Les 19 Firecat de la Sécurité Civile française

Entré en service comme bombardier d’eau en 1982 pour la Sécurité Civile, le Grumman Tracker, dans ses versions Firecat et Turbo Firecat, a officiellement terminé sa brillante carrière française en 2020 après 37 saisons passés à défendre les forêts du sud de la France. Au cours de ces presque quatre décennies, 19 avions différents ont été utilisés, les voici :

Le secteur Tracker, au petit matin, à Nîmes.

T01, le pionnier

CS2F-2 DH57

Le premier d’entre-eux, T01, a connu une histoire extraordinaire. Il est construit par De Havilland Canada dans son usine de Downsview à Toronto en 1958.

En service dans la Royal Canadian Navy, Il est modifié comme avion de développement pour la version CS2F-3. Il fait partie des 10 premiers avions de ce type retirés du service à la toute fin des années 60. En septembre 1970, il est revendu à l’Ontario Ministry of Natural Resources qui le confie à la société Field Aviation pour conversion à la lutte anti-incendie. Immatriculé CF-OPZ, il est le premier avion de ce type à devenir bombardier d’eau.

Le CF-OPZ au Canada, muni de sa soute, en 1971. (Photo : L. Alexander)

Après avoir servi pour le développement et la promotion du Tracker de lutte anti-incendie, il est mis en service comme Tanker 59 dans l’Ontario et opère sur les feux canadiens jusqu’en septembre 1977. Arrêté de vol, il est vendu à Conair qui le transforme en Firecat pour le compte de la Sécurité Civile. Sous ce nouveau standard, il arrive à Marignane en mai 1982 en tant que T1, en même temps que le T2, inaugurant ainsi le secteur Tracker. Il est immatriculé F-ZBAZ.

En septembre 1994, il traverse à nouveau l’Atlantique pour débuter son chantier de turbinisation chez Conair dont il revient en tant que T01 début juillet 1995.

Le 10 août 1998, juste après le décollage, il est victime d’un blocage de la SERA (1), ne laissant à son pilote, Alain Huet, que le choix de l’atterrissage forcé, dont il se sort indemne. L’avion est stocké à Marseille puis transféré par route en juin 2000 à Nîmes chez AOM Industries, où il est réparé. Il reprend le service en 2001.

L’ancêtre de tous les Tracker de lutte contre les feux de forêt en action lors de la JPO de l’IIUSC1 de Nogent-le-Rotrou en juin 2010.

Le F-ZBAZ est resté opérationnel jusqu’en décembre 2019, ayant été, avec T20, l’un des deux avions autorisés à reprendre l’air en novembre après l’accident du T12 à Béziers qui entraîne quelques semaines plus tard la retraite anticipée de la flotte. Ironie de l’histoire, le premier de tous les Tracker de lutte anti-incendie, le premier Tracker français fut aussi l’avion du dernier vol.

Il termine son histoire opérationnel avec environ 12 000 heures de vol (*). Il est transféré aux Ailes Anciennes de Toulouse pour exposition statique à Blagnac en septembre 2023. .

T2

CS2F-1 DH32

Il est construit par De Havilland Canada en janvier 1958 et entre en service dans la Royal Canadian Navy. Il est transféré au Maritime Command des Forces armées canadiennes en juin 1970. Il est désigné alors CP-121 et reçoit l’immatriculation 12133 puis 1533. En 1972, il est transféré au Ministère des Ressources Naturelles de l’Ontario et il est modifié par Field Aviation. Il entre en service comme Tanker 56, immatriculé CF-OPW. Il est racheté en 1980 par Conair après l’arrêt des Tracker de l’Ontario.

Transformé en Firecat, il est livré à la France en mai 1982, en même temps que T1 mais très peu de temps après son entrée en service, le 16 juin, il est victime d’un grave accident au décollage à Marseille. Juste après la rétraction du train, l’avion s’enfonce et se « vautre » sur la piste. L’équipage composé de Jean-Louis Delaunay et de Daniel Gaby est sain et sauf. L’avion est réparé et reprend son service après 4 mois de chantier.

A Marignane en octobre 2005, le dernier des « pistons » a encore une saison à faire.

Il demeure, à partir de 1998, le dernier avion à moteurs à pistons de la Sécurité Civile. A la  fin de sa carrière il est essentiellement considéré comme un avion de renfort et on lui confie régulièrement des mission de PC aérien.

Il effectue son dernier vol aux mains de Jean-Louis Meyer, pilote, et de Bernard Servières, mécanicien navigant, le 25 septembre 2006. Il compte alors 8 629 heures de vol dont 4 671 depuis sa transformation en bombardier d’eau.

Le 30 novembre suivant, il est acheté aux Domaines par la mairie de Saint-Victoret pour les collections du musée aéronautique de la ville qu’il intègre quelques semaines plus tard. Exposé à l’intérieur jusqu’en 2018, il est présenté désormais près du Pélican 46 à l’extérieur du musée. Nous espérons qu’il puisse retrouver rapidement une place bien à l’abri.

T2, impeccable dans son musée à Saint-Victoret en 2017. Il est exposé depuis à l’extérieur, solution qu’on espère temporaire.

T3

CS2F-1 DH29

Il sort de l’usine de Downsview à Toronto en novembre 1957 et intègre la Royal Canadian Navy qu’il sert jusqu’en novembre 1970 date à laquelle il est retiré du service.

Il est très vite revendu à l’Ontario Ministry of Natural Resource et modifié pour la lutte anti-incendie par Field Aviation. Immatriculé CF-OPT, il devient Tanker 53 jusqu’à l’arrêt des Tracker de l’Ontario en 1979. Au cours de cette période il aurait essentiellement servi de réserve de pièces détachées.

Il est vendu ensuite à Conair en 1980 pour être converti en Firecat. Il est livré ensuite à la Sécurité Civile en juillet 1982.

Le 24 septembre 1990, au cours d’une intervention près de Galéria, en Corse, il s’écrase entraînant la mort de son pilote Philippe Gallet.

T4

S2F-1 BuNo 136504

Sorti de l’usine de Bethpage en janvier 1958 il intègre l’US Navy. Il est modifié ensuite en US-2A de liaison. Il est retiré du service et placé en stockage longue durée en octobre 1980 à Davis-Monthan. Il en ressort deux ans plus tard, revendu à Conair.

Il est livré à la Sécurité Civile en juin 1983 en tant que T4 F-ZBEG. Le 4 septembre 1985, alors qu’il décolle de Carcassonne, François Peter perd la roue gauche, ce qui l’oblige à se poser sur le ventre, sous la protection des pompiers. L’avion est endommagé mais réparé rapidement.

Le T4 F-ZBEG au milieu des années 80.

Le 18 juin 1989, alors en mission GAAr, le T4 touche une crête près de Saint-Martin-Vésubie et s’écrase, tuant son pilote Christian Lallement.

T5

S2F-1 BuNo 136451

Ce Tracker dont la construction s’achève en février 1956 intègre les flottilles de l’US Navy. Il est modifié ensuite en US-2B de liaisons et affecté à la VT-28 de la base d’Oceana puis on le retrouve affecté à Naples en 1971 puis à Rota, en Espagne, en 1976. Il est placé en stockage à Davis-Monthan en octobre 1980 mais il est très rapidement revendu à Conair.

Le Firecat T5 au cours de sa courte carrière française (1983-1989).

Il est livré en France en tant que Firecat T5 en juin 1983, immatriculé F-ZBEH.

Il est racheté par Conair en mars 1989. Il devient le T74 C-FEFK et opère ensuite au Canada parmi les autres avions de ce type exploités par la compagnie canadienne jusqu’en juillet 2012. Retiré du service, il est stocké en plein air à Abbotsford.

T6

S2F-1 BuNO 136448

Ce S2F-1  sort d’usine en février 1957 et intègre l’US Navy. On le retrouve modifié en US-2B à Jacksonville où il sert jusqu’en août 1981, date à laquelle il est convoyé jusqu’à Davis-Monthan. En juin 1982, il est acheté par Conair.

Un peu plus d’un an plus tard, devenu le Firecat T6, il est livré à Marignane en juillet 1983. Il est immatriculé F-ZBEI.

Le T6 à Marignane.

Le 20 août 1985, Michel Brousse et Charles Daussin, à l’issue d’une mission GAAr, sont en finale sur Marseille lorsqu’un feu est signalé près de Gignac à deux minutes de vol. La soute encore pleine de retardant, ils proposent leurs services et se déroutent immédiatement. L’avion s’écrase à proximité de la ville, peut-être à la suite d’une panne de carburant. Son équipage est tué.

T07

S2F-1 BuNo 136491

Le T07 est sorti de l’usine Grumman de Bethpage sur Long Island en juillet 1957. Sa carrière militaire s’étale jusqu’en 1973, date de son arrivée pour stockage à Davis- Monthan AFB dans le désert de l’Arizona.

Il est ensuite vendu à Conair, en 1983, qui le transforme en Firecat avant de le livrer à la Sécurité Civile en juillet 1984 comme T7. En octobre 1995, à l’issue de la saison des feux, il est convoyé vers le Canada pour être converti en Turbo Firecat. Le chantier effectué, il est de retour à Marignane en juillet 1996 et devient T07, toujours immatriculé F-ZBEY.

T07 à la Ferté-Alais 2015

En 2012, le T07 est choisi pour porter la livrée spéciale commémorative des 30 ans du Firecat en France, décoration qu’il porte toujours. Il termine sa carrière en septembre 2019 à environ 16 000 heures de vol. Il est destiné à être exposé à Aubenas, près du pélicandrome de l’aérodrome de Lanas, à l’initiative de l’association SOS Tracker 07.

T8

S2F-1 BuNo 136409

Sorti d’usine en mai 1957, on le retrouve comme S-2B à la VS-32 puis, en 1978, il est devenu US-2B affecté à la base de Glenview. Retiré du service, il est placé en stockage à Davis-Monthan en novembre 1980 où il est racheté par Conair.

Modifié en Firecat, il est livré à la Sécurité Civile en juillet 1984 comme T8 et immatriculé F-ZBEZ.

Le T8 à Marseille.

Le 23 juin 1987, alors qu’il participe à un exercice avec des pompiers près de la Roque d’Anthéron, il touche un arbre et s’écrase sans laisser la moindre chance de survie à son pilote Marc Favallelli.

T11 « Miss T11 »

S2F-1 BuNo 136712

Construit en novembre 1958, il vole pour la VS-29 affectée à l’USS Kearsarge. il est ultérieurement modifié en TS-2A puis US-2B, c’est à dire une version dont les équipements militaires ont été déposés, permettant d’installer 4 à 5 sièges dans le compartiment arrière pour des missions de liaisons. Il est affecté à la base de Whitbey Island puis à celle de Moffett Field près de San Francisco avant de voler, à partir de 1977, avec la VX-4.

Il est stocké à partir de juin 1979 à Davis-Monthan. C’est là qu’il est récupéré par Conair qui le rapatrie pour en faire un Firecat. Il est livré à la Sécurité Civile en mai 1987 et devient le T11.

T11 avant de devenir un Turbo-Firecat.

Le 13 avril 1992 lors de sa course de décollage à Marignane, Charles Marchioni est victime d’une très rare collision ovine dont l’avion sort indemne. On déplore cependant le décès de l’agneau qui divaguait sur l’aérodrome, tué sur le coup.

