Jérôme et le C-130 Airtanker

Jérôme est pilote d’avions de lutte anti-incendies depuis 20 ans. De 1996 à 2002, en France la première année et ensuite aux USA, il a accumulé 2000 heures sur C-130 Airtanker, dont 500 comme commandant de bord, pour un total de 2500 largages. Il a volé ensuite sur DC-4 et P-3 Orion. Désormais pilote de S-2T pour le Cal Fire, il continue de considérer le Hercules comme le meilleur appareil, et le plus polyvalent, sur lequel il a volé sur feux ; en mars 2011 il m’a accordé un long entretien pour apporter son point de vue et son témoignage à l’histoire des C-130 Airtankers que j’étais alors en train d’écrire et qui a été publiée ensuite dans le Fana de l’Aviation, dans Pélican Infos et dans la Newsletter du Cal Fire Pilots Association aux USA. Au-delà même du C-130, c’est le regard lucide qu’il porte sur son métier qui fait de ce témoignage rare, et inédit dans cette version longue, un document pertinent.

« Le C-130 est un avion très sain qui se pilote assez facilement et qui se prend en main rapidement. Il n’a pas de vice et ne va pas te planter ; c’est un bon « pépère » puissant et fiable. Avec le Hercules, à aucun moment on ne se dit qu’il faut faire gaffe car il prévient et quand on remet les gaz, il repart. Il s’agissait de C-130A, la toute première version. Ils étaient puissants mais pas autant que les H et encore moins les J. Avec ces versions ça pourrait être un bonheur à piloter !

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« Le C-130 est un avion très sain qui se pilote assez facilement » (Photo : Collection J. Laval)

Sur feux, j’ai adoré le DC-4 parce que c’est un avion de grande classe mais c’était une autre aviation. À chaque largage il fallait vraiment bien réfléchir où mettre les ailes. Ce n’était pas un avion hyper-maniable car très lourd aux commandes et donc très stable, et sur lequel, du coup, il fallait vraiment prévoir et anticiper les trajectoires avec précaution pour toujours avoir une porte de sortie (1).

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« Sur feux, j’ai adoré le DC-4 parce que c’est un avion de grande classe mais c’était une autre aviation. » Jérôme et Pat LeRoux devant leur Tanker 65 en 2003. (Photo : Collection J. Laval)

À contrario, le C-130 est maniable et puissant. L’idée, c’est d’intervenir sans avoir besoin de se servir de la maniabilité, mais c’est rassurant de savoir qu’en cas de besoin, on peut y faire appel… Avec le C-130, si la passe était mal engagée, il était facile de remettre les gaz et de refaire un tour ; c’est un avion qui permettait de le faire tranquillement. Sur d’autres avions, on transpire quand on remet les gaz car on se dit : « est-ce qu’on a assez de marge pour passer ? » alors que sur C-130, même sur trois moteurs, on sait que ça va passer. Ça nous est arrivé deux fois en intervention sur une zone très chaude : une fois le moteur 1 nous a fait un « flame-out », il s’est éteint, une autre fois, ce fut le 4 ; à chaque fois des moteurs extérieurs donc assez critiques. On a simplement remis les gaz et voilà ! Ce n’était même pas un souci. C’est un avion très sécurisant pour les feux de forêts car on avait la sensation que cette puissance pouvait nous sortir de tous les pièges.

Le C-130, surtout avec son système de largage RADS, reste encore, à mon avis, aujourd’hui le meilleur tanker qu’on n’ait jamais utilisé aux USA. Le P-3 doit venir juste après, mais le P-3 n’a pas d’aile, et donc, en cas de panne moteur ou de manque de puissance : danger ! En cas de perte d’un moteur, il faut faire gaffe à l’incidence. Le C-130 a, lui, une aile bien épaisse c’est donc un avion qui décroche tout en douceur. C’est un avion « rond », rassurant, un peu comme son allure le suggère.

Ce que je retire de ces années-là, c’est que lors du plus compliqué des largages, dans les endroits les plus difficiles, en termes de terrain ou d’altitude, on n’a jamais dit « non » à cause des performances du C-130. On n’a jamais eu à dire : « ça, on ne peut pas le faire ! » Le C-130 est un avion facile, puissant, maniable, et jamais on n’a refusé une intervention en raison de la maniabilité de l’avion ou de sa taille… Jamais !

