A la recherche du Catalina perdu

En 2013, à l’occasion du cinquantenaire de la base de bombardiers d’eau de la Sécurité Civile à Marignane, un immense Catalina avait été offert à Claude « Loulou » Le Louarn.

« Loulou » est un personnage. Il a fait partie des pionniers de la base, mécanicien navigant, membre de l’équipe d’origine, ceux qui ont posé les deux premiers Catalina bombardiers d’eau français à Marignane en juin 1963 ! Toujours bon pied bon œil, Claude continue d’être un membre actif de l’Amicale des Pompiers du Ciel et n’a jamais rompu les liens avec son métier et ses successeurs.

Cet imposant objet, œuvre d’Emmanuelle Ramon, était alors exposé à la Base d’Avions de la Sécurité Civile (BASC).

En 2017, la BASC de Marignane a fermé et les avions ont rejoint leur toute nouvelle base à Nîmes d’où ils opèrent désormais.

Pour éviter tout problème pendant la période du déménagement, Claude a confié provisoirement le Catalina au Musée municipal de Marignane.

« Loulou » pose en compagnie de la maquette désormais manquante le 1er juin 2013, à Marignane, lors des célébrations du cinquantenaire des bombardiers d’eau français.

Il y a quelques semaines, au moment de rapatrier l’appareil vers Nîmes où un emplacement a été prévu pour son exposition, impossible de remettre la main dessus. Pourtant, avec 1,70 m d’envergure, l’objet n’était pas vraiment un « porte-clé » qu’il est facile d’égarer !

Claude a donc lancé un appel à l’aide pour retrouver ce cadeau. Il semblerait que l’objet ait été récupéré par un particulier sans doute ignorant que cette imposante maquette n’était ni sans propriétaire ni abandonnée.

Si l’intéressé lit ce message, qu’il sache qu’il n’est pas trop tard pour ramener l’objet au Musée ou à la base de Nîmes afin qu’il puisse reprendre la place qui est la sienne, au milieu des souvenirs des bombardiers d’eau français.

 

Tout ça pour ça : la triste fin du N85U

Si il est un avion qui a bien survécu à la fin des missions de guerre en 1945, c’est bien le Catalina, dans ses différentes versions. Non seulement la fin du conflit ne l’a pas privé d’une longue carrière militaire sous différentes cocardes, mais sa reconversion dans le monde civil n’a pas été trop compliquée. Là où un avion amphibie rustique, efficace et avec une grande autonomie pouvait être utile, le Catalina avait sa place. Il fut donc avion de ligne, cargo, avion d’exploration ou long-courrier personnel, tandis que d’autres devenaient pompiers du ciel.

Démonstration en vol et largage du N85U à Hoak Harbor, près de la base de Whidbey Island dans l’État de Washington, en septembre 2009. (Photo : Tucker M. Yates/U.S. Navy)

Le N85U

Ce fut ainsi le cas du N85U un PBY-6A (BuNo 64041) construit pour l’US Navy. Il sert sous l’uniforme jusqu’en 1958 où il est revendu en surplus à ACE Flying Service pour devenir un avion d’épandage agricole. L’année suivante, il est repris par Rosenbalm Aviation en Oregon et transformé en bombardier d’eau. Ensuite, il vole pour Sonora Flying Services, Burson and Associates et arrive chez Flying Fireman en 1979. En 1988, il est revendu à Awood Air. A la fin de ses contrats de lutte contre les feux, il demeure en état de vol et devient un « warbird » très prisé dans les différents Airshow de l’ouest des USA. D’ailleurs, l’association qui l’exploite reprend le nom « Flying Fireman » de son ancienne compagnie.

En 2015, il est choisi pour participer au tournage d’un film de guerre racontant le destin tragique de l’équipage du USS Indianapolis, torpillé en 1945 après avoir livré la bombe d’Hiroshima à Tinian. Il doit jouer le rôle de l’avion venu au secours des quelques naufragés et qui a sorti une cinquantaine de marins des eaux infestées de requins où ils tentaient de survivre depuis 4 jours (1). Le N85U est donc repeint en gris pour ressembler à un Catalina militaire.

