Mriya, Dreamlifter, Beluga et Guppy, attention convois (aériens) exceptionnels !

A une vingtaine de km au nord-ouest de Kiev se trouve l’aérodrome de Gostomel (UKKM). Propriété du constructeur aéronautique Antonov qui l’utilise essentiellement pour ses principaux vols d’essais, il sert également de base pour la compagnie aérienne spécialisée dans le fret, Antonov Airlines dont la flotte, constitués d’une vingtaine d’avions cargos de divers types sortis des usines locales, se distingue en exploitant un avion rare, car unique et spectaculaire, l’Antonov 225 Mriya.

Antonov 124 225

Dérivé de l’An-124, dont 4 exemplaires sont visibles sur cette vue aérienne de l’aérodrome de Gostomel, l’An-225 démontre sa taille exceptionnelle. On note aussi la présence de deux AN-22 qui en imposent aussi !

Dernier vestige encore actif de l’aventure de la navette spatiale soviétique, cet appareil immense a été conçu à la fin des années 80 pour le convoyage par voie aérienne des véhicules spatiaux, à l’instar des deux Boeing 747-100 Shuttle Carrier Aircraft (SCA) de la NASA. Cet hexaréacteur, dérivé de l’Antonov 124, peut, à juste titre, prétendre au titre de plus gros avion jamais construit (1). Avec la chute du régime soviétique en 1991, le programme spatial (2) est stoppé et l’Antonov 225 reste stocké pendant 8 ans. Au tournant du siècle, l’émergence d’un besoin de plus en plus important de transporteurs aériens de forte capacité entraîne une remise en état de vol et une reconfiguration du Mriya en cargo.

Le second exemplaire du 225, que l’arrêt du programme Buran avait laissé inachevé dans les années 90, est même remis en chantier un temps, mais le coût de cette construction s’est avéré un peu trop élevé et le projet a vite été stoppé. Ce fuselage demeure toutefois abrité, en bon état, dans un hangar de Gostomel.

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L’unique An-225 escorté par quatre L-39 de la patrouille Vyazma Russ  lors d’un meeting aérien à Kiev en 2012. (Photo : Oleg V. Belyakov – AirTeamImages)

Depuis maintenant une quinzaine d’années, l’Antonov 225, immatriculé UR-82060, est régulièrement mis à contribution pour les missions de transport à la demande pour des charges exceptionnelles par leur taille ou leur masse, parfois les deux. Il est effectivement le seul appareil capable de décoller avec une charge utile, hors carburant, d’environ 250 tonnes et un volume utilisable de 1300 m³.

An225

Capture Flightradar24 du départ de l’Antonov 225 à destination de Doncaster en novembre 2015. Chacun de ses mouvements, rares, devient un évènement particulièrement suivi.

Si l’Antonov 225 est impressionnant par sa taille et sa charge utile, la plus lourde, Boeing, de son côté, a récemment mis en service l’appareil disposant du plus grand volume disponible.

Au milieu des années 2000, pour appuyer le programme 787 Dreamliner dont le carnet de commande était particulièrement garni, et ce, des mois avant même le premier vol du prototype, Boeing a lancé la conversion de quatre Boeing 747-400 de seconde main en Boeing 747-409(LCF) Dreamlifter dont le fuselage a été agrandi pour obtenir un volume record de 1840 m³. La charge utile, de 113 tonnes, reste cependant similaire à celle des version cargo de cette version du quadriréacteur.

Le chantier de conversion des quatre appareils, désormais immatriculés N747BC, N780BA, N718BA et N249BA, a  été effectué par Evergreen Aviation Technologies Corp à Taiwan (3).

Boeing 747LCF Everett

Un Boeing 747LCF à Paine Field, Everett, État de Washington, important site de production Boeing au nord de Seattle.

Le contrat d’exploitation de ces avions est aujourd’hui confié à Atlas Air. Ils ont pour mission exclusive d’assurer les liaisons logistiques entre les différents sites impliqués dans la production des pièces principales du Dreamliner, principalement Everett et Charleston aux USA, Tarente en Italie et Nagoya au Japon.

747LCF Nagoya et Tarente

Trois Boeing 747LCF visibles sur GE à Nagoya (g) et à Tarente (d).

