Ferté-Alais, le temps des hélices 2016

On a rarement eu si froid sur le plateau de Cerny à la Pentecôte, de mémoire de spectateur. Nous n’avons pas, de surcroît, échappé à un tout petit épisode humide le dimanche midi, mais quand on sait quelles conditions ont régné en région parisienne vendredi, tout le monde s’est accordé pour dire que finalement, on s’en est très bien sorti.

affiche-meeting-2016-2-a586fCependant, ce temps capricieux a eu une influence sur le plateau. Plusieurs appareils ont été bloqués sur leurs bases respectives et n’ont pu rejoindre l’Essonne en raison de la présence de cellules orageuses sur leur parcours. D’autres, comme le Messerschmitt 109 annoncé en grande vedette de ce meeting, ont été empêchés par un pépin technique. Mais à bien regarder les avions évoluer devant nous au long des deux jours de cette grande fête aérienne, il aurait bien été de mauvaise foi d’émettre le moindre sentiment de déception. Car de jolies choses à voir et à photographier, nous n’en avons vraiment pas manqué.

En dehors des tableaux habituels sur la Grande Guerre, les années folles, la seconde guerre mondiale et l’inévitable – et toujours aussi spectaculaire – Tora-Tora-Tora, le programme comportait son lot de surprises et de nouveautés.

Cette année, malheureusement, le meeting a été ouvert par une patrouille de Zlin en hommage à Léon Mathis, pilote disparu en novembre dernier au cours d’un vol d’essais d’ULM, et qui était un des acteurs importants des fêtes aériennes de la Ferté-Alais.

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Ensuite, le meeting a suivi son cours avec la première apparition publique du nouveau pilote du Rafale Solo Display « Marty » qui a donc pris le relais de « Tao ». Cette fois-ci, son Rafale était un avion « stock » sans décoration spéciale. Pour son premier meeting, « Marty » a assuré le spectacle mais il ne fait aucun doute que sa démo va s’améliorer de meeting en meeting et on va vite se régaler autant qu’avec ses prédécesseurs.

Côté chasse moderne, il faut bien constater que la Marine nationale a encore fait très fort. Trois Rafale M samedi, quatre dimanche ont effectué une démonstration tactique d’une très belle tenue mais l’arrivée groupée avec un Atlantique et les trois warbirds français à cocardes à hameçon, Zéphyr, Paris et Alizé, a été un très grand moment.

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Quatre Rafale, un Atlantique, un MS Paris, un Fouga Zéphyr et un Alizé, pour évoquer l’Aéronavale française, difficile de faire mieux… sinon une paire de SEM en plus !

Seul regret, à quelques semaines du retrait de service du Super Etendard, il aurait été formidable de pouvoir contempler une dernière fois les lignes de cet avion qu’on aura du mal à oublier.

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Ni le plus beau, ni le plus rare, ni le plus performant, mais un gros potentiel pour se faire plaisir en vol !

La Marine était aussi présente par ce MS733 qui a évolué en patrouille avec un autre de ses congénères. Finalement, on apprécie de revoir régulièrement cet avion très classique. Mais chromé comme ça, c’est vraiment joli !

Pour en revenir à l’armée de l’Air, en dehors de la présence de la Patrouille de France, présente le samedi uniquement, on a pu compter sur un authentique avion de guerre puisqu’un Transall du « Poitou » est venu se montrer histoire de rappeler que depuis plus de 40 ans, il a été de tous les combats. Au crépuscule de sa carrière, le vieux soldat exhibe sa peinture fatiguée comme les cicatrices et les médailles d’un vieux baroudeur revenu de tout.

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A quelques légers détails on sent bien que cet avion a baroudé… beaucoup baroudé !

Mais ce qui fait venir les spectateurs à un spectacle appelé « le temps des hélices », c’est bien sûr le métal hurlant de la seconde guerre mondiale. Un Spitfire Mk.V, un P-51D Mustang, deux Yak-3, un Yak-11, un P-40 et un Curtiss Hawk 75 ont assuré la présence de la cavalerie tandis qu’une piste trop détrempée et donc trop meuble, nous a privé du plaisir de voir évoluer le Sea Fury et les Skyraider et surtout du roulage du B-17 dont la grande révision va encore prendre de longues années. C’est un peu frustrant, mais il y a des éléments avec lesquels on ne discute pas.

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Cette merveille est à vendre et son propriétaire, Stephen Grey, ne verrait aucun inconvénient à ce qu’elle reste en France. Des volontaires (aisés) dans la salle ?

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Le Spitfire Mk.V défile devant la foule pendant que derrière lui, le P-51D Mustang effectue un large virage. La démonstration combinée des deux chasseurs alliés les plus connus de la 2e guerre mondiale est aussi un hommage à leur fabuleux moteur, le Rolls Royce Merlin.

Mais finalement, c’est sur la période de l’âge d’or de l’aéronautique, l’entre deux guerres, que le plateau de cette Ferté a été le plus riche et le plus enthousiasmant ; Bien sûr, ces avions ne sont pas forcément des combattants encore que côté hauts-faits d’armes, le Catalina de France Warbirds peut en remontrer à plus d’un ! Avant d’être une vedette de la télévision et du cinéma, cet avion est vraiment allé au feu ! Contre les U-Boot pendant la guerre ou ceux des forêts canadiennes juste après.

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Le PBY Catalina. Le poids de l’histoire, l’élégance des lignes. Un mélange qui ne peut laisser indifférent.

Mais, si il ne portèrent pas forcément l’uniforme, certains de ces avions sont autant des morceaux d’histoire que d’indéniables témoignages du talent et du sens esthétique des ingénieurs de leurs époques.

Resté au statique il y a deux ans le DH84 Dragon a été cette année présenté en vol. Un avion très rare et élégant comme nombre de créations du britannique De Havilland.