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« Jamais on n’a refusé une intervention en raison de la maniabilité de l’avion ou de sa taille… Jamais ! » (Photo : Collection J. Laval)

Sur C-130, les seuls moments de transpiration intense étaient relatifs au manque de visibilité… Sur certains gros feux, des feux qui pouvaient durer des semaines, notamment dans le Colorado, en Californie ou en Floride, on savait qu’il y avait d’autres avions pas loin et comme on n’était pas équipés de TCAS(2) on n’avait que la radio pour savoir où les autres étaient ; c’était les moments les plus difficiles car un accident est vite arrivé. Quand tu as un TCAS comme maintenant, c’est plus simple. À l’époque, on a du rater un nombre dingue de trafics ! Comme aujourd’hui tu les vois tous, tu te dis : « ha, là y’a un petit coucou ! » Avant, tu n’aurais même pas su qu’il était dans le coin… Dans le Tracker, dans le Bronco, on a un TCAS, et on ne pourrait plus faire sans et ce serait ridicule. Quand il y a quinze tankers en orbite, sans oublier les hélicos, concentrés sur moins d’un nautique, quand il fait beau et quand on est trois à bord et qu’on regarde dehors c’est une chose ; mais dans un Tracker, seul à bord, si le temps se dégrade, si la « visi » baisse, on n’est plus vraiment en sécurité. On a pallié ceci avec des procédures de points initiaux, de check, ce qui a fonctionné très bien, mais avec un TCAS en protection, on est vraiment rassurés, surtout sur les appareils où le pilote est seul à bord.

Aux USA je n’ai fait que du feu, aucun vol logistique ce qui nous a toujours étonné car on le leur proposait sans cesse : si ils avaient voulu qu’on amène du matériel de base en base on pouvait utiliser le Hercules en enlevant la soute, ou même en la conservant à bord rangée sur le côté, pour laisser la place d’embarquer du matériel. C’est ce qu’on a fait en France ; On amenait du matériel pour les pélicandromes, à Bordeaux, à Carcassonne, à Calvi ou Ajaccio. On « ouvrait » les pélicandromes en début de saison et on les « fermait » à la fin. On apportait du matériel, principalement des tuyaux ou des pompes. Le système de largage reste à demeure mais il est dans l’épaisseur du plancher, même si il dépasse un peu dessous il ne prend pas beaucoup de place et donc tu conserves la capacité cargo de l’avion quand tu en as besoin. En plus on disposait de la rampe arrière, un atout sur nombre d’aérodromes et dans les situations les plus chaotiques, l’équipage du Dash 8 (3) qui a été envoyé à Haïti en 2010 l’a constaté

Aux USA, à chaque début de saison, on suivait un stage qui durait de une à deux semaine avec des cours au sol et quelques vols d’entraînement suivis d’un vol de contrôle par le chef pilote et un autre par un testeur extérieur qui nous donnait ensuite l’autorisation d’intervenir sur feux. Généralement il s’agissait d’un pilote de Lead Plane de l’US Forest Service (USFS), souvent un ancien pilote de Tanker, qui nous faisait faire une mission en l’agrémentant d’une ou deux pannes dans le relief. Une fois qu’on avait le coup de tampon et que l’avion était certifié par les mécaniciens inspecteurs, on était partis !

J’ai eu la chance de voler avec Pat LeRoux comme Commandant de Bord et Mark Hugues comme Flight Engineer. D’ailleurs, LeRoux, Hugues, Laval ça sonne plutôt francophone, notre avion, Tanker 64, a vite été baptisé « The French Connection ». Pat venait de l’aviation agricole et il avait déjà 15 000 heures de vol. Il s’était crashé deux fois et avait été blessé. C’était un pilote né qui avait vécu des aventures incroyables, mais il ne fallait pas lui parler de GPS ! On avait un Garmin 430 à bord et c’est moi qui m’en occupais ; on a fait les USA en long et en large avec…