Le rôle joué par les Dreamlifter dans la production industrielle du 787 est clairement essentiel, une étude préliminaire ayant démontré que l’acheminement de ces mêmes pièces par voie maritime aurait pu prendre jusqu’à 30 jours. On imagine bien qu’en réduisant ce délai à un jour ou deux les économies réalisées compensent plus que largement l’investissement que ces avions représentent.

747 LCF Dreamlifter

Un 747LCF survole la région parisienne, le 10 mars 2011, en route vers l’Italie.

Le Dreamlifter a quand même fait la démonstration de capacités inattendues lorsque l’un d’eux, alors en vol vers McConnell Air Force Base au sud-est de Wichita au Kansas, s’est posé, lors d’une nuit de novembre 2013, sur la piste du James Jabara Airport, à une douzaine de km plus au nord, à la suite d’une confusion de son équipage. Comme c’est toujours le cas dans ces situations relativement peu fréquentes quand même, les pistes des deux aérodromes avaient la même orientation, mais celle où le Boeing s’est posé ne mesurait que 1800 mètres de long, contre plus de 3000 à la destination initiale. L’escale non prévue a duré une douzaine d’heure, le temps de vider l’appareil de sa cargaison et de vérifier si l’envol était possible, ce qui fut donc fait, devant de nombreuses caméras venues immortaliser cet évènement tragicomique.

747LCF Jason Rabinowitz

Avec beaucoup d’humour, les concepteurs du 747LCF ont écrit une lettre au père du Boeing 747 pour présenter leurs excuses pour ce qu’ils ont fait à la silhouette de son chef d’œuvre. L’histoire ne dit pas si ils ont été absouts pour cette faute grave ! (Photo : Jason Rabinowitz)

Le système mis en place par Boeing pour ses lignes logistiques est le même que celui qui est appliqué par son concurrent, Airbus, dont la spécificité européenne explique l’éparpillement des sites de production en France, en Allemagne et en Grande Bretagne. Pour transporter des pièces aussi volumineuses que des tronçons de fuselage, des ailes, des empennages et des gouvernes de profondeurs, Airbus a fait construire 5 Airbus A300-600ST Beluga qui se distinguent par un volume interne utilisable important de 1410m³, qui est resté le volume le plus vaste disponible sur un avion jusqu’à l’émergence du Dreamlifter (4). Cependant, la charge utile standard de 47 tonnes du Beluga demeure modeste en comparaison.

Beluga a Toulouse

Les 5 Airbus A300-600ST Beluga, réunis à l’usine de Toulouse, leur base de départ.

Ces avions sont entrés en service en 1996 chez Airbus Transport International, une filiale créée spécialement pour cela. Outre leurs missions quotidiennes au profit du groupe Airbus, ces cargos peuvent être loués pour des transports volumineux spéciaux. Ce fut le cas plusieurs fois, notamment, au profit d’Arianespace et même pour des opérations humanitaires. Mais l’opération la plus médiatique a été le convoyage du gigantesque tableau d’Eugène Delacroix, « La liberté guidant le peuple », (2,60 m de haut sur 3,25m de large) qui a bénéficié du Beluga n°3 pour son transport afin qu’il soit exposé à Tokyo en 1999. L’avion avait reçu une reproduction grandeur nature du chef d’œuvre sur son fuselage à l’occasion de cette mission prestigieuse.

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L’Airbus A300-600ST Beluga 3 spécialement décoré pour le transport du tableau de Delacroix vers le Japon en 1999 et exposé au Salon du Bourget en juin de cette année-là. (Photo : Reuters)

Ces avions célèbrent donc cette année leurs 20 ans de service. Ils vont être remplacés par le Beluga XL dérivé de l’Airbus A330-200 et dont le premier exemplaire est en cours de production. 5 exemplaires ont également été commandés qui devraient entrer en service entre 2019 et 2025 et pousser progressivement leurs prédécesseurs à la retraite. Avec une charge utile un peu plus élevée et un volume qui n’a pas encore été précisé, le Beluga XL devrait faciliter le transport de pièces plus volumineuses et plus lourdes et apporter une plus grande souplesse logistique à l’avionneur.

