oublié, de la Corse à la Bretagne, la flotte de 12 CL-215 a montré ses limites. Une expansion de la flotte a été envisagée, ce qui s’est traduit par la location du Pélican 49 en 1981 (2), Canadair espérant placer de nouveaux appareils chez un de ses clients historiques, mais Conair est alors arrivé en proposant un avion terrestre, le Tracker, déjà en service au Canada et en Californie.

Le bimoteur Grumman, d’occasion, était peu cher à l’achat, la décision fut donc vite prise. Pensé pour être un avion d’intervention rapide, il s’est avéré si économique à l’utilisation qu’il s’est rapidement vu confier la mission cruciale, du Guet à Vue, appelé depuis, Guet Aérien Armé (GAAR), en patrouilles de deux avions et qui surveillent les zones à risques, prêts à frapper les feux naissant, une doctrine qui s’est avérée d’une redoutable efficacité.

Parfait complément du CL-215, le Tracker a rapidement été remotorisé avec des turbines PT-6 puis a été prolongé. Malheureusement, 7 avions ont été accidentés, causant la mort de 8 membres d’équipage, et un 8e détruit lors d’un incendie au sol. Les deux appareils perdus en 2005 et le retrait du dernier avion à moteurs à pistons l’année suivante ont réduit la flotte à seulement 9 appareils rendant les missions GAAR plus compliquées à organiser. Au total, 19 cellules différentes ont été utilisées pour une flotte dont la taille optimale était d’une douzaine d’appareils. Le retrait de service du Turbo Firecat était prévu pour 2022 ce qui aurait porté la carrière française du Tracker à tout juste 40 ans, un joli exploit pour des avions produits au milieu des années 50 mais l’histoire fut différente !

Les Tracker ont été numérotés initialement de 1 à 20 dans leur ordre d’arrivée et en tenant compte des avions achetés pour remplacer les machines perdues. Avec les allers-retours au Canada pour la turbinisation, certains avions reviennent avec d’autres numéros et durent encore en changer (le T77 devenu T23, le T12 revenu T21 et renuméroté T12) ce qui ne simplifie pas le suivi de la flotte.

Bombardier CL-415 (1995-….)

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Le Pélican 32 a été le premier CL-415 réceptionné par la Sécurité Civile française. Il a été choisi en 2013 pour être l’avion porteur de la livrée commémorative du cinquantenaire des bombardiers d’eau français.

Les CL-215 français étant des toutes premières séries, ils n’étaient pas compatibles avec la turbinisation proposée par leur constructeur qui en aurait fait des CL-215T. Le lancement d’une version modernisée, rapidement baptisée CL-415, séduisit la Sécurité Civile qui en devint le client de lancement, non sans déboires. Avec des capacités accrues, le nouveau bombardier d’eau s’est montré tout à fait dans la lignée de son prédécesseur. Malheureusement, trois accidents ont endeuillé la Sécurité Civile, ajoutant 5 noms à une liste déjà bien trop longue. Si les hommes ne peuvent être remplacés, les avions perdus l’ont été dès le milieu des années 2000, permettant à la flotte de rester à son niveau idéal de 12 appareils.

Chronologie des CL-415 de la Sécurité Civile française.

Si la production du CL-415 est désormais arrêtée, le transfert des droits à la société Viking ouvre des perspectives, même si la reprise de la production n’est aucunement garantie à l’heure actuelle. Reste que le CL-415 est sans équivalent et aujourd’hui, sans successeur désigné ce qui pourrait être un problème pour le renouvellement de la flotte française, à moyen terme, dont les avions ont entre 9 et 21 ans.

Comme il était délicat de numéroter le premier CL-415 « Pélican 01 » puisqu’il aurait fait doublon avec le Tracker 01 et que l’indicatif avait été aussi utilisé avec un CL-215, les nouveaux  bombardiers d’eau ont reçu un numéro de coque débutant à 31, dans l’ordre de leur affectation et sans lien avec leur numéro de série constructeur, à l’exception des numéros 40, 46 et 47 qui avaient été portés auparavant par des Canadair à moteurs à pistons.

Les lourds (1979-….)

Pélican 61

Le DC-6 Tanker 61. Après 1990, il est stocké quelques temps à Chateaudun avant d’être vendu à Everts Air Cargo en Alaska. Il est accidenté à l’atterrissage sur une piste isolée en 2001. (Photo : Collection F. Marsaly)

Après l’épreuve de 1976, les besoins en moyen de frappe lourds n’étaient plus à démontrer. Le DC-6, un avion fiable et éprouvé, a été évalué à partir de l’été 1977 et loué à la Sécurité Civile les deux étés suivants. De 1982 à 1985, 4 de ces appareils ont été en service simultanément, ce qui conférait à la Sécurité Civile une capacité de frappe immédiate très conséquente. Malheureusement deux DC-6 ont été ensuite tragiquement accidentés avec un bilan humain terriblement lourd.

Parce que c’était des DC-6, leur numéro d’identification commençait par 6. Cette tranche avait aussi l’avantage de n’avoir été utilisée par aucun avion auparavant et d’éviter ainsi les doublons.

Le développement de la flotte se poursuit au milieu des années 80. Avec en tête la succession des DC-6 à l’avenir clairement limité, la Sécurité Civile cherche également à se doter d’un avion polyvalent et évalue en parallèle le Fokker 27 modifié par Conair et le HS.748 modifié par Macavia. C’est l’avion canadien qui l’emporte finalement. Considéré comme un bombardier d’eau moyen, l’appareil connaît une carrière tout à fait honorable de 17 saisons marquée cependant par la perte du premier exemplaire en 1989, entraînant l’achat et la transformation d’un troisième appareil. Le HS.748 n’effectue que quelques saisons en location avant d’être laissé à l’abandon puis ferraillé à Chateauroux quelques années plus tard, à la suite de la disparition de la société Macavia. Le Fokker 27 est surtout très utilisé pour des missions logistiques mais l’appareil n’étant plus pressurisé, ses capacités en étaient largement réduites.

Fokker 27 BASC 2003 (F. Marsaly)

Le Fokker 27 Pélican » 72, photographié quelques mois avant son retrait de service.

Initialement, le premier Fokker 27 modifié par Conair portait le numéro de coque 27 pour des motifs évidents, mais ce numéro était aussi porté par un CL-215. Toujours propriété du constructeur, il fut utilisé pendant deux saisons avant d’être perdu en 1989. Les deux autres Fokker prirent les numéros 71 et 72, ouvrant ainsi une nouvelle tranche de numéros de coque.