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« notre avion, Tanker 64, a vite été baptisé « The French Connection » » (Photo : C. Defever)

On est intervenus dans plus d’une vingtaine d’états, de l’Ouest à la Floride en passant par le Texas, le Colorado, la Géorgie ou les deux Caroline. Il n’y a que dans les états du nord-est que nous ne sommes jamais allés ; ça ne brûle jamais dans ce coin là ! En 2000, en quatre mois, on a établi le record d’heures de vol pour un AirTanker avec 415 heures. Avec un Pat qui avait plus de 35 saisons derrière lui, au niveau technique ça allait… Et puis quels souvenirs !!! Survoler les USA à 50 ft et 300 kt (4), intervenir dans les grand parcs nationaux normalement interdits de survol, plonger dans le Grand Canyon pour chercher des fumées, tourner autour de Crater Lake, c’était juste extraordinaire !

C’était aussi une vie de nomade. On partait de Fresno et l’USFS nous expédiait où le besoin s’en faisait sentir et il n’était pas rare qu’on parte pendant des semaines, d’aérodrome en aérodrome, de feu en feu… Ce n’était pas sans poser des problèmes d’ordre technique parfois. Un jour à Tallahassee en Floride, après un vol, on était en train de parquer l’avion et je fais tourner l’hélice du moteur 3… turbine bloquée ! On a prévenu la base, ils ont fait venir de Californie un pickup avec une turbine neuve et quatre mécanos qui se sont relayés au volant pendant 48 heures. Pendant ce temps-là, on a loué une grue et quand ils sont arrivés, ils ont changé la turbine. Le lendemain matin, on redécollait. Les mécanos, quant à eux, pouvaient alors être envoyés n’importe où, au Kansas, en Oregon, là où on aurait à nouveau besoin d’eux.

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Tanker 64, un avion qui a laissé une trace certaine dans le parcours professionnel de Jérôme.(Photo : C. Defever)

A bord, on avait plusieurs cantines de pièces détachées et le Flight Engineer, Mark Hugues, bossait beaucoup au sol. Il s’occupait du refueling et pas mal de la paperasse. Pendant quatre mois, on vivait ensemble tous les jours. L’équipage, ça devient ta famille, tes copains de virée, on a intérêt à s’entendre. Il est arrivé que des équipages ne fonctionnent pas, et comme c’est le « Captain » qui était titulaire, on lui affectait alors un nouveau co-pilote. Certains « Captains » avaient la réputation de ne pas être très faciles. J’en connaissais au moins deux avec qui je n’ai jamais volé et avec qui je m’entendais plutôt bien au sol. Mais en vol, c’était des « Captains » qui ne laissaient jamais le manche aux copilotes, alors qu’avec Pat, c’était le contraire : « tu veux piloter, et bien tu pilotes ! »

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« Pendant quatre mois on vivait ensemble tous les jours. L’équipage, ça devient ta famille. » La famille « Tanker 64 » en 2000: Mark Hugues (Flight Engineer), Jérôme Laval et Pat LeRoux. (Collection J. Laval)

De temps en temps il me disait « je vais faire cet atterro » mais je pilotais 80% du temps. Il aurait pu dire « chacun son tour », comme ça peut se faire, mais non. Quand on se faisait des pauses le midi, en même temps qu’on embarquait du retardant, on nous filait des sandwich, du Coca et des frites, pour bouffer vite fait et Pat me disait « si tu veux, je décolle et t’auras le temps de manger »… mais je mangeais vite justement pour en profiter, je voulais faire tous les décollages et tous les atterrissages que je pouvais… j’avais soif de voler à fond, et en fait je me disais que je devais faire chaque « atterro », chaque décollage, sauf à être exténué. Après une bonne journée, où tu as fait tes 8 heures de vol, tes 10-15-30 largages dans le bruit, la chaleur, les turbulences, au dernier vol il faut faire vraiment gaffe car la somnolence guette.