Le tournage, sous la direction de Mario Van Peebles, débute le 19 juin à bord du cuirassé USS Alabama, préservé à flot près de Mobile. Le 27 juin, des scènes sont tournées sur une plage située à seulement une soixantaine de kilomètres, à Orange Beach. Le N85U, qui a effectué le long convoyage depuis l’état de Washington où il est normalement basé, entre alors en scène, piloté par Fred et Jayson Owen.

Le 29 juin, l’avion est victime d’une panne moteur et se pose au large de la plage voisine de Flora-Balma sur Perdido Key. Il est ensuite remorqué vers le rivage. Le tournage est alors interrompu pour laisser la place aux opérations de sauvetage de l’avion.

Légèrement endommagé, ce dernier a quand même pris l’eau et, très nettement alourdi, ne peut être mis au sec sans moyens techniques importants. Pendant plusieurs jours, il devient donc l’attraction principale des touristes fréquentant la plage. Des pompes sont mises en route pour tenter de l’alléger au possible.

Le N85U « beaché » sur la plage de Perdido Key, à quelques km de Pensacola. (Photo: Gulf Coast News)

Plusieurs tentatives sont ensuite menées pour le sortir de l’eau mais sans qu’elles puissent aboutir. L’une d’elle, le 3 juillet, est effectuée avec deux tracteurs depuis la plage. elle est d’ailleurs interrompue après qu’une sangle a cédé brutalement.

Le lendemain, on tente de sortir l’avion verticalement de l’eau pour le poser sur une barge mais le fuselage qui contenait encore beaucoup d’eau cède au niveau des sangles de levage. L’avion se brise d’un coup en plusieurs parties. C’est la fin du N85U.

3 juillet 2015, la tentative de levage du N85U vient d’échouer. (photo : DR)

Il s’agit d’une faiblesse pourtant bien connue du Catalina. Plusieurs avions, à moitié coulés, ont été ainsi détruits en tentant de les sortir de l’eau parce que devenus trop lourds. Ce fut d’ailleurs le cas pour un avion de la Protection Civile, le Pélican Rouge F-ZBAR, accidenté le 4 juillet 1964 lors d’un écopage sur le canal de Donzère et détruit lors des opérations de récupération.

The mangled remains of PBY-6A N85U after being moved to the USS Alabama Battleship Park Museum in Mobile, AL Photo: via Heijo Kuil

Les restes du N85U entreposés au Memorial Park de l’USS Alabama à Mobile (FL) quelques semaines après l’accident. (Photo : AL)

Tout ça pour ça :

Le film USS Indianapolis, men of courage sort aux USA en octobre 2016. Il est éreinté par la critique dès sa sortie, ce qui se double d’un échec public puisqu’il ne rapporte que 1,5 millions $, un peu juste pour un film qui en a coûté 40 !

Rien qu’en regardant l’affiche, on sent que la production n’a pas donné toutes ses chances à son produit.

Il s’agit d’un navet de plus à mettre « au crédit » de Nicolas Cage qui semble s’être fait une spécialité du genre depuis de nombreuses années.

Le film n’arrive même pas à égaler l’intensité du récit du drame par Robert Shaw dans les Dents de la Mer. (F. Scheck)

Le film n’est pas totalement non- regardable, il est juste totalement sans intérêt. (2) (G. Kenny)

Si malgré ça vous décidez quand même de le regarder, bravo, vous méritez bien le sous-titre du film, vous êtes un « homme de courage ! » (usoska/AlloCiné)

En France, il n’a même pas bénéficié d’une sortie en salle : il a été marqué du sceau de l’infamie cinématographique qui se résume en trois lettres : DTV : Direct To Video !