En 1990, les deux derniers Douglas laissent leur place à deux C-130A loués aux USA chez Hemet Valley Flying Services. Si la capacité d’emport est identique, 12 000 litres, le Hercules apporte une puissance supplémentaire et une polyvalence très appréciable. Parce que les deux premiers avions loués étaient les Tanker 81 et 82 dans la numérotation US et que ces numéros n’étaient pas attribués en France, ils ont été conservés. Quand les avions d’HVFS ont été remplacés par les avions de T&G, alors Tanker 30 et 31 aux USA, au lieu de devenir les « Hercules » ou « Pélican », les deux indicatifs semblent avoir été utilisés, 83 et 84, ils ont repris les numéros 81 et 82 ce qui étonne toujours.

L’histoire s’achève hélas brutalement en 2000 avec l’accident du dernier avion sous contrat.

Le Tanker 82 d’Hemet Valley Flying Services, premier C-130A utilisé en France à partir de 1990. L’avion est perdu en 1994 en Californie. (Photo : U. Schaeffer)

L’arrêt du C-130 laisse la Sécurité Civile sans moyens lourds, un déficit opérationnel qui est spécialement sensible en 2003 où plus de 80 000 ha partent en fumée dans le sud de la France dans des incendies qui font également une dizaine de victimes dont plusieurs pompiers. La situation est si terrible qu’un Convair 580 canadien est dépêché en fin de saison, une expérience renouvelée l’année suivante mais devenue alors sans objet, la saison 2004 s’avérant beaucoup plus calme.

Le nouveau gros porteur arrive en 2005, année difficile pour les bombardiers d’eau français, accompagné d’une violente polémique. Le Q400MR finit cependant par convaincre et s’annonce désormais aussi comme le futur successeur du Tracker Firecat. Avec sa soute pouvant emporter 10 000 litres d’eau ou 10 tonnes de retardant, il apporte des capacités anti-incendie s’approchant de celles du C-130 tout en étant bien plus performant que les Fokker pour les missions de transport.

qQ400 MR dfile 2011

Avions clairement polyvalent, les Q400MR (MR pour Multi Rôle) prennent la suite des Fokker 27 et adoptent donc leur numérotation ainsi qu’un nouvel indicatif radio, devenant ainsi les « Milan » 73 et 74. En 2017 la décision est prise d’augmenter la flotte des Dash 8 avec 6 avions neufs livrés à partir de 2019 et numéroté de 75 à 80.

Les lourds

Autres appareils (1967-2013)

Au cours de son histoire, la SC a loué ou évalué bien d’autres appareils.

Autres 2

En 1965, à l’issue du Salon du Bourget, un hélicoptère lourd Russe Mil Mi-6 est évalué avec la collaboration d’EDF mais aucun largage n’est effectué. En effet, la possibilité d’utiliser des hélicoptères lourds en remplacement ou en complément des avions devait être explorée. Une expérience plus complète est prévue deux ans plus tard avec un autre hélicoptère de même type, équipé pour le largage d’eau, mais l’appareil s’écrase faisant de nombreuses victimes dont un français de la Sécurité Civile, Jean Sandoz, la première en service aérien de cette alors jeune unité.

Le Mil Mi 6 en pleine démonstration au Salon du Bourget 1967. Quelques semaines plus tard, il s’écrasait près de Marseille. (Photo : Collection F. Marsaly)

Dans les années, 80 ce furent les G.222, C-130 et C-160 équipés de plateformes de largages modulaires qui furent rapidement testés. En 2000 la Sécurité Civile a successivement évalué à Marseille un Mil Mi 26 russe et un Il-76 (RA-76362), deux appareils très gros porteurs, ainsi qu’un Basler BT-67 (N40386), la version turbinisée du DC-3, chaque appareil ne restant que quelques jours à Marignane. Finalement, c’est l’hélicoptère lourd Erickson AirCrane, version remise à jour de la grue volante Sikorsky S-64 Skycrane/CH-54 Thare capable d’emporter 10 000 litres et de pomper sa charge dans n’importe quel point d’eau qui tire son épingle du jeu en obtenant un contrat de location à partir de 2004. Malgré l’accident mortel du N248AC dès la première saison, en Corse, le contrat a été renouvelé jusqu’en 2008.

Plusieurs AirCrane ont été utilisés en France entre 2004 et 2008. En service en Italie, en Australie et en Amérique du Nord, cet hélicoptère lourd polyvalent semble désormais souffrir de la concurrence de l’arrivée de nombreux CH-47 Chinook sur le marché civil. (Photo : Gary Sissons via Erickson inc.)

En parallèle, en 2003, face à la situation terrible, deux Mil Mi 26 sont dépêchés en renfort pour quelques semaines. Peu manœuvrant, sensibles au vent et avec un souffle rotor puissant, ils n’ont pas laissé un souvenir impérissable aux pompiers des Alpes Maritimes, où ils sont principalement intervenus.

Plus médiatisé, au point que certains se demandent même encore quand est-ce que les avions commandés par la France vont être livrés, alors qu’il n’en est bien sûr rien, le Beriev 200, amphibie à réaction, a été longuement été évalué par la Sécurité Civile. Une première visite en 2003 n’avait pas été très convaincante, l’avion présenté étant encore au stade de prototype. En 2011, l’évaluation s’est étalée sur un mois et l’avion a même été utilisé sur un feu réel avec des pilotes français et russes aux commandes. Cependant, l’appareil, en dépit de qualités réelles, possède aussi certaines lacunes sérieuses . A cette heure, et en dépit d’une relance de la production chez Beriev, rien ne dit que cet avion sera un jour en service dans le sud de la France.

Beriev 200 Marseille Canadair

Le Beriev 200 à Marignane en 2011.

Avec en tête le renouvellement des Tracker, la Sécurité Civile a profité de l’été 2013 pour évaluer longuement les capacités du monoturbine AT-802F dont deux exemplaires espagnols ont été basés à Marignane. Avec une capacité de 3000 litres environ, ces avions semblaient bien calibrés pour pouvoir remplacer les Firecat poste pour poste, mais l’évaluation a démontré que l’appareil était loin d’atteindre les performances du bimoteur Grumman et que le monoturbine n’avait pas les capacités d’un avion d’intervention à vocation nationale. A noter que le département de l’Hérault loue les services de trois appareils de ce type pour la saison estivale et qu’à l’échelle départementale ces appareils rendent de précieux services. Ces deux avions, par leur allure frêle et leur peinture rayée avaient reçu le surnom de « Maya », en hommage à une abeille de dessins-animés bien connue.

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Le AT-802F a été évalué par la Sécurité Civile en 2013 mais n’a pas convaincu. Il est en service à de très nombreux exemplaire dans le monde comme ici avec l’aviation militaire croate.

