Tribute to Avro Vulcan XH558 G-VLCN

Le Avro Vulcan XH558 G-VLCN, c’était un peu le dernier dinosaure de l’ère atomique, l’ultime rescapé des V-Bomber de la Deterrent Force britannique des années 60 dont il fut un des piliers aux côtés des Valiant et Victor. Retiré du service un peu après la Guerre des Malouines  – à laquelle les derniers appareils opérationnels ont brillamment participé avec les légendaires missions « Black Buck » le dernier Vulcan préservé en état de vol, a tiré aujourd’hui sa révérence après un ultime court vol depuis l’aéroport de Doncaster, mettant un point presque final à une histoire extraordinaire comme seuls nos amis anglais en sont capables.

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28 octobre 2015, 16 heures à Paris. C’est terminé. Le Vulcan s’est posé, a déployé son parachute de freinage et roule pour quitter la piste. (capture d’écran Periscope.tv)

Entré en service en 1960, le XH558 a fait partie des six derniers avions de ce type en service dans la RAF, car modifiés en ravitailleurs en vol au sein du 50 Squadron, jusqu’en 1984. Après la dissolution de l’unité et la mise à la retraite du type, le XH558 a été maintenu en état de vol au sein du RAF Vulcan Display Flight de 1985 à 1992. Conservé ensuite entre des mains privés en excellent état sur un aérodrome du Lecestershire, puisqu’il était amené à effectuer des roulages à haute vitesse sur cette piste lors de journées porte-ouverte, il est restauré à partir de 1999 pour être remis en état de vol.

Le Vulcan to the Sky Trust (VST), ayant réussi l’exploit de réunir à la fois le financement et les compétences techniques, parvint à faire revoler cet avion le 18 octobre 2007. Depuis, il a été présenté en vol lors de très nombreux meetings aériens, hélas uniquement en Grande-Bretagne, où chacune de ses apparitions a autant drainé les fanas que les curieux créant à chaque fois l’évènement.

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Une allure reconnaissable entre mille. (Photo : H.-P. Grolleau)

Au début de la saison des meeting 2015, VST annonça que le Vulcan effectuait sa dernière saison et qu’il serait arrêté de vol en octobre pour être conservé « vivant » sur l’aérodrome de Doncaster.

La tournée d’adieux fut soutenue et chacun de ses vols, annoncés et commentés en temps réel sur les réseaux sociaux, fut suivi avec attention par tous les fanas du monde entier avec en point d’orgue les longs vols des 10 et 11 octobre au cours desquels l’avion a fait le tour de l’Angleterre pour pouvoir être admiré par tous.

Ces deux vols étaient en fait dictés par la très forte demande du public, avide de voir une dernière fois voler cette légende volante. Pour d’évidentes raisons de sécurité et aussi pour garantir au Robin Hood Airport de pouvoir assurer sa mission quotidienne sans problème, le Vulcan to the Sky Trust a même clairement recommandé aux personnes intéressées de ne pas se rendre à Doncaster car on peut imaginer sans problème les perturbations que plusieurs dizaines de milliers de spectateurs, et leurs véhicules, pourraient engendrer aux abords de cet aéroport régional.

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Itinéraire initialement prévu pour les vols des 10 et 11 octobre 2015 du G-VLCN. Beau programme pour une exceptionnelle tournée d’adieu.

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A l’issue de son vol du 11 octobre, après avoir défilé au-dessus de l’aéroport d’East Midlands, le Vulcan a été rejoint par le Jet Provost G-BWSG à bord duquel se trouvait un photographe pour immortaliser ces instants uniques, ce qui explique cette trajectoire un peu erratique avant de revenir se poser à Doncaster . (Capture Flightradar24)

Pour ces mêmes raisons, l’ultime vol du 28 octobre n’a été annoncé publiquement que 30 minutes avant le décollage.

