Un pélicandrome… à Tours !

La base aérienne 705 de Tours, où se trouve pour une poignée d’années seulement l’Ecole d’Aviation de Chasse de l’armée de l’Air, possède depuis quelques semaines une fonction supplémentaire. Elle accueille désormais un « pélicandrome » mobile destiné au remplissage au retardant des avions de la Sécurité Civile, les Dash 8 Q400MR en premier lieu. C’est la conséquence d’un évènement, un peu passé inaperçu, survenu il y a bientôt trois ans.

Aux côtés des Tracker, le Q400MR est, depuis 2005, l’autre principal utilisateur des « Pélicandromes ».

Le 11 juillet 2015, un feu a éclaté en fin d’après midi dans une forêt près de Mulsanne, dans la banlieue du Mans. Les pompiers du secteur furent rapidement amenés à intervenir avec leurs véhicules spécialisés mais la situation était loin d’être sous contrôle, le massif touché étant constitué en grande partie de pins maritimes. Chose rare au nord de la Loire, les moyens aériens furent alors demandés et un Q400MR de la Sécurité Civile a été rapidement déployé sur la base aérienne 705 de Tours et, de là, effectua plusieurs rotations sur le feu Manceau avant de rentrer à Marseille une fois la mission accomplie. Les largages ont été effectués avec de l’eau, ce qui ne constitue pas le mode d’action le plus efficace avec ce genre d’appareil.

Les traces du feu de 2015 sont bien visibles vers la droite cette capture d’écran GE. Pour situer l’endroit : entre le village de Mulsanne et le terrain de golf en bas à gauche de la photo, passe la fameuse ligne droite dite « des Hunaudières » dont on aperçoit une des fameuses chicanes.

Si les interventions des avions de la Sécurité Civile en dehors de leur zone habituelle  sont rares, elles n’en sont pas moins marquantes. En dehors de cette mission au cœur du Maine Blanc, on a vu des CL-415 intervenir sur les Monts d’Arrée, près de Brest, en 2010. Sans évoquer plus avant l’intervention des Canadair en Suède en 2015, on note qu’un feu dans la forêt de Fontainebleau en juin 2017 a nécessité l’intervention d’un Écureuil équipé d’un Bambi Bucket tandis que les Canadair sont intervenus fin juillet 2017 à une cinquantaine de km au nord de Lyon.

Si les tendances du réchauffement climatique se confirment, il y a tout lieu de penser que les régions les plus septentrionales de notre pays pourront connaître, plus ou moins épisodiquement, des phénomènes de feux de forêts qui pourraient exiger un renforcement ponctuel des moyens terrestres locaux et les Dash 8 Q400MR, deux fois plus rapides que les CL-415, qui disposent néanmoins de plans d’eau reconnus pour d’éventuels écopages dans la région, et disposant d’une capacité de frappe plus importante paraissent être l’outil le mieux adapté à ces missions.

Parce qu’il n’écope pas le Dash 8 doit pouvoir compter sur son armement habituel, le retardant. Or, si de nombreux aérodromes du sud de la France sont dotés de stations de remplissage du précieux et efficace liquide, les fameux « pélicandromes », parfois en version mobile comme celui installé à Tours, il n’en est pas de même dans la partie nord de notre pays.

La station de remplissage mobile située sur la base aérienne 705 se trouve au pied de la tour de contrôle militaire, à l’entrée du parking des Alpha Jet de l’École de Chasse pour une raison simple : la présence d’un poteau d’incendie à proximité de la voie de circulation des avions, une borne utilisée par les pompiers pour alimenter en eau leurs véhicules.

Le « Pélicandrome » mobile à Tours. (Photo : F. Arnould)

Le reste du pélicandrome mobile est constitué d’un camion citerne, relevant de l’unité de Sécurité Civile basée à Nogent le Rotrou, à une centaine de km au nord de Tours, à vol d’oiseau, plein de retardant stocké sous forme de prémélange liquide.

Les « pélicandromes » habituels stockent le produit sous sa forme liquide directement utilisable soit une concentration constituée à 10% de la solution active et 90 % d’eau. Dans le camion, afin de pouvoir assurer plusieurs rotations et plusieurs largages, le prémélange est constitué de la seule solution active tout juste diluée, donc à très forte concentration, il faut donc un poteau d’incendie pour apporter l’eau nécessaire afin d’obtenir les bonnes proportions de la solution au moment du remplissage de la soute de l’avion par l’intermédiaire d’un tuyau disposé sur un trolley articulé.

Intervenir autour d’un avion moteurs tournants exige une formation et des procédures précises (Formation PEL). Des équipiers de SDIS septentrionaux ont donc déjà été formés à cette mission, notamment ceux de Vannes, et d’autres le seront à l’avenir afin de disposer de personnels mobilisables au cas où des opérations nécessitant l’usage du retardant devaient s’avérer nécessaire, le feu près du Mans ayant fait la démonstration que ce risque n’était pas que théorique. Le coût de l’installation de cette station mobile n’a pas été communiqué.

Formation PEL pour ces pompiers du SDIS 30 en 2008 à Marignane.

On peut néanmoins s’interroger sur la pertinence de baser cette installation, certes mobile, sur la base de Tours, laquelle est amenée à fermer en 2021 lorsque le transfert de l’École de Chasse vers la base de Cognac sera effectif et où l’avenir de la plateforme aéronautique n’est, du coup, absolument pas garanti à moyen terme.

Formation aux procédures pélicandromes avec une installation mobile alimentée uniquement en eau sur l’aérodrome de Vannes-Meucon autour du Tracker T11 en 2016. En 2017 cette formation s’est faite autour d’un Q400MR. (Photo : Aéroport de Vannes)

L’ouverture d’un nouveau « Pélicandrome » totalement opérationnel et pouvant délivrer du retardant n’est donc pas un évènement anodin, même si ces installations n’ont rien de spectaculaires ou de permanentes. Il est aussi la confirmation que le Q400MR est bien considéré comme l’outil de projection et d’intervention lointaine dont la Sécurité Civile avait besoin.

2 réflexions sur « Un pélicandrome… à Tours ! »

  1. « Si les tendances du réchauffement climatique se confirment »
    Malheureusement, j’ai bien peur que le doute soit superflu…

    Vu le risque de non-utilisation à Tours, stocker du retardant non dilué sur de longues périodes (mois/années) est-il possible chimiquement? Les agents retardants se dégradent-ils dans le temps, ou bien sont-ils suffisament stables pour supporter un stockage de plusieurs années?

    • Effectivement, il ne faut pas laisser le mélange pendant des mois, il faut le remuer pour ne pas qu’il se fige. Les pélicandromes en dur sont équipés pour le brasser régulièrement ou pour faire des reprises (on le pompe pour le récupérer). Là, le retardant se trouve dans une remorque-citerne. Je ne sais pas si la remorque reste à demeure ou si elle arrive de Nogent si l’alerte est donnée. Les Sapeurs de l’IIUSC n°1 utilisent déjà ces remorques pour étendre du retardant lors de leurs opérations feux. A mon avis, il suffit de faire tourner les remorques pour être certain de disposer d’un retardant nickel. Mais c’est une bonne interrogation et je vais tâcher d’en savoir plus là dessus.

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