Après plus de 50 ans d’histoire, la Sécurité Civile française est prête à aborder deux nouveaux chapitres avec la succession du Tracker et surtout le déménagement à Nîmes. Les très nombreux avions et hélicoptères bombardiers d’eau ne doivent pas faire oublier qu’elle exploite aujourd’hui encore une flotte conséquente d’hélicoptères de sauvetage, les fameux EC-145 Dragon et qu’au cours de son histoire, elle a compté dans ses rangs une variété incroyable d’avions destinés aux missions d’évacuation sanitaire, de liaison, de reconnaissance.

La flotte de bombardiers d’eau de la Sécurité Civile ne peut donc, bien sûr, pas se résumer aux seuls Canadair. Aujourd’hui, le matériel qu’elle utilise est bien évidemment le fruit d’une longue évolution, de tâtonnements, d’opportunités économiques ou opérationnelles, d’évaluations réussies et d’autres moins concluantes et tout montre que beaucoup de choix se sont révélés majoritairement opportuns et bien fondés.

(1) La Protection Civile devient Sécurité Civile en 1975. Aujourd’hui, la Protection Civile désigne une association de secouristes bénévoles et n’a aucun lien avec l’ancienne « Protec ».

(2) Le Pélican 49 à la si courte carrière en France, immatriculé alors C-GUKM, car propriété de son constructeur, a volé ensuite pour le compte de l’Ontario avant d’être vendu en Italie. Exploité par la SOREM, ll a été perdu en opération le 10 avril 2007 lors d’un accident à l’écopage sur le lac Durusu près d’Istanbul, l’équipage de trois hommes s’en sortant sans trop de blessures.

 

Article actualisé le 16/11/2021

Retour sur les 50 ans de la BASC en 2013

Le 1er et le 2 juin 2013, cinquante ans et quelques jours après que le premier Catalina bombardier d’eau français a posé ses roues sur la piste de l’aérodrome de Marignane, la Base d’Avions de la Sécurité Civile française célébrait son cinquantenaire au cours d’un weekend mémorable.

La localisation de la BASC sur l’aéroport international de Marseille, avec un plan vigipirate actif, fait qu’il est impossible d’accueillir du public en zone aéroportuaire et donc sur l’emprise de la Sécurité Civile, pour des question autant règlementaires que sécuritaires. Cependant, à l’occasion de cet anniversaire, la base a été autorisée à recevoir ses très nombreux invités sur son terrain, là où les attendait une exposition statique alléchante. Munis de la précieuse invitation nominative, ce sont à bord de navettes que les officiels, les VIP, les anciens de la base, les familles et quelques heureux veinards ont abordé le parking aux « Pélicans. »

A l’intérieur d’une zone, délimitée précisément par des barrières, il était possible d’arpenter librement pour visiter les installations de la base, les ateliers de maintenance ou de rencontrer tout le personnel de la base, affairé à la bonne organisation de l’évènement mais néanmoins disponible.

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Un Catalina, un CL-215 et le Pélican 32 permettaient d’embrasser en un coup d’œil, 50 ans de bombardiers d’eau en France.

Il faut imaginer quelques instants la complexité de l’organisation de cet évènement semi-public sur un parking avions à l’accès très règlementé car situé sur un des aéroports les plus sensibles du pays. Arriver à faire admettre l’accès de quelques centaines d’invités relève alors de l’exploit. Pour faire bonne mesure, l’exposition statique présentée permettait de découvrir les avions aujourd’hui en service, deux légendes immortelles et un candidat à intégrer la flotte. Tous les appareils présentés étaient visitables. Certains ont découvert avec une grande surprise, la technique et la souplesse requise pour accéder au Cockpit du Firecat. Un avion dont l’accès se mérite en effet. D’autres ont découvert l’évolution technique qu’il existe entre le Catalina conçu avant la seconde guerre mondiale et le Q400 de la toute fin des années 90.

Tracker Be200 et Q400

Devant le bâtiment principal, alignés au cordeau, un Q400MR, un Beech 200 King Air et un S2FT Turbo Firecat.

Beech 350

Acheminé par le représentant français de son constructeur, ce Beechcraft 350 King Air postule à pouvoir un jour succéder aux vénérables King Air 200.

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Le CL-415 Pélican 323, premier avion de ce type livré à la France en 1995, faisait sa première apparition publique revêtu de la livrée commémorative du cinquantenaire.

Ce samedi était donc réservé pour la cérémonie officielle qui a débuté par un passage en revue des troupes par les autorités présentes. Il y eut ensuite quelques discours mais nombreux sont ceux qui ont préféré continuer à tourner autour des avions.

Les autorités passent en revue des équipes des Unités de la Sécurité Civile

Les avions de la Sécurité Civile, en formation, s’apprêtent à survoler leur base.

7 des avions de la BASC en formation, un spectacle rare.

C’est ensuite dans le ciel que le spectacle s’est déroulé lorsqu’une partie des avions de la flotte a survolé l’aéroport en formation serrée. En tête se trouvait donc un Q400MR, suivi de près par trois CL-415, constituant le premier box. Le deuxième était dirigé par un Beech 200 accompagné par deux Tracker. Non visible sur la photo, mais un EC-145 « Dragon » était également en vol non loin, afin de permettre à un photographe d’immortaliser l’évènement dans de très bonnes conditions. En dépit d’une météorologie un peu couverte, cette journée n’était qu’un préambule au grand évènement du lendemain.

Le dimanche 2 juin, jour anniversaire, c’est sur l’aérodrome d’Aix-les-Milles, à quelques km au nord de Marseille que le public était invité pour assister au meeting aérien organisé pour commémorer l’évènement. La météorologie ayant décidé de participer au mieux de sa forme, c’est sous un ciel bleu et un soleil éclatant que le public est venu contempler des démonstrations en vol de haute tenue.

La conjonction de « l’anniversaire des Canadair » et celui d’un dimanche ensoleillé a fait que la foule est venu effectivement très nombreuse garnir le bord de la piste d’envol.

La foule se presse le long des barrières, les vedettes du show sont déjà là.

Les plus connaisseurs, les plus habitués et les plus blasés des spotters, ceux qui écument les meeting aériens depuis 30 ans et plus ont tout de suite remarqué que le plateau n’était pas très garni. La preuve en était apporté par le programme des vols où certains avions étaient prévus pour assurer deux présentations au cours de l’après-midi. Cependant, il faut bien dire que ces appareils, dont quelques warbirds, ne manquaient pas d’intérêt.

Sky Fouga

Patrouille combinée Skyraider et Zéphyr. En dépit de leur mode de propulsion fondamentalement différent, les performances pures de ces deux appareils sont bien moins éloignés qu’on pourrait le penser. Et l’un d’eux dispose, en plus, d’une charge utile phénoménale très clairement visible ici.