L’avantage d’être un équipage, une fois de plus c’est que tu définis les choses clairement… On n’a jamais eu de prises de bec. Mark, le mécanicien navigant nous a même dit qu’on était le meilleur équipage qu’il n’avait jamais eu. Jamais de tension, jamais à trop tirer sur la corde ; J’ai vécu des années géniales avec eux… Et quand je suis devenu commandant de bord, donc assis en place gauche, et bien c’est Pat qui s’est assis à droite. Il s’est remis en question et c’est là qu’il s’est mis au GPS… et s’en est très bien sorti !

Il y avait entre nous une confiance totale. Quand on se retrouve au fin fond de bleds américains paumés de chez paumés, sans cette confiance et cette amitié, ça peut être l’enfer… quelque part cette notion d’équipage était primordiale.

A Marseille, après ma première journée, Pat m’avait demandé quel était l’objectif du lendemain… Larguer, taper le feu au fond des canyons, prendre des risques… Non, pas du tout ! Le seul objectif est simple : retrouver sa famille, ses amis après les vols ! En gardant cette idée en tête, on ne prend pas de risque inconsidéré. Une philosophie qui a été une grande leçon de vie pour moi. Mon meilleur ami, Paul, que j’avais fait rentrer chez T&G pour le contrat avec la Sécurité Civile, est mort dans l’accident du Pélican 82 le 6 septembre 2000. J’y pense souvent. J’ai perdu d’autres copains depuis. On ne fait pas un métier dangereux, mais on fait un métier qui comporte des risques !

C’est aussi un métier d’alchimiste, on se retrouve au cœur des quatre éléments, l’eau, l’air, la terre et le feu, en prise directe avec le monde, avec la planète et les problèmes d’écologie et de sauvegarde du patrimoine naturel. Ça n’a rien d’anodin. Bien sûr, ce ne sont que des arbres, mais on en sauve des milliers, des centaines de milliers même, sans oublier les vies qu’on peut épargner. C’est très gratifiant !

Le largage, ce n’est pas une science exacte, c’est une espèce d’art ; c’est pour ça que je me définis comme un « peintre en végétation, période rouge » car c’est de l’artisanat. Le largage parfait, le largage exact, ça n’existe pas car les conditions sont tout le temps différentes ; l’objectif est donc de faire au mieux au moment où tu le fais et surtout ne pas se mettre en danger.

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Peinture sur végétation façon pompiers du ciel. (Collection J. Laval)

Avec l’expérience on arrive à poser le retardant pratiquement où on veut, en dépit des turbulences, en prenant en compte la dérive et le vent et donc, là, on se rapproche du largage parfait et c’est assez fréquent. Mais parfois on largue et le vent embarque le retardant. Nous ça nous est arrivé de larguer 12 tonnes à 50 ft et pas une seule goutte n’est arrivée au sol parce que le vent, les rabattants l’ont balancé, l’ont cisaillé dans tous les sens. Tu fais du mieux que tu peux, l’idée étant d’être là pour le prochain largage. Mais quand tu appuies le bouton, tu sais si ton largage est un largage correct ou si il peut être amélioré. Un peu comme un rugbyman qui tire une pénalité. Au moment où la balle part, il sait d’instinct si ça passe ou pas. Il n’a pas besoin de regarder… il le sait ! Au moment où tu appuis, celui là, il est bon, tu le sais ! Tu le sens tout de suite. La moitié du temps on larguait 12 tonnes, pour le reste, on fractionnait en deux ou trois, soit 6 tonnes, 4 tonnes… en dessous, ça ne servait à rien.

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« Au moment où tu appuis, celui là, il est bon, tu le sais ! »

La décision d’interdire les C-130 (5) a été une décision d’administration, pas une décision d’aviateurs. Si il y avait eu de vrais aviateurs pour prendre cette décision, les choses auraient été différentes. La solution aurait été sans doute d’interdire les C-130A mais ça aurait été le moment de réclamer des E ou des H, avec des soutes RADS, et aujourd’hui on aurait des avions rapides et puissants, capable d’emporter plus de 12 tonnes, sans doute pas loin de 15, avec une autonomie les rendant capable de faire des interventions partout, sur le continent en entier.