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Restauré avec l’aide de la compagnie irlandaise Air Lingus, le DH84 Dragon nous rappelle que la Ferté fut longtemps un nid de Dragon Rapide

L’élégance du Junkers 52 est sans doute plus discutable, surtout au sol. En vol, dans son élément, sa lenteur et ses trajectoires larges lui confèrent une certaine grâce. Deux exemplaires étaient présents, donc celui de Ju Air qui, comme chaque année a procédé à de nombreux baptêmes de l’air pour d’heureux passagers qui ont ainsi découvert comment on voyageait dans les années 30.

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Un meeting à la Ferté-Alais ne serait pas vraiment le même sans les baptêmes en Junkers !

Mais c’est du côté des USA qu’il faut se tourner pour trouver quelques merveilles issues des années folles. Arrivé la semaine dernière directement des USA, par un trépidant convoyage aérien transatlantique, le splendide Beech 18 est la toute nouvelle acquisition d’Aero Vintage Airways qui proposera bientôt des voyages privés atypiques à son bord.

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Il était accompagné du Lockheed Electra, tout aussi rutilant que lui. Ces deux avions sont sans doute ce qu’on a fait de plus luxueux à l’époque, même si, ensuite, le Beech 18 a été parfois transformé en brouette. Mais on ne peut utiliser une brouette que si elle est fiable et solide, ce qui en dit long sur ses qualités. Le Lockheed est sans doute plus délicat mais il appartient à une lignée qui, jusqu’au Lodestar, a été innombrable et mise aussi à toutes les sauces.

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L’an prochain, si tout va bien, un deuxième Electra volera en France, on a déjà hâte de les voir évoluer ensemble dans le ciel de l’Essonne.

Autre bonne surprise, ce Laird LC-RW 300 Speedwing qui a été récemment restauré. Encore un pilote qui s’est fait un grand plaisir et qui nous le fait partager !

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Dimanche, le vent plus léger a permis l’envol de trois machines précieuses, le Caudron G3, le Bleriot XI et le Spad XIII. Peut-on se lasser du miracle permanent de l’envol des faucheurs de marguerites ?

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L’année prochaine, cet avion sera centenaire !

La participation du Sea King Mk48 de l’aviation militaire belge n’est pas, non plus, passée inaperçue et ce fut sans doute une des dernières occasions de le voir évoluer car son remplacement par le NH90, après 40 ans de service, a déjà débuté.

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Un Seaking belge au crépuscule, au propre comme au figuré.

Le programme comportait aussi les trois avions de la patrouille Reva, les Wingwalkers de Breitling, des Stampe, des Bucker, le Bronco de Montélimar accompagné par un T-28, de la voltige en planeur, un Extra de l’équipe de voltige de l’Armée de l’Air et celui d’Aude Lemordant, championne du monde de voltige, un Pitts, des Stearman, un Bébé Jodel, les quatre Fouga de la Patrouille Tranchant, des Chipmunk, un Storch, plein de T-6, de quoi occuper les spectateurs pendant toute la durée de l’après-midi sans temps mort !

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Le Bronco de Montélimar et le T-28 ont évoqué la guerre du Vietnam.

Le clou du spectacle a été assuré, comme l’an dernier, par les appareils de la Sécurité Civile qui ont eu un peu plus de temps pour poser leur démo. Le Dragon a effectué un treuillage puis a servi d’appareil pointeur pour les deux bombardiers d’eau, le Tracker qui a effectué l’attaque initiale et le CL-415 qui a effectué le largage massif et décisif.

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Exercice d’hélitreuillage avec un EC-145 de la Sécurité Civile.

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Après leurs largages respectifs, les deux bombardiers d’eau de la Sécurité Civile ont salué le public avec un passage en formation serrée exécuté de main de maître.

Mais l’appareil qui a vraiment fait tourner toutes les têtes, c’est bien le Boeing 747-400 de la compagnie Corsair. Après le retrait de ceux d’Air France, les 3 Jumbo de Corsair sont donc les derniers représentants du « Roi du Ciel » immatriculés dans notre pays. Ceci valait bien un bel hommage !

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L’an passé, Europe Airpost avait frappé les esprits avec son 737 et sa déclaration d’amour à la Ferté. Ce n’est sans doute pas passé inaperçu dans les autres compagnies aériennes françaises. Mais pour faire plus spectaculaire qu’un Boeing 747, ça va être compliqué maintenant !

Comme l’an passé, cette édition du Temps des Hélices a été marquée par un plateau tout à fait conforme à la tradition. Le principal bémol, en dehors de l’éternelle présence des haut-parleurs en face du public, a donc été la météo. Il en faudra donc plus pour empêcher les passionnés de se dire : vivement l’an prochain !

Le Canadair de la Trans-Labrador Highway

Cette vidéo, impressionnante, a largement fait le tour du web. Elle montre un CL-415 effectuer un largage sur un camion accidenté, une intervention peu banale pour un appareil normalement spécialisé dans la lutte contre les feux de forêts. Comme souvent, la date et les circonstances de cet évènement sont mal connus ce qui autorise toutes les supputations et les commentaires infondés.

Mais un élément s’impose comme une évidence : un Canadair blanc et rouge appartient forcément à la flotte gouvernementale de la Province du Labrador et de Terre Neuve au Canada.

Au début des années 80, la Province passa commande auprès de Canadair de 5 avions CL-215 pour succéder aux Catalina utilisés pour protéger les immenses forêts du sud-est du pays. Avec un schéma de décoration spectaculaire blanc rouge et vert, extrêmement visible, ce qui n’est pas inutile dans ces régions et pour ce genre de mission, ils sont parfois surnommés affectueusement les « petits pois-carottes ».