Vue d’artiste du futur Beluga XL à réacteurs Rolls-Royce. (Document Airbus Group)

Avant le Beluga, Airbus avait exploité la première génération d’avions à fort volume, les célèbres Super Guppy.

Conçus par la société Aero Spaceline à la suite d’un appel d’offre de la NASA qui cherchait le moyen de transférer les éléments des engins spatiaux construit dans l’ouest des USA jusqu’au site de lancement situé en Floride, de l’autre côté du pays, les Guppy qui existèrent en trois variantes principales, étaient des conversions de Boeing 377 Stratocruiser ou sa version militaire C-97 Stratofreighter. Le premier d’entre-eux, le Pregnant Guppy, immatriculé N1024V, vola effectivement pour la NASA une dizaine d’année à partir de 1963. Il prit donc une part non négligeable dans le programme Apollo. Retiré du service dans les années 70, et immatriculé alors N126AJ, il fut finalement ferraillé en 1979.

Deux Mini Guppy furent également construits. Le premier, immatriculé N111AS et disposant de turbines Allison 501, eut une carrière trop courte puisqu’il fut détruit au décollage d’un vol d’essais, le 10 mai 1970, seulement deux mois après son tout premier vol, tuant son équipage de 4 hommes. Le second, N422AJ, toujours motorisé par des Pratt & Whitney R-4360 connut une carrière plus longue puisqu’il fut exploité par son propre constructeur avant d’être revendu et utilisé sous l’immatriculation N422AU par plusieurs compagnies, dont Aero Union en Californie et Erickson Air Crane, jusqu’en 1995. Aujourd’hui, cet appareil est préservé et exposé au Tillamook Air Museum dans l’Oregon.

Tillamook

Le Mini Guppy N422AU est désormais visible devant le hangar du Tillamook Air Museum.

Ce fut ensuite avec le Super Guppy que la famille se développa. Toujours avec des turbines Allison 501, ce nouveau dérivé du C-97, dont le volume de la soute était de 1408 m³, un record à l’époque, obtint son certificat de navigabilité en novembre 1966 pour les USA et en septembre 1971 pour la France.

En effet, face à ses besoins logistique, le nouvel avionneur Européen Airbus était à la recherche d’une solution pour le transport des éléments de ses avions produits sur les sites de ses différents partenaire européens.

Les trois premiers Super Guppy furent construits aux USA. Le premier entra en service en France en novembre 1971 immatriculé F-BTGV. Le deuxième, immatriculé N1038V resta aux USA car il vint prendre la succession du Pregnant Guppy de la NASA à partir de mai 1972 où il vola sous l’immatriculation N940NS. Le troisième, F-BPPA, entra au service d’Airbus, par l’intermédiaire de son exploitant Aéromaritime, filiale d’UTA, en août 1973.

Les deux appareils suivants, rendus nécessaire par le développement de l’activité du constructeur européen, furent assemblés en France, par UTA Industries au Bourget à partir de 1980. Le F-GDSG vola en juin 1982 suivit par le F-GEAI l’année suivante. (5)

Super Guppy Airbus (Jacques Guillem)

Le premier Super Guppy F-GTGV chargé d’une paire d’ailes d’Airbus. Cet avion est désormais préservé en Grande Bretagne. (photo : Jacques Guillem)

Les capacités des Super Guppy leur permettaient d’acheminer rapidement les sections de fuselage des avions en constructions de tous types. Et même les ailes des Airbus long courrier A330 et A340 pouvaient trouver leur place à bord. Ce sont ces capacités hors normes qui expliquent que la première génération de Beluga, sur base d’Airbus A300, dispose du même volume interne, à 2 m³ près !

Et quand on connaît l’opposition, à la fois technique et commerciale, qui existe aujourd’hui entre la firme de Seattle et celle de Toulouse, il est amusant de constater que la seconde doit une grande partie de son succès à sa logistique assurée  par des avions construits à l’origine par son principal concurrent !