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« ça aurait été le moment de réclamer des E ou des H, avec des soutes RADS ». Le nouveau Tanker 131 de Coulson est effectivement un C-130H et son système de largage est une évolution directe du RADS…

Bien sûr, l’USFS aurait dû être plus sévère au niveau des contrôles des appareils, ça aurait peut-être empêché le drame du Tanker 130. D’ailleurs, quand il a fallu remettre les tankers lourds en service en 2004, ils ont été capables d’imposer des examens techniques pointus. Pour faire les contrôles techniques et les contrôles de maintenance ils auraient tout à fait pu trouver une société spécialisée pour faire les audits et le contrôle. L’expérience des gens de terrain, les experts, les pilotes, les vrais connaisseurs, les utilisateurs, n’a pas été prise en compte. Pourtant le caractère opérationnel et le bon sens, ça devrait aller ensemble, non ?!

Le C-130 c’est vraiment l’avion que je souhaite à tout pilote d’avoir à essayer, et tous ceux qui ont fait du C-130 ont le même attachement. C’est génial d’avoir un avion avec lequel tu as l’impression que tu peux tout faire, c’est un avion hyper attachant, qui ne te fera pas de coups tordus. C’est un avion qui peut vraiment tout faire, un avion vraiment multi-missions. Le feu de forêt n’est juste qu’une des missions qu’il remplit là aussi parfaitement. Il peut faire du transport, du cargo, de la Patmar ! Le C-130 remplit toutes les missions avec efficacité.

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« Le C-130 c’est vraiment l’avion que je souhaite à tout pilote d’avoir à essayer ». Sacramento 2014, Jérôme découvre le Tanker 131 de Coulson… Sans commentaire !

L’USFS n’a rien demandé aux techniciens et aux spécialistes. La décision de bannir le C-130 et une bonne partie de la flotte des Airtankers fut purement administrative. Étant donné le futur incertain de la flotte de Tanker, des P-2, des P-3 (6) qui vieillissent sans qu’on ne sache quel successeur leur donner, alors que les C-130H, J ou L-100 seraient des candidats parfaits, se passer de cette possibilité est incompréhensible. L’arrêt du C-130 AirTanker a été une erreur évidente. »

Témoignage recueilli en mars 2011.

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Jérôme à bord de son Tracker au dessus de la Californie. (Photo : J. Laval)

Cinq ans après ce témoignage, tout a changé ; Coulson a mis en service un C-130H (en fait un EC-130Q) puis un L-100-30 (version civile du C-130H-30 à fuselage rallongé). De son côté, l’US Forest Service a commencé à percevoir d’anciens HC-130H auprès des Coast Guard dont le premier a fait ses premiers largages opérationnels en 2015. 10 ans après leur bannissement des contrats de l’USFS, les Hercules sont de retour, en force ! Et 5 ans après, ce témoignage n’a en rien perdu de sa force et de sa pertinence.

 

 

(1) Cette règle est valable avec tous les avions, mais le DC-4 n’avait pas toujours les performances pour remonter le relief avec un moteur en moins.

(2) TCAS : Traffic Collision Avoidance Système. Système anticollision. Chaque avion émet, via son transpondeur, ses éléments de vitesse, direction et altitude. Ces informations peuvent être interprétés par les TCAS des avions alentours et une alerte est émise auprès des équipages concernés quand les paramètres indiquent un risque de collision. C’est un système très efficace.

(3) A la suite du tremblement de terre de janvier 2010, un Dash 8 de la Sécurité Civile a été dépêché à Haïti pendant un mois pour assurer des missions logistique et des évacuations sanitaires.

(4) 15 mètres, 540 km/h.

(5) En 2002, après deux accident, un C-130A et un PB4Y Privateer de la compagnie Hawkins & Power,  l’USFS a stoppé toutes les opérations pour ces deux types d’appareils. En 2004, après une longue enquête, tous les Tankers ont été interdits de vol jusqu’à ce que leurs opérateurs les fassent expertiser. Seuls les Neptune et les P-3 Orion ont été autorisés à reprendre du service. Les autres appareils, KC-97, DC-4, DC-7 et C-130 ont été bannis de tout contrat fédéral. Ce n’est qu’en 2014 qu’un C-130 a de nouveau obtenu un contrat avec l’USFS.