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Le CL-215 C-FWIR de Terre-Neuve et du Labrador porteur de la spectaculaire livrée des avions du gouvernement de cette province. (Profil : L. Boutilly/Minimonde76)

En octobre 2009, le Labrador and Newfoundland Aviation Services se porte acquéreur de 4 Bombardier 415 pour remplacer ses CL-215. En mars 2014, deux avions supplémentaires sont achetés, le premier étant livré le mois suivant et le deuxième en septembre 2015. Pendant la saison des feux, les appareils sont prépositionnés sur les aérodromes de Wabush et Goose bay au Labrador, Deer Lake, St John’s et Gander à Terre-Neuve. Aujourd’hui, la flotte de la province compte 5 appareils car le 3 juillet 2013, le C-FIZU « Tanker 286 » a été accidenté juste après un écopage sur le lac Moosehead. Par chance, l’équipage s’en est sorti sain et sauf mais l’avion a été irrémédiablement perdu.

La vidéo en question a été tournée juste quelques jours après.

Le 30 juillet 2013, une niveleuse était en train de travailler sur une portion de la Trans-Labrador Highway à quelques dizaines de km à l’Est de Churchill’s Falls. Longue de 1200 km, cette route permet, en arrivant du Québec, de rejoindre Goose Bay depuis Labrador City en passant par Churchill Falls, puis d’atteindre Red Bay après avoir traversé Cartwright junction, Port Hope Simspon, Mary’s Harbour puis Lodge Bay. Cette dernière partie est nommée Labrador Coastal Drive. Après Red Bay, la route retourne vers le Québec par Blanc-Sablon. Elle permet des liaisons entre ces villes qui autrement seraient totalement isolées, car, entre-elles, il n’y a rien d’autres que des lacs et des forêts. Cette route est soumise à de très fortes contraintes climatiques tout au long de l’année et doit être entretenue en permanence.

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C’est la mission qu’avait reçu le conducteur de cette niveleuse. Alors qu’il était en train de réparer un virage, un camion de transport, chargé d’alcool, percuta son engin. Dans cette partie de la route, extrêmement isolée, les secours ne peuvent vraiment pas intervenir dans l’instant. Comme le camion prenait feu, que son chargement était inflammable et que le risque incendie de cette journée était extrêmement élevé, les services forestiers décidèrent de faire décoller immédiatement un bombardier d’eau.

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Au premier plan le Bombardier 415 C-FNJC tanker 287, héros de cette histoire, et son compagnon d’écurie, le C-FOFI Tanker 288, sur leur base de Goose Bay en juin 2012. (Photo : P. Pollan)

D’après la presse locale, c’est le conducteur de la niveleuse qui a extrait le jeune chauffeur du camion accidenté, bien avant l’arrivée du Canadair. Blessé, bien que sans gravité, il fut conduit à l’hôpital le plus proche, c’est à dire celui de Goose Bay, à plus de 200 km du lieu de l’accident.

L’avion, le CL-415 Tanker 287 C-FNJC a décollé de sa base habituelle de Goose Bay et s’est présenté après seulement quelques minutes de vol, bien plus rapidement que ne l’aurait fait le moindre camion de pompiers. L’équipage a écopé sur un lac sans nom tout proche puis a effectué au moins deux largages, au moussant, sur l’épave du pauvre camion en feu.

C’est là qu’un témoin immobilisé par les véhicules accidentés a filmé cette scène impressionnante et spectaculaire.

L’objectif était d’éviter la propagation du feu à la végétation alentour. Au cœur de l’été, un départ de feu important peut prendre des proportions catastrophiques très rapidement. Bien sûr, l’utilisation d’un Canadair au cours d’un accident de la route a de quoi surprendre, mais finalement, étant donné les circonstances et le contexte local, elle est tout à fait logique. En cas de développement libre du sinistre, entre les coûts financiers de longues et pénibles opérations de lutte contre le feu et le coût écologique d’un tel désastre, et même si l’heure de vol d’un CL-415 n’a rien de bon marché, grâce à une analyse pertinente de la situation, les forestiers ont pris la décision la mieux adaptée à la situation et ont sans doute sauvé des ressources naturelles précieuses.

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Le Bombardier 415  Tanker 284 dans son hangar. (Photo : Gouvernement du Labrador et de Terre Neuve)

Merci à John Letto, chef pilote du service aviation du gouvernement du Labrador et de Terre Neuve, pour son aide dans la rédaction de cet article.

Issy c’est… Chinook

Cette semaine, l’Escadron d’Hélicoptères 3/67 « Parisis » de l’Armée de l’Air accueille un Chinook du 18 Squadron de la Royal Air Force sur la Base Aérienne 107 de Villacoublay dans le cadre d’un échange d’escadron. Il s’agit de rendre la politesse du détachement et des exercices conjoints effectués par des Fennec du « Parisis » en février dernier à Odiham. Ces rencontres sont évidemment l’occasion pour les deux unités impliquées d’effectuer des manœuvres conjointes et de s’exercer autour de matériel auxquels ils sont moins familiers.

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Les insignes respectifs du Squadron 18 de la RAF (à gauche) et de l’EH 3/67 « Parisis » de l’Armée de l’Air (à droite)

Ces deux unités d’hélicoptères ont pour autre point commun d’avoir adopté « Pégase » comme insigne. Doit-on voir dans le rapprochement entre ces deux escadrons la naissance d’une fraternité autour du mythique cheval ailé à l’instar de celle qui existe depuis de très nombreuses années autour des unités ayant le Tigre comme insigne et qui se livrent à d’importants exercices annuels ?

le mardi 10 mai, le Chinook HC.4 ZA708, escorté par trois Fennec, est venu faire une courte pause, moteurs tournants, sur l’Héliport de Paris-Issy les Moulineaux. Il pleuvait mais on sait que ce ne sont pas là des conditions à effrayer un aviateur britannique.

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Le Chinook HC.4 du 18 Squadron, bien escorté, en finale sur Issy

Le CH-47 est un appareil dont la production est en cours depuis maintenant une cinquantaine d’années et les hauts faits d’armes de ces appareils, du Vietnam à l’Afghanistan sont innombrables.

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Le ZA708 affichait déjà près de 9000 heures de vol lorsqu’il a été victime d’un accident en Afghanistan. Il a été réparé et upgradé depuis.