Au mois de septembre suivant, T11 s’envole à son tour pour le Canada et en revient avec des PT-6 en juillet 1994.

Le T11 en vol, une image désormais historique.

Le F-ZBEW a arboré quelques années un petit nose art « Miss T11 ». Il est le premier Turbo Firecat arrêté de vol et mis à la retraite en octobre 2018. Il a accumulé lors de ses différentes carrières environ 17 000 heures de vol. Il est partiellement démantelé car devait partir au Camp des Garrigues pour servir de cible sur le champs de tir (!!). L’arrêt des vols du type en 2020 semble avoir modifié singulièrement son destin car finalement l’appareil va servir de cellule d’exercice pour les pompiers de l’aéroport de Nîmes.

T12

S2F-1 BuNo 136658

Construit en avril 1957, ce Tracker intègre l’US Navy. On le retrouve affecté à la VS-29 du groupe embarqué CVSG-53 du porte-avions CVS-33 USS Kearsage entre 1960 et 1963 notamment. Il termine sa carrière dans le désert de l’Arizona, à Davis-Monthan, en stockage longue durée, c’est là qu’il est acquis par Conair au cours des années 80.

Le futur T12 en décembre 1962, alors qu’il était un banal S-2A de la VS-29 ! (Photo US Navy via René J. Francillon)

Modifié en Firecat, il est livré à la Sécurité Civile en juin 1987, immatriculé F-ZBDA, indicatif T12. Il retourne chez Conair à partir de septembre 1991 et revient remotorisé au début du mois de septembre 1992 en tant que T21, mais pour éviter les doublons avec le CL-215 Pélican 21 alors encore en service, il redevient T12.

T12 au largage pour la répétition du meeting des 60 ans du GHSC à Nîmes en octobre 2017.

Immatriculé F-ZBAP, il reste opérationnel jusqu’au 8 septembre 2019. Ce jour-là, il est victime d’une rupture de son train d’atterrissage à la sortie du pélicandrome de Béziers. Cette défaillance met à jour un problème majeur de vieillissement et de criques des trains des Tracker qui entraîne quelques semaines plus tard leur retraite anticipée. L’appareil, qui compte 17 000 heures de vol, a été partiellement démantelé. Il est demeuré à Béziers quelques mois avant d’être transféré à Nîmes par la route. Il est destiné à rejoindre l’école des sapeurs-pompiers du SDIS 13 à Velaux.

T15

S2F-1 BuNo 147559

Le S2F-1 futur T15 est sorti d’usine en novembre 1959. En 1966, il est devenu US-2A, c’est à dire que son compartiment tactique a été vidé pour lui permettre de transporter du matériel, il est affecté à la base de Willow Grove. On le retrouve ensuite dans l’US Marines Corp, sur la base d’Iwakuni au Japon. Il termine sa carrière à Alameda, près de San Francisco puis il est placé, en 1981, en stockage longue durée à l’AMARC de Davis-Monthan.

Il en ressort dès 1985, racheté par Conair. Une fois converti en Firecat, il est livré à la Sécurité Civile en juillet 1987. Il repart pour le Canada début septembre 1988 et il revient avec ses PT-6 en juillet 1989.

Le 11 septembre 2001, Régis Huillier le pose train rentré sur la piste de Cannes. Après changement des moteurs et des hélices, l’avion s’envole pour Nîmes, quelques jours plus tard, pour un chantier de réparation plus complet.

Le T-15 sur le parking à Marseille en 2008.

Le T15 F-ZBET est resté opérationnel jusqu’en septembre 2019. Il a atteint le seuil respectable de 15 000 heures de vol. Il est attribué à l’Amicale Alençonnaise des Avions Anciens le 24 août 2023. Dans l’objectif de le faire voler au titre de l’aviation de collection, sous l’immatriculation F-AYFT, les turbines du T15  ont été remises en route à Nîmes au début du mois de septembre 2023. Le premier vol de contrôle est effectué à Nîmes le 10 octobre 2023 et l’appareil est alors immatriculé provisoirement F-WYFT.

T16

S2F-1 BuNo 136510

Il sort d’usine en juillet 1956 et intègre l’US Navy. Il est racheté par Conair en 1984 et transformé en Firecat. Il intègre alors la flotte Conair et vole en tant que Tanker 70 à partir de 1985 au Canada. Il est ensuite transformé en Turbo Firecat et livré à  la Sécurité Civile en août 1988 comme T16, immatriculé F-ZBFO. Il est le premier Turbo Firecat à rejoindre ainsi la France.

Il est perdu le 25 août 1996 en Corse lorsque son pilote, Jean-Marc Aubouy, se fait piéger dans le relief après un largage.

T17

S2F-1 BuNo 136747

Achevé en janvier 1959 il entre en service dans l’US Navy.

On le retrouve modifié en TS-2A en 1965 sur la base d’Alameda avant qu’il ne soit encore transformé en US-2A. Il est retiré du service et placé en stockage à Davis-Monthan en 1971. Il est alors attribué au CDF avec l’immatriculation N437DF mais n’est pas converti en Tanker.

Il est racheté par Conair dans les années 80. Modifié directement en Turbo Firecat, il est livré à Marseille en juillet 1989 comme T17, immatriculé F-ZBFE.

Il est perdu le 20 août 2005, avec son équipage composé de Régis Huillier et Albert Pouzoulet, lors d’une intervention à Valgorge en Ardèche.

T18

S2F-1 BuNo 136474

Construit en 1956, il opère notamment pour la VS-33. En 1967, il est modifié en avion d’entraînement TS-2A puis on le retrouve en US-2A de liaison pour la base d’Oceana. Il est retiré du service et stocké à Davis-Monthan à partir de février 1970.

En 1974, il fait partie des avions attribués au CDF pour lequel il reçoit l’immatriculation N421DF mais reste stocké jusqu’à son achat par Conair. Il est converti directement au standard Turbo Firecat et livré à la Sécurité Civile en juillet 1990.

Le T18, peu de temps après sa livraison en France.

le 19 septembre 1990, il est posé sur le ventre à Bastia par Charles Marchioni à l’issue d’une intervention. L’avion est remis sur son train et s’envole après changement de moteurs et des hélices pour un complément de réparation à Marseille.

Le 19 juin 1996, alors qu’il est confié à Eurocopter pour maintenance, il est détruit par un incendie causé par un court-circuit près d’une fuite d’un circuit hydraulique alors que l’avion est remorqué sur un parking. En dépit de l’intervention des pompiers qui parviennent à circonscrire l’incendie au seul compartiment d’accès, l’avion est déclaré irréparable. Eurocopter, à titre du dédommagement, finance alors l’acquisition du T77,  livré au mois d’août suivant et qui devient ensuite le T23.

T19

S2F-1 BuNo 136717

Ce S2F-1 est livré à l’US Navy. Il est transformé en US-2A et affecté à Willow-Grove en 1975. Il est retiré du service et placé en stockage à Davis-Monthan en 1980.

Il est racheté par Conair en 1985 et modifié en Firecat. Il est livré à Marseille en juillet 1986 sous l’indicatif T10, immatriculé F-ZBBL

Le futur T19 a commencé sa carrière comme T10.

Il retourne chez Conair en 1990 pour être modifié en Turbo Firecat, chantier dont il ressort en juin 1991 comme T19.

Le T19 à Marignane en 2001.

Il est détruit le 19 juillet 2005 lorsque Patrick Calamia touche la cime d’un arbre masquée par la fumée lors d’un feu près de Taradeau dans le Var. Miraculeusement, le pilote sort vivant et indemne de la carcasse de son avion et échappe au feu tout proche.

légèrement au nord-est de la forêt brûlée, la petite clairière causée par le crash du T19 est encore bien visible en août 2006. (Google Earth)

Le T19 avait 12 445 heures de vol.

T20

S2F-1 BuNo 136501

T20 est construit en septembre 1957. Il est pris en compte par l’US Navy et vole pour l’escadrille VS-31 au sein du CVSG-52 de l’USS Wasp. Il est ensuite converti en avion d’entrainement TS-2A puis en US-2A et utilisé sur la base de Monterey avant d’être placé en stockage à l’AMARC de Davis-Monthan en 1974.

Il est attribué ensuite au California Department of Forestry avec l’immatriculation N435DF. L’avion aurait été acheminé jusqu’à Fresno (CA) dans l’attente d’une éventuelle conversion, mais il est revendu à Conair vers 1985. Il est livré à la Sécurité Civile une fois modifié en Turbo Firecat en juillet 1991. Il devient le T20 et il est immatriculé F-ZBEH.

Le T20 se présente au pélicandrome de Marignane en 2005.

Il est opérationnel jusqu’en 2019. Après l’arrêt des vols consécutifs à l’accident du T12 à Béziers, il est, avec le T01, l’autre Tracker autorisé à reprendre ses missions le 25 novembre ce qu’il fait jusqu’en décembre et l’arrêt définitif des opérations aériennes du secteur Tracker.

Il a accumulé un total d’environ 13 000 heures de vol. Désormais arrêté de vol, l’appareil devrait rester à Nîmes où il pourrait être exposé comme stèle à l’entrée de la base.

T22

S2F-1 136547

Il sort de l’usine Grumman en juin 1958. Il est utilisé par différentes flottilles de lutte anti-sous-marine jusqu’en 1967 où il est transformé en avion de transport US-2A et affecté à la base de Pensacola jusqu’en 1974. Il est retiré alors du service et convoyé jusqu’au désert de l’Arizona. C’est là que Conair l’achète en 1985.

Transformé en Firecat, il arrive à Marignane en juin 1987 comme T14. Il retourne au Canada mi-septembre 1992 pour sa conversion en Turbo Firecat. Il est de retour à la BASC en juillet 1993 mais sous le nouvel indicatif T22.

T22 au largage lors du meeting d’Aix les Milles en juin 2013 organisé pour les 50 ans de la BASC.

Le 2 août 2019, le T22 est victime d’un accident au cours d’une intervention à Générac dans le Gard, tuant son pilote Franck Chesneau. L’avion avait accumulé environ 15 000 heures de vol au cours de sa carrière.

T23 « Garfield »

CS2F-2 DH94

Il construit par De Havilland Canada à l’usine de Downsview en mars 1958. Il est ensuite converti en CS2F-3. Il est opérationnel au sein de la Royal Canadian Navy jusqu’en juin 1970, date à laquelle il est transféré au Maritime Command des Forces armées du Canada où il est redésigné CP-121 Mk.3.

Le DH94 en août 1986 lorsqu’il était le CP-121 Mk 3 12195 des Forces Armées Canadiennes. (Coll. René J. Francillon)

En 1987, alors au Maritime Reconnaisance Squadron MR880, il reçoit une livrée spéciale pour commémorer les 30 ans du CS2F au Canada.

Le DH94 en 1987, survolant Toronto et la célèbre Tour CN. (Photo : Forces Armées Canadiennes)

Il est retiré du service en mars 1990 pour être acquis par Conair deux ans plus tard et devenir le Turbo Firecat Tanker 577 C-FKUF. Il entre alors en service au Canada et pourrait être le seul Turbo Firecat a avoir été exploité sur feux par Conair.

Il est livré à la Sécurité Civile en août 1996 comme T77. L’acquisition de cet avion a été financée par Eurocopter pour compenser la perte du T18 lors d’un incendie en cours de maintenance le 18 juin précédent. En 1997, il change d’indicatif pour devenir le T23.