(6) Ce qui était faire preuve d’une grande clairvoyance car quelques jours après cet entretien, au mois d’avril, les P-3 d’Aero Union étaient interdits de vol par l’USFS pour une suspicion d’impasse sur des points importants de maintenance. Autorisés à reprendre les vols au bout de quelques jours ces avions ont vu leur carrière s’arrêter net au mois de juillet suivant quand le contrat entre l’USFS et Aero Union a été unilatéralement dénoncé par l’USFS. Les avions ont été convoyés à Sacramento d’où ils n’ont plus bougé depuis, à une exception près, et Aero Union a fait faillite quelques jours plus tard.

Un RJ85 pour la Colombie Britannique en 2016

Vendredi 19 février, le gouvernement de la Province de Colombie Britannique a annoncé qu’elle allait signer un contrat avec Conair pour la saison feu à venir et disposer ainsi d’un RJ85 disposant d’une capacité d’environ 12 000 litres pour protéger ses forêts. Pour ce contrat, la compagnie d’Abbotstford était en concurrence avec une autre compagnie basée dans la Province, Coulson Flying Tankers, qui proposait son L-100 Hercules et ses 17 000 litres de capacité. Cet appareil viendra s’ajouter aux L.188 Electra et Convair 580 déjà sous contrat saisonnier.

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Le RJ85 Tanker 162 modifié par Conair et actuellement en opération en Australie. (Tasmania Fire Service)

Le gouvernement de Colombie Britannique en a profité pour confirmer qu’il ne signerait aucun contrat pour le Hawaii Mars pour la saison à venir ce qui devrait officialiser la retraite du vénérable bombardier d’eau.

On se souvient, cependant, que l’an passé, face à une situation catastrophique sur le front des flammes de cette province dont la sylviculture est l’une des ressources naturelles essentielles, les AT-802F « Fire Boss » contractés pour succéder à l’immense hydravion s’étaient montrés insuffisants et que le Martin Mars était brièvement sorti de sa retraite forcée pour une pige qui fut très médiatisée.

Le communiqué publié par Wayne Coulson hier rappelait qu’au cours de ces dernières 56 années, depuis que Dan McIvor est allé chercher les quatre Martin Mars survivants à Alameda en Californie pour en faire les plus lourds bombardiers d’eau de l’histoire (27 0000 litres de capacité) jusqu’à l’avènement des VLAT dans les années 2000, ces appareils ont participé à 4000 missions, donnant lieu à 8000 largages. Un avion et son équipage ont été perdus en 1961, un autre avion a été brisé au sol lors d’une tempête l’année suivante, et si le Philippine a été arrêté de vol en 2007, le Hawaii peut, lui, s’enorgueillir d’une cinquantaine de saisons sur feu, une sorte de record.

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Extraordinaire photo du Hawaii Mars au décollage à Sproat Lake, précédé du S-76 « Firewatch » qui lui sert d’éclaireur. (Photo Dan Megna via Skies)

C’est pour cela que ces deux avions seront préservés dans des conditions qui restent à définir. Le Philippine a revêtu une livrée US Navy et devait être convoyé vers le Musée de Pensacola mais des complications techniques et politiques ont entraîné un report de l’opération. Les modalités de conservation du Hawaii n’ont pas encore été communiquées.

Le L-100 de Coulson, baptisé Thor, est entré en service à l’automne et il se trouve toujours en Australie, aux côtés du C-130H Hercules Tanker 131 de la même écurie, du DC-10 Tanker 910 et… du RJ85 Tanker 162 de Conair…

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Les deux C-130 Tanker de Coulson à l’œuvre en Australie cet hiver. (Photo via Coulson)

Cet été, ces avions seront en opérations dans l’ouest du continent Américain, de l’île de Vancouver jusqu’à San Diego !

La signature  de ce premier contrat avec une province canadienne permet aux RJ85 d’étendre encore leurs zones d’activité avec un troisième pays en plus des USA et de l’Australie. La Province ne cache pas que ce contrat doit permettre de procéder concrètement à une évaluation pratique de ce tout nouvel appareil.

aviationNews0216Conair est en train de convertir son sixième appareil de ce type, ce qui constitue  une preuve de plus que le quadriréacteur britannique est en train de se faire une place au sein des pompiers du ciel, ce qui n’avait rien d’évident au départ.