Pour la Royal Air Force, une des plus belles pages de l’histoire du Chinook a été écrite par le ZA718 « Bravo November », compagnon d’écurie de l’appareil venu en région parisienne,  qui fut le seul à opérer pendant la guerre des Malouines ; les trois autres hélicoptères de ce type dépêchés sur place ayant été envoyés par le fond avec le cargo Atlantic Conveyor touché par un tir d’Exocet effectué par un Super Etendard. Sur place, les capacités d’emport et la puissance de « Bravo November » ont fait des miracles tout en faisant la démonstration que l’action d’éclat de l’aviation Argentine avait été aussi une réussite stratégique. Preuve des capacités incroyables de cet hélico, capable de lever une charge utile de 12 tonnes, qui fait rêver bien des forces armées, y compris l’Armée de l’Air et l’ALAT qui ne disposent d’aucun équivalent au Chinook, le « Bravo November » est toujours en service aujourd’hui.

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Le CH-47 Chinook fait partie de ces légendes de l’aviation qui sont produits depuis plus de 50 ans.

Le ZA708, venu à Villacoublay, a été livré à la RAF en tant que Chinook HC.1 un peu avant celui qui est devenu célèbre en 1982. Au fil des années, il a évolué, a été transformé, on lui a ajouté des systèmes, dont une boule caméra sous le nez. Ses moteurs ont été changés et il est désormais un Chinook HC.4. En plus de sa quarantaine de vieux HC.1 rénovés, la RAF s’est porté acquéreur de 14 Chinook MK.6 flambants neufs, de quoi pérenniser l’existence du célèbre birotor pendant encore quelques décennies dans les troupes de sa Majesté.

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Accroupis a l’arrière de la soute ouverte, un soldat salue les trois spotters venus admirer le ZA708 en dépit des conditions météos, bien visibles sur ce cliché. Un geste sympa qui a été très apprécié.

Les échanges effectués avec la RAF par l’Armée de l’Air permettent de meilleures collaborations entre des forces aériennes qui sont régulièrement amenées à combattre ensemble en dépit de matériels et de procédures bien différents. En ce qui concerne les appareils respectifs du « Parisis » et du Sqn 18, on ne peut trouver plus dissemblables que l’hélicoptère léger Fennec et le lourd Chinook mais la recherche de complémentarité est également un axe où ces rencontres apportent des solutions qui pourront changer la donne une fois au combat. Loin de ces contingences et en dépit d’une pluie malvenue, les curieux qui traînaient autour de l’héliport ont bien profité de cette spectaculaire machine.

Le dernier vol du Boeing 247

L’évènement est passé un peu inaperçu, mais quelques semaines à peine après la réception du premier Boeing 727, le Museum of Flight de Seattle a accueilli une autre pièce maîtresse dans une collection dont la richesse ne cesse d’étonner.

Il ne restait qu’un seul Boeing 247 en état de vol dans le monde ; à la fin du mois d’avril il a effectué son dernier vol pour intégrer le musée. Le 247 est un avion important dans l’histoire de Boeing, car il fut son premier succès commercial significatif sur le marché des avions commerciaux.

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26 avril 2016 ; Le Boeing 247D N13347 se présente pour se poser à Seattle, pour la dernière fois. (Photo Francis Zera via Museum of Flight)

Conçu pour les besoins de la compagnie United Air Lines, qui cherchait à se démarquer de ses concurrents, l’avion marquait une véritable évolution de l’aviation commerciale et n’avait aucun équivalent technologique à l’époque de sa sortie. Il était d’une formule extraordinairement novatrice avec sa structure métallique, sa voilure monoplan, son train escamotable, son système de dégivrage et la forme très particulière des vitres de son cockpit. Au départ équipé d’hélices à pas fixe, il fut le premier avion de ligne à recevoir des hélices à pas variable qui amélioraient très sensiblement ses performances et la marge de sécurité en cas de panne de moteur juste après le décollage. Équipé pour le vol aux instruments, il possédait aussi un pilote automatique, certes basique, mais qui réduisait déjà beaucoup la charge de travail de l’équipage en croisière.

Entré en service le 1er juin 1934 sur la ligne New York-San Francisco, parcourue en 7 escales et une vingtaine d’heures de vol, il accueillait une dizaine de passagers pour le confort desquels des efforts notables avaient été faits. Ils bénéficiaient en effet d’un système de climatisation et surtout des services d’une hôtesse de l’air, une innovation promise à un grand avenir lancée par United trois ans auparavant et qui avait été prise en compte dès la conception du nouveau Boeing.

Il y avait de quoi  faire réfléchir les instances dirigeantes des autres compagnies qui obligeaient leurs passagers à se traîner à bord de Ford Trimotor chez TWA ou même de biplans Curtiss Condor, entrés en service l’année précédente chez American Airlines. Avant même son entrée en service, le 247 n’était pas passé inaperçu, et Boeing avait commencé à recevoir de multiples sollicitation pour ce nouveau appareil, mais les termes du contrat avec United étaient clairs, Boeing ne pouvait engranger de nouvelles commandes avant d’avoir livré les 60 exemplaires commandés.

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La forme typique et particulière du vitrage de son cockpit rend l’identification du Boeing 247 assez facile.  (Photo : Boeing)

Cette clause entraîna donc le directeur de la TWA, Jack Frye, à se tourner vers un autre constructeur pour obtenir, lui aussi, un avion moderne. Il frappa à la porte de Douglas qui construisit le DC-1, exemplaire unique mais dont le DC-2 fut rapidement extrapolé avec un succès commercial à la clé. Le DC-2 engendra ensuite le DST et l’aviation entra alors dans une nouvelle ère !

Bien sûr, Boeing apprit de ses erreurs et la compagnie poursuivit son développement au point qu’en 2016, année de son centenaire, elle n’a presque jamais été aussi puissante. Tellement puissante qu’il y a 20 ans, elle s’offrit son concurrent de Long Beach avec lequel la concurrence fut féroce tout au long du XXe siècle. Ce n’était sans doute pas une vengeance, mais ce plat se mangea quand même bien froid !