Le T23 au départ d’Aix les Milles en 2013.

Le F-ZBCZ. porte sous la vitre du cockpit un petit nose art représentant le chat Garfield avec un casque de pompier sur la tête et une lance à incendie dans les mains.

Il est arrêté de vol en septembre 2019 et affiche quelques 19 000 heures de vol. Il sera transféré au Lycée Frédéric Mistral de Nîmes où il servira de support pédagogique pour les filières aéronautiques.

T24

S2F-1 BuNo 136552

Ce S2F-1 sorti d’usine en janvier 1957 est affecté à la base de Willow-Grove avant d’être transféré chez les Marines à Quantico. En décembre 1980, il intègre les réserves stockées à Davis-Monthan. En 1984, il est revendu à Conair pour une conversion au standard Firecat.

Il est convoyé jusqu’à Marignane où il arrive en juin 1985 en tant que T9 F-ZBEX.

Le 24 février 1988, l’avion, avec à bord un équipage composé de Marc Foyet et Christian Le Flanchec est lourdement endommagé en Corse après avoir heurté une ligne à haute tension. Le fuselage lacéré mais les moteurs encore tournants, l’équipage parvient à le poser en urgence à Bastia. L’avion est réparé.

Il retourne à Abbostsford en septembre 1998 pour sa remotorisation, mais il ne revient qu’en juillet 2000, devenu le F-ZBMA T24.

Le T24 porteur de la livrée commémorative de 2002. (Photo CEIPM)

En 2002, il est choisi pour recevoir la décoration spéciale commémorative des 20 ans du secteur Tracker qu’il garde relativement peu de temps.

T24 à Marignane en 2005.

En 2018, le T24 affichait un total respectable de 16 000 heures de vol. Il reste opérationnel jusqu’en septembre 2019 et l’arrêt des vols consécutifs à l’accident du T12 à Béziers.

Il est attribué à l’Amicale des Pompiers du ciel qui entend l’exploiter comme avion de collection en collaboration avec le Musée Européen de l’Aviation de Chasse de Montélimar.


A l’heure du bilan

En achetant ses premiers Firecat en 1982, la Sécurité Civile faisait une affaire puisqu’elle doublait sa flotte d’avions de lutte anti-incendies pour un montant raisonnable. Néanmoins les chantiers de remotorisation puis le plan 20/20 ont fait qu’au final, des sommes importantes ont été investies dans la flotte des Firecat et Turbo Firecat. Mais, et ce n’était pas l’objectif initial, la présence de cet avion rapide, à l’heure de vol peu couteuse, a permis de mettre en œuvre une tactique sur laquelle aujourd’hui la sécurité civile continue de s’appuyer, le guet aérien armé (GAAr) permettant de combattre efficacement les feux naissants.

Bien sûr, de trop nombreux drames ont émaillé cette histoire mais ils ne doivent pas faire oublier à quel point cet avion, né pour traquer les sous-marins russes depuis  les porte-avions d’escorte de l’US Navy, s’est approprié avec succès cette nouvelle mission, signe de ses grandes qualités.

L’histoire opérationnelle du Tracker est donc terminée en France. Après trois longues années de stockage, les appareils vont donc rejoindre leurs destinations finales et être ainsi préservés. Tous ne seront pas accessibles au public mais l’essentiel est qu’il ne subiront pas le triste sort qui avait été réservé aux CL-215. Surtout, deux d’entre eux, le T15 et le T24 vont être préservés en état de vol et rapidement devenir des vedettes de meetings aériens.

Cet article est un complément au dossier paru dans le numéro 585 d’août 2018 du magazine Le Fana de l’Aviation.

*) : toutes les heures de vols données dans cet article sont les heures de vol effectuées au sein de la Sécurité Civile.

1) : Single Engine Rudder Assistance. Compensateur additionnel de dérive qui permet de maintenir l’avion pilotable avec un moteur en panne.

 


On discute Tracker sur le plateau de #Jumpseat ce 12 septembre 2023.


Bernard Servières, mécanicien navigant à la Sécurité Civile de 1980 à 2006 et pilier de l’Amicale des Pompiers du Ciel a été l’auteur principal du livre Des Pélicans et des Hommes, lequel est une des sources principales de cet article.

Il m’ouvrit les portes de la Base de Marignane au début des années 2000 et fut, à de nombreuses reprises, d’une aide inestimable pour mes travaux sur l’histoire des bombardiers d’eau français.

Bernard nous a quitté brutalement en février 2018. Cet article consacrés aux Firecat, sur lesquels il a volé une décennie, est donc dédié à sa mémoire.

Un grand pilote doit pouvoir s’appuyer sur un grand mécanicien navigant, c’est ce que Jean-Louis Meyer (à droite) fait sur cette photo, prise à l’issue du dernier vol de T2 en 2006, qui fut aussi le dernier vol de Bernard Servières, à gauche. (Photo David Bouissou)

Article mis à jour le 21 août 2018, le 4 août 2020 puis le 16 septembre 2023

Et le Transall fut pompier du ciel

Ainsi donc les derniers Transall ont été mis à la retraite. Après plus d’un demi-siècle de barouds aériens c’est une carrière immense qui s’est achevée pour un appareil qui aura su se rendre indispensable et se forger sa propre légende.

Les qualités du Transall sont connues, il etait robuste, fiable et agréable à piloter. On sait qu’on pouvait aussi le bouger et lui en faire voir, il tenait ! Mais il était sans doute un peu sous-motorisé et sa charge utile aurait gagné à pouvoir être augmentée de quelques tonnes. Il reste un avion qu’il fallait aussi respecter comme l’explique un de ses anciens cochers au Poitou : « Pollux est divin mais ne se laisse pas dompter facilement.« 

Le Transall R202 récemment livré à Vannes et déjà adopté par les oiseaux du quartier si on en juge les traces en haut de la dérive.

A l’heure où les projets pour doter C-27J, Casa 295 ou A400M de plateformes de largage amovibles, voire même offrir un successeur aux MAFFS destinés aux C-130 se multiplient, on se dit, parfois, que le cheval de bataille du transport aérien militaire aurait pu faire l’étalage de ses qualités du côté des pompiers du ciel. En réalité, bombardier d’eau, il l’a été mais de façon très anecdotique.

C’est de l’autre côté du Rhin que l’histoire a commencé.

Au cours de l’été 1975, à cause de la sécheresse, la Basse-Saxe, s’embrasa. Un feu dépassa rapidement les 8000 ha et, plus grave encore, tua sept personnes, dont six pompiers. Le 11 août, trois CL-215 français décollèrent de Marignane pour opérer quelques jours outre-Rhin depuis le lac Steinhuder. Le combat dura 5 jours au cours desquels les trois Canadair effectuèrent quelques 145 heures de vol.

Les moyens aériens de lutte anti-incendie avaient, une fois de plus, démontré leur intérêt pour épauler les forces engagées au sol contre les sinistres qui s’étaient multipliés dans le secteur.

L’Allemagne n’étant pas une zone à risque d’incendies de forêt élevés, pouvoir disposer de moyens aériens permanents était un non-sens économique et opérationnel. Mais compter sur un système permettant de convertir à moindre coût un aéronef de transport militaire en cas de besoin semblait être un choix pertinent, à l’instar du MAFFS qui entrait alors en service aux USA sur C-130 Hercules.

Une conception MBB

C’est le Ministère de la Recherche et de la Technologie (BMFT) qui fut en charge de diriger un projet de système permettant aux C160D de la Luftwaffe de pouvoir opérer comme bombardiers d’eau. La firme Messerschmitt-Bölkow-Blohm (MBB, aujourd’hui intégré au groupe Airbus) fut sélectionnée pour le développement technique de la soute.

La plateforme mobile, d’une masse à vide d’un peu plus de deux tonnes, mesurait 13.80 m de long, 2,61 m de haut et 2,40 de large. Elle pouvait contenir jusqu’à 12 000 litres d’eau ou de retardant évacué par gravité par la rampe arrière ouverte de l’avion porteur. Elle ne nécessitait aucune modification de l’appareil et pouvait être installée à bord en 45 minutes. Elle se remplissait au sol comme n’importe quelle soute de Tanker. Le largage pouvait-être déclenché par le commandant de bord depuis le poste de pilotage mais une commande mécanique permettait son ouverture par un personnel présent en soute.

Schéma d’installation de la soute MBB pour Transall en position de largage, rampe ouverte. (Document Aérospatiale/MBB)

Les temps de remplissage de la soute étaient variables selon la puissance des pompes utilisées. De construction robuste, la soute MBB a pu être remplie de 12 000 litres d’eau en 3 minutes 30. Les soutes des Tankers en service en France, plus légères, font que les Pélicandromes ne débitent qu’un peu plus de 1000 litres minutes pour ne pas les endommager. Le remplissage au retardant de la soute du Transall sur les Pélicandromes actuels n’aurait demandé qu’une dizaine de minutes, à peine plus que ce qui est nécessaire pour un Q400MR.

Premiers essais

Les premiers essais sont effectués en 1979 à Manching à partir d’un Transall du LTG 62. Il fallait au moins 4,5 secondes pour vider la soute depuis l’avion qui volait alors autour de 130 kt avec une assiette positive de 11°. Avec une assiette de 6,5° le temps de largage se rallongeait pour atteindre 7 secondes. C’est donc l’assiette choisie par le pilote qui déterminait alors le flux du largage.

Au cours des essais, le Transall couvrit ainsi une zone de 200 mètres de long et 50 de large et dans ses documents commerciaux, le constructeur évoquait une surface traitée de 12 à 17 000 m2 avec un largage haut et d’une surface traitée de 8000 m² par un largage bas,

Premiers essais de largage de la soute pour Transall en Bavière à la fin des années 70. (Photo : Aérospatiale/MBB)

Un second prototype de soute est ensuite construit pour corriger quelques problèmes apparus lors de ces essais préliminaires, notamment les tourbillon de sillage qui firent qu’une partie de la charge fut aspirée dans la soute et mouilla abondamment le dessous de la queue, ce qui aurait pu constituer un soucis en cas d’utilisation de retardant puisque le produit est assez corrosif et pourrait tacher durablement ainsi l’avion de sa teinte écarlate.

Rampe arrière ouverte, la soute MBB déverse sa charge. (Photo : MBB)

Une solution simplissime fut donc apportée avec l’intégration d’un grand déflecteur mobile de 3,5 mètres, qui protégeait ainsi le dessous de l’avion lors des essais menés fin 1982.

Entrée en service

Ceci fait, les deux plateformes expérimentales entrèrent en service au sein du LTG 62, basé à Wunstorf et furent inaugurées le 26 juillet 1983 lors d’une intervention sur un feu de pinède qui avait éclaté en Basse-Saxe. Les deux Transall opérèrent en Sardaigne à la demande du gouvernement italien le mois suivant.

La Luftwaffe mettant à disposition ses aéronefs, ce sont les Länder, les collectivités régionales, qui se devaient de financer l’acquisition des quatre soutes de série commandées à MBB pour un montant d’un million de Deutsche Mark. Mais la Basse-Saxe se retrouva très vite seule lorsque les autres Länder, moins concernés par les problèmes des feux, se retirèrent du projet. Ne pouvant supporter seule une telle dépense, le projet fut donc annulé et les deux soutes prototypes restèrent inutilisées jusqu’en 1992, date à laquelle elles furent vendues à un ferrailleur et disparurent.