Ce n’est malheureusement pas la première fois qu’un avion précieux est détruit au cours du tournage d’un film historique. On se souvient que le Memphis Belle de Caton-Jones, en 1989  avait été marqué par la destruction au décollage du F-BEEA, un B-17 appartenant encore à l’IGN. Une perte là aussi inestimable. Seule maigre consolation, ce film, en dépit de quelques exagérations, était tout à fait respectable, ce qui ne semble pas être le cas du tournage pour lequel le N85U a été sacrifié.

Selon les spécialistes, il resterait, dans le monde, 14 Catalina en état de vol et toujours immatriculés. Sur ces 14 avions, 10 sont d’anciens bombardiers d’eau mais peu ont conservé leur soute de largage. Le N85U était donc un des derniers et sa perte en des circonstances aussi ridicules n’en est que plus lourde.

 

(1)  L’épave de l’Indianapolis a été localisée le 19 août 2017 par une expédition menée par Paul Allen.

(2) J’ai profité d’une diffusion télé pour le voir et confirmer que les critiques émises à son encontre sont assez justifiées !

 

article corrigé le 7 août 20020

 

En flânant sur Google Earth

Le logiciel Google Earth est un outil de découvertes extraordinaire. Avoir à sa disposition une couverture photographique aussi complète de notre planète est un atout fabuleux pour les étudiants, les chercheurs, les curieux, et même les passionnés d’aviation !

En cherchant autour du Boeing 747SP SOFIA de la NASA, je me suis demandé si  cet avion unique était visible sur sa base habituelle de Palmdale en Californie. De 747SP, je n’ai point trouvé de trace, mais, visible en juillet 2008, sur le parking trônait une silhouette étrange, pouvant éventuellement évoquer un C-130. Mais la forme curieuse des moteurs, l’allure générale de l’avion ne collait pas tout à fait.

YC-15 Palmdale 07 2008

Il ne s’agit effectivement pas d’un C-130, ni même du très rare L-300, la version civile du C-141 (la longueur du fuselage ne correspond pas) que Lockheed rêvait d’imposer  et qui continua à voler comme observatoire volant depuis cet aérodrome, justement, avant d’être remplacé par le 747 SOFIA. Non, il s’agit du premier des deux YC-15, avions précurseurs du C-17 Globemaster III, et qui fut remis en vol à la fin des années 90 en lien avec ce programme. Il connût rapidement un sérieux problème en vol et fut cloué au sol. Stocké à Palmdale pendant plusieurs années, il a rejoint depuis Edwards AFB, à une trentaine de km au nord-est, où il est exposé au sein du  Air Force Flight Test Center Museum. L’autre YC-15, bien que conservé un temps à quelques centaines de mètres du Pima Air Museum à côté de la célèbre base de stockage de Davis Monthan dans l’Arizona a été ferraillé en 2012 comme on le constate également sur GE.

YC-14 et 15

capture GE 1/4/2008. Le YC-15 se trouve sur « l’allée des célébrités » à Davis Monthan (AZ) non loin de son concurrent YC-14.

Un peu plus au nord

Du côté de Moffett Field, aérodrome à l’histoire passionnante, près de San Francisco, on distingue, en date du 23/3/2015, la silhouette de ce quadriréacteur difficile à identifier au premier abord mais qui n’est pas sans rappeler le YC-15.

DHC-5 Buffalo Moffett

Il s’agit du N715NA, un C-8A (DHC-5) Buffalo modifié dans le cadre du programme Quiet Short Haul Research Aircraft (QSRA) de la NASA et qui attend d’être intégré au Moffett Museum Airpark.

Les performances à l’atterrissage et au décollage ont toujours été cruciales pour les avions commerciaux et militaires. La NASA, qui ne se consacre pas qu’à la conquête spatiale, a énormément travaillé sur ce thème. Dans les années 70, elle a donc récupéré ce C-8A auprès du National Center for Atmospheric Research (NCAR) et Boeing Commercial a obtenu le contrat pour le modifier dans son usine à Everett. L’appareil a fait son premier vol dans cette nouvelle configuration le 6 juillet 1978 et a intégré la flotte de la NASA du Ames Research Center, basé à Moffett Field justement, le 3 août suivant.