Au cours de sa carrière, le Boeing 247 se distingua en remportant plusieurs records importants de l’époque, notamment en vitesse. Piloté par le légendaire Roscoe Turner, il s’offrit même une très belle troisième place en 1934 sur la course Londres-Melbourne, un parcours particulièrement sélectif effectué en un peu plus de 85 heures de vol, derrière un DeHavilland 88 Comet et un… Douglas DC-2 ! Décidément !

Le Boeing 247, en dépit de son efficacité ne fut construit qu’à 75 exemplaires. Un peu plus de deux ans après leur entrée en service, United les revendait déjà pour s’offrir des Douglas ! Disséminés dans de nombreuses compagnies d’importance secondaire, certains restèrent pourtant en service jusqu’aux années 60 après avoir même parfois connus un petit intermède militaire au sein de la Royal Canadian Air Force pendant la 2e guerre mondiale.

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Arrivé troisième de la course Londres-Melbourne, l’avion de Roscoe Turner est un des trésors du NASM de Washington.

Seulement quatre exemplaires de cet avion ont survécu jusqu’au 21e siècle. Le plus célèbre n’est autre que l’avion de Roscoe Turner exposé depuis longtemps à Washington au National Air & Space Museum. Un autre est visible à Ottawa au Canada Aviation and Space Museum tandis qu’un troisième se trouve au National Museum of Science and Industrie à Wroughton en Grande-Bretagne.

Le dernier, ultime rescapé de cette importante famille, est donc le « City of Renton ». Livré en 1933, il vola successivement pour Pacific Air Transport, United, Pennsylvania Central Airlines puis la RCAF. Rendu à la vie civile dès 1941 il vola ensuite aux USA puis au Costa Rica où il est sérieusement endommagé en 1952. Rapatrié en Floride deux ans plus tard, il est modifié pour l’épandage et sert en Californie pour l’ensemencement de nuages. Il est abandonné à la fin des années 50 et il est racheté en 1966, à l’état d’épave, par la Pacific Northwest Aviation Historical Fundation qui devint plus tard le Museum of Flight. Désormais immatriculé N13347, sa restauration est lancée en 1979 et s’achève le 29 juin 1994 lorsqu’il revole enfin. Il participe alors à de nombreuses manifestations aériennes. Le 26 avril dernier, son dernier court vol l’a amené de Paine Field à Everett jusqu’au Boeing Field à Seattle. Exactement le même vol que celui effectué par le premier Boeing 727 au mois de Mars. Il sera très prochainement exposé aux côté de son concurrent et rival DC-2 au sein du Musée.

Cet avion pourrait mériter sa place de choix dans l’histoire de l’aviation par la seule existence des nombreuses et importantes innovations qui ont été introduite au cours de sa conception et qui ont ensuite fait école chez les avionneurs du monde entier. Mais, parce que l’ironie sied parfaitement à l’histoire, c’est bien pour avoir indirectement conduit à l’avènement du Douglas DC-3 que le Boeing 247 est d’une importance aussi considérable qu’incontestable.

Hélicos et Commandos, le 4e RHFS en action

Longtemps parent pauvre des armées françaises, les Forces Spéciales ont véritablement pris leur essor après la guerre du Golfe et sont devenues aujourd’hui absolument indispensables et sont désormais utilisées très intensivement. Aucun engagement ne peut se faire sans impliquer ces unités qui, souvent, ouvrent les fronts avant l’arrivée des forces plus conventionnelles (…).

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GSS new Boeing 747-400 Supertanker

In December 2013, Evergreen International ceased activity. Awkward timing: their Supertanker, which was stored in Marana, Arizona, had just been promised a “call when needed” contract with the US Forest Service. And these last few years, Very Large Air Tankers (VLAT) which had been awarded call-when-needed contracts have proven very useful, and sometimes even more profitable exclusive contracts came after hard-working seasons.

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New Supertanker early artist’s view. Tanker 947 became finaly 944. (GSS)

To be a candidate to these contracts, Boeing 747-100 Tanker 979 had to get back in the air, which needed to find turbojets and perform a C check maintenance operation, a full inspection of the airframe, engines and systems. The whole operation would cost an estimated $1 million; Evergreen postponed the check for a few months… and went bankrupt in the meantime. The aircraft remained in Marana while her owner’s assets were auctioned.

According to the terms of the potential USFS contract, the plane was to yield $75’000 each day it was activated, plus $12’000 per flight hour, and fuel and retardant were to be supplied by the federal organization. Even though USFS promises can be fluctuating, these terms were very attractive. Therefore, former Evergreen employees, most of them deeply involved in the Supertanker project, created a new, dedicated company: Global SuperTanker Services, LLC. When Evergreen was liquidated, they bought the pressurized drop system, spare parts and patents. They also acquired a younger, more efficient aircraft: the new Supertanker, third of its kind, is based on a Boeing 747-400.

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Future 3rd generation Supertanker, Boeing 747-446 JA8086 is seen landing in Hong Kong on 12th august 2010. Photo : Peter Bakema)

N744ST (cn 25308, the 885th 747 to be produced) was built in 1991 as a Boeing 747-446, and first flew on 25 October 1991. Delivered to Japan Airlines the following month and registered JA8086, she would be flying passenger service until 2010. She was then bought as N238AS by AerSale Inc., a company dedicated to second-hand aircraft market, which turned her into a 747-446(BCF) freighter and sold her to Evergreen (as N492EV) in 2012. In November 2013, when Evergreen ceased operations, she was put on storage in Victorville, California.

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Having Become a Boeing 747-446(BCF) after its cargo conversion and registred N492EV the future Supertanker is stored at Victorville (California) in november 2013. (Photo : Sawas Garozis)

Global SuperTanker Services chose a 747-400 because of its improved efficiency. 25 years have passed since its inception: the time has now come when big airlines start selling aircraft of this type, and airframes which still have some potential become affordable. N744ST has flown 75’000 hours; a properly maintained 747 can log 100’000 flight hours, which lets her some 25’000 hours to live. As a tanker seldom flies more than 500 hours a year, she could remain active for decades.