Présenté à la Sécurité Civile Française

MBB présenta son système à la Sécurité Civile française dès sa première version, à la fin des années 70, mais l’opérateur national opta pour la conversion d’avions dédiés, disposant d’une soute de largage conventionnelle beaucoup plus efficace, les Douglas DC-6. Néanmoins le concept allemand revint à la charge à plusieurs reprise, notamment en juin 1985 au cours de l’exercice « Florac » auquel participa un G.222 italien équipé d’une soute SAMA (MAFFS adaptée) et un CH-53 allemand équipé d’un seau de largage, mais les démonstrations du Transall effectuées à Marignane ne parvinrent pas à convaincre qui que ce soit.

Adopté en Indonésie

En 1981, la compagnie indonésienne Pelita Air Service (PAS) commanda six Transall C160NG. Bien qu’étant une compagnie commerciale, PAS n’en demeurait pas moins une officine gouvernementale capable d’assurer des missions para-militaires. Le pays, constitué de milliers d’îles, étant régulièrement touché par des feux de forêt, en 1986, Pelita se porta donc acquéreur de deux soutes de largage MBB qui furent livrées avec les deux derniers Transall commandés.

Un des Transall aux couleurs de Pelita Air vers 1992. Photo ; J. Guillem.

Dès lors, régulièrement, les Transall furent équipés des soutes pour combattre des feux lorsque le besoin s’en faisait sentir. Peu d’informations sont disponibles sur ces missions et les photos montrant ces avions en action sont  rares.

En 1997,  les quatre C160D encore en service chez Pelita sont revendus à une nouvelle compagnie indonésienne créée cette année-là, Manunggal Air, qui ne semble pas avoir repris les soutes MBB, qui furent pourtant, juste avant, engagées massivement sur les feux qui touchèrent l’Indonésie cette année-là. Ce qu’il est advenu de ces systèmes n’est pas connu.

Ainsi donc, le Transall a occasionnellement été pompier du ciel une dizaine d’années mais loin des cieux européens.

Les raisons d’un échec

Quelles conclusions tirer de cette expérimentation d’un système pourtant séduisant sur le papier et de son échec commercial ?

Sans être prohibitif, l’investissement pour ce système à usage temporaire est resté élevé. A ceci s’est ajouté un faible intérêt des collectivités locales et de la Luftwaffe. Pour ces derniers, ces missions sortaient du cadre de leur activité classique, obligeant à libérer des heures de vol pour la formation des équipages, puisque voler sur feu ne s’improvise pas, ce qui se fait, forcément au détriment des missions principales.

En dépit des qualités certaines du vecteur, le choix d’une soute à largage par déversement n’a pas su convaincre les opérateurs auxquels le système fut proposé. Le principe utilisé rendait nécessaire le maintien d’une assiette positive de l’avion pour assurer le déversement du liquide, handicapant drastiquement les capacités d’intervention en zone montagneuse où il est généralement nécessaire de faire des passes « nez-bas » en descendant le long du relief (downhill) pour des raisons de sécurité.

Aucun système à déversement n’a jamais réussi à convaincre totalement pour une raison simple. Le largage par une rampe arrière, qu’il se fasse par gravité ou sous pression, supprime l’effet principal recherché lors d’un largage par un aéronef, l’impact de la charge qui bouleverse l’équilibre comburant-combustible et qui permet de souffler le feu avant même que l’effet de la charge, le refroidissement, ne débute. Donc ces systèmes utilisés avec de l’eau sont peu, voire pas, efficaces.

La soute à poste à bord d’un Transall. Notez le déflecteur replié au-dessus de la soute. Image tirée du livre « Des Pélican et des Hommes ».

Seule l’utilisation au retardant pour l’établissement de barrière pourrait sembler être une utilisation pertinente de ces systèmes. Or, les chiffres donnés montrent qu’il n’en était rien. La clé d’une barrière de retardant efficace c’est son adaptation à la végétation qu’elle recouvre. Si les prairies d’herbes rases peuvent être protégées avec une densité de couverture faible, il faut beaucoup plus de retardant pour être efficace sur des arbres hauts et denses.

Question de concentration du produit

Lors des essais de la soute, celle-ci a été soumise à une évaluation de son rendement, c’est à dire du niveau de concentration de produit qu’elle était capable d’épandre au sol. En dépit de petites surfaces où la concentration a pu dépasser 5 litres au m², l’essentiel de la surface mouillée, environ 10 000 m², recevait entre 0,5 et 2 litres par m². Dans certains documents, MBB et Aerospatiale évoquent néanmoins des concentrations de 2,5 à 3 litres au m² pour les largages à basse hauteur sans autres précisions.

Ces chiffres sont très similaires à ceux des évaluations des soutes MAFFS 2 effectuées pour le compte de l’USFS en 2009 et démontrent que ces soutes sont surtout adaptées aux surfaces peu chargées en combustible. A contrario les soutes à portes classiques ou à débit constant dépassent largement cette densité qui s’ajoute, dans le même temps, à l’effet de masse procuré par un largage conventionnel (2).

Ceci confirme que tous ces système modulaires prévus pour être installés à bord d’avions sans aucune modification ne sont utilisables qu’en renfort ponctuel et  ne sauraient remplacer les avions spécialisés bien plus efficaces.

La soute MBB n’aura été, au mieux, qu’un pis-aller. Et c’est dommage, le Transall méritait bien mieux !!

(1) Il faut du temps pour former un pilote expérimenté à l’attaque des feux. Plusieurs saisons passées avec un instructeur et quelques années de plus pour être vraiment à l’aise sont nécessaires. Or les militaires dont les affectations changent souvent ne peuvent vraiment assurer une continuité de cette « culture » au sein des unités concernées. C’est d’ailleurs pour pallier ce problème qu’aux USA, les MAFFS sont systématiquement précédés d’un Lead Plane. C’est la seule façon de pouvoir engager de façon sûre des équipages formés rapidement et peu expérimentés pour ce genre de mission. Le principe est simple mais il exige un « éco-système » opérationnel qui n’existe pas en Europe.

(2) 2,4 litres ou plus au m² sur 550 m² pour un largage « salvo » d’un CL-415, sans indication de la concentration maximale, 600 m² pour un largage demi-charge (6000 litres également) sur un C-130 RADS avec un réglage de densité intermédiaire.

 

Sources :

Transall C 160, une aventure Franco-Allemande, Stéphane Allard, Marines Éditions, 2009.

Des Pélicans et des Hommes, Amicale des pompiers du ciel, 2007.

– Guide d’emploi des moyens aériens, Ministère de l’Intérieur, 1999.

Les S2T Tracker du Cal Fire

Désormais les derniers Tracker combattants les feux sont ceux du Cal Fire. Ce sont des S2F-3AT (appellation commerciale S2T, on les retrouve sur le registre de la FAA comme S-2F3AT) modifié par Marsh Aviation ou par Dyncorp à partir de cellules de S-2E ou G.

Les Tracker du Cal Fire ont encore une bonne quinzaine d’années de service devant eux, peut-être plus encore !

Tous ont été construits en tant que S2F-3S (S-2E) par Grumman à Bethpage entre 1962 et 1967 et livrés à l’US Navy, 252 exemplaires qui furent les derniers Tracker construits. Une cinquantaine de ces avions fut upgradée au standard S-2G au tout début des années 70, époque où commençait leur retrait de service et leur stockage longue durée à Davis Monthan (AZ).

C’est là qu’en 1996, après parfois plus de 20 ans d’immobilisation, 26 d’entre-eux furent acquis par l’US Department of Agriculture et transférés au California Department of Forestry (aujourd’hui Cal Fire) pour remplacer les S-2A en service et modifiés dans les années 70 chez Hemet Valley, SIS-Q ou Aero Union.

De nombreux Tracker sont stockés près de Davis-Monthan dans l’Arizona. (photo : GE)

C’est la société Marsh Aviation, basée à Mesa en Arizona qui fut donc chargée de leur transformation en S2F-3AT entre 1998 et 2005.

Le point de remplissage de la soute à retardant du S2F-3AT se trouve positionné très intelligemment dans la queue de l’appareil, bien loin du danger que constituent les hélices tournantes.

Les appareils sont alors équipés de turbines Honeywell TPE331-14GR et d’une soute à deux portes « constant flow » de 4500 litres (1200 gallons US) alimentée par un point de remplissage situé à l’arrière de l’avion. (PWC PT6-67AF et soute de 3500 litres avec quatre portes, remplissage par les flancs, pour les Conair).

Situé sur la console centrale, en bas de la planche de bord, le système de gestion de la soute. Le doigt du pilote pointe le sélecteur de réglage de la densité du largage, le « coverage level » typique des soutes à débit constant.

Ils disposent d’un aménagement intérieur permettant à leurs pilotes d’accéder aux cockpits par la porte latérale tandis que les pilotes de Firecat devaient emprunter l’issue de secours au-dessus du cockpit après être montés sur une échelle.

Le 74 temporairement sorti d’un des hangars de maintenance de Dyncorp à Sacramento montrant, notamment, l’ouverture latérale pour l’accès à bord et sa soute de largage avec les deux portes ouvertes.

La réaction du 74 quand on lui dit qu’on pourrait le confondre avec un Firecat !

Versions d’origine et choix techniques radicalement différents, dénominations spécifiques, il semble particulièrement difficile de réussir à confondre les avions modifiés aux USA de ceux convertis au Canada et aujourd’hui interdits de vol.

L’exploitation et la maintenance de tous les appareils du Cal Fire (Tracker, Bronco, UH-1, FireHawk, King Air, C-130H) est confiée depuis 2001 à un prestataire extérieur, la société Dyncorp International.

Le contrat a été renouvelé en 2020 pour 5 ans à hauteur de 350 millions $ environ.

Carte des différentes bases des avions du Cal Fire

C’est sur l’aérodrome de Sacramento McClellan que l’aviation du Cal Fire et Dyncorp ont installé leur base centrale et les ateliers de maintenance (Cal Fire Aviation Management Unit, AMU).

L’été, les avions sont répartis sur les différentes bases qui jalonnent l’État et les mécaniciens qui ont assuré les grandes visites hivernales à Sacramento sont détachés pour assurer les opérations de mise en œuvre et d’entretien quotidiennes.

Voici les 23 appareils S2F-3AT aujourd’hui en service.

(Certains de ces avions ont repris des immatriculations utilisées auparavant par les S-2A. La chronologie précise des chantiers de conversion ayant été difficile à reconstituer, l’article est susceptible d’évoluer en fonction des informations recueillies)

70

S2F-3S BuNo 153570 msn 326C, immatriculé N427DF.

S-2E modifié S-2G. 4e appareil  modifié en S2T en 2001 par Marsh.

Affecté à la base de Ramona (RNM).

71

S2F-3S BuNo 149268 msn 112C, immatriculé N432DF.

S-2E modifié en S2F-3AT par Marsh (8e appareil transformé) et livré au CDF en août 2000.

Affecté à la base de Ramona (RNM).

72

S2F-3S BuNo 153573 msn 329C, immatriculé N435DF

S-2E modifié S-2G.Converti par Marsh en 2000 et livré début 2001.

Affecté à la base d’Hemet Valley (HMT).

73

S2F-3S BuNo 149848 msn 123C, immatriculé N437DF.

Le 73 de passage sur la base d’Hemet Valley

S-2E converti en S2F-3AT en juillet 2001.

Affecté à la base d’Hemet Valley (HMT).