Comme l’explique Robert Plerning, à la tête de VST, la principale raison de l’arrêt des vols du G-VLCN est le retrait du soutien des différents industriels, BAe Systems, Marshall Aerospace and Defence Group et Rolls-Royce, impliqués dans le suivi technique et réglementaire de l’avion. D’autres facteurs sont aussi entré en compte comme le manque de moteurs de rechange encore avionables après l’incident du 28 mai 2012 où l’ingestion de sacs déshydratants laissés dans l’entrée d’air et non détectés lors de la visite prévol endommagèrent deux réacteurs, forçant leur remplacement par deux Olympus gardés en réserve. En 2013, le XH558 ayant dépassé le total d’heures de vol jamais atteint par aucun autre appareil de ce type, se trouva également confronté à la limite de potentiel de son aile. Cette saison-là fut donc annoncée comme étant  la dernière jusqu’à ce que Cranfield Aerospace parvienne à trouver une solution pour prolonger de deux ans le potentiel de cette pièce majeure et dont la modification s’acheva en mars 2014, juste à temps pour la nouvelle saison de meetings.

Tout au long de sa troisième vie, de 2007 à 2015, le financement de cet avion lourd et techniquement complexe a été un problème. La fondation de la loterie nationale britannique offrit £ 2 734 000 en 2004, parmi d’autres sponsors mais c’est l’apport des passionnés qui, chaque année, permit d’apporter les quelques centaines de milliers de Livres manquantes pour boucler les budgets, preuve de l’attachement profond de la population britannique à son patrimoine aéronautique, et le caractère sérieux que nos voisins d’outre-manche confèrent à leurs hobbies !

Ces 8 dernières années, le Vulcan a donc été une star absolue. En dépit de sa grande taille, son immense surface alaire autorisait à l’appareil des évolutions très spectaculaires en basse altitude. Son équipage mettait donc un point d’honneur à le présenter en vol de façon absolument exemplaire, avec un ensemble de manœuvres mettant parfaitement en valeur les formes de l’appareil et ses performances en jouant sur sa maniabilité et sa puissance mais sans jamais donner l’impression de forcer. Un régal !

Il en a donc mis plein les yeux (et plein les oreilles) aux spectateurs des meetings aériens de Grande Bretagne, comme au Tatto 2010 à Fairford.

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Cette grande aventure s’est donc terminée ce 28 octobre, à 15h13, heure locale, lorsque l’équipage a coupé les quatre Olympus.

Enfin, pas tout à fait non plus puisque l’avion va être conservé et pourrait, au moins, toujours procéder à des roulages à grande vitesse sur la piste de Doncaster, ce qui ne manquera pas de continuer d’attirer la foule. Mais on ne verra plus cette silhouette extraordinaire transpercer les nuages britanniques !

Cependant, comme le rappelle à l’envi le Vulcan to the Sky Trust, reprenant les paroles du dessinateur Dr Seuss pour illustrer ces adieux en fanfare :

« Don’t cry because it’s over, smile because it happened. »

« Ne pleure pas parce que c’est terminé, souris parce que c’est arrivé ! » .

 

On ne saurait mieux dire !

Un souci sur le train d’atterrissage du Vulcan XH558 à Prestwick

Samedi dernier, à son arrivée à Prestwick pour le Scottish Airshow 2015,  le Vulcan XH558 a rencontré un problème avec son train d’atterrissage avant, lequel était sorti imparfaitement et non verrouillé. Le pilote du Spitfire du RAF Battle of Britain Memorial Flight, présent également pour le show, s’est alors immédiatement proposé pour venir examiner visuellement le problème ce qui fut fait avec la collaboration active des contrôleurs aériens. Une fois rassemblé sur le Vulcan, le pilote du Spit a confirmé que rien ne bloquait la jambe autorisant alors l’équipage à tenter de la verrouiller en effectuant des manœuvres sous facteur de charge. L’opération a parfaitement réussi et le jet est venu se poser sans problème.

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Le Vulcan XH558 en juillet 2010 à Fairford. Quelle ligne incroyable !

Grâce aux spotters, toujours plus nombreux quand le Vulcan se déplace, l’ensemble de l’opération a été filmée et les conversations radio enregistrées.

Voir la video sur youtube.

Un bel exemple de collaboration et de solidarité.

Après une première vérification effectuée sur place, le Vulcan est rentré en vol le lendemain à sa base de Doncaster, entraînant de fait l’annulation de son apparition lors du Victory Show à Cosby prévue ce jour-là. Le convoyage a cependant été effectué, par précaution, trains sortis. Une fois dans son hangar du Robin Hood Airport,  le Vulcan a été placé aux bons soins de ses mécanos qui, après une semaine de travail ont déclaré l’avion bon pour reprendre la suite de sa formidable tournée d’adieux dès ce weekend.