Bronco Smoke

Le OV-10 Bronco venu de Montélimar fait la démonstration de son système fumigène. Aujourd’hui, des avions du même type continuent d’œuvrer sur feux en Californie, un lien qu’aurait peut-être oublié le speaker si un mauvais esprit ne le lui avait signalé au moment idoine.

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Le Pioneer 300STD, avec son air d’avion de voyage biplace, s’est montré plutôt remuant… pour un ULM !

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Le SNJ-5 F-AZRB se prépare à un passage « tout sorti » !

Mais la thématique voulait qu’un place importante soit laissée à l’évocation des bombardiers d’eau et aux autres aéronefs de la Sécurité Civile, ce qui était assez logique. Déjà présent sur le tarmac de Marignane la veille, le Catalina G-PBYA s’est imposé comme une des grandes vedettes du show. Il faut dire que cet avion, qui fut bombardier d’eau au Canada dans les années 60, effectua deux saisons en Provence, en 1966 et 1967, immatriculé F-ZBBD et connu en tant que « Pélican Bleu ». Aujourd’hui avion de collection et dernier des 9 Catalina à avoir volé au sein de la Protection Civile à demeurer en état de vol, sa venue était simplement indispensable.

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Invité de marque, même VIP, le Catalina du Plane Sailing Air Display venu d’Angleterre revenait voler là où il fut connu un temps comme « Pélican Bleu ».

Le deuxième invité vedette était le CL-215 1038 EC-HEU de la société espagnole Inaer. Bien que l’histoire des CL-215 français se soit terminée un peu tristement, l’avion est clairement celui grâce auquel la légende des pompiers du ciel français s’est construite. Les organisateurs ont eu la chance de bénéficier de la présence du mythique « Canadair » original, alors toujours en service et opérationnel.

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Opéré par une compagnie privée espagnole, ce CL-215 a beaucoup volé au Portugal. Il était alors revêtu d’une très jolie livrée bleue et blanche.

Et, grande idée de l’organisation, un vol du souvenir a été programmé, mettant en scène les deux légendes d’hier et la grande vedette d’aujourd’hui. Pour certains anciens, ce tableau aérien a été une grande émotion,  compréhensible.

défilé souvenir

Les trois légendes de la Sécurité Civile. Il manque peut-être un Tracker à moteurs à pistons et certainement un DC-6 !

Le clou du spectacle est arrivé ensuite, pour clore la journée d’une manière assez intense et inédite. Pour la toute première fois, les aéronefs de la Sécurité Civile se sont livrés à une démonstration de leurs capacités et de leurs rôles respectifs. L’ensemble de la démonstration a duré 45 minutes, impliquant 7 avions, un hélicoptères et quelques pompiers et leurs véhicules spécialisés en feux de forêts. Cette véritable débauche de moyens était au service d’un scénario aussi simple que réaliste : comment, dans quel contexte et avec quelles tactiques les avions viennent-ils à l’aide des sapeurs-pompiers ?

Dans un premier temps, c’est le Beech 200 qui est intervenu. Ce bimoteur, utilisé pour les vols de liaison, est aussi régulièrement employé pour des missions d’investigation. Dans le scénario, un feu était repéré, l’avion venait donc vérifier que l’engagement des moyens aériens était nécessaire.

Tracker Firecat

En service en France depuis 1982, les Tracker sont désormais au crépuscule de leur carrière.

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Avec une capacité d’emport d’environ 3000 litres, le Firecat n’est sans doute pas le plus impressionnant des bombardiers d’eau, mais bien utilisé, il est une arme efficace, et ça fait plus de 30 ans qu’il en fait la démonstration.

Ce sont donc les Tracker qui sont intervenus les premiers. Avec la tactique du Guet Aérien ARmé, ces avions vont patrouiller au-dessus des zones à risque pour intervenir à la détection de la moindre fumerolle. Ce sont les feux naissants qui vont être traités en priorité, ce sont effectivement les Tracker qui vont assurer  cette attaque initiale. Et celle-ci est très souvent décisive, les bilans chiffrés des surfaces brûlées dans notre pays en sont le témoignage années après années.

Avec environ 3000 litres de retardant par avion, les patrouilles de GAAR peuvent parfois ne pas être suffisantes. C’est là que les Q400MR peuvent entrer en scène. Avec un emport de 10 tonnes de retardant (soit environ 9000 litres) et une vitesse de croisière plus élevée, les Dash 8 apportent une capacité d’action rapide ou à longue distance très appréciable. Plus difficile à démontrer sur un meeting aérien, leurs usages en transport de passagers ou de fret en font des avions réellement polyvalents, mais là, leur configuration ne les distingue en rien des autres Q400 des compagnies commerciales.

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Entré en service en 2005, le Q400MR Fireguard apporte une capacité longue distance à la Sécurité Civile, mise à profit depuis pour des missions aussi variées que lointaines, à Haïti, en Russie ou à la Réunion.

Q400 largue

Largage à l’eau pour les besoin de la démonstration, le coût du retardant faisant qu’il est préférable de le garder pour les interventions réelles.

En 2013, la question de la succession des Tracker était sur toutes les lèvres. Aujourd’hui on sait que ce sont des Q400 qui vont prendre la relève des vénérables Grumman, une belle reconnaissance quand on se souvient des polémiques soulevées à l’entrée en service de cette machine étonnante.

Mais ceux que le public attendait avec le plus d’impatience, c’était bien sûr les célèbres Bombardier 415 qu’on continue à appeler Canadair. Trois appareils ont fait la démonstration des largages en noria, utiles pour assommer un feu. Puis avec la participation d’une colonne de pompiers et de leurs véhicules, un dernier passage a permis de simuler un largage dit « de sécurité » destiné à sauver des personnels directement menacés par les flammes.

Dragon et Pélicans

Deux « Pélicans » approchent en patrouille serrée, sous la surveillance d’un « Dragon » en stationnaire chargé de leur montrer l’emplacement idéal pour leur largage.

Canadair GIFF

Une colonne de véhicules feux de forêts s’avance tandis qu’un Canadair approche.

Canadair drop

6 tonnes d’eau s’échappent par les quatre portes de la soute du « Pélican » 45.

Toute la démonstration s’est faite devant un EC-145 de la Sécurité Civile qui tenait ainsi le rôle qu’il tient souvent sur feux, en servant de repère pour les largages des avions. Son pilote a ainsi tenu un stationnaire de plusieurs dizaines de minutes alors que le vent était relativement sensible et la chaleur écrasante. Pour le grand public, ce n’était sans doute pas là l’aspect le plus impressionnant de la démonstration et pourtant, il y avait là du beau pilotage.