With new, more powerful engines than the previous Supertankers, this new aircraft can take-off at a maximum weight close to 400 tons, but she probably won’t meet this weight very often in her new career. Therefore, she will have a more favorable thrust-to-weight ratio, which is obviously interesting for this mission. Her more modern conception also implies rationalized maintenance processes, which will reduce immobilization times and cost for these essential operations. The 747-400 also has a “glass cockpit”, with standard navigation, systems management and operating systems conceived for a two-man crew, while previous Supertankers needed a flight engineer to face the workload of planes conceived in the late 70s.

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With its modern flightdeck, here JA8071’s, with wide color screens to give crew all data they need, 747-400 only need a two men crew. (Photo : Norio Nakayama)

After being bought by GSS, N744ST quickly went through a C-check operation in Victorville. On 23 January 2016, she flew to Marana, Arizona, to get her modern, gleaming and spectacular new painting. She was christened Spirit of John Muir, after the famous Scottish-American writer/adventurer — who was also a naturalist and a pioneer in the environmental movement.

Her now permanent base is in Colorado Springs, but her first public display was on 22 March 2016 in Sacramento: she was the great attraction during the Aerial Fire Fighting conference, held on McClellan airfield.

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GSS Supertanker at Aerial Fire Fighting 2016 at McClellan Airport in Sacramento. (Photo Jim Dunn)

During her painting stay in Marana, the release system taken from the first-ever Supertanker was also installed. This needs a bit of an explanation. During the adventures of Evergreen’s Supertankers, two successive tanks systems were conceived. The first one was made of steel and installed on pallets, so it could easily get in and out through the nose door of a Boeing 747-200F, keeping the multi-purpose abilities of the type. This was not possible for the former passenger 747-100s, so Evergreen conceived a new, lighter, aluminum-built mechanism, which was permanently installed through the side cargo door. When the second Supertanker was stored, the whole system was taken off the plane… and when Evergreen was liquidated, it was nowhere to be found!

Consequently, when GSS bought Evergreen’s fire fighting assets, it included only the first dropping system, which had been cleanly stored in Marana. So it is this one, cleared of its now useless pallets but retaining its 75’000 liters capacity, which was installed in the new 747-400.

Brevet Evergreen 747F 1024

Drawing from an Evergreen Patent showing the tank systems of the first Supertanker (B747-200) salvaged and fitted to the GSS B747-400 Tanker 944.

As the drop system was already approved by the FAA and the Interagency Airtanker Board in the Forest Service, the adaptation should by quick and N744ST could be a candidate to operations as soon as this summer. The first ground drops were made on 30 April 2016 and the next day, she made her first test flight and first aerial drop.

GSS Supertanker 1st test

First ground test of the Tanker 944 drop system in 30th april 2016. (Photo : GSS)

Her crew consisted of Cliff Hale, GSS chief pilot and more importantly former Evergreen Supertanker captain — the man who flew more than 90% of trial and demonstration flights, as well as every operational drop. His first officer was Tom Parsons, an experienced tanker pilot who has flown with Neptune Aviation. A third seasoned pilot has also been hired: in the process of extending his type rating, he was put in charge of rough terrain testing.

Tanker 944 first drop (GSS LLC)

First test drop on 1st May 2016. (Photo : GSS)

For most passenger or freight missions, Boeing 747-400s require only a two-man crew, but fire fighting is another deal. GSS invented a third crew member, named Drop System Operator. Bob Soelberg, GSS Vice President and Supertanker program manager, explains: “Global SuperTanker has felt from the beginning that both pilots need to be focused on flying and communications, not drop system set up. For that reason, we have modified the flight deck to allow Don Paulsen, our Chief Safety Officer and former flight engineer, to act as our DSO.”

Settled in the center jump-seat, Don Paulsen will be responsible for selecting the proper settings for the retardant release system, according to the situation and the requirements from the authorities, and then tell the pilots when the device is ready to drop. In Evergreen’s Supertankers, the flight engineer was in charge of the release system, with some information also displayed on the cockpit’s center console; on the new installation, everything was designed to be in the DSO’s reach. This new job could be offered to former flight engineers as well as seasoned air mechanics, with a proper DSO training course still to be approved by the FAA; meanwhile, a second DSO has already been hired and should also be trained as a first officer.

This new aircraft also has important room for improvements. For example, Supertanker operations not only need an airfield with a long and resistant enough runway; they also need an air compressor, necessary to the pressurized release system. GSS thinks about installing two compressors aboard, so the plane would be able to arm her equipment on her own. New wiring was pre-installed for potential new equipments, notably for new data management requirements — thus, the Supertanker could offer a load of technical data about it systems as well as its structure. Yet, these modifications are a future matter and the aircraft currently still conforms to Evergreen original STC: according to Bob Soelberg, “some pre-positioning of components will allow us to respond to future requests for various data output. This decision [not to make new installations right now] was based on the lack of clear guidance on which system would be most common among the various agencies, as well as our desire not to delay the FAA STC process.”

When the second Supertanker came in Châteauroux, France, in July 2009, Evergreen was already considering night operations, thanks to the craft’s ability to drop higher than conventional tankers and avoid risks of flying too close to the ground. GSS is also working this way and has already made some preliminary studies in that regard, analyzing experience from L.A. Fire Department helicopter pilots, who have been flying by night for years. To add night VFR capabilities to the Supertanker, many evolutions are considered, such as installing enhanced vision systems or modifying the cockpit so it could be used while wearing night vision goggles. No decision has yet be made, as it is still a long-term evolution project.