74

S2F-3S BuNo 149854 msn 129C, immatriculé N439DF.

S-2E Modifié par Marsh. Chantier terminé en septembre 2001

Affecté à la base de Paso Robles (PRB).

75

BuNo 151654 msn 187C, immatriculé N444DF.

Les S2T du Cal Fire bénéficient d’une très bonne disponibilité et leurs interventions sur les feux naissants d’une redoutable efficacité.

Chantier de conversion chez Marsh terminé en février 2002.

Affecté à la base de Paso Robles (PRB).

76

S2F-3S BuNo 152337 msn 224C, immatriculé N436DF.

Le 76 détaché temporairement à Ramona en 2018

S-2E modifié S-2G. Modifié en S2F-3AT en 2001.

Affecté à la base de Porterville (PTV).

78

S2F-3S BuNo 149265 msn 109C, immatriculé N431DF.

Modifié par Marsh en 2001

Affecté à la base de Porterville (PTV).

79

S2F-3S BuNo 152815 msn 284C, immatriculé N458DF.

S-2E modifié S-2G stocké en 1975 à Davis Monthan et transféré à l’USDA le 19 décembre 2017 avec seulement 4000 heures de vol. Modifié S2F-3AT à McClellan par Dyncorp. Fin de chantier début 2018.

Affecté à la base de Hollister (CVH).

80

S2F-3S BuNo 152345 msn 232C, immatriculé N445DF.

S-2E modifié S-2G. prévu pour être modifié pour le CDF en 2002 mais chantier repoussé et finalement effectué en 2004.

Affecté à la base de Hollister (CVH).

82

S2F-3S BuNo 152817 msn 286C, immatriculé N422DF.

Le T82 et le T86 en fin de maintenance hivernale à Sacramento en mars 2018. Les avions du Cal Fire ont un aspect extérieur exceptionnellement propre.

S-2E modifié S-2G. 1er avion converti par Marsh et terminé en novembre 1998.

Affecté à la base de Columbia (O22).

83

S2F-3S BuNo 152820 msn 289C, immatriculé N424DF.

Le 83 revêtu des nouvelles couleurs du Cal Fire photographié à Chico au printemps 2014 à l’occasion d’un training annuel. Notez le nez pointu, apanage de la version S2T.

S-2E modifié S-2G. 2e chantier de conversion. Terminé en mai 1999.

Affecté à la base de Columbia (O22).

85

S2F-3S BuNo 151640 msn 173C, immatriculé N438DF.

Le T85 sur le statique de l’AFF 2018 à Sacramento McClellan.

S-2E  modifié par Marsh en février 2000.

Affecté à la base de Santa Rosa (STS).

86

S2F-3S BuNo 149855 msn 130C, immatriculé N433DF.

Acheminé à Delano (CA) pour conversion chez San Joaquin Air et converti par Marsh en février 2000.

Affecté à la base de Santa Rosa (STS).

88

S2F-3S BuNo 152824 msn 293C, immatriculé N426DF.

S-2E modifié S-2G. Convoyé en vol (N520DF) jusqu’à Delano pour conversion le 10 février 1998. Troisième appareil pour le CDF, achevé en juillet 99.

Affecté à la base de Grass Valley (GOO).

89

S2F-3S BuNo 152825 msn 294C, immatriculé N425DF.

S-2E modifié S-2G. 5e appareil modifié par Marsh (1999).

Affecté à la base de Grass Valley (GOO).

90

S2F-3S BuNo 153579 msn 335C, immatriculé N434DF.

Le T90 lors d’une session d’entraînement sur la base d’Hemet Valley en mars 2018.

S-2E upgradé S-2G. Modifié en S2F-3AT par Marsh à Mesa, chantier achevé en 2000.

Affecté à la base d’Ukiah (UKI).

91

S2F-3S BuNo 149862 msn 137C immatriculé N428DF. 6e conversion S2F-3AT achevée en septembre 2000 par Marsh chez San Joaquin Air à Delano.

Affecté à la base d’Ukiah (UKI).

93

S2F-3S BuNo 152341 msn 228C, immatriculé N450DF.

Le 93 encore aux couleur du CDF en 2014. Il fut l’avion de Walt Darran au cours de ses dernières saisons-feu.

S-2E transféré à l’USDA le 10 octobre 2003 et converti par Marsh en 2005.

Affecté à la base de Chico (CIC).

94

S2F-3S BuNo 152826 msn 295C, immatriculé N422DF.

S-2E modifié S-2G transféré à l’USDA le 9 octobre 2003 et modifié par Marsh en 2005.

Affecté à la base de Redding (RDD).

95

S2F-3S BuNo 152347 msn 234C, immatriculé N448DF.

S-2E modifié S-2G. Converti en S2F-3AT en 2005.

Affecté à la base de Redding (RDD).

96

S2F-3S BuNo 149873 msn 148C, immatriculé N440DF.

S-2E modifié en S2F-3AT en 2001.

Affecté à la base de Rohnerville (FOT).

100

S2F-3S BuNo 152808 msn 277C, immatriculé N441DF.

Le Tracker 100 surpris un matin maussade à McClellan après être sorti de maintenance hivernale, prêt à affronter la saison 2018.

S-2E modifié S-2G. Transféré en décembre 2000 chez San Joaquim Air à Delano. Conversion Marsh terminée en juin 2002.

Affecté à la base de McClellan (MCC). Cet appareil est utilisé pour remplacer un Tracker d’une autre base indisponible momentanément au cours de la saison.

Avion perdu :

81

S2F-3S BuNo 152838 msn 307C, immatriculé N449DF.

Le 81 au décollage de Sacramento quelques mois avant le drame.

Avion modifié en 2002 et basé à Hollister (CVH). Il est perdu avec son pilote, Craig Hunt, le 7 octobre 2014 lors d’une mission près du parc Yosemite. Avion remplacé par la remise en état et la conversion du Tracker 79.

L’USDA et le Cal Fire disposent encore de plusieurs cellules de Tracker pouvant être converties en cas de besoin.

Le S-2E 149259 stocké à Sacramento après avoir servi de réserve de pièces lors de la modification du Tracker 79.

A ces avions, pour l’anecdote, peut s’ajouter le N508JR (ex S-2A N447DF) Tanker 95 utilisé sous contrat avec le Kansas et qui est un ancien du CDF.

Pour plus d’informations sur ces avions vous pouvez consultez les articles : « Tracker, le cousin de Californie » dans Pélican Infos N°21 de 2010 et « Les Tracker en Californie, la Ruée sur le Feu » dans le Fana de l’Aviation n°585 d’Août 2018 ainsi que l’ensemble des numéros du Cal Fire Pilot Association Newsletter publiés entre 2012 et 2019. 

Pélicandrome(s)

L’intérêt des Tanker est de pouvoir utiliser du retardant, liquide onéreux, certes, mais polyvalent et très efficace. Le retardant a surtout le désavantage de ne pas se trouver à l’état naturel, il n’est donc pas envisageable de l’écoper quelque part (ou alors, la Méditerranée est bien plus polluée que ce qu’on veut bien nous raconter !). Il doit donc être pompé jusque dans les soutes des avions.

La présence d’avions travaillant au retardant au sein du dispositif national a entraîné la création d’un réseau de stations de remplissage. Ici celui de Nîmes en 2019.

En France, ces différentes stations sont baptisées « Pélicandrome ». Elles tirent bien évidemment ce nom de l’indicatif radio historique des avions de la Sécurité Civile, porté successivement par les Catalina, les CL-215 et les CL-415, mais aussi par les DC-6 dans les années 80. Elles auraient pu aussi s’appeler « Trackerodrome » et désormais « Milandrome » mais il s’avère que les CL-415 les utilisent aussi de temps en temps même si le retardant n’est pas leur armement primaire

Il arrive que les « Pélican » passent au Pélicandrome, mais ce n’est pas là leur vocation première, ici à Marseille.

Les pélicandromes en France

Les pélicandromes fixes sont des installations permanentes avec des réserves de retardant installées sur différents aérodromes, positionnés stratégiquement essentiellement sur le pourtour méditerranéen (12 stations) et la Corse (rien moins que 5 plateformes.)

A celles-ci viennent s’ajouter les installations de Cahors, Valence, Aubenas, Bordeaux – décisif pour les opérations dans les Landes – et Limoges, la station retardant fixe la plus au nord. Pour la plupart, ces stations sont conçues et entretenues par la société qui assure aussi la fabrication du retardant, la Biogema.

Quelques cas particuliers

Le pélicandrome de Nîmes est le seul à être maintenu opérationnel tout au long de l’année, notamment pour les entraînements et la formation des personnels au sol. Il est doté de deux points de ravitaillement en eau et de quatre au retardant.

Plus efficace que l’eau seule, le retardant implique une doctrine d’emploi adaptée et une infrastructure spécifique. (Photo : Alex Dubath)

Il est équipé de grilles permettant aussi la reprise (le déchargement) du retardant et son recyclage en cas de besoin. Il était armé par les équipes du SDIS 30 jusqu’en 2020 où il est passé à des équipes de la Sécurité Civile.

Le pélicandrome de Marignane, qui fut longtemps le plus actif de France quand la BASC y était basée jusqu’en 2017, reste régulièrement mis à contribution au milieu de l’ancienne base désormais déserte. Il est armé par des équipiers issus du SDIS 13 bien que l’aéroport est couvert, autant pour la sécurité incendies des installations, des aéronefs ou le secours aux personnes, par des équipes spécialisées du Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille.

Le premier Dash à Marseille en 2005.

De nouvelles installations pourraient être créées prochainement dans la partie sud de l’emprise aéroportuaire, un appel d’offres vient d’être passé en ce sens et ces nouvelles installations pourraient être opérationnelles dès 2022.

La station de remplissage de Béziers est un autre cas particulier car elle est aussi la base principale des ABEL sous contrat avec le Conseil Général de l’Hérault mais elle est aussi régulièrement fréquentée par les moyens nationaux.

Le Pélicandrome de Béziers-Vias est utilisable autant par les avions de la cellule départementale de l’Hérault, qui y sont basés pour la saison, que par les avions du dispositif national.

Les pélicandromes mobiles

C’est sans doute un concept promis à un bel avenir. La Sécurité Civile, en particulier l’UIISC 1 de Nogent le Rotrou, en collaboration avec le SDIS du Morbihan, dispose d’un pélicandrome mobile constitué principalement d’un camion citerne chargé de prémélange de FireTroll 931 et des accessoires, pompes et tuyaux, permettant d’établir rapidement un pélicandrome mobile pouvant remplir les Dash là où le besoin pourrait s’en faire sentir. Les UIISC disposent de détachement DIR (Détachement d’Intervention Retardant) et sont familiers de l’usage de cette substance même si les produits ne sont pas exactement les mêmes que ceux largués depuis les avions. Une première expérience de déploiement fut organisée sur la Base Aérienne de Tours en 2018.

Comme démontré à Tours en 2018, un pélicandrome peut s’organiser relativement facilement sur un parking d’aérodrome, près d’un poteau d’incendie. (Photo : F. Arnould)

Ce dispositif a été déployé à Angers pour l’été 2020 et a été activé le 14 septembre pour que le Milan 76, prépositionné là en raison des risques sur la région, puisse effectuer plusieurs largages à Salbris dans le Loir et Cher. Quelques jours plus tard, l’avion intervenait à nouveau à quelques km au sud du Mans, prouvant tout l’intérêt de cette installation.