A la conclusion de l’exercice, les avions se sont rassemblés et ont défilé une nouvelle fois en formation serrée, ajoutant ainsi une occasion d’immortaliser la flotte de la Sécurité Civile et ses différentes composantes d’un seul coup d’oeil. Une vision rare et définitivement inoubliable.

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défilé cloture

La fête était finie. Les derniers visiteurs ont continué à faire un peu la queue au pied du Pélican 32 pour le visiter. Il n’a d’ailleurs pas désempli de la journée.

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Conseil aux organisateurs de meeting : l’avion décoré, mettez-le en l’air, c’est plus sa place qu’entouré de la foule et de barrières. Pour les visites, n’importe quel autre avion de la flotte fera l’affaire de toute façon !

Et sous une magnifique lumière de fin d’après-midi du sud de la France, les participants ont redécollé pour gagner Marignane, laissant les derniers photographes se régaler !

Depuis le cinquantenaire, la Sécurité Civile semble avoir repris goût au démonstrations publiques. Bien sûr, ses avions étaient présents aux journées porte-ouvertes à Brignoles ou de temps en temps à Nogent le Rotrou, mais ces dernières années, les Canadair, Tracker, Dash et autres Beech ont participé au meeting de la Ferté-Alais, au Salon du Bourget, aux meetings nationaux de l’Air et même au défilé du 14 juillet à Paris. Personne ne se plaindra donc de cette volonté retrouvée de revenir devant le public.

L’année prochaine, la BASC déménagera donc à Nîmes où elle pourra bénéficier d’une emprise propre. Débarrassé des contraintes liées aux opérations de sûreté d’un aéroport international, est-ce que des journées porte-ouvertes pourront être organisées ? Le succès du meeting de 2013 tendrait à démontrer qu’elles seraient, à n’en pas douter, de fabuleux succès publics !

La première pierre de la future BASC de Nîmes a été posée.

C’est aujourd’hui que le Ministre français de l’Intérieur a posé, sur l’aérodrome de Nîmes-Garon, la première pierre, très symbolique puisque les travaux ont commencé depuis plusieurs semaines en réalité, des installations de la future base d’avions de la Sécurité Civile.

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Pose de la première pierre du futur bâtiment de la base d’avions de la Sécurité Civile de Nîmes par M. le Ministre de l’Intérieur le 29 janvier 2016. (Photo J. Bertrand/SC)

Désormais, c’est une course contre la montre qui est engagée car le déménagement de la BASC est prévu pour avoir lieu avant le début de la saison feu 2017. Il y a donc tout juste un peu plus d’un an pour voir sortir de terre ces bâtiments aux lignes modernes qui abriteront les services et les secteurs en charge des opérations et du soutien des flottes de Canadair, Tracker, Dash 8 et des avions de liaison Beech 200. Les avions, eux, seront abrités dans les hangars de l’ancienne base de l’Aéronautique Navale.

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Les travaux ont cependant débuté depuis plusieurs semaines. La course contre la montre est lancée. (Photo J. Bertrand/SC)

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Vues d’artiste de la future BASC de Nîmes. (Sécurité Civile)

Ce sera l’épilogue d’un interminable feuilleton qui a vu ce déménagement être envisagé successivement à Aix-les-Milles, à Salon-de-Provence et enfin, à Nîmes, pour les pistes les plus récentes. La Sécurité Civile va donc abandonner sa base historique de Marseille-Marignane, baptisée « Base Francis Arrighi » du nom de son créateur lors de son cinquantenaire en 2013. Son emprise actuelle, convoitée à la fois par Airbus Helicopters et l’aéroport Marseille-Provence, devrait rapidement être réhabilité.

Il demeure néanmoins plusieurs questions : un pélicandrome, même réduit, sera-t-il conservé à Marseille ? Le déménagement se fera-t-il en une ou plusieurs phases ? Quels développements seront ensuite donné à ce site dont le potentiel est assez important ?

L’actuel ‎Chef du Bureau des Moyens Aériens de la Sécurité Civile a bien insisté, au cours d’interventions précédentes, sur l’orientation européenne de cette base qui pourrait bien devenir centrale pour l’ensemble des unités aériennes de la Sécurité Civile.

Nîmes est actuellement en tête de liste des sites susceptibles d’accueillir au printemps 2017 la conférence internationale Aerial Fire Fighting Europe, il faudra pour cela que la future base puisse déjà accueillir des visiteurs. L’objectif est loin d’être irréaliste en effet.

Une fois bien installée dans ses nouveaux locaux, la BASC pourra ensuite se consacrer à ses activités estivales habituelles et procéder au remplacement progressif des Tracker par un nombre, non précisé encore, de Dash 8Q400MR. Les premiers Tracker seront retirés du service en 2018, le dernier devrait l’être en 2022.

A ce moment-là, une autre question, également extrêmement importante, aura été posée et devra sans doute avoir trouvé une réponse, celle de la succession de l’avion emblématique de la base, le CL-415.

La fin des CL-215 français, histoire d’un presque désastre.

De 1996 à 2004, les CL-215 de la Sécurité Civile retirés du service sont restés pourrir sur la pelouse en face des hangars « Boussiron » de l’aéroport de Marseille-Provence à Marignane. Après la fin de leurs missions au-dessus des feux en Provence, ces bombardiers d’eau se sont retrouvés au cœur d’un imbroglio administratif peu reluisant et aux conséquences cruelles, mais qui, paradoxalement, a permis la conservation de la plupart de ces appareils pour la postérité.

Un retrait de service discret

Le 4 octobre 1996, dans une discrétion toute française, le CL-215 F-ZABY « Pélican 23 », aux mains des deux plus anciens pilotes de la base, Maurice Levaillant et Alain Février, effectue son dernier vol, l’ultime vol d’un CL-215 français. Après 27 ans de très bons et très loyaux services et une carrière de 80 200 heures de vol, 176 138 écopages et 195 706 largages, ces vénérables avions ont été poussés à la retraite par l’arrivée du plus moderne CL-415. Tout au plus, le numéro 23 avait reçu un simple autocollant de l’Amicale des Pompiers du Ciel en guise de décoration spéciale commémorative. Mais des Canadair au Concorde en passant par le dernier atterrissage du B-17 à la Ferté-Alais, nous avons encore bien des leçons à recevoir de nos amis anglais sur la façon de dire au-revoir à nos légendes aériennes.

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Le Pélican 23 a effectué le dernier vol des CL-215 français. (Photo : Oller, collection Marsaly)

Un contrat bien négocié mais…

Le contrat de vente des nouveaux appareils est signé par le Directeur de la  Sécurité Civile le 11 septembre 1991. Il comportait 14 lots pour un montant total de 1 460 867 360 FF TTC. 12 avions à 86,5 millions de FF TTC ainsi que deux lots complémentaires pour provision en cas de modifications importantes et pour l’approvisionnement en pièces détachées. Il comportait une clause de rachat des 11 CL-215 restants par le vendeur à un prix pouvant aller jusqu’à  9 630 000 FF de l’époque.