Avec l’arrivée progressive des Beluga, à partir de 1995, plus performants, les Super Guppy cédèrent leurs places. Le dernier vol est effectué par le F-GDSG en octobre 1997, lorsqu’il rejoint Hambourg depuis Toulouse pour être préservé dans l’enceinte de l’usine DASA. Les deux autres avaient déjà rejoint les collections des Ailes Anciennes de Toulouse et du British Aviation Heritage à Bruntingthorpe en Grande-Bretagne.

Guppy preservés

Les Super Guppy préservés : le N940NS au Pima Air Museum de Tucson (Arizona), le F-BPPA à Toulouse, le F-GDSG à Hambourg et le F-BTGV à Bruntinthorpe.

La NASA profite du retrait des Super Guppy d’Airbus pour acquérir le plus récent, le n°4 F-GEAI, pour succéder à son N940NS, préservé dès lors au Pima Air Museum à Tucson dans l’Arizona.

Super Guppy El Paso

Le Super Guppy N941NA de la Nasa, vu sur sa base d’El Paso.

Basé normalement à El Paso, au Texas, le dernier représentant encore actif de la famille Super Guppy, ex F-GEAI et désormais immatriculé N941NA, effectue régulièrement des liaisons vers la Floride et le site du Kennedy Space Center à Cap Canaveral pour acheminer satellites et véhicules d’exploration spatiale qui doivent y être lancés.

EM-1 Arriving on the Guppy at the SLF

Le lundi 1er février 2016, le Super Guppy de la NASA livre un véhicule habitable Orion sur le Shuttle Landing Facility (SLF, à Cap Canaveral) pour une prochaine mission. (Photo : NASA)

Ces avions de transport spéciaux, qui sont aussi des oiseaux rares, ont donc des caractéristiques exceptionnelles. Certains peuvent même prétendre au titre de plus gros avion jamais construit, en fonction des paramètres qu’on jugera les plus judicieux, car quel est celui qu’il faut prendre en compte, la masse, la taille ou le volume ? Un débat sans fin !

Voici un tableau récapitulatif des données essentielles de certains appareils évoqués plus haut, accompagnés d’avions plus répandus à titre de comparaison.

avions super lourds ou super gros

A noter que le volume de la soute du futur A330ST Beluga XL n’a pas encore été communiqué. En ce qui concerne l’Airbus A380, il faut préciser qu’une version cargo A380F avait été prévue mais dont le développement a été arrêté très tôt. Ses caractéristiques auraient été les suivantes :  MTOW : 592 t, charge utile : 150 t, volume : 1134 m³.

La présence du H-4, autrement appelé Hugues Spruce Goose, s’explique surtout par son envergure record de 98 mètres. Au passage, le plus gros hydravion de l’histoire n’est pas visible directement sur Google Earth, mais le site où il est préservé facilement localisable en face l’aéroport de McMinnville dans l’Oregon.

Musée Evergreen de McMinnville OR

Le Musée Evergreen de McMinnville dans l’Oregon où le Spruce Goose est exposé. Les deux Boeing 747 donnent une bonne idée de la taille des bâtiments et les avions tout autour un avant goût intéressant de la collection qu’il abrite.

(1) exception faite de l’Ekranoplan KM qui se trouve à l’intersection des mondes aéronautiques, maritimes, de la science fiction et des délires éthyliques d’ingénieurs désœuvrés. La longueur de son fuselage frôlait les 100 mètres.

(2) La navette Buran, qui n’a effectué qu’un seul vol spatial, en automatique, en novembre 1988, a été détruite à Baïkonour en 2002 lorsqu’une tempête a balayé le hangar où elle tombait en ruine.

(3) En dépit de leur homonymie, cette société n’a aucun lien avec la compagnie cargo Evergreen International, aujourd’hui disparue. Cependant, avant que le contrat d’exploitation des Dreamlifter n’échoit à Atlas Air en 2010, c’est Evergreen International qui exploitait ces avions, alors au nombre de trois, au bénéfice de Boeing, de quoi causer une véritable confusion.

(4) Airbus fait aussi appel à des lignes maritimes et routières, mais sur des distances plus raisonnables que celles envisagées par Boeing pour le 787 et pour un avion, l’A380, dont le rythme de production est bien moins élevé.

