Le premier des 747-400 prend sa retraite

C’était un vol comme les autres pour les passagers du vol Delta 836, reliant Honolulu à Atlanta le 9 septembre dernier. Leur avion effectuait pourtant là son dernier vol commercial. Un évènement finalement assez courant, mais à un détail près. Le Delta Ship 6301, un Boeing 747-451 immatriculé N661US est pourtant un avion notable dans l’histoire aéronautique contemporaine. Il porte le numéro de série Boeing 23719. Il est surtout le 696e Boeing 747 construit. Le premier de la version 747-400.

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Le N661US à l’issue de son ultime vol, sous une météo de circonstance. (Photo : Delta Airlines)

En introduisant, en 1988, un équipage à deux, un « flightdeck » pourvu d’écrans EFIS et bien d’autres innovations Boeing faisait plus qu’une simple refonte de son fleuron. La firme de Seattle procédait à une renaissance du Jumbo. Un nombre de passagers accru, une aile redessinée, souvent pourvue de winglets, une masse maximale au décollage autour de 400 tonnes, une autonomie maximale pouvant atteindre 14 000 km, les chiffres étaient impressionnants à une époque où le Boeing 777 ainsi que les Airbus A330/A340 n’étaient encore qu’au stade de projets. Le 747-400 était un pari, celui de relancer le type pour lui permettre d’atteindre le XXIe siècle en ayant conservé son titre de roi du ciel.

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Le premier 747-400 lors de son Roll-Out en 1988. (photo : Boeing)

Entre 1989 et 2009, 694 appareils de cette version ont été vendus et livrés, égalant pratiquement le total de production des trois versions principales qui l’avaient précédés. Une réussite ! Un succès qui se double aussi d’une révolution culturelle et l’établissement d’un nouveau standard dans le transport aérien de masse.

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Le premier vol du premier Boeing 747-400, le 19 avril 1988, accompagné par un très rare F-86 Sabre. (Photo : Boeing)

Le Boeing 747-400 se distingue également dans le domaine de la sécurité. Cette version du long courrier n’a été impliquée à ce jour que dans trois accidents mortels.

  • Le 31 octobre 2000, le vol Singapore Airlines 006, assuré par le Boeing 747-451 9V-SPK, un avion portant alors une décoration spéciale parmi les plus jolies jamais portées par un avion de ligne, s’écrase juste après le décollage à Taipei, en pleine tempête. L’équipage s’était trompé de piste et avait décollé depuis une piste en réfection, heurtant au passage des engins de chantier. 79 tués furent à déplorer mais 96 personnes furent épargnées.
  • Le -400 connait un deuxième crash tragique le 3 septembre 2010 lorsque le N541UP, un avion cargo de la compagnie UPS tombe près de Dubai, alors que l’équipage qui venait d’en décoller quelques minutes plus tôt tentait de revenir s’y poser. Le pilote et son copilote, sont les seules victimes de cet accident causé par un conteneur de batteries au lithium qui a pris feu spontanément et répandu ses fumées dans tout l’appareil.
  • Le 29 avril 2013, c’est à nouveau un avion cargo qui est perdu avec son équipage de 7 hommes. Le Flight 102 de National Airlines assuré par le 747-400BCF N949CA, ramenant du matériel militaire, dont des véhicules, vers les USA, s’écrase quelques secondes après son décollage de la base de Bagram en Afghanistan. Une partie du chargement s’était détaché pendant l’envol, causant une perte de contrôle définitive de l’appareil.

En plus d’être un succès commercial, le 747-400 est donc un avion particulièrement sûr.

Le nouveau retraité, le N661US, a eu une carrière simple. Après les vols d’essais pour Boeing, qui ont débuté par un vol inaugural le 19 avril 1988, il a été livré à Northwest Airlines, client de lancement de la version où il effectue son premier vol commercial en décembre 1989. Il vole pour cette compagnie jusqu’à ce que Delta rachète NWA et sa flotte en 2010.

Boeing 747-400 Delta

« Sister Ship » du N661US, le N665US montre sa silhouette unique aux  couleurs actuelles de Delta. (Photo : Delta Airlines)

Il prend sa retraite avec 108 000 heures de vol selon certaines sources. Delta estime qu’il a ainsi parcouru environ 61 millions de miles, soit 98 millions de km. En 26 ans de service, ça fait une moyenne d’environ 11 heures de vol par jour. C’est un chiffre particulièrement impressionnant, signe d’une fiabilité importante et pourtant, le N661US a été impliqué, le 9 octobre 2009, dans un incident particulièrement grave.

Au cours d’un vol entre Detroit et Tokyo, bien installé au FL350 au dessus de l’Alaska, pilote automatique engagé, l’avion effectue un virage soudain avec une forte inclinaison à gauche de 30 à 40 degrés. L’équipage prit la décision de se dérouter vers Anchorage et parvint à le faire en compensant le mouvement de l’avion en jouant sur la puissance des réacteurs. Un bon moment de pilotage manuel !

Le problème était la conséquence du braquage de la gouverne de direction inférieure à la suite d’une défaillance soudaine de son module de commande. Cet incident, qui aurait pu avoir des conséquences graves, entraîna une modification des procédures de surveillance et d’entretien du module incriminé sur tous les 747-400 et leurs sous-versions.

Pour le N661US, la prochaine étape aura lieu au début de l’année 2016 lorsqu’il sera transféré pour être conservé au Delta Flight Museum qui se trouve dans la partie nord de l’Aéroport d’Atlanta.

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Dans quelques mois, ce sont les 747-400 d’Air France qui vont, à leur tour, quitter la scène, mettant un point final à la longue histoire des Jumbo à la dérive tricolore.

Ainsi, le premier des -400 a tiré sa révérence mais il n’est pas le premier de sa famille à prendre ainsi sa retraite, poussé par l’âge et par les nouveaux gros porteurs biréacteurs, plus économiques à de nombreux titres. Mais avant que le dernier d’entre-eux n’effectue la dernière heure de vol du type, nous avons encore un peu de temps devant nous pour admirer et voler à bord de cette machine fabuleuse.

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