Ceux-ci, en dépit de leur déjà longue carrière, possédaient encore un potentiel certain. Ils pouvaient être revendus à d’autres opérateurs une fois entièrement révisés ou bien servir pour approvisionner ces mêmes utilisateurs en pièces détachées.

Même sans tenir compte des variations monétaires, de l’inflation et du changement de monnaie, ce prix de 86,48 millions de FF (18,83 millions d’Euros constants) par avion est intéressant à comparer avec les 30 millions $ réclamés pour un Bombardier 415 dans les années 2000.

C’était aussi le premier contrat conclu directement par le Ministère de l’Intérieur pour la Sécurité Civile car les achats précédents l’avaient été par l’intermédiaire de la Direction Générale pour l’Armement (DGA). Il intervenait à un moment propice pour permettre de renouveler les avions alors que la flotte existante n’était pas encore tout à fait à bout de potentiel, lui conservant un intérêt opérationnel, donc financier.

Mais ce contrat, assorti d’un accord de commercialisation en 1993, avait été signé avant même le premier vol du prototype du CL-415 et faisait de la Sécurité Civile le client de lancement du nouvel avion et aucune disposition n’avait vraiment été prise pour faire face aux inévitables problèmes que sa mise au point allait connaître, même si l’avion n’était que dérivé d’un appareil déjà connu et éprouvé.

Et les problèmes sont arrivés, et nombreux. Les CL-415 sont livrés à partir de février 1995. Les premiers vols montrent que l’avion n’est pas aux standards attendus et rencontre des problèmes d’étanchéité de la soute, des vibrations au niveau des hélices et une avionique non conforme.

La défaillance d’un sous-traitant de Bombardier entraîne aussi un important retard pour les livraisons. Celles-ci devaient s’échelonner du 1er mars 1994 au 1er décembre 1996 et elles accusent donc, pour certains appareils, plusieurs mois de retard, ce qui déséquilibre les capacités opérationnelles de la base pour la saison à venir.

Or, comme le contrat le stipulait, ces avions devaient être payés avant livraison.

Le 1er mars 1995, le directeur de la Sécurité Civile prend donc la décision de suspendre les paiements à venir, alors que son administration s’est déjà acquitté de 80% du marché.

Conflit et conséquences

Une négociation s’engage donc mais le prix de reprise des CL-215 fait l’objet d’un débat qui entraîne la nécessité d’une commission arbitrale. Celle-ci tranche en faveur de Bombardier le 30 septembre 1996, statuant que les termes de l’accord de vente de 1993 devaient être respectés. Or, en ce qui concerne la reprise des vieux CL-215, la commission précise que ceux-ci devaient être en état de vol.

Pour cinq d’entre-eux, c’était encore le cas. Le retrait des CL-215 ayant débuté le 8 septembre 1995 avec le « Pélican 28 » et s’achève le 4 octobre 1996 avec le « Pélican 23 ». Donc au moment de l’arbitrage, l’avion retiré du service le premier n’était immobilisé que depuis 12 mois, un temps de stockage encore peu important en fait.

Pourtant la situation reste bloquée et Bombardier semble se désintéresser alors totalement de ces appareils qui sont alors stockés au fur et à mesure en attendant une éventuelle solution. Mais plus le temps passe et plus ces avions vont coûter cher à remettre en état de vol, le cercle vicieux est engagé.

A deux reprises, en juillet et octobre 1997, la Sécurité Civile contacte Bombardier pour confirmer que les avions sont bien à la disposition de l’entreprise canadienne.

Boussiron 4 avril 2002

Les 9 CL-215 restants photographiés le 4 avril 2002.  (photo : Google Earth)

Mais la Sécurité Civile et le Ministère de l’Intérieur ne prennent pas, non plus, vraiment de dispositions pour que ces appareils soient stockés dans de bonnes conditions, pensant sans doute que Bombardier va finir par assurer sa part du contrat et que cette situation ne perdurera pas. Les 11 avions qui avaient été retirés progressivement du service sont donc poussés de l’autre côté des pistes de l’aéroport de Marignane, vers les hangars « Boussiron » (du nom de l’entreprise qui les a bâtis entre 1948 et 1951).

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Le cimetière aux Canadair à Marignane en mai 2000.

Deux rescapés

Début 1999, pourtant, le « Pélican 40 » est sorti du cimetière pour être démonté. Le 12 mai 2000, il embarque à bord d’un cargo qui fait ensuite route vers le Canada. Offert par Bombardier il est exposé aujourd’hui au Canadian Bushplane Heritage Center à Sault-Ste-Marie, dans l’Ontario.

Canadian Bushplane Heritage Centre

Le CL-215 1040 désormais exposé à l’abri du Canadian Bushplane Heritage Center à Sault-Ste-Marie. (photo : CBHC)

En mars 2000, c’est au tour du « Pélican 27 », qui, sous l’immatriculation C-GFNF s’envole pour la Croatie, preuve que le stockage sauvage ne l’avait pas totalement détruit. Il est ensuite utilisé par Buffalo Airways de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-ouest. Vendu en Turquie, il est convoyé en mars 2009, cette aventure faisant l’objet de plusieurs épisodes de la série télévisée « Ice Pilots ». Il vole désormais au sein de la Türk Hava Kurum (THK, association aéronautique de Turquie), immatriculé TC-TKM et demeure le dernier CL-215 à avoir volé sous couleurs française à poursuivre sa mission.

Dans ces deux cas, Bombardier est intervenu et a racheté les deux appareils. Était-ce parce qu’ils étaient moins endommagés que les autres ? Est-ce que ce rachat s’est fait dans le cadre du contrat initial ou par un amendement ? Il reste une zone d’ombre à ce propos.

Car pour les autres avions, c’est le long dépérissement non loin des pistes de Marignane, au grand désespoir de ceux qui savaient que ces avions, en dépit de leurs états de services allant de 6400 à 8300 heures de vol, auraient pu encore servir longtemps, en France mais surtout ailleurs.

En 2001, en raison d’une pénurie temporaire de pièces détachées, des trains d’atterrissages de 215 sont prélevés pour être fixés sur les 415 alors en cours de maintenance pour permettre aux techniciens de continuer leur travail sur un avion reposant sur des roues. De même, certains ballonnets (les flotteurs en bouts d’ailes) sont cannibalisés au profit des nouveaux avions.

Finalement les CL-215 sont confiés à la Direction Nationale d’Intervention des Domaines. Les dégâts occasionnés par le temps et le stockage à l’air libre dans une zone chaude et humide ne permettant plus d’envisager alors une remise en état de vol, en tout cas dans une option économique viable.