Elbit Systems Enhanced Flight Vision System provides a clearer view for pilots 1024

Example of an Enhanced Vision System : the « Clear Vision (TM) from Elbit Systems. (Elbit Systems)

Amongst VLATs, the Supertanker is also unique in being qualified to work on oil spills, Evergreen having entered this market after the Deepwater Horizon disaster: N744ST will be able to release oil dispersant as soon as she’ll be certified. Since the dropping system is made of two individual, parallel, independent 37’500-liter lines of tanks, GSS says she could even work as a fire suppression tool and an oil dispersant vector at the same time. From its base in Colorado Springs, she could reach the Gulf of Mexico within 3 hours and get anywhere in the world in about 20 hours; as says Bob Soelberg: “Our niche is the ability to respond quickly to areas of the world where local capabilities are limited.”

Global-SuperTanker-logo1 500 pixIn the near future, certification should not be a problem and the main question is: will the USFS, which still lacks some fire fighting aircraft, honor the promises made to Evergreen in 2013? That is the hole point, though GSS is also talking to Australia (who has been successfully using one of 10 Tanker’s Douglas DC-10s for the last two years) and to the European Union’s Emergency Response Center.

Evergreen’s history has shown that such a huge plane seldom finds missions big enough for her. Yet, these last few years (and especially the very rough 2015 season) saw very impressive fires and asked for an intensive use of VLATs; particularly, the three DC-10s belonging to 10 Tanker, LLC have proven more than useful. Can the new Boeing 747-400 be a better match for the next years fires? Will the Forest Service follow up on GSS’s arguments? The next few weeks will be decisive for this exciting project.

Translated by Franck Mée

French version here

La renaissance du Boeing 747 Supertanker

Lorsque la compagnie Evergreen International a cessé son activité en décembre 2013, le Supertanker, alors stocké à Marana, à mi chemin entre Tucson et Phoenix dans l’Arizona, avait pourtant reçu la promesse d’un contrat en « Call When Needed » – activable en cas de besoin – de la part de l’US Forest Service. Or, ces dernières années, les VLAT activés en CWN n’ont vraiment pas manqué de travail. A l’issue de ces saisons difficiles des contrats d’emploi exclusifs, plus rentables encore, les attendaient parfois.

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Vue d’artiste du nouveau Supertanker, diffusée au moment du lancement du projet. Prévu pour être le Tanker 947, l’avion porte désormais le numéro 944 (GSS)

Pour que le Boeing 747-100 Tanker 979 puisse reprendre l’air, et se porter candidat à ces différents contrats, il lui fallait subir une opération de maintenance de type C nécessitant une inspection complète de la cellule, de la motorisation et des systèmes de pilotage. Il fallait aussi lui retrouver plusieurs réacteurs. Le coût de ces opérations, estimé à un million de Dollars, avait conduit Evergreen à repousser l’opération de quelques mois. On sait ce qu’il est arrivé alors. L’avion est donc resté à Marana, attendant que les avoirs de son ancien propriétaire soient liquidés aux enchères.

Or, les termes du possible contrat USFS, accordant à cet avion 75 000 $ par jour d’activation et 12 000 $ par heure de vol effectuée – le coût du retardant et du carburant étant pris en charge directement par l’organisme fédéral – et même si les promesses de l’USFS sont souvent très fluctuantes, étaient particulièrement attractifs.

Une nouvelle société, portée par plusieurs anciens de la société Evergreen, souvent très impliqués dans le projet Supertanker, voit le jour ; Global SuperTanker Services. Lors de la liquidation d’Evergreen elle se porte acquéreur du système de largage pressurisé du Boeing 747, des réserves de pièces de rechange et les brevets afférents. Elle jette aussi son dévolu sur un appareil plus récent, plus performant et plus moderne. Ainsi, le nouveau Supertanker, le troisième du nom, est un Boeing 747-400.

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le Boeing 747-446 JA8086, futur Supertanker de 3e génération, se pose à Hong Kong le 12 août 2010. (Photo : Peter Bakema)

Le N744ST (c/n 25308, 885e 747 produit) a été construit en 1991 comme Boeing 747-446 Il fait son premier vol le 25 octobre 1991 avant d’être livré à Japan Airlines le mois suivant où il vole sous l’immatriculation JA8086 jusqu’en 2010 en configuration passagers. Il est revendu sous l’immatriculation N238AS à AerSale Inc, une société spécialisée dans le marché des avions d’occasion, qui place ensuite l’avion chez Evergreen International après sa transformation en Boeing 747-446(BCF) cargo en 2012, immatriculé N492EV. L’avion est stocké à Victorville à partir de novembre 2013 en raison de la cessation d’activité de son exploitant et jusqu’à son rachat par Global Supertanker Services.

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Devenu un Boeing 747-446(BCF) et immatriculé N492EV, l’appareil est stocké à Victorville en Californie à partir de novembre 2013. (Photo : Sawas Garozis)

La compagnie explique le choix du 747-400 par la modernité de cet appareil et ses performances. Plus de 25 ans après son lancement, l’appareil entre aussi dans la période charnière où les grande compagnies commencent à s’en séparer et que des cellules avec un certain potentiel deviennent vraiment abordables sur le marché de l’occasion.

En effet, le N744ST a accumulé 75 000 heures de vol au cours de sa carrière. Bien entretenu, un Boeing 747-400 peut atteindre sans problème les 100 000 heures, il lui reste donc un potentiel d’environ 25 000 heures. Sachant qu’il est très rare qu’un Tanker dépasse les 500 heures de vol annuelles ; en théorie, il pourrait être donc opérationnel plusieurs décennies.

Équipé de moteurs plus modernes et plus puissants que les deux précédentes versions du Supertanker, le nouvel appareil peut décoller à la masse, maximale, de 400 tonnes, un chiffre qui sera rarement atteint au cours de sa nouvelle carrière. Il va disposer d’un rapport masse/puissance assez favorable et dont l’utilité en mission semble évident. Cette relative modernité se traduit également par des processus de maintenance plus rationnels ce qui ne manquera pas d’influer sur les temps d’immobilisation et donc sur le coût de ces opérations vitales.