(5) C’est dans le cadre de ce programme qu’un ancien KC-97 de la Garde Nationale du Missouri fut convoyé en France. Cet avion connut un destin bien peu enviable comme le raconte List’in MAE.

Les « auxiliaires » 1ère partie : Les largueurs de paras.

Les bombardiers d’eau, avions ou hélicoptères, ne sont pas les seuls aéronefs impliqués dans la lutte contre les feux de forêts. A l’instar du domaine militaire où les appareils de combat ne peuvent opérer  sans moyens logistiques, de renseignements ou de coordinations, les bombardiers d’eau opèrent rarement seuls. Des flottes d’appareils « auxiliaires » les accompagnent souvent directement, leur garantissant un certaine sécurité et une efficacité accrue. D’autres participent à la prévention des feux, à l’analyse des sinistres passés, ou bien acheminent d’autres moyens de lutte. Faisant rarement les gros titres, ces différentes missions et les aéronefs qui les accomplissent méritent pourtant qu’on s’y attarde.

Les largueurs de pompiers parachutistes

En Russie

avialesookhranaC’est en Russie que cette façon de combattre les feux est née. L’Armée Rouge mets en place ses premières unités parachutiste dès les années 30. En parallèle, des commandos anti-incendies sont créés et des expérimentations d’opérations aéroportées ont lieu. La rapidité de mise en place des équipes, en dépit de la faiblesse des moyens techniques utilisés ensuite pour lutter contre la propagation des feux, par la création de coupe-feu ou l’utilisation de contre-feux, permet d’obtenir une certaine efficacité. Un temps mis en pause pendant la Grande Guerre Patriotique de 1941 à 1945, le concept s’est développé ensuite pour grimper jusqu’à 8000 personnels.

Aujourd’hui, il y aurait de 3000 à 4000 pompiers qualifiés pour être engagés en pleine nature après un parachutage. Ils dépendent d’Avialesookhrana (Авиалесоохрана), l’agence gouvernementale russe en charge des moyens aériens des services forestiers. Avec un équipement léger et sans grands moyens technologiques, leurs interventions au cœur des grands massifs forestiers restent cependant un des pans de la doctrine d’intervention de l’Oural à la Sibérie. Leur histoire est cependant marquée par des drames. En 2012, par exemple, 9 d’entre-eux ont perdu la vie en opérations, preuve que cette mission n’est pas sans risque.

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Une équipe de pompiers parachutistes Russes à l’entraînement. (photo : Авиалесоохрана)

Avialesookhrana utilise principalement l’increvable biplan monomoteur Antonov AN-2 pour acheminer ses troupes. L’organisme dispose pour cela d’une soixantaine d’appareils dont certains sont toutefois utilisés comme bombardiers d’eau. Les autres sont donc disponibles pour acheminer des équipes à pied d’œuvre où que ce soit dans ce si vaste pays. Les commandos pompiers russes peuvent utiliser aussi des avions de transport militaires, Antonov 26 ou 32 en fonction de la situation ou bien des hélicoptères Mil Mi 8 et dérivés.

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Un des nombreux Antonov AN-2 de la flotte d’Avialesookhrana, utilisés notamment pour acheminer les commandos forestiers. (Photo : Igor Dvurekov)

Aux USA, les Smoke Jumpers

Dès les années 30 des forestiers ont été largués en parachutes dans les zones en amont des sinistres en cours afin qu’il puissent tailler des coupes-feu ou lancer des contre-feux pour stopper la propagation des flammes dans les zones les plus isolées et les moins accessibles.

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Après avoir largué une équipe de Smoke Jumpers dans « la verte », ce Twin Otter leur largue de l’équipement. A eux, désormais, de lutter presque à mains nues, contre le feu visible à l’arrière plan. (Photo : NIFC)

Cette mission s’est organisée et a pris de l’ampleur pendant la seconde guerre mondiale. La mission de forestier-parachutiste étant devenue une des affectations possibles pour les quelques conscrits objecteurs de conscience qui refusaient de porter les armes et donc de partir au front dans le Pacifique ou en Europe, un peu plus de 200 d’entre-eux se sont donc rendus utiles dans l’ouest des USA pour combattre plus pacifiquement un ennemi tout aussi implacable.

Initial attack for Boise BLM Smokejumpers.