Préservation, sauvegarde et couperet

Plusieurs associations de conservation du patrimoine et musées aéronautiques s’étaient inquiétés des ces avions, parmi lesquels le Musée de l’Hydraviation de Biscarosse. Une cession à titre gratuit n’étant pas possible, le ministère de l’Intérieur se déclare prêt à mettre en œuvre des conventions de mise à disposition gratuite aux organismes qui se manifesteront, à la condition que les avions ne soient pas remis en état de vol et gardent leurs marques d’origine.

Seuls deux appareils font l’objet d’une telle convention, les avions n°23, celui du dernier vol, destiné au Musée de l’Air du Bourget, et n°47, destiné au Conservatoire de l’Air et de l’Espace d’Aquitaine (CAEA), de Bordeaux. Il faut noter qu’à cette période, le directeur du Musée de l’Air est également président du CAEA. Le Musée de Biscarosse quant à lui n’a pas réussi à réunir les fonds importants pour le convoyage d’un appareil aussi volumineux.

Le 8 juillet 2004, le sort des sept avions restants est fixé par une vente aux enchères sur appel d’offres. Les avions 21 et 26 sont achetés 18 000 € pièce par les musées de Speyer et Shinsheim, deux musées allemands dont les collections sont d’une richesse assez étonnante. Pour 8 400 €, le « Pélican 46 » est attribué à la commune de Saint-Victoret qui le confie ensuite à l’association « Un Canadair à Saint-Victoret » pour une restauration en vue d’une exposition statique. L’avion est érigé sur sa stèle en février 2005 et inauguré au mois de juin suivant.

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Le Pélican 46 est désormais visible à Saint-Victoret, près de Marignane.

A l’initiative des piliers de l’Amicale des Pompiers du Ciel, deux cockpits complets sont sauvegardés : le cockpit du « Pélican 29 » est tronçonné avant que l’irréparable ne soit commis. Récupéré par les membres de l’association de Saint-Victoret, il a été restauré et il est aujourd’hui visitable dans le gymnase désaffecté, attenant à « Pélican 46 », qui est devenu un petit musée d’aviation fort intéressant et dynamique.

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Le cockpit du Pélican 29, sauvegardé et restauré, désormais visible au Musée de St Victoret.

L’autre cockpit sauvegardé, celui du « Pélican 05 », est aujourd’hui exposé au Musée de l’Hydraviation de Biscarosse.

Les avions 05, 24, 28 et 29 sont attribués à ARCOM, un négociant en matériaux aéronautiques qui revend les pièces encore utilisables à des exploitants de CL-215 comme Buffalo Airways ou Aero Flite. Les avions sont désossés et le 25 octobre 2004 les quatre cellules sont détruites puis les morceaux sont passés au broyeur pour être recyclés.

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En octobre 2004, les CL-215 sont ferraillés en présence de Mickey McBryan de Buffalo Airways, venu récupérer quelques pièces pour les avions de sa compagnie. (Photo B. Servières/Amicale des Pompiers du Ciel)

Le 47 est convoyé par route vers Bordeaux en janvier 2005. Il est exposé depuis dans le hangar de l’association situé sur la Base Aérienne 106 de Mérignac ce qui en réduit l’accessibilité.

Le 23 est acheminé en direction du Bourget à la même époque. Il est immédiatement placé dans les réserves du Musée de l’Air puis entre en atelier en 2007 où il est entièrement décapé et repeint. Il en sort le 29 avril 2009, à temps pour intégrer officiellement les collections du musée le 16 mai suivant, date à laquelle le Musée reçoit également une Alouette III de la Sécurité Civile.

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Le cockpit du « Pélican 23 ». Il n’a pas été vandalisé, il a juste été cannibalisé proprement, mais du coup, il va être difficile de le rendre visitable.

Aujourd’hui, il est enfin possible de tirer les conclusions d’une histoire bien longue, celle des CL-215 français. Sur 15 avions utilisés, 4 ont été accidentés en opération, six sont exposés dans les musées de trois pays (deux en Allemagne, un au Canada, trois en France), deux ont été préservés partiellement et les cockpits sauvés sont également exposés au public. Deux appareils, seulement, ont été intégralement ferraillés et, donc, un seul avion poursuit sa carrière.

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Le « Pélican 23 » désormais exposé au Musée de l’Air du Bourget.

Un mal pour un bien ?

Il y a deux lectures possibles, et néanmoins compatibles entre-elles, de ces évènements.

La première conclusion qui s’impose, c’est que certains de ces avions auraient très bien pu continuer leurs carrières encore longtemps comme le Pélican 27 le démontre depuis, les autres pouvant servir de réserves de pièces détachées. Même si l’intérêt pour le CL-215 a diminué ces dernières années, le prix de ce type d’appareil sur le marché de l’occasion reste élevé, de l’ordre de 2 à 3 millions de Dollars.

CL-215 for sale nov 2015

En novembre 2015, au moins quatre CL-215 sont disponibles à la vente. Notons toutefois que les avions retirés du service de la Sécurité Civile avaient de 6400 à 8400 heures de vol. (Controller.com)

Pour la Sécurité Civile, le lent dépérissement d’une flotte d’avions, certes usés mais parfaitement entretenus jusqu’alors, peut être considéré comme une perte sèche. Le statut ubuesque de ces appareils, pointé comme tel par un rapport de la Cours des Comptes dès 1998, a donc entraîné un immense gaspillage de ressources techniques et financières. La destruction d’appareils rares, capables de poursuivre encore un temps leur mission en étant la conséquence la plus directe.

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Et si les évènements avaient été différents, quelles auraient été les carrières de ces avions abandonnés ?

La situation de blocage dont les CL-215 français ont été victimes a paradoxalement permis leur sauvegarde. C’est le second point de vue qu’on peut adopter sur cette affaire.

Contrairement à d’autres affaires difficiles de fins de carrières d’aéronefs, des dispositions ont été prises à temps pour permettre la conservation de ces avions à long terme ce qui n’aurait effectivement pas été possible si ces appareils avaient été revendus. Car si on considère que deux avions, seulement, ont été entièrement ferraillé, le bilan  patrimonial des CL-215 français est tout simplement excellent avec ces 8 avions préservés entièrement ou partiellement et exposés dans différents musées !

Dans quelques années, c’est le Tracker qui devrait enfin prendre sa retraite, espérons que les leçons du passé servent.

 

 Tableau récapitulatif des CL-215 français (cliquez pour agrandir)

Des pistes pour l’avenir de la flotte aérienne de la Sécurité Civile

Lors de sa visite à Marseille le 25 juin dernier, le Ministre de l’Intérieur a fait trois annonces majeures pour l’avenir de la BASC devant une délégation de personnels de la base.