Milan 76 lors de son premier remplissage opérationnel le 14 septembre 2020 sur le pélicandrome mobile d’Angers. (Photo : Cyril Defever)

L’aéroport d’Angers permet de disposer d’une base opérationnelle pour la défense du secteur nord-ouest. En cas de  besoin, on peut très bien imaginer le pélicandrome être déployé ailleurs, les aérodromes compatibles, civils comme militaires, ne manquant pas (Deauville, le Havre, Évreux, Orléans, Lille voire Poitiers pour n’en citer que quelques uns).

C’est dans cette même logique qu’un Dash est aussi venu tester les capacités de la plateforme d’Epinal-Mirecourt en avril 2021 puisque cet aérodrome a été choisi pour qu’y soit déployé un pélicandrome, mobile dans un premier temps, en cas de risques sur les forêts des Vosges.

Arrivée du Milan 76 à Epinal en avril 2021. (Photo : Hervé Toutain)

Pour le déploiement à Angers, les équipiers étaient issus des pompiers du département du Morbihan. Pour leur formation, ils disposent, sur l’aérodrome de Vannes-Meucon, d’une zone pouvant temporairement être gréée en pélicandrome temporaire. Pour des raisons d’entraînement, les remplissages ne s’y font qu’à l’eau.

Inauguration du Pélicandrome mobile d’entraînement de Vannes-Meucon en 2016 avec le T11. (photo : Aéroport de Vannes)

L’installation a été inaugurée en 2016 avec des Tracker. Désormais, chaque printemps, la Sécurité Civile déploie un de ses avions en Bretagne pour une séance de formation indispensable. En 2021, les équipiers ont ainsi travaillé autour du Milan 77 tout juste entré en service.

Milan 77 s’avance sur le Pélicandrome de Vannes. (Photo : N. Georgelin/SDIS 56)

Dans le courant de l’été 2020, la presse s’est faite l’écho de la future installation d’un pélicandrome ambitieux à Chateauroux. L’implantation très centrale de cet aéroport, avec son trafic assez peu dense, permet d’envisager de nouveaux scénarios en défense de la zone région parisienne notamment. Une zone devrait être réhabilitée pour accueillir des réserves importantes de retardant ce qui va nécessiter d’importants travaux. En attendant, Chateauroux est également éligible à l’accueil d’une station mobile.

Les pélicandromes désaffectés

Le maillage du réseau de pélicandromes français a cependant  évolué au cours des ans.

Des remplissages à l’eau étaient envisageables depuis l’aéroport de Saint-Étienne. Les personnels du SDIS 42 disposaient d’une remorque contenant tout le matériel nécessaire pour remplir un avion depuis un poteau d’incendie. Ce système, qui ne peut charger les avions qu’en eau, ce qui limite son intérêt, a été, au cours de son histoire, utilisé depuis Bron, Le Puy ou Vichy.  Il semble avoir peu été sollicité ces dernières années et son statut réel mériterait d’être confirmé.

Le retrait de service des Tracker en 2020 a entrainé de facto l’arrêt des installations dédiées du Cannet/Le Luc dans le Var et celui d’Alès dans le Gard situés sur des aérodromes où les pistes sont trop courtes pour les Dash. Ces plateformes étant situées près de Hyères et de Nîmes, respectivement, ceci modifie peu les opérations.

Deux autres pélicandromes ont été aussi précédemment fermés, celui de l’aéroport de Nice créé en 1977 et qui a été délaissé après la saison 1997 et l’ouverture de celui de Cannes l’été suivant puis, plus récemment, celui d’Aix en Provence (créé en 1985).

Les capacités

Les capacités des PEL sont différentes d’une installation à l’autre, nombre d’avions pouvant être accueillis, quantité de retardant immédiatement disponible. Par exemple, le PEL de Bordeaux, qui n’accueille qu’un avion à la fois, dispose d’un réservoir de 60m3 de prémélange ce qui permet d’assurer plusieurs journées d’activité. Celui de Cannes, de son côté, qui pouvait accueillir deux Tracker simultanément, dispose d’une capacité de 100 m3.

Pour ne pas endommager les soutes des avions en ayant un débit supérieur à la résistance des réservoirs, les pompes utilisés pour les remplir ne peuvent pas débiter plus de 1800 litres par minute. Le débit moyen est néanmoins réglé à plus de 1000 litres minutes puisque, en général, le remplissage complet d’un Dash 8 (10 000 litres/10 tonnes de capacité) se fait entre 6 et 8 minutes.

Les personnels des Pélicandromes

Les équipiers sont des pompiers, volontaires comme professionnels confirmés, ainsi qualifiés au cours d’un stage de deux jours effectué directement sur la BSC de Nîmes. Une fois la qualification dite « PEL » acquise, elle est entretenue par un entraînement spécifique en début de saison effectué cette fois sur le Pélicandrome du SDIS concerné en présence d’un avion de la Sécurité Civile dont l’équipage joue un rôle essentiel dans la transmission des méthodes et des spécificités des appareils.

Une équipe type est composée de trois personnes qualifiées, un équipier est en charge des vannes (il est donc appelé le « vannier »), qu’il ouvre et ferme aux ordres pour charger la quantité demandée en fonction des opérations, un deuxième a pour rôle d’amener le tuyau jusqu’à l’avion, de le brancher et débrancher en fin de ravitaillement.

Ces deux équipiers PEL1 sont sous la supervision d’un chef d’équipe, qui a suivi un stage complémentaire PEL2, chargé de guider les avions pour les positionner sur la plateforme et de diriger l’ensemble de la manœuvre de ses équipiers notamment par gestes. Lui seul dispose d’une radio VHF FM pour prendre directement les consignes de l’équipage.

Les équipiers du pélicandrome de Valence à l’entraînement avec un Tracker en 2018. (Photo : SDIS 26)

En dehors du pélicandrome de Nîmes, les autres installations sont activées lorsqu’un feu survient et qu’il faut pouvoir ravitailler les appareils en action dans la région. Les équipiers affectés à ce poste pour la journée sont alors prévenus et se rendent sur l’aérodrome où il se préparent à recevoir les avions.

Certains jours de gros feux où les rotations s’enchaînent, le travail peut être réellement éprouvant car effectué dans un environnement difficile et stressant, avec le bruit des turbines, les avions restant moteurs tournants pour ne pas perdre de temps, et la chaleur mais aussi le danger permanent que représentent les pales des hélices en rotation.

Côté pilote

Lors des opérations sur pélicandrome, les équipages sont donc aux ordres du chef d’équipe qui guide l’avion. Une fois en place, les hélices sont mises en drapeau pour ne pas souffler les équipiers qui doivent circuler à hauteur de la soute pour brancher et débrancher le tuyau d’alimentation.

L’équipage a préalablement déterminé la quantité de retardant à charger en fonction du carburant restant pour ne pas dépasser la masse maximale autorisée au décollage de leur appareil. Ces indications sont communiquées par radio et/ou par les lampes du panneau de la soute en fonction de l’équipement de l’avion.

Le panneau des lampes de la soute d’un Q400MR. (Photo : B. Grison)

On le voit, l’usage du retardant nécessite bien plus que des avions, mais s’inscrit dans un système complexe faisant intervenir un grand nombre d’entités. Il faut des infrastructures fonctionnelles et des personnels formés et ceci ne s’improvise pas. Ce mode de fonctionnement, cette doctrine générale de lutte contre les feux, faisant appel à des moyens complémentaires a largement fait ses preuves depuis de nombreuses décennies.

Même si le ballet fascinant des Canadair à l’écopage peut paraître une arme absolue, elle n’est pas la seule ; le travail au retardant n’en possède pas moins de sérieux atouts opérationnels d’autant plus que, désormais, c’est un système parfaitement rodé dans notre pays.

La fin de l’aventure Supertanker

Hier, le Boeing 747-400 N744ST a été convoyé depuis Moses Lake (WA) vers San Antonio (TX). Il s’agit de son ultime vol gréé comme avion de lutte anti-incendie après l’annonce de la cessation des opérations et de la liquidation de son exploitant Global Supertanker Services.

La carrière du N744ST comme « pompier du ciel » s’achève.

Le dernier vol du Supertanker de GSS le 28 mai 2021. (capture : FR24)

Le Boeing 747, dont le système de largage venait pourtant de subir quelques améliorations et avait effectué un vol d’essais à la fin du mois de mars autour de Moses Lake, a été vendu et devrait retrouver la configuration cargo qui était la sienne avant de devenir pompier du ciel au début 2016.

Essais en vol et sans doute dernier largage de l’histoire du N744ST le 24 mars 2021. (Capture : FR24)

Le chantier à venir sera donc d’ôter la soute interne et de supprimer les évolutions que GSS avait fait subir à son avion. Le futur exploitant de l’appareil n’a pas encore été dévoilé.

Voici qui clôt sans doute une histoire qui a débuté il y a une vingtaine d’années lorsque chez Evergreen ont été lancées les bases d’un système de largage pouvant être installé à bord d’un Jumbo Jet.

Le deuxième Supertanker d’Evergreen à Chateauroux en 2009.

Tout au long de son histoire, le projet Supertanker a été confronté à des vents contraires. Les expérimentations d’Evergreen avec le 747-200 puis le 747-100 n’ont pas permis à la compagnie de développer son marché et le « shutdown » de 2013 a été fatal.

La reprise en main du concept et le rachat des soutes pour les adapter à un vecteur plus moderne était porteur de grands espoirs et de la première intervention en Israël à l’hiver 2016 à la terrible saison des feux californienne 2020 et ses tristes records, le 747 a apporté une aide qui s’est avéré décisive à de nombreuses reprises.

Mars 2015, lors de l’AFF de Zadar, les congressistes découvrent le projet de relance du Supertanker par GSS.

Est-ce que l’histoire rebondira une fois de plus ? Rien n’est certain. Mais il existe deux soutes de largage pour 747 qui ne demandent qu’à être rachetées et remises en service.

Le complexe système de largage pressurisé conçu par Evergreen à bord du 747-400 de GSS.

Mais la clé est ailleurs, entre les mains de l’US Forest Service et des collectivités américaines qui, seules, peuvent permettre aux entreprises de travail aérien de pérenniser leurs activités car c’est ce n’est pas vraiment sur le plan opérationnel que le concept a péché comme le démontrent parfaitement les DC-10 de la concurrence.

Les DC-10 restent les seuls VLAT en service. (Photo : RAAF)

En raisonnant de façon simpliste, on pourrait penser que les coûts opérationnels du 747 désormais économisés (on parle d’un budget estimé de 50 000 $ par jour + 16 000 $ par heure de vol, il n’y a pas eu de communication officielle du Cal Fire sur ce point) pourraient permettre à la Californie de louer d’autres avions ou permettre d’accélérer le programme des C-130 hérités des Coast-Guard, sauf que ça ne sera pas le cas, au moins pour la saison 2021.

Les C-130 californiens ne sont pas encore dotés de leurs soutes de largage, le programme traîne en longueur pour de sombres motifs administratifs visiblement. (Photo : Cal Fire)

La fin du 747 marque réellement une perte sèche dans les moyens aériens US.  Et se passer d’un outil de cette importance alors que la saison 2020 a vu se dérouler 3 des 5 plus gros feux de l’histoire de l’État est simplement alarmant.

Et en plus il était splendide !