Il est équipé de quatre réacteurs YF-102. Lorsque le Fairchild A-10 a été préféré par l’USAF à son concurrent Northrop A-9A, les deux prototypes malheureux ont été confiés à la NASA, avec un important lot de pièces. L’organisme s’est donc trouvé en possession de six réacteurs Lycoming YF-102 et en a donc installé quatre sur l’appareil expérimental.

Dotés d’un système de contrôle de la couche limite BLC et de surfaces portantes soufflées le C-8A QSRA dispose aussi de commandes de vol électriques pour la profondeur et le lacet. Ses performances en atterrissage court lui ont même permis d’effectuer des essais à bord du USS Kitty Hawk en 1980. Il était présent également au salon du Bourget 1983.

Comme le nom du programme l’indique, il a aussi été utilisé pour étudier et améliorer les performances sonores des appareils à atterrissage et décollage court. A noter que les réacteurs YF-102 ont donné naissance à la famille de réacteurs ALF 502 installés en particulier sur les BAe 146, avions particulièrement discrets.

Un peu plus loin…

A une trentaine de km de Sharm El Sheik,de l’autre côté de l’entrée du Golfe d’Aqaba, sur la rive saoudienne du détroit de Tiran, se trouve une épave d’avion posée sur la plage et en bien piteux état, extrêmement bien visible sur GE.

Catalina Saoudien

Il s’agit des restes du PBY-5A Catalina BuNo 48397 qui, dans les années 50, fut aménagé pour servir d’avion privé pour la famille de l’homme d’affaires américain Thomas W. Kendall et immatriculé N5593V. En 1959, il entreprit avec toute sa famille un tour du monde aérien prévu pour durer une année.

Le 22 mars 1960, profitant des capacités amphibies de l’appareil, ils firent escale dans le Golfe de Tiran pour passer la nuit à l’ancre. Le lendemain matin, ils furent attaqués par des bédouins saoudiens. L’avion fut très durement touché par les tirs, obligeant ses occupants, dont David Lees, un photographe du magazine Life qui avait embarqué en Égypte pour couvrir une partie de cette aventure, à l’évacuer. Ils furent détenus quelques jours, histoire de prouver qu’ils n’étaient pas des commandos israéliens…

L’avion, très endommagé, demeura sur place, échoué sur une plage désertique et depuis 55 ans se dégrade doucement, inexorablement. Le récit de l’attaque a été publié dans le Life du 30 mai 1960. Aujourd’hui, c’est une épave emblématique et célèbre, objet de très jolies photos, un peu tristes toutefois.

Ce ne sont que quelques exemples de ce qu’il est possible de découvrir en observant attentivement certains aérodromes ici et là sur la planète. Sans quitter son bureau, on peut donc « spotter » virtuellement des appareils étonnants, de retrouver des machines à l’histoire marquante. Google Earth est un outil aux capacités hors-normes et si certaines de ses applications sont discutables au nom du respect de la vie privée, ces quelques lignes sont la preuve que c’est aussi un outil adapté à la curiosité utile.

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Note : pour retrouver ces vues, il peut être utile de connaître l’utilisation de la barre de temps du logiciel, qui permet de faire défiler les images d’un site au fur et à mesure des différentes mise à jour du logiciel et des acquisitions d’images par l’éditeur.

GE chrono

En cliquant sur l’horloge, GE affiche une barre chronologique. Centrée ici sur l’aérodrome de Palmdale en Californie, elle permet de remonter de très nombreuses images aériennes de cette endroit prises depuis 1989. En fonction des endroits, cette barre donne accès même à des photos de reconnaissance de la seconde guerre mondiale. (Capture Google Earth)