La tenue de saut des Smoke Jumpers est pensée pour les protéger en cas d’arrivée dans les arbres. Une fois à pied d’œuvre, l’outil principal reste la tronçonneuse. (Photo : NIFC)

Aujourd’hui encore, c’est un travail qui demeure extrêmement exigeant. La mission fait appel à des efforts physiques exceptionnels, car les parachutistes opèrent souvent en altitude, dans le relief et les forêts les plus denses, en totale autonomie pendant plusieurs jours. C’est aussi une mission risquée. Depuis la seconde guerre mondiale, une trentaine de Smoke Jumpers ont payé de leur vie leur engagement.

Fores Service smokejumpers in Missoula, Montana, training for the 2014 wildfire season.

Une équipe de Smokejumpers du Forest Service s’apprête à partir pour une mission d’entraînement depuis Missoula, dans le Montana, avec un Short 330. (Photo : NIFC)

Aujourd’hui, environ 270 Smoke Jumpers sont actifs entre juin et octobre dans l’ouest des USA et en Alaska. Ils opèrent pour le Forest Service ou pour le Bureau of Land Management (BLM) en fonction des secteurs.

Parmi les premiers appareils utilisés pour acheminer des pompiers par la voie des airs, figurent des trimoteurs Ford. Deux d’entre-eux, le 4-AT-55 N9612 et le 4-AT-69 N8407 ont aussi été utilisés comme bombardiers d’eau au milieu des années 50. Ces appareils ont continué à parachuter des Smoke Jumpers jusqu’en 1972. Aujourd’hui, ils sont encore en état de vol, les deux seuls de leur espèce a avoir été conservés ainsi, et ils le doivent à cette immense carrière aux côtés des pompiers.

Trimoteur (C. Defever)

Appartenant désormais à l’EAA, le Ford Trimotor N8407 est désormais une des très grandes vedettes d’Oshkosh. Il fut un des premiers bombardiers d’eau de l’histoire et a été un avion très apprécié par les Smoke Jumpers. (Photo : C. Defever)

Pour acheminer ces parachutistes de l’extrême et leur matériel, la flotte des avions utilisés a été très variée et nombreuse. Parmi les appareils les plus marquants on trouve les Beech 18 ou les Lockheed Lodestar mais bien d’autres appareils ont été utilisés.

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Expérimentation en 1939 sur la forêt de Chelan dans l’État de Washington avec un Stinson Reliant. (Photo : USDA Forest Service)

Aujourd’hui, cette mission est dévolue à une flotte d’une vingtaine d’appareils, indicatif radio « Jump », constituée de 6 DHC Twin Otter, 3 Dornier Do 228, 3 Casa 212, 4 Sherpa ex-C-23 de l’armée américaine, et un DC-3T/BT-67A.

Ce dernier est le N115Z, un appareil construit en tant que Dakota IV pour la RAF en 1945 puis il est utilisé par l’USAF jusqu’en 1964 où il intègre la flotte de l’US Forest Service. Il est converti par Basler en BT-67A en 1991. Il est prévu qu’il prenne sa retraite cette année bien que de nombreuses voix se soient élevées pour contester cette décision car l’appareil continue de rendre des services inestimables.

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Avion emblématique, ce C-47 de l’USFS a été utilisé de 1970 à 2012. Son « sister-ship » N115Z « Jump 15 » doit être retiré du service sous peu. (photo : USFS)

Le Forest Service a utilisé un autre C-47, le N142Z, un C-47A-90DL (43-16028 pour les USAAF) construit en 1943 qui a participé aux opérations en 1944 en Belgique. Acheté par l’US Forest Service en 1970, il a été turbinisé par Basler en 1991. Retiré du service en 2012, il a été revendu ensuite à une compagnie aérienne canadienne.

Ailleurs

Les troupes aéroportées trouvent leur intérêt dans les très grands espaces inhabités, là où seuls les avions ont la distance franchissable et la vitesse nécessaire pour acheminer les équipes dans des zones où il n’est pas possible de se poser, même sur des pistes improvisées. Le saut en parachute est donc là le seul moyen d’accès.