Il  ne reste donc plus qu’une toute petite poignée d’opportunités en septembre et octobre pour admirer en vol cet appareil incroyable. Espérons que rien, ni nouveau pépin technique ni météo, ne vienne gâcher ces spectaculaires derniers vols.

Un Vulcan en Californie

En ce moment, le dernier Vulcan en état de vol, le XH558, effectue sa tournée d’adieux avant d’être définitivement cloué au sol pour la deuxième fois de son histoire, mais ça pourrait bien être la bonne.

Si au cours de ces dernières années, le Vulcan n’est pas sorti du territoire de sa gracieuse Majesté, au cours de sa carrière opérationnelle, entre 1960 et 1984, ce ne fut pas tout à fait le cas comme le montrent ces photos prises en Californie en 1981 et 1982.

Vulcan B 2MRR, XH558, No. 27 Sqdn, McClellan AFB, Jul 81 (Carl E. Porter)

Le XH558 à l’atterrissage sur la piste de McClellan AFB en juillet 1981. (Photo : Carl E. Porter)

Vulcan B 2MRR, XH558, No. 27 Sqdn, McClellan AFB, 23 Jan 82 (Peter B. Lewis)

Le XH558 de retour à McClellan AFB le 23 janvier 1982. (Photo : Peter B. Lewis)

Un Vulcan de passage aux USA voilà qui est intéressant ! Les photos auraient été prises à Nellis, on aurait été en droit de penser qu’il accompagnait un détachement de la RAF à un exercice Red Flag, mais à Sacramento, ça commence à ne pas être si logique.

Finalement, l’histoire derrière ces deux photos concerne aussi notre pays.

En fait, le Vulcan aurait fait escale à McClellan sur sa route vers la Polynésie française où il serait allé traîner du côté de Mururoa. Si, à cette époque, les essais étaient déjà souterrains, et non plus à l’air libre, il était sans doute possible de ramasser quelques données en analysant des prélèvements d’atmosphère et de particules sinon en effectuant du renseignement par d’autres biais.

La présence du XH558 et de ses pods spéciaux en 1981 correspond effectivement à la période où plusieurs tirs ont lieu : Lyncée, 8 juillet, Eryx, 11 juillet, Théras, 18 juillet et Agénor le 3 août. Le deuxième passage se situe juste avant le premier tir de 1982 qui a lieu le 20 février (Aérope) et pourrait bien correspondre à une mise en place préalable pour ce genre de mission.

D’où opéraient ensuite les Vulcan ? La base néo-zélandaise d’Oakeha se trouve à 5000 km de Mururoa, celle de Nadi au Fidji à 4500, mais celle de Pago Pago à seulement 3400. L’autonomie de base du Vulcan étant donnée pour un peu plus de 4000 km, l’usage de ravitailleurs Victor pour la réussite de ces missions ne fait guère de doute, surtout que ce type d’avion transitait régulièrement par McClellan à cette époque-là !

Victor K Mk 2, XL231, No. 57 Sqn, McClellan AFB, Aug 81 1024 (Peter B. Lewis)

Le Victor K Mk 2, XL231 du No. 57 Sqn fait escale à McClellan AFB en route vers le vaste océan Pacifique en août 1981 ! (photo : Peter B. Lewis)

Quoi qu’il en soit, c’est la preuve que même entre alliés, on a le droit de se faire des cachoteries et de jeter un œil indiscret par la fenêtre pour voir comment les choses se passent.

« Reniflage à Mururoa ; not too much Entente, and not so cordiale… » (René J. Francillon)

La morale de cette histoire n’est pas que l’entente cordiale est un mythe, mais bien que si ce Vulcan a été impliqué dans une légère histoire franco-anglaise, il aurait été sympa qu’il franchisse au moins une fois la Manche – parce que, survoler la Manche, il sait le faire, et bien – pour venir se montrer sur un meeting français, même juste en passant, histoire de faire baver le public des « froggies » et lui faire regretter qu’aucun Mirage IV n’ait été ainsi conservé en état de vol dans notre beau pays.

Merci à Carl E. Porter, à Peter B. Lewis et à René J. Francillon pour ces photos.