La première est donc liée au remplacement des 9 Tracker. Avec une mission vitale, le Guet Aérien Armé (GAAR), leur fin de carrière prévue pour la fin de la décennie (un joli score pour des avions construits au milieu des années 50) constitue un des dossiers majeurs pour la Direction de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises et de son ministère de tutelle. Après l’évaluation, non concluante, des monoturbines AT-802F au cours de l’été 2013, aucune piste ne voyait vraiment le jour alors que l’échéance approche inexorablement.

Selon le Ministre, la succession des Tracker se fera par une augmentation des deux autres flottes de la Sécurité Civile, les Bombardier 415 et les Q400MR, ces derniers pouvant reprendre à leur compte les missions de patrouilles aériennes au-dessus des zones à risque avec une capacité d’emport augmentée – avec 10 000 litres de charge utile, le Dash emporte presque trois fois plus qu’un Tracker – et à une vitesse supérieure. Il confirme ainsi ce qu’il avait annoncé lors de sa précédente visite à Marignane fin juillet 2014 où il avait confirmé la doctrine de la Sécurité Civile, l’attaque des feux naissants, domaine où le GAAR est sans rival.

Tracker Firecat

La succession du Tracker Firecat se précise enfin. Mais les bons avions sont toujours difficiles à remplacer.

Cette solution est somme toute assez logique et faisait déjà plus ou moins l’objet de rumeurs comme nous le signalions le 12 juin.  Il reste néanmoins un « mais » d’importance. à 30 millions d’Euros l’avion (environ), on est loin de la solution économique qu’a constitué le Tracker au début des années 80 (*). A l’heure où le Cal Fire va relancer la transformation de S-2E/G en S-2T, on pourra continuer à regretter que le Tracker n’ait pas été remplacé par un autre Tracker plus performant.

L’augmentation de la flotte de Canadair est aussi un autre problème puisque le constructeur Bombardier est arrivé au bout de son carnet de commandes et a annoncé mettre sa ligne de production en sommeil. Selon nos informations, la chaîne de production ne reprendra que lorsqu’une dizaine d’appareils auront été commandés. Est-ce qu’un commande française pourrait alors participer à la relance de cette production ? Rien n’est moins sûr.

Car ces idées ne sont que des pistes. Bien sûr, un chiffre de quatre nouveaux Q400MR a été avancé de façon officieuse, de même que celui de deux Canadair supplémentaire. Le Ministre a cru bon ajouter que ces chiffres pourraient être inversés, soit 4 CL-415 supplémentaires et seulement deux Dash supplémentaires. Il faut espérer que ce soit la première option qui prenne le pas tant la mission du GAAR, telle qu’elle est pratiquée depuis plus de 30 ans dans notre pays, s’est montrée terriblement efficace et particulièrement économique qu’elle se doit de rester une priorité. Ces chiffres restent donc des « ordres d’idées » et aucun calendrier n’a été avancé tant qu’un budget n’aura pas été validé par le Ministère des Finances. Et dans la situation économique actuelle, des arbitrages peuvent s’avérer cruels.

Tracker Be200 et Q400

Tracker, Beech 200 et Q400MR, des avions sous les feux de l’actualité.

Mais ces annonces constituent un net progrès par rapport au flou artistique qui régnait jusqu’alors sur ce dossier et ainsi se dessine le profil de la flotte qui opérera à partir de Nîmes-Garons dans quelques années. Car l’autre dossier majeur sur la table du Ministre et du Directeur de la Sécurité Civile, depuis son annonce officielle en 2012, c’est effectivement ce déménagement qui est désormais prévu pour le printemps 2017. Des images d’artiste sur cette future base « au profil européen » selon Victor Devouge, Chef du Bureau des Moyens Aériens de la Sécurité Civile, commencent à circuler mais beaucoup de travail reste à effectuer.

BASC

Un Canadair devant sa base à Marignane, une image qui doit entrer bientôt dans l’histoire.

La troisième annonce concernait le recrutement de quatre nouveaux pilotes d’ici la fin de l’année afin de ramener les effectifs à leur minimum opérationnel de 76 pilotes. Reste à savoir sous quelle forme ce recrutement va avoir lieu car au moins deux des derniers pilotes recrutés en classe B (co-pilotes en CDD de 3 ans renouvelable une fois) avaient en fait, par leurs expériences d’une vingtaine d’années dans l’aviation de chasse ou de transport, des profils de pilotes classe A (pilotes à vocation commandants de bord en CDI).

Il faut noter aussi qu’un autre dossier sensible a trouvé son dénouement puisqu’après des mois de tractations, l’industriel Sabena Technics, situé à Nîmes-Garons lui aussi, s’est vu notifier la prolongation de son contrat pour l’entretien de la flotte de la Sécurité Civile pour une durée de 9 ans plus 5 autres en option, alors que la Sécurité Civile avait décidé d’y mettre fin prématurément il y a deux ans. C’est la fin d’une affaire compliquée aux nombreux rebondissements qui n’a pas été sans conséquence sur la disponibilité des bombardiers d’eau français au cours de la saison précédente.

Un dernier sujet reste désormais en suspend, celui du remplacement des trois Beech 200 King Air, utilisés pour les liaisons mais aussi pour les missions d’investigation sur feux et qui commencent à accuser leur âge. Même si le Pilatus PC-12 avait été envisagé il y a quelques années, de même que le Beech 350, solutions désormais abandonnées, il semble qu’on se dirige désormais vers un remplacement par d’autres Beech 200, neufs – puisque l’avion est toujours en production – ou d’occasion mais équipés de moyens d’observation TV et IR. Mais avec les dépenses prévues à brève échéance, il va falloir que les équipages et les équipes techniques soient très précautionneux avec les trois vieux King Air tant leur remplacement est loin d’être prioritaire.

Beech 350

Pour les 50 ans de la BASC, le représentant français de Beechcraft avait exposé un superbe Beech 350 comme remplaçant possible des Beech 200, en pure perte semble-t-il.

Avec les contrats d’entretien signés, la confirmation du calendrier du déménagement et une ligne directrice intéressante pour son évolution, le profil de la flotte de la Sécurité Civile à l’échéance 2020 apparaît désormais plus clair, ce qui va permettre aux équipages de se consacrer à leurs missions quotidiennes déjà harassantes.

(*) Des sources indiquent que les 12 premiers Tracker ont été achetés auprès de Conair pour 1,5 fois le prix d’un CL-215 neuf.. 33 ans après, on ne peut que se féliciter de cette bonne affaire qui a été l’une des meilleures de toute l’histoire de l’aéronautique française !