Viking CL-415EAF

Lors du salon du Bourget 2017, Viking Air, qui venait de racheter à Bombardier les droits relatifs à la production des avions amphibies Canadair, dont la production s’était achevée quelques mois plus tôt, affichait ses ambitions pour relancer cette famille d’avions.

Pour promouvoir ses projets, Viking a présenté un de ses CL-215 à Oshkosh (msn 1084 ex-NWT et Buffalo Airways ) en 2019, ici sublimé par une démonstration en vol nocturne. (Photo : Damien Defever)

La première annonce concernait le CL-415EAF, Enhanced Aerial Firefighter. En fait, cette version du Canadair n’est que la « version Viking » du CL-215T. Dans cette optique, la firme relevant du groupe Longview a racheté 11 CL-215 à moteurs à pistons auprès de différents opérateurs et les a acheminé à Calgary.

Une partie des CL-215 de Viking stationnés à Calgary en 2020. (Photo : Google Earth)

Ces appareils des dernières séries construites sont éligibles à la turbinisation ce qui n’était pas le cas des CL-215 dont la France fut dotée, qui relevaient des séries I et II et qui étaient incompatibles avec cette modification majeure.

Le premier appareil à entrer en chantier fut le CL-215 « Tanker 262 » (MSN 1081) qui avait volé pour la Province de l’Ontario puis pour la société Aero Flite.

Trois CL-215 vus en 2019 dans les ateliers de Cascade Aerospace. (Photo : Longview Air Services)

La transformation a été effectuée dans les ateliers de la société Cascade Aeropace, ancienne filiale de Conair devenu indépendante depuis (c’est chez Cascade que furent transformés les deux premiers Q400MR de la Sécurité Civile française en 2004-2005) et qui a fait office de sous-traitant pour le groupe Longview et sa filiale Viking.

Le 10 mars 2020 il fait son premier  vol avec ses nouvelles turbines PW123AF depuis l’aérodrome d’Abbotsford où l’essentiel du chantier s’est déroulé.

Le premier envol du premier CL-415EAF à Abbotsford. (Photo : Viking Air)

Il est ensuite repeint aux couleurs de son nouveau propriétaire, la société Bridger Aerospace, qui en prend possession le mois suivant. Désormais immatriculé N415BT, il est désormais le Tanker 281.

Ce nouveau CL-215-6B11 participe alors aux opérations de la difficile saison 2020 dans le Nevada, où se déroule sa première intervention le 19 juillet sur le Cedar Fire dans la région d’Elko, et dans l’État de Washington.

Quatre Canadair écopant dans le South Fork Dam reservoir dans le Nevada, une vision pas si courante aux USA. (Photo : K. Mita)

Bridger reçoit ensuite son deuxième Canadair, l’ex CL-215 Tanker 263 ex Province de l’Ontario puis de l’Etat du Minnesota (MSN 1082) qui est devenu le Tanker 282 immatriculé N417BT.

En septembre 2020, les deux Canadair de Bridger sont en action depuis l’aérodrome de Yakima (WA) pour opérer sur le Pear Hill Fire, un feu qui a dévoré plus de 90 000 hectares en quelques jours. (Photo : Bridger Aerospace)

Au total, Bridger doit prendre en compte 6 CL-415EAF. Le calendrier précis des livraisons n’a pas été annoncé et peut avoir été perturbé par la crise sanitaire mondiale. Certaines sources parlent d’une opération d’un budget total de 200 millions $ ce qui nous fait une trentaine de millions par avion rénové et remotorisé, un coût qui peut être considéré comme élevé.

Les autres avions sont proposés à d’autres clients, ainsi l’Indonésie qui a signé un protocole d’accord pour la livraison de 6 CL-515 a également opté pour un CL-415EAF livrable en 2021, reste à voir si le calendrier sera tenu.

Le CL-415EAF n’est finalement rien de plus qu’un CL-215T modifié par une nouvelle entreprise. Néanmoins plusieurs évolutions notables sont possibles. Comme les avions éligibles au programme 415AUP (chantier de rénovation des CL-415 sélectionné pour prolonger les avions de la Province du Québec) ils peuvent recevoir la nouvelle avionique sélectionnée par Viking pour les avions Canadair, la Proline Fusion de Collins, constituée d’écrans tactiles de grande taille.

Prévisualisation d’un cockpit de CL-415 upgradé avec la nouvelle suite avionique sélectionnée par Viking. (infographie : Viking Air)

Il fut pressenti un temps que les avions de Bridger auraient pu être dotés de cette option mais les photos diffusées ensuite montrent que si des évolutions de la planche de bord des avions basculés au standard EAF ont bien eu lieu, elles sont bien moins révolutionnaires qu’attendu.

La planche de bord d’un des CL-415EAF de Bridger Aerospace. Un standard intermédiaire entre le CL-215 et le CL-415 de base. (Photo : Bridger Aerospace)

De même, dotée de turbines PW123AF comme les CL-415, la cellule du CL-215 serait tout à fait en mesure de supporter une augmentation de la masse d’eau écopable. L’option avait été également évoquée lors du lancement du projet mais les 5500 litres utilisables par l’ancien CL-215, en deux réservoirs (contre 6200 en quatre compartiments pour la version ultérieure) semblent être suffisants et efficaces pour que cette évolution ne devienne pas impérative. Les CL-415EAF conservent donc les deux grandes portes qui marquent la principale différence extérieure avec le CL-415 de base.

Le Tanker 282 de Bridger au largage montre le lien direct qui existe entre le CL-415EAF et le CL-215, son système de largage en deux réservoirs et deux grandes portes. (Photo : Bridger Aerospace)

Le CL-415EAF n’est pas un concept novateur, le CL-215T ayant depuis longtemps fait les preuves qu’une rénovation complète des « vieux » CL-215 et en les dotant de turbines est une opération qui améliore leur efficacité tout en leur offrant une longévité accrue. Il ne s’agit pas d’une révolution, tout au plus une évolution si on prend en compte l’option de la nouvelle avionique.

Le CL-215T, un concept désormais ancien mais particulièrement efficace comme le démontrent depuis 25 ans les 15 avions de ce type en service au Grupo 43.

C’est surtout pour l’entreprise canadienne l’opportunité de revaloriser une flotte pour laquelle il faudra assurer le maintien en condition opérationnelle (MCO) qui autrement pourrait n’avoir comme avenir que les musées !

C’est peut-être aussi un moyen de préparer l’avenir en créant des processus industriels qui permettront, le moment venu, de lancer et produire enfin le CL-515.

Un des CL-415EAF de Bridger en vol, les bandes blanches sont un hommage aux aviateurs du 6 juin 1944. De façon incroyable, le contraste créé avec le jaune du fuselage rend ces appareils visibles et identifiables à longue distance. (Photo : Bridger Aerospace)

La saison des feux reprend en Australie

Si le pic des feux en Australie ont fait les gros titres en février dernier, avec une émergence de sinistres géants aux conséquences désastreuses, la nouvelle saison est d’ores et déjà lancée et les moyens aériens de renfort arrivent sur place.

Le Bomber 141 de Conair sur l’aérodrome de Bundaberg. (Photo : B. Sutton/ Conair)

L’état du Queensland a loué le premier Dash 8 Q400AT de Conair (même réservoir que les Q400MR en service en France, mais sans aucun aménagement de transport de passagers ou de fret), le Bomber 141 qui a effectué ses premiers largages opérationnels il y a quelques jours.

De son côté, La Nouvelle-Galles du Sud a déjà engagé à plusieurs reprises son Boeing 737 Fireliner acheté l’an passé, revêtu d’une nouvelle livrée.

L’ex Tanker 138 de Coulson en action comme Bomber 210 en Australie. (Photo : M. Oblati)

Toujours pour cet état, six hélicoptères lourds Erickson Aircrane sont en cours d’acheminement. Le premier, le N189AC « Gipsy Lady », qui a fait la saison des feux en Grèce a été livré ce 12 octobre par un Antonov 124 de Volga-Dniepr qui l’a convoyé depuis Athènes.

Déchargement à Sidney de l’Aircrane arrivant d’Athènes à bord d’un Antonov. (photo : C. Matei/ Kestrel Aviation)

Lors de la terrible saison 2019-2020, 17 millions d’hectares avaient été dévastés principalement en Nouvelle-Galles-du-Sud. Outre des centaines de millions de tonnes de CO2 rejetés dans l’atmosphère, ces feux avaient aussi causé plus d’une trentaine de morts dont les trois hommes de l’équipage du C-130 Tanker 134. Le rapport d’étape publié il y a quelques jours ne donne pas encore de cause précise au drame mais aucune défaillance technique de l’appareil n’a été décelée à cette étape de l’enquête.

Ainsi, la nouvelle saison des feux a débuté. Elle pourrait être très longue si on en juge par l’expérience des mois passés et par la situation dramatique de la Californie, où des surfaces record ont encore été dévorées cet été encore. (1,7 millions d’hectares brûlés à ce jour dont plus de 500 000 pour le seul August Fire qui fait rage depuis mi-août). Beaucoup d’avions et d’hélicoptères sont encore engagés dans de durs combats devenant, de fait, indisponibles pour se rendre de l’autre côté du Pacifique. Une situation inconfortable aux conséquences potentiellement catastrophiques.

Les MD-87 d’Erickson Aero Tanker

C’est en 2013 que la compagnie Erickson Aero Tanker (EAT) fait voler son premier MD-87 modifié pour la lutte anti-incendie. Au mois d’avril, Brent Connor et Doug Griffith, à bord du futur Tanker 101, qui n’était pas encore revêtu de la livrée de la compagnie, effectuent les premiers essais de largages à l’eau. La modification de l’avion a été sous-traitée à une compagnie faisant aussi partie de la holding de Jack Erickson, Precision Aircraft Solutions, également basée à Hillsboro, non loin de Portland, Oregon.

Un des MD d’EAT en cours de conversion, aux côtés d’un 757 que la compagnie transforme en avion cargo. (Photo : Precision Aircraft Solutions)

Le choix du MD-87 est clairement lié aux considérations économiques. Avec seulement 75 exemplaires construits entre 1987 et 1992, la version courte de la famille, prévue pour 114 à 139 passagers n’a clairement pas connu le succès escompté. Au début des années 2000, ces avions quittent donc le service et, peu recherchés, peuvent être acquis à bon prix par les sociétés de travail aérien. Erickson achète donc 7 cellules disposant encore d’un bon potentiel.

Le système de largage est constitué d’une soute pouvant contenir jusqu’à 4000 gallons (15 000 litres) de retardant et d’un système « constant flow » ventral à deux portes ouvert au niveau de l’emplanture de l’aile pour l’évacuation de la charge.

Avant même que les essais s’achèvent et le STC (supplemental type certificate) validé, la compagnie se voyait attribuer un premier contrat pour la saison 2014 pour les Tanker 101 et 105 et une réserve pour le Tanker 103 au cas où sa conversion serait achevée rapidement et qu’il pourrait alors participer aux opérations estivales. Il leur était promis un contrat à 4 000 $ par jour et 7 111 $ par heure de vol effectuée.

Il faut dire qu’après la résiliation unilatérale du contrat des P-3 Orion d’Aero Union en juillet 2011, l’USFS avait besoin de renouveler en urgence ses effectifs et des contrats furent proposés à tous les opérateurs susceptibles de pouvoir fournir à l’organisme fédéral les avions dont il avait tant besoin.