Vous pouvez retrouver un article que j’ai consacré à l’histoire de l’avènement de la famille BAe 146 convertie en bombardiers d’eau dans le numéro de février de la revue britannique Aviation News.

Qui recevra le prochain Walt Darran Award ?

Au cours de la conférence Aerial Fire Fighting 2016, organisée par Tangent Link, qui se tiendra le mois prochain à Sacramento, le troisième Walt Darran International Firefighting Award sera décerné à une personnalité ou une organisation qui aura œuvré significativement pour l’amélioration de la sûreté des opérations aériennes de lutte anti-incendie ou apporté sa contribution à en développer nettement l’efficacité.

Pour mémoire, le premier Walt Darran Award a été décerné un ancien enquêteur du NTSB, George Petterson, le deuxième au pompier français Philippe Bodino.

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A gauche, George Petterson, distingué à Sacramento en 2014. A droite, Philippe Bodino, entouré de Richard Alder, General Manager du National Aerial Firefighting Centre (NAFC) australien et de l’Amiral Terry Loughran, Président de Tangent Link, récompensé à Zadar en 2015.

L’organisateur de la conférence a ouvert les nominations. Les propositions peuvent être soumises en remplissant ce formulaire :

Walt Darran Award Nominee Form

La cérémonie de remise du prix aura lieu au cours du dîner de gala qui clôt la première journée de ces passionnantes conférences.

Cette récompense est remise en mémoire de Walter Darran, pilote du Cal Fire, décédé en 2013 et dont le parcours au sein des pompiers du ciel américains a été marqué par une dévotion particulière à la transmission du savoir et à l’amélioration des machines, des procédures et des conditions de travail de ces pilotes saisonniers.

 

Commandos du ciel, les pilotes de l’impossible

La guerre du Golfe en 1991 avait fait la démonstration du retard de l’armée française pour les opérations des forces spéciales. Il en a résulté la création d’un commandement spécialisé qui a donc entraîné l’émergence de nouveaux besoins aériens. Une escadrille dédiée est alors créé au sein de l’Escadron Poitou basé à Orléans-Bricy, l’Escadrille des Opérations Spéciale (EOS). Le rythme des opérations extérieures n’ayant jamais baissé depuis, la vocation de cette unité a entraîné l’affectation de tout l’escadron au soutien des forces spéciales et son rééquipement avec une flotte mixte de Transall, d’Hercules et de Twin Otter, désormais déployée un peu partout. (…)

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Traces de drames

Si l’observation des photos aériennes de Google Earth peut être un moyen simple de spotter sans sortir de chez soi et d’observer des avions rares et originaux, il est aussi possible de trouver les traces d’évènements plus tragiques, qui ont aussi marqué l’histoire de l’aviation. En voici deux exemples.

Au nord-est de Paris, à très exactement 38 km du parvis de Notre-Dame, près de Senlis, cette clairière d’environ 700 mètres de long n’a absolument rien de naturel.

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Il y a bientôt 42 ans, c’est là que le DC-10 TC-JAV de la Turkish Airlines a terminé son court vol quelques minutes après avoir décollé d’Orly en direction de Londres, le 3 mars 1974. A bord se trouvaient 346 personnes, passagers et membres d’équipage.

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Le TC-JAV de Turkish Airlines photographié à Londres l’année précédent le drame. (Photo : Clipperarctic)

L’histoire est connue. Sur ce type d’avion récemment entré en service, le verrouillage des portes de la soute et le système qui en permettait la vérification était très imparfait. Arrivé à une altitude où l’effet de la pressurisation de la cellule devenait sensible, environ 12 000 pieds (4000 mètres), la porte qui avait été mal fermée, ce qui n’avait pas été vérifié, a cédé. Une partie du plancher de l’avion s’est alors effondré, entraînant quelques malheureux dans une chute aussi soudaine qu’inexorable mais bloquant aussi les commandes de vol dont les tringleries passaient là. Un tout petit peu plus d’une minute plus tard, l’avion percuta le sol à très grande vitesse, à plus de 480 kt (860 km/h), légèrement incliné sur la gauche mais avec une assiette à piquer de seulement 4°.