En France, l’accessibilité des forêts est telle que le recours aux opérations aéroportées n’est pas systématique. Cependant, des équipes peuvent être acheminées au plus près des sinistres mais étant donné les distances impliquées, l’usage de la dépose en hélicoptère est la règle. Certains départements ont poussé l’expérience jusqu’à avoir des unités constituées comme le Var entre 1965 et 1970 où des commandos aéroportés utilisaient les hélicoptères de la Marine Nationale et parfois même ceux de l’armée de l’Air.

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Insigne des commandos-aéroportés du Var (1965-1970)

Aujourd’hui, des équipes héliportées existent au sein de la Sécurité Civile et chez les sapeurs-pompiers de certains départements comme l’Hérault.

L’utilisation d’hélicoptères pour acheminer des équipes de lutte contre les feux de forêt est finalement assez fréquent dans de nombreux pays, en Europe, en Asie comme dans les autres pays du continent américain grâce aux différentes techniques de dépose et d’exfiltration permises par la souplesse d’emploi des voilures tournantes.

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Démonstration de la dépose d’une équipe de pompiers spécialisés Croates à partir d’un hélicoptère de l’aviation militaire. La technique de descente à l’aide d’une corde lisse est typique des opérations commandos.

Moyens de la dernière chance ou goutte d’eau dans l’océan, les Smoke Jumpers et les commandos forestiers russes ont pourtant démontrés que bien positionnés, ils pouvaient limiter sérieusement les dégâts. Sur le plan purement aéronautique, c’est l’extrême variété des appareils utilisés qui marque, avec la présence de quelques bêtes de somme incontournables et légendaires. L’attachement des Smoke Jumpers à leurs DC-3 et l’omniprésence des très rustiques Antonov 2 en est une preuve absolue. Mais les qualités du vecteur n’influent que peu sur l’efficacité de la lutte contre les flammes, les hommes sont là au cœur du concept opérationnel.

A l’instar du retardant ou de l’eau qui constituent l’arme du bombardier d’eau, le pompier commando-parachutiste russe ou américain est l’arme de ces avions de transport au cœur du combat contre les feux en milieu naturel. A ce titre, ils méritaient d’être cités ici.

(à suivre)

Retour sur le Paris Air Show 2015 (1/2)

Au cours de la grande semaine de l’aviation internationale de Paris au mois de juin, la presse généraliste a largement couvert la grande actualité du Salon, ses nouveautés exceptionnelles, ses annonces révolutionnaires et ses contrats signés à coups de milliards. Elle a aussi largement interviewé les responsables commerciaux et les équipages avant de consacrer le dernier weekend aux passionnés et aux curieux qui se sont agglutinés par dizaines de milliers le long des barrières pour assister au show aéronautique le plus époustouflante de l’histoire de l’aéronautique.

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Une « vieille » nouveauté, le Viking DHC-6-400 Twin Otter, nouvelle version modernisée du célèbre avion de brousse et qui connaît, à nouveau, un succès commercial certain.

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Un A-10 était exposé sur le statique. Un avion dont l’USAF n’arrive pas à se défaire tant il a été de tous les combats depuis 25 ans.

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Autre nouveauté du salon, le P-8 Poseidon, successeur désigné du P-3 Orion.

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Les Russes étaient là, discrètement, avec le nouvel Antonov 178.

Qatar en force

La grande démonstration de force du Salon a été l’oeuvre de Qatar Airways avec pas moins de 5 avions sur le statique : A319, A320, A350, Boeing 787 et A380 !

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Autre nouveauté, l’avion de combat Textron Scorpion.

Mais le ressenti des habitués du lieu a été bien différent. Si le statique était correctement garni, on sent bien que le côté Air Show n’est plus la priorité ni des constructeurs ni des organisateurs, tout au plus un passage obligé et spectaculaire qui va drainer la foule et les médias ; un « alibi culturel » ni plus, ni moins. Le constat est amer, mais jamais le programme des démonstrations en vol n’a été si pauvre et si réduit. On peut pointer du doigt le contexte mondial, sécuritaire, économique et géopolitique,comme facteur décisif, mais il appartient à l’organisation du salon de convaincre les industriels de maintenir le Salon du Bourget à son rang.