L’Ecole de Chasse de Tours a fermé ses portes

Après 59 ans de présence au bord de la Loire, l’École d’Aviation de Chasse de la Base Aérienne 705 de Tours a fermé vendredi après un ultime défilé de ses avions d’entraînement Alpha Jet. Désormais, les futurs pilotes de chasse de l’armée de l’Air apprendront à Cognac, sur Pilatus PC-21,  l’art du vol en patrouille, des virages relatifs, de la nav en TBA et des manœuvres de combat et ne toucheront à l’Alpha Jet que lorsqu’ils arriveront dûment breveté à Cazaux.

Dernier défilé en patrouille des « Gadget » de l’EAC, le 5 juin 2020. Photo : C. Defever

Si l’armée de l’Air va demeurer présente sur le site tourangeau par des unités principalement administratives, dont le commandement des Écoles, quelques périodes de présence de la Permanence Opérationnelle maintiendront une faible activité aérienne militaire jusqu’en 2021. La longue piste 02-20 ne sera ensuite plus fréquentée que par quelques avions de ligne, d’affaires et l’aéroclub local. L’avenir de cette plateforme aéronautique est clairement en question aujourd’hui.

Pompier de l’Air en plein travail, printemps 1996. Photo : S. Braconnier.

Pour bien se rendre compte de l’importance de la BA705 et de l’EAC, 4 853 pilotes de chasse ont été brevetés à Tours, ainsi que 291 NOSA (Navigateurs Officiers Système d’Armes) entre 1961 et 2020.

L’EAC avait célébré ses 50 ans avec un Alpha Jet porteur d’une décoration spéciale remarquable.

Mais c’est là aussi que d’autres ont vu leur rêve de « macaron » pourtant si proche, après avoir pourtant passé les fourches caudines de la sélection et de la formation initiale, se fracasser à l’issue d’un conseil d’instruction impitoyable.

Un Alpha Jet au décollage en 2016. Sans la Cigogne, c’est plus pareil…

Mais si cet évènement me touche particulièrement, c’est que, au-delà des meetings aériens auxquels j’ai assisté à Tours et des trois années passées en histoire à la fac des Tanneurs à regarder de loin les avions voler depuis la base, c’est là que j’ai effectué mon service militaire en 1995-96, à la SSIS (Section Sécurité Incendie et Sauvetage), et pour un passionné d’aviation, quelle affectation de choix !

Comme pompiers, des incidents, nous en avons connus quelques uns comme ce jour où nous avons vu un Alpha Jet exploser les deux pneus de son train d’atterrissage au retour de vol, semant des débris sur tout le seuil de piste. Mais ce sont les sécurisations de retour d’avions victimes de collisions volatiles qui furent les plus fréquentes, les appareils revenant parfois avec des dégâts impressionnants.

Mais comment ne pas parler de cet Étendard IVP en délicatesse avec sa perche de ravitaillement qui s’était dérouté et dont j’ai retrouvé bien des années plus tard le pilote… à l’anniversaire d’un copain !

Étendard IVP n°118 de la Flottille 16F en déroutement à Tours, printemps 1996.

Comment ne pas se souvenir de cette terrible montée d’adrénaline lors d’une séance de vols de nuit quand on nous a alerté d’un coup de klaxon-crash « Alpha Jet en feu au seuil 20 » alors qu’il n’y avait eu qu’un dégagement de fumée sur un « Gadjet »… au roulage !

Véhicule d’Intervention Rapide Polyvalent, donc le VIRP, alias « Mon Bahut ! »

Impossible, non plus, d’oublier les alertes à bord des camions car des élèves allaient décoller pour la première fois tous seuls à bord, ou parce que le démonstrateur Alpha Jet allait répéter son programme. A l’époque, je ne connaissais même pas son nom… Je l’ai pourtant retrouvé vu qu’il pilote désormais les Dash 8 de la Sécurité Civile !

Les souvenirs les plus marquants furent-ils ces réveils en pleine nuit pour remonter au bord de la piste histoire d’assurer la sécurité des atterrissages de très discrets Beech King Air ? Nous savions bien ce qu’ils transportaient, des organes. Une vie venait de s’en aller, une autre allait pouvoir continuer…

Et ces siestes en « piste » la fenêtre grande ouverte sur le taxi-way avec les avions au roulage. « Nuisances sonores » ? Je ne vois absolument pas de quoi vous voulez parler !!

La SSIS piste vue depuis le terre-plein entre le taxi-way et la 02-20 en 2015.

Nous savions aussi que nous pouvions, à tout instant, devoir intervenir pour des évènements potentiellement tragiques comme nos successeurs l’ont fait le 10 décembre 2014.

En 1995, les Alpha Jet célébraient leurs 500 000 heures de vol avec une déco élégante.

Revenir à Tours sans revoir les jets à nez de dauphin semble si irréel ! Sera-t-il alors possible de revisiter le bâtiment piste et la « SSIS », son immense garage que « La Guiche » avait orné d’une splendide fresque représentant Alpha Jet et Spitfire autour du poème de John Gillespie Magee « High Fly » ?

La fresque de « La Guiche » (1996) dans le garage de la SSIS. Vue partielle. Photo : F. Marsaly

Ces dix mois passé sur la BA705 furent riches, et pas seulement en photos, même si l’amateur de bord de pistes n’a jamais été aussi content que sur la petite butte au coin du taxi-way, juste devant l’escalier montant à la « SSIS piste » à regarder passer aussi Mirage, Jaguar, Fokker, ATR et autres DC-3, sans oublier un CL-415 et un Tracker. J’étais content de voir passer les derniers Fouga et les premiers Tucano, les Cessna 310 du CEV ou le proto du Fournier RF-47… Mais les Alpha Jet ornés de l’étoile chérifienne et de la cigogne symbolisent bien ces années tourangelles.

Ex-pompier de l’Air en plein travail. Septembre 2016. Photo : C. Defever

L’École d’Aviation de Chasse de Tours vient de fermer, c’est plus qu’un pan d’histoire de l’aviation française qui disparaît, c’est juste ma jeunesse qui fout le camp !

Le plus joli des insignes de l’Armée de l’Air. 25 ans après, il traîne toujours sur mon bureau ou pas loin…

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