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Le site du drame peu après l’accident. Cette photo démontre de façon incroyable la puissance de l’impact de l’avion. (Photo : Beutter/SIPA)

Un incident similaire était survenu à bord d’un avion d’American Airlines, alors au-dessus de Windsor dans l’Ontario deux ans plus tôt, mais l’effondrement du plancher n’avait pas coupé les commandes et l’équipage avait pu ramener l’avion au sol. Cet incident grave n’avait cependant pas donné lieu à une consigne de navigabilité qui aurait rendu des modifications du système de verrouillage et de sa vérification de la porte cargo obligatoire.

Douglas, à la suite du procès consécutif au drame, a été lourdement condamné. Dans la forêt d’Ermenonville, un monument a été érigé non loin du site exact du drame et les très nombreux promeneurs du secteur ont pris l’habitude de déposer les débris métalliques qu’ils retrouvent encore à son pied. Très visible depuis le ciel, cette clairière témoigne directement de ce terrible évènement qui était, à l’époque, la plus grave catastrophe de l’histoire de l’aviation commerciale.

Près d’Amsterdam, à exactement 12 kilomètres du seuil de piste 27 de Schiphol, près d’une barre d’immeuble alors en déconstruction, l’empreinte au sol d’un bâtiment similaire  est encore visible sur cette photo datant de 2004.

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Le 4 octobre 1992, le Boeing 747-200F immatriculé 4X-AXG appartenant à la branche cargo de la compagnie El Al, décolla de Schiphol, piste 01L (devenue depuis une 36L), à destination de Tel Aviv chargé de 114 tonnes de marchandises. Seulement quelques minutes après le décollage, alors que l’appareil atteignait 6500 pieds, le réacteur numéro 3 et son pylône se sont détaché de l’aile droite en percutant le réacteur numéro 4 au passage, qui, lui aussi, tomba dans le lac que l’appareil survolait alors. L’équipage réclama immédiatement l’autorisation de revenir se poser au plus vite sur l’aéroport. Après quelques tergiversations, l’avion fut autorisé à rejoindre la piste 27.

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le Boeing 747 4X-AXG en juin 1978. (Photo : Aero Icarus)

8 minutes après l’incident, et alors que le Boeing se trouve à une dizaine de km du but, et que l’équipage est en train de réduire la vitesse en vue de l’atterrissage, l’avion devint incontrôlable et tomba presque à la verticale, directement sur cet immeuble de 11 étages qu’il éventra.

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L’immeuble éventré par la chute du Boeing 747, quelques heures après le drame.

Outre l’équipage de quatre hommes, on releva 39 corps d’habitants de l’immeuble, 31 appartements ayant été dévastés par le crash.

La perte des deux réacteurs fut attribuée à la rupture de la fixation du pylône à l’aile du réacteur 3, un problème qui s’est produit à plusieurs reprises dans l’histoire du 747, notamment l’année précédente où un autre 747-200 cargo, appartenant à China Airlines, avait subit exactement le même problème avec le réacteur numéro 3 se détachant et percutant le numéro 4. Les conséquences furent les mêmes et l’avion s’écrasa, heureusement dans une zone inhabitée. En 1993, un 747-100 d’Evergreen perdit son réacteur numéro 2  au décollage d’Anchorage mais était parvenu à revenir se poser.

Amsterdam 2015

Le site du drame, tel qu’il se présente en juin 2015.

Trop endommagé, l’immeuble touché par le Boeing fut démoli et il n’en resta longtemps qu’une simple trace au sol. Au cours des années 2000, c’est la seconde barre de qui fut déconstruite et l’ensemble laissa la place à un lotissement moderne, faisant disparaître les derniers signes encore visibles de la chute du Boeing. Mais l’accident a laissé une marque profonde aux Pays-Bas par les fortes polémiques qu’il a entraîné, notamment sur la nature exacte de la cargaison de l’avion, sur le bilan précis du drame et sur la disparition d’une des deux boites noires.

L’urbanisme ne peut suffire à faire oublier cette sombre histoire.