Les deux MD-87 entrent donc en service au début de l’été 2014  mais ils sont retirés des opérations au bout de seulement quelques semaines. Le positionnement des trappes de largages fait qu’une partie du retardant est aspiré par les réacteurs, au risque de causer une double extinction, aux conséquences potentiellement catastrophiques.

Le Tanker 101 en action au cours de l’été 2014 aux USA. Notez qu’à l’époque les largages s’effectuaient trains rentrés. (Photo : Inciweb)

Ce n’est qu’a l’orée de la saison 2017 qu’un STC amendé est validé et que les avions reviennent en opérations. Le système de largage a été modifié avec un pod ventral permettant de sortir le retardant de la couche limite et de réduire ainsi les risques d’absorption par les propulseurs.

Le Tanker 107 au décollage de McClellan au cours de la saison 2018. Le nouveau pod de largage ventral est particulièrement visible. (Photo : Jim Dunn)

Néanmoins, ce deuxième STC (ref ST14727LA-T) s’accompagne d’une obligation, celle d’opérer trains sortis dès que les volets sont abaissés à 40° ou plus. Visiblement le nouveau pod ventral entraîne un comportement non conforme de l’avion lors du décrochage, ce qui a été constaté lors de ces essais : « Bien que l’avion MD-87 comporte désormais un système d’alerte de basse vitesse (faisant aussi l’objet d’un STC), l’exemption autoriserait l’avion ainsi modifié à effectuer ses largages de retardant dans une configuration qui ne serait pas totalement conforme aux impératifs de caractéristiques de décrochages exigées par la réglementation. »

Erickson a tenté d’obtenir une dérogation, arguant que le travail des pilotes de Tanker est principalement la prévention du décrochage lors de la phase de largage, mais s’est heurté à un refus net de la FAA. Dans un courrier officiel de 2017, Aaron J. Morris, pilote de MD-87 ayant effectué 75% des vols de re-certification du MD-87 après l’ajout du système de largage extérieur confie : « Je pense, qu’en aucun cas, avoir le train baissé n’augmente la sécurité du MD-87 au cours d’un largage sur feu ; Au contraire, ceci nous oblige à effectuer deux actions supplémentaires, le baisser avant le largage et le remonter ensuite, ce qui augmente singulièrement notre charge de travail. »

Pour la FAA il existe des inquiétudes sur le comportement de l’avion en cas de décrochage et il est donc nécessaire de suivre strictement les procédures établies lors de la certification. En l’occurrence, si les volets doivent être descendus à 40° ou plus, afin d’atteindre la vitesse de largage optimale tournant autour de 135 kt, « les trains se doivent d’être abaissés« . L’autre facteur prévalant au maintien de la position de la FAA est que que l’acceptation de cette exemption pourrait créer un précédent juridique dans lequel bien des exploitants pourraient s’engouffrer.

Néanmoins la compagnie EAT semble vouloir poursuivre l’équipement de ses avions de différents systèmes de prévention et d’alerte du décrochage afin de pouvoir convaincre la FAA de lui concéder cette exemption, l’affaire n’est donc pas close.

En attendant les prochains rebondissements de l’affaire, les MD-87 opèrent donc leurs largages trains sortis pour se conformer aux caractéristiques certifiées de ces appareils et pour respecter les consignes claires de la FAA.

Pour des raisons notamment réglementaires, les MD-87 effectuent désormais leurs largages trains sortis. (Photo : Erickson Aero Tanker)

Aujourd’hui, EAT aligne 5 MD-87 et un sixième appareil pourrait être transformé sous peu. Cet été, les 5 avions disponibles sont sous contrat avec l’USFS, en contrat NextGen ou en Call When Needed et opèrent actuellement au Colorado (Tanker 101), en Californie (Santa-Maria pour les 102 et 105, Sacramento McClellan pour le 104) et dans le Nevada pour le 103, mais les appareils peuvent être déplacés en fonction des besoins et même revenir temporairement à leurs bases pour des opérations de maintenance. A noter que ces appareils sont désormais utilisés avec une capacité de 3000 gallons uniquement (11 400 litres).

On se souvient aussi que les Tanker 102 et 103 sont intervenus au début de l’année sur les feux géants qui ont ravagé l’Australie.

Aux côtés des Boeing 747, 737, RJ-85, BAe 146 et autres C-130, les MD-87 représentent donc un autre pan de ces nouvelles générations de Tanker à réaction en action principalement sur le continent américain. La particularité de leurs largages trains sortis ne manque pas d’interpeller les observateurs, leur offrant l’occasion d’échafauder des tas de théories complexes. La réalité est, pour une fois, plus simple, et, plus que les impératifs opérationnels, c’est bien l’aspect réglementaire qui prévaut .

Et faire écoper les Tanker ?

C’est le discours habituel dès qu’on évoque les avions qui se rechargent au retardant : « quelle perte de temps. » Certes ! Mais le discours, pour autant restrictif qu’il soit n’en est pas moins quelque peu logique dans nos contrées où les plans d’eau écopables ne manquent vraiment pas.

Le passage au Pélicandrome, une perte de temps ? ça peut se discuter mais s’en passer avec des avions comme les RJ-85AT, ça va pas être simple !

Mais serait-il envisageable de permettre aux avions terrestres d’écoper, afin de combler cette « lacune » et de profiter de leurs coûts d’exploitation plus faibles que ceux des avions amphibies et avions spécialisés pour améliorer ainsi un petit peu leur productivité  pour peu qu’on oublie que le travail au retardant a aussi son importance ?

L’idée n’est pas si saugrenue. Faire écoper des avions non-hydravions, non-amphibies a même été exploré et expérimenté !

En 1965 l’ingénieur français Roland Payen, célèbre pour son travail sur les ailes delta, avait présenté un projet de perche plongeante pour équiper un Noratlas pour lui permettre d’écoper jusqu’à 8 tonnes d’eau. Le système avait été pensé pour équiper éventuellement le Transall ensuite.

Le Noratlas de lutte anti-incendie avec sa perche d’écopage pensée par Roland Payen. (Dessin : Cyril Defever, extrait du livre de Xavier Capy « Le Noratlas », éditions Escale 1997)

Le projet n’alla pas au-delà de la planche a dessin, le Noratlas n’eut jamais à combattre des feux et quand ce fut au Transall de le faire, il fut doté d’une soute de largage au remplissage conventionnel.

Au début des années 80, la société Britten Norman proposa un avion agricole, le Fieldmaster qui ne connut pas un très grand succès avec seulement une dizaine d’avions construits. Néanmoins au moins un appareil de ce type, le prototype G-NRDC, doté d’une soute de largage de 2000 litres, fut utilisé comme bombardier d’eau dans le département des Alpes Maritimes.

Le prototype du Fieldmaster présenté au salon de Farnborough en 1984 muni de sa perche d’écopage. (Photo : S. Fitzgerald)

Le constructeur en profita pour procéder à des essais d’écopage avec une perche plongeante sans doute inspirée du projet Payen. Au delà de quelques vols expérimentaux, le projet resta sans suite.

Le Britten-Norman Field Master et sa perche d’écopage lors des expérimentations du système dans les années 70. (Photo : DR)

On pensait que ce genre d’idée était désormais remisée mais il n’en est rien. Dans le cadre du développement du C-27J Fire Fighter une startup néerlandaise, Scodev est en train de développer un système d’écopage pour tanker et espère pouvoir le certifier  dès 2020. Son coût final est néanmoins estimé à 1,5 millions $.

Principe d’installation de la sonde d’écopage sur un C-130 Hercules. Document Scodev.

La sonde permettrait de prélever l’eau en volant à environ 30 mètres au-dessus de la surface du plan d’eau écopable. Des essais ont été menés, dans un premier temps, à partir d’un hélicoptère mais le système est pensé pour pouvoir s’adapter à un grand nombre d’appareils dont l’A400M.

Néanmoins la réussite de ce système n’est pas garantie et beaucoup de réticences seront à vaincre… Il faudra sans doute passer par des procédures de sécurité spécifiques sur les plan d’eau – il ne faudrait pas que le système de sonde s’accroche à un obstacle semi-immergé ou bien s’envase. Il faudra envisager aussi des procédures pour pallier un éventuel problème technique. On peut aussi imaginer passer par la mise en œuvre d’un système de flottabilité de secours mais tout nouveau surcoût fait le jeu des « écopeurs » naturels que sont les amphibies ou les voilures tournantes.

Essais de la buse d’écopage Scodev depuis un hélicoptère. (Photo : Scodev)

Faire écoper un avion non-amphibie nécessite donc un équipement spécialisé mais surtout d’inventer des procédures de sécurité. On pourrait imaginer que ces systèmes, si ils parvenaient au stade opérationnel, pourraient concurrencer sérieusement le marché des amphibies spécialisés, beaucoup plus onéreux, à l’achat comme à l’exploitation. Néanmoins il ne faudrait pas oublier que le retardant joue un rôle essentiel dans le combat contre les flammes… et qu’il ne s’écope pas !

Surtout, ces projets ne changeront pas la donne dans les secteurs où les Tankers sont utilisés en raison de l’absence de plans d’eau assez vastes épaulés par les hélicos pour l’attaque directe à l’eau qui trouvent plus facilement de quoi recharger leurs soutes.

Il ne faut guère de surface et de profondeur pour qu’un plan d’eau soit utilisable par un HBE. (Photo : US Navy)

L’histoire de l’aviation regorge de ces projets révolutionnaires. Certains aboutissent, d’autres pas. La réussite du projet Scodev ne passera que par une acceptation pleine et entière des opérateurs et des équipages.

Des Dash 8 pour Conair

Alors que la société Conair vient de livrer le deuxième Dash 8 Q400MRE (pour Enhanced, amélioré) à la Sécurité Civile française le 2 février dernier, appareil accepté au service actif le 24 février, on apprend que l’entreprise canadienne est en train de modifier un autre Q400 en bombardier d’eau pour son usage propre.

Le Dash 8 en version anti-feux de forêt va entrer en service avec un deuxième opérateur après la Sécurité Civile française, Conair, son concepteur.

L’appareil, qui a déjà commencé ses vols d’essais depuis Abbotsford sous l’immatriculation C-FFQF incarne le début de la succession des 6 Convair 580(AT) utilisés par Conair pour ses contrats saisonniers au Canada et aux USA.

Il s’agit du DHC-8-402 msn 4315 construit en 2010. Il a volé immatriculé D2-EUP chez Heli Malongo en Angola jusqu’en 2018 avant d’être stocké en Belgique jusqu’à son convoyage vers Abbotsford.

Le D2-EUP encore aux couleurs de son précédent exploitant photographié en mars 2019 à Calgary (Photo : CYYC Spotters)

L’appareil pourrait ne pas être multirôle comme les appareils français qui disposent de la possibilité d’aménagement intérieurs EVASAN, passagers ou fret et serait uniquement dévolu aux missions anti-incendies bien que désigné Q400MR. Il pourrait entrer en service dès la prochaine saison feu et sera suivi par 5 autres appareils de même type qui pousseront alors les Convair 580 vers la retraite. Il sera équipé de la même soute constant flow de 10 000 litres conçue initialement pour les avions français.

La succession des Convair 580(AT) arrive. (Photo : Inciweb)

Ainsi, en dépit des critiques qu’il connaît dans notre pays, le Q400 pourrait donc voir sa flotte se développer désormais dans son pays d’origine.