Le Boeing 747-400 dispose également d’un « glass cockpit », disposant des outils standards de pilotage, de navigation et de gestion des systèmes, conçu pour être exploité par un équipage de deux hommes seulement, là où les précédentes versions du Supertanker exigeaient en plus la présence d’un technicien navigant afin de faire face à l’importante charge de travail requise par les appareils construits jusque dans les années 80.

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Grâce à son cockpit plus moderne – ici celui du JA 8071, sister-ship du Tanker 944 – dont les écrans permettent à l’équipage d’afficher les informations et d’intervenir sur les systèmes au moment opportun, le 747-400 n’a plus besoin que d’un équipage de deux hommes pour voler. (Photo : Norio Nakayama)

Racheté par GSS l’avion est entré rapidement en chantier de maintenance type C directement à Victorville en Californie. Le 23 janvier 2016, l’avion est convoyé jusqu’à Marana, en Arizona, pour entrer en atelier de peinture d’où il ressort fin février recouvert d’une seyante décoration moderne, rutilante et spectaculaire. C’est à Marana que le système de largage est récupéré et installé puis l’appareil repart pour sa base définitive à Colorado Springs.

L’avion est présenté en public pour la première fois le 22 mars 2016 à Sacramento, au cours de la conférence Aerial Fire Fighting organisé sur l’aérodrome de McClellan, dont il a été la grande vedette.

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Le Boeing Supertanker de GSS sur le parking de McClellan à Sacramento en mars 2016 pour la conférence Aerial Fire Fighting. (Photo : Jim Dunn)

Au cours de l’histoire du Supertanker, deux systèmes de largage ont été construits et installés sur les deux précédents appareils. Le premier, en acier, était palettisé  afin de pouvoir être installé ou retiré facilement du Boeing 747-200F porteur grâce à sa porte cargo de nez et lui conserver ainsi une vraie polyvalence. Lorsqu’il s’est agit de basculer le concept vers un 747-100, Evergreen a fait concevoir un deuxième système de pressurisation et de largage en aluminium, plus léger, et sans palette, installé à demeure grâce à la porte cargo latérale. Au moment où le Boeing 747-100 a été placé en stockage, le système a été ôté de l’avion, mais lors de la liquidation d’Evergreen il n’a pas été retrouvé ! (1)

Lorsque GSS s’est porté acquéreur des brevets Evergreen, c’est le système initial, toujours stocké à Marana, qui a été acquis. C’est donc celui-ci qui est désormais installé à bord du 747-400. Il a été modifié par la suppression des palettes mais contient toujours 75 000 litres.

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Schéma de principe du premier système de largage du Supertanker installé sur le Boeing 747-200 à partir de 2005. C’est ce système qui a été récupéré et modifié pour être installé à bord du 747-400.

Comme le système de largage a été déjà validé par la FAA et par l’Interragency Airtanker Board du Forest Service, le processus d’acceptation de l’appareil pourrait être rapide et l’avion se porter candidat aux opérations dès cet été. Dans ce cadre, les premiers largages au sol ont été effectués le 30 avril.

GSS Supertanker 1st test

Le 30 avril 2016, le Tanker 944 procède aux premiers essais de largage au sol. (Photo : GSS)

Le lendemain, l’avion a effectué son premier vol d’essais et son premier largage.

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Premier largage d’essais du Tanker 944, le 1 mai 2016. (Photo : GSS)

Ce nouvel avion dispose également d’un potentiel évolutif non négligeable. Pour son utilisation opérationnelle, le Supertanker ne dépend pas seulement d’une station de remplissage installée sur un aérodrome disposant d’une piste assez longue et assez solide pour le recevoir, mais aussi de la présence d’un compresseur d’air indispensable à la mise en œuvre du système de pressurisation du largage. GSS envisage donc d’installer deux compresseurs internes afin de rendre l’appareil totalement autonome sur ce point.

Lors de la présentation du deuxième Supertanker à Châteauroux en juillet 2009, les équipes d’Evergreen avaient déjà annoncé songer à une utilisation nocturne du Boeing 747 grâce à sa capacité de larguer plus haut que les avions plus conventionnels, lui permettant ainsi de s’affranchir des risques liés à la proximité du terrain. GSS suit également cette voie et des études préliminaires ont déjà été effectuées en ce sens, notamment en se servant de la longue expérience accumulée par les pilotes des voilures tournantes du Los Angeles Fire Department rompus à cette discipline depuis de nombreuses années. Pour une utilisation du Supertanker en VFR de nuit, plusieurs pistes sont envisagées comme l’installation d’un EVS ou l’adaptation du cockpit à l’utilisation de jumelles de de vision nocturne. Aucune décision n’a toutefois été prise pour le moment et cette évolution est une prévision, de toute façon, à long terme .

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Exemple d’Enhanced Vision System, le « Clear Vision (TM) » d’Elbit Systems. (Photo : Elbit Systems)

Car une question essentielle doit d’abord être tranchée : est-ce que l’USFS, qui est toujours en léger déficit d’avions de lutte anti-incendie, tiendra les promesses faites en 2013 ? C’est là le nœud du problème.

Global-SuperTanker-logo1 500 pixL’expérience préalable d’Evergreen a fait la démonstration qu’il était très difficile à un avion aussi imposant de trouver des missions à sa hauteur. Cependant, les récents incendies dans l’ouest de les USA, et la saison 2015 a été particulièrement difficile sur ce point, ont entraîné une utilisation intensive des Very Large Air Tankers, en particulier des trois DC-10 de 10 Tanker, qui à défaut de se montrer décisifs, se sont montrés particulièrement utiles.

Le Boeing 747-400 peut-il s’inscrire dans cette logique ? Le Forest Service sera-t’il sensible aux arguments de GSS ? Les semaines à venir risques d’être cruciales pour le développement de ce passionnant projet.

(1) Il aurait été